Ghassan Salamé : « Des niveaux de barbarie inédits » dans le conflit israélo-palestinien

Le diplomate et ancien ministre libanais de la Culture Ghassan Salamé pose pour une séance photo au Palais Brongniart lors de la cinquième édition du Forum de Paris sur la paix, le 12 novembre 2022. (AFP)
Le diplomate et ancien ministre libanais de la Culture Ghassan Salamé pose pour une séance photo au Palais Brongniart lors de la cinquième édition du Forum de Paris sur la paix, le 12 novembre 2022. (AFP)
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Publié le Samedi 04 novembre 2023

Ghassan Salamé : « Des niveaux de barbarie inédits » dans le conflit israélo-palestinien

  • « Il y a des conflits auxquels ceux qui ne participent pas sont les seuls à sortir gagnants », martèle M. Salamé
  • Il a mis en lumière la fatigue et l'opposition des Libanais à être impliqués dans ce conflit en raison de la fragilité économique et politique de leur pays

PARIS: « Nous atteignons des niveaux de barbarie inédits dans ce conflit là », a déclaré Ghassan Salamé lors de l'émission Le grand entretien sur France Inter, le 3 novembre, exprimant son inquiétude face à l'intensité de la violence actuelle au Proche-Orient. Professeur émérite de relations internationales à Sciences Po Paris et ancien ministre libanais, M. Salamé a livré une analyse percutante sur le conflit en cours entre Israël et le Hamas.

Selon cet ancien envoyé spécial de l'ONU en Libye, cette guerre revêt une « charge symbolique planétaire ». Il souligne que le conflit dépasse les frontières régionales, touchant des communautés du monde entier. « Il y a à peu près 55 conflits actifs dans le monde et il n’y en a pas un qui ait la même charge symbolique que celui-ci, c’est un conflit qui intéresse d’abord les Israéliens et les Palestiniens mais également chaque juif même à Brooklyn et chaque musulman même à Kuala Lumpur et peut-être chaque chrétien même à Rome». M. Salamé a également abordé la complexité du conflit, notant que la frontière entre politique étrangère et politique intérieure est désormais floue, ce qui rend ce type de conflit non seulement difficile à supporter mais encore plus à gérer. 

« À chaque fois qu'il y a une confrontation entre l'Occident et le monde musulman, c'est généralement la Chine qui gagne », a-t-il précisé, mettant en exergue les implications géopolitiques de cette crise. « Il y a des conflits auxquels ceux qui ne participent pas sont les seuls à sortir gagnants » martèle-t-il. 

Interrogé sur l'efficacité des tournées au Proche-Orient d'Antony Blinken pour apaiser le conflit israélo-palestinien, M. Salamé a exprimé des réserves sur l'approche adoptée par le secrétaire d'État américain. Il a critiqué l'idée de séparer les civils palestiniens du Hamas en les déplaçant au Sinaï, relevant l'intégration profonde du Hamas dans la population civile. Il a rappelé que le Hamas est un parti politique qui a remporté les élections en 2006 et qu'il est ancré à Gaza depuis cinquante ans. M. Salamé a qualifié cette proposition de « folle » et a souligné que cela n'a pas pris en compte la réaction violente qu'elle aurait suscitée en Égypte et en Jordanie. Il a noté que les pays du Golfe se sont alignés sur la position de ces deux voisins immédiats d’Israël et ont également refusé cette idée. « Pas d’envoi provisoire. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a que le provisoire qui dure. Et les Libanais ont reçu les réfugiés palestiniens en 1948 provisoirement pour une semaine ou deux, ils y sont encore ! Donc personne n’a voulu jouer ce jeu et Blinken a perdu une semaine à vouloir vendre quelque chose qui n’était pas vendable », développe M. Salamé. 

Il a également mis en lumière la fatigue et l'opposition des Libanais à être impliqués dans ce conflit en raison de la fragilité économique et politique de leur pays. Il a décrit l'État libanais comme « un État failli », soulignant les défis auxquels le Liban est confronté actuellement. 

En ce qui concerne la deuxième tournée de Blinken, M. Salamé a expliqué qu'elle visait à inciter les Israéliens à exprimer des préoccupations humanitaires, en particulier après « les massacres » de Jabālīyah et de Brej. Il a également souligné l'importance d'encourager les Israéliens à réfléchir à l'après-conflit, un défi bien plus complexe.

Ali Baddou a donc demandé à quoi pourrait ressembler cette période post-conflit. M. Salamé a ainsi décrit un peuple palestinien fragmenté en cinq parties distinctes, réparties entre Gaza, la Cisjordanie, Israël proprement dit, les camps palestiniens en Jordanie, en Syrie et au Liban, ainsi que la diaspora. Selon lui, sans reconnaissance de leurs droits politiques, même la destruction du Hamas ne résoudrait pas les problèmes fondamentaux, et la région demeurerait instable.

