À Jénine, le ballet mortifère du raid israélien le plus sanglant depuis près de 20 ans

De jeunes Palestiniens brûlent des pneus lors d'affrontements avec les forces israéliennes dans la ville de Jénine en Cisjordanie occupée, le 9 novembre 2023 (Photo, AFP).
De jeunes Palestiniens brûlent des pneus lors d'affrontements avec les forces israéliennes dans la ville de Jénine en Cisjordanie occupée, le 9 novembre 2023 (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Vendredi 10 novembre 2023

À Jénine, le ballet mortifère du raid israélien le plus sanglant depuis près de 20 ans

  • La ville et son camp de réfugiés surpeuplé sont de longue date la colonne vertébrale de la «résistance» à l'occupation israélienne en Cisjordanie
  • Le ministère palestinien de la Santé a annoncé 14 morts en une journée de combats à Jénine

JENINE: Autour de pneus en feu encadrant un drapeau palestinien, de jeunes hommes tombent sous les balles des soldats israéliens: dans la remuante Jénine, au nord de la Cisjordanie occupée, le ballet mortifère n'en finit plus sur fond de guerre à Gaza.

La ville et son camp de réfugiés surpeuplé sont de longue date la colonne vertébrale de la "résistance" à l'occupation israélienne en Cisjordanie. Jeudi, ses rues ont résonné de dizaines d'explosions, dans un nuage de fumées noires et blanches mêlées, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Dans cette guérilla urbaine, des blindés israéliens sortent des rues, cueillis par des combattants palestiniens qui tirent au fusil d'assaut et lancent des bombes artisanales.

Quand un combattant palestinien, le visage cagoulé, est fauché, un de ses camarades s'empare de son arme et tente de viser les positions israéliennes.

«Scénario connu»

Le ministère palestinien de la Santé a annoncé 14 morts en une journée de combats à Jénine. C'est le raid israélien le plus meurtrier depuis longtemps, au moins depuis 2005 quand l'ONU a commencé à recenser les morts des incursions israéliennes en Cisjordanie.

Ailleurs dans ce territoire palestinien occupé depuis 56 ans par Israël, quatre autres Palestiniens ont été tués, portant à au moins 180 le nombre de morts palestiniens en Cisjordanie depuis le début de la guerre le 7 octobre entre le Hamas et Israël dans la bande de Gaza, contrôlée par le mouvement islamiste.

"C'est quotidien, c'est ça notre vie", raconte à l'AFP un ingénieur informatique qui refuse de donner son nom. "C'est un scénario connu, cette vie est désolante", poursuit-il, alors que de nouveaux coups de feu déclenchent la panique dans le groupe de badauds.

La guerre à Gaza a commencé avec les massacres du Hamas --1.400 morts en Israël, majoritairement des civils, selon les autorités israéliennes. Pour "anéantir" le Hamas, l'armée israélienne bombarde jour et nuit les 2,4 millions de Gazaouis et au moins 10.800 d'entre eux ont été tués, selon le ministère de la Santé du Hamas.

En Cisjordanie depuis un mois, les incursions israéliennes, les attaques de colons sur des villages palestiniens, les bouclages et les arrestations ne cessent d'augmenter.

Jeudi, l'armée israélienne a dit avoir arrêté 20 Palestiniens à Jénine, dont deux étaient selon elle des combattants du Jihad islamique, grand allié du Hamas aux côtés desquels il combat à Gaza.

Elle a dit avoir saisi des armes et détruit un "tunnel souterrain contenant des engins explosifs prêts à l'emploi".

«Le problème, c'est l'occupation»

Comme à Gaza où l'aviation israélienne largue des millions de tracts ordonnant aux civils à partir, la technique a été utilisée jeudi à Jénine pour tenter de vider un quartier de ses habitants, assure l'un d'eux.

Jusqu'à la tombée de la nuit, les tirs ont retenti, bloquant les enfants dans les écoles, la fumée a enveloppé la ville et le ballet des ambulances et des camions de pompiers n'a pas cessé.

Au pic de la violence, toutes les cinq minutes, une explosion secouait les rues du camp de réfugiés où s'entassent 23.000 habitants selon l'ONU qui le gère, entrecoupant le ronflement d'un drone survolant la ville.

"On se sent encore plus mal que vous ne pouvez l'imaginer", lance un dentiste de 42 ans, en pointant des soldats israéliens et en mimant un geste d'égorgement.

"Ils disent qu'à Gaza, le problème c'est le Hamas. Mais le problème, ce n'est pas le Hamas, c'est l'occupation", poursuit-il, tout en refusant lui aussi de donner son nom.

Les soldats israéliens, eux, progressent sur une avenue au bout de laquelle s'étalent les affiches à la gloire des "martyrs" des affrontements passés.