M. Salamé conclut qu'au Moyen-Orient, « il n'y a pas de guerre à gagner, mais des solutions à trouver ». Cependant, il a noté le manque d'interlocuteurs fiables, signalant l'absence de représentation palestinienne due à l'hésitation à dialoguer avec le Hamas, la situation précaire de l'Autorité palestinienne et l'extrémisme du gouvernement actuel d'Israël dirigé par Netanyahou. Enfin, il a mentionné que le médiateur nécessaire, à savoir Joe Biden, est confronté à des contraintes politiques en raison des élections présidentielles imminentes. De plus, « Ça fait trois ans qu’il essaye de fuir cette partie du monde » selon M. Salamé. 

En conclusion, Ghassan Salamé a insisté sur la nécessité de reconstruire les acteurs impliqués dans le processus de paix avant de pouvoir envisager des avancées significatives dans la résolution de ce conflit complexe et hautement symbolique.


Syrie: Chareh lance un appel à l'unité un an après la chute d'Assad

Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile. (AFP)
Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile. (AFP)
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  • Après les prières du matin à mosquée des Omeyyades, il a salué "les sacrifices et l'héroïsme des combattants" ayant renversé il y a un an l'ex-dictateur Assad, selon un communiqué de la présidence
  • Ahmed al-Chareh, ancien jihadiste de 43 ans, était devenu dans la foulée chef d'Etat par intérim après 14 ans de guerre civile et plus de cinq décennies d'un régime familial à la main de fer

DAMAS: Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile.

"La phase actuelle exige que tous les citoyens unissent leurs efforts pour bâtir une Syrie forte, consolider sa stabilité, préserver sa souveraineté", a déclaré le dirigeant, endossant pour l'occasion l'uniforme militaire comme le 8 décembre 2024, quand il était entré dans Damas à la tête de forces rebelles.

Après les prières du matin à mosquée des Omeyyades, il a salué "les sacrifices et l'héroïsme des combattants" ayant renversé il y a un an l'ex-dictateur Assad, selon un communiqué de la présidence.

Ahmed al-Chareh, ancien jihadiste de 43 ans, était devenu dans la foulée chef d'Etat par intérim après 14 ans de guerre civile et plus de cinq décennies d'un régime familial à la main de fer.

Il a rompu avec son passé jihadiste et réhabilité la Syrie sur la scène internationale, obtenant la levée des sanctions internationales, mais reste confronté à d'importantes défis sécuritaires.

De sanglantes violences intercommunautaires dans les régions des minorités druze et alaouite, et de nombreuses opérations militaires du voisin israélien ont secoué la fragile transition.

"C'est l'occasion de reconstruire des communautés brisées et de panser des divisions profondes", a souligné dans un communiqué le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.

"L'occasion de forger une nation où chaque Syrien, indépendamment de son appartenance ethnique, de sa religion, de son sexe ou de son affiliation politique, peut vivre en sécurité, dans l'égalité et dans la dignité".

Les célébrations de l'offensive éclair, qui ont débuté fin novembre, doivent culminer lundi avec une parade militaire et un discours du président syrien.

Elles sont toutefois marquées par le boycott lancé samedi par un chef spirituel alaouite, Ghazal Ghazal. Depuis la destitution d'Assad, lui-même alaouite, cette minorité est la cible d'attaques.

L'administration kurde, qui contrôle une grande partie du nord et du nord-est de la Syrie, a également annoncé l'interdiction de rassemblements et événements publics dimanche et lundi "en raison de la situation sécuritaire actuelle et de l'activité accrue des cellules terroristes".

 


Liban: l'armée annonce six arrestations après une attaque visant des Casques bleus

Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre. (AFP)
Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre. (AFP)
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  • L'armée a souligné dans un communiqué qu'elle ne tolérerait aucune attaque contre la Finul mettant en avant son "rôle essentiel" dans le sud du Liban
  • "Les attaques contre les Casques bleus sont inacceptables", avait de fustigé vendredi la Finul, rappelant "aux autorités libanaises leur obligation d'assurer" sa sécurité

BEYROUTH: Six personnes ont été arrêtées au Liban, soupçonnées d'être impliquées dans une attaque d'une patrouille de Casques bleus jeudi dans le sud du pays, qui n'a pas fait de blessés, a annoncé l'armée libanaise samedi.

L'incident s'était produit jeudi soir, selon un communiqué de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) quand "des Casques bleus en patrouille ont été approchés par six hommes sur trois mobylettes près de Bint Jbeil". "Un homme a tiré environ trois coups de feu sur l'arrière du véhicule. Personne n'a été blessé".

L'armée a souligné dans un communiqué qu'elle ne tolérerait aucune attaque contre la Finul mettant en avant son "rôle essentiel" dans le sud du Liban, où, déployée depuis 1978, elle est désormais chargée de veiller au respect du cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à la dernière guerre entre Israël et le Hezbollah pro-iranien.

"Les attaques contre les Casques bleus sont inacceptables", avait de fustigé vendredi la Finul, rappelant "aux autorités libanaises leur obligation d'assurer" sa sécurité.

Bastion du Hezbollah, le sud du Liban subit ces dernières semaines des bombardements réguliers de la part d'Israël, qui assure viser des cibles du mouvement chiite et l'accuse d'y reconstituer ses infrastructures, en violation de l'accord de cessez-le-feu.

Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre.

Mercredi, le quartier général de la Finul a accueilli à Naqoura, près de la frontière avec Israël, de premières discussions directes, depuis des décennies, entre des responsables israélien et libanais, en présence de l'émissaire américaine pour le Proche-Orient Morgan Ortagus.

Le président libanais, Joseph Aoun, a annoncé de prochaines discussions à partir du 19 décembre, qualifiant de "positive" la réunion tenue dans le cadre du comité de surveillance du cessez-le-feu, disant que l'objectif était d'éloigner "le spectre d'une deuxième guerre" au Liban.


Les efforts pour panser les «profondes divisions» de la Syrie sont ardus mais «pas insurmontables», déclare Guterres

Des Syriens font la queue dans les rues de Damas en attendant un défilé de la nouvelle armée syrienne, pour marquer le premier anniversaire de l'éviction de Bashar Assad, le 8 décembre 2025. (AP)
Des Syriens font la queue dans les rues de Damas en attendant un défilé de la nouvelle armée syrienne, pour marquer le premier anniversaire de l'éviction de Bashar Assad, le 8 décembre 2025. (AP)
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  • Antonio Guterres salue "la fin d'un système de répression vieux de plusieurs décennies", "la résilience et le courage" des Syriens
  • La transition offre l'opportunité de "forger une nation où chaque Syrien peut vivre en sécurité, sur un pied d'égalité et dans la dignité"

NEW YORK : Les efforts pour guérir les "profondes divisions" de la Syrie seront longs et ardus mais les défis à venir ne sont "pas insurmontables", a déclaré dimanche le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, à l'occasion du premier anniversaire de la chute du régime Assad.

Une offensive surprise menée par une coalition de forces rebelles dirigées par Hayat Tahrir al-Sham et des milices alliées a rapidement balayé les zones tenues par le régime à la fin du mois de novembre 2024. En l'espace de quelques jours, elles se sont emparées de villes clés et ont finalement capturé la capitale Damas.

Le 8 décembre de l'année dernière, alors que les défenses du régime s'effondraient presque du jour au lendemain, le président de l'époque, Bachar Assad, a fui la République arabe syrienne, mettant fin à plus de 50 ans de règne brutal de sa famille.

"Aujourd'hui, un an s'est écoulé depuis la chute du gouvernement Assad et la fin d'un système de répression vieux de plusieurs décennies", a déclaré M. Guterres, saluant la "résilience et le courage" des Syriens "qui n'ont jamais cessé de nourrir l'espoir en dépit d'épreuves inimaginables".

Il a ajouté que cet anniversaire était à la fois un moment de réflexion sur les sacrifices consentis en vue d'un "changement historique" et un rappel du chemin difficile qui reste à parcourir pour le pays.

"Ce qui nous attend est bien plus qu'une transition politique ; c'est la chance de reconstruire des communautés brisées et de guérir de profondes divisions", a-t-il déclaré, ajoutant que la transition offre l'occasion de "forger une nation où chaque Syrien - indépendamment de son appartenance ethnique, de sa religion, de son sexe ou de son affiliation politique - peut vivre en sécurité, sur un pied d'égalité et dans la dignité".

M. Guterres a souligné que les Nations Unies continueraient à soutenir les Syriens dans la mise en place de nouvelles institutions politiques et civiques.

"Les défis sont importants, mais pas insurmontables", a-t-il déclaré. "L'année écoulée a montré qu'un changement significatif est possible lorsque les Syriens sont responsabilisés et soutenus dans la conduite de leur propre transition.

Il a ajouté que les communautés à travers le pays construisent de nouvelles structures de gouvernance et que "les femmes syriennes continuent de mener la charge pour leurs droits, la justice et l'égalité".

Bien que les besoins humanitaires restent "immenses", il a souligné les progrès réalisés dans la restauration des services, l'élargissement de l'accès à l'aide et la création de conditions propices au retour des réfugiés et des personnes déplacées.

Des efforts en matière de justice transitionnelle sont en cours, a-t-il ajouté, ainsi qu'un engagement civique plus large. M. Guterres a exhorté les gouvernements à soutenir fermement une "transition dirigée par les Syriens et prise en charge par les Syriens", précisant que le soutien doit inclure le respect de la souveraineté, la suppression des obstacles à la reconstruction et un financement solide pour le redressement humanitaire et économique.

"En ce jour anniversaire, nous sommes unis dans un même but : construire les fondations de la paix et de la prospérité et renouveler notre engagement en faveur d'une Syrie libre, souveraine, unie et ouverte à tous", a ajouté M. Guterres.