«Cette terre est à nous»

Des dizaines de badauds assistent aux affrontements, retranchés dans les rues adjacentes. Pendant les rares accalmies, ils sirotent des cafés. Et quand les combats repartent, ce sont eux qui dirigent les ambulanciers vers les blessés et les corps tombés au sol.

Deux hommes cagoulés, fusil à la main et chargeurs remplis à la ceinture, fendent la foule. L'un de leurs fusils arbore un autocollant: jaune et noir, c'est l'emblème du Jihad islamique, considéré comme "terroriste" par l'Union européenne et les Etats-Unis.

Un peu plus loin, comme un memento mori, un pick-up à la benne ouverte attend. Pour charger les blessés et les morts.

"Toutes les heures, on reçoit un corps", affirme à l'AFP l'ambulancier Mohammed al-Ahmed, 35 ans.

Dans une mosquée proche, Mohammed Aqel, veille le corps de son neveu. "Cette terre est à nous, elle est sacrée pour tous les musulmans et c'est leur devoir de la défendre", dit ce Palestinien de 45 ans.


Liban: quatre morts dans un raid israélien, riposte du Hezbollah et des factions alliées

Cette photo prise depuis le kibboutz de Malkia, au nord d'Israël, le long de la frontière avec le sud du Liban, montre de la fumée s'échappant du village libanais de Mays al-Jabal lors des bombardements israéliens le 5 mai 2024 (Photo, AFP).
Cette photo prise depuis le kibboutz de Malkia, au nord d'Israël, le long de la frontière avec le sud du Liban, montre de la fumée s'échappant du village libanais de Mays al-Jabal lors des bombardements israéliens le 5 mai 2024 (Photo, AFP).
Short Url
  • Les blessés ont été transportés vers des hôpitaux de la région
  • En près de sept mois de violences transfrontalières, au moins 389 personnes parmi lesquelles 255 combattants du Hezbollah et plus de 70 civils ont été tuées au Liban

BEYROUTH: «Quatre personnes d'une même famille» ont été tuées dans un «raid de l'armée israélienne» sur le village de Mays al-Jabal, a déclaré l'agence officielle d'information libanaise (ANI), actualisant un précédent bilan faisant état de trois victimes.

Il s'agit d'un homme, d'une femme et de leurs enfants âgés de 12 et 21 ans, d'après l'ANI, qui a précisé que deux autres personnes ont été blessées.

Depuis le début de la guerre à Gaza, le Hezbollah libanais, un allié du Hamas palestinien, échange quasi-quotidiennement avec l'armée israélienne des tirs à la frontière libano-israélienne. Des factions palestiniennes et autres groupes alliés ont aussi revendiqué des attaques depuis le Liban contre Israël.

Blessés transportés 

Selon ANI, des habitants du village inspectaient leurs maisons et magasins endommagés dans de précédents bombardements au moment du raid.

Les blessés ont été transportés vers des hôpitaux de la région.

Samedi soir, le Hezbollah a revendiqué des tirs sur des positions militaires dans le nord d'Israël.

Le Hezbollah a déclaré dans un communiqué avoir tiré « des dizaines de roquettes de types Katioucha et Falaq » sur Kiryat Shmona, dans le nord d'Israël, «en réponse au crime horrible que l'ennemi israélien a commis à Mays al-Jabal », qui, selon lui, a tué et blessé des civils.

En près de sept mois de violences transfrontalières, au moins 389 personnes parmi lesquelles 255 combattants du Hezbollah et plus de 70 civils ont été tuées au Liban, selon un décompte de l'AFP. Au moins 11 combattants du Hamas ont été tués selon ce même décompte.

Côté israélien, 11 soldats et neuf civils ont été tués, selon un bilan officiel.


Le forum de Riyad examine le rôle de la traduction dans la promotion de l'identité saoudienne

L'Université Princesse Noura bent Abdelrahman accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ». (SPA)
L'Université Princesse Noura bent Abdelrahman accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ». (SPA)
Short Url
  • La conférence vise à contribuer à un objectif clé de la Vision 2030 du Royaume, à savoir la promotion des valeurs islamiques et de l'identité nationale, en encourageant les Saoudiens à traduire ces concepts dans d'autres langues et cultures
  • Le rôle de la traduction dans la promotion d'une image positive du Royaume sera également discuté, ainsi que la promotion de la reconnaissance internationale et la mise en évidence de l'impact culturel du Royaume

RIYAD : Le Collège des langues de l'Université Princesse Noura bent Abdelrahman de Riyad accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ».

L'événement, dont le slogan est « Nous traduisons notre identité », aura lieu au département des conférences et des séminaires et est parrainé par le ministre saoudien de l'Éducation, Yousef Al-Benyan.

Il se concentrera sur le partage du patrimoine culturel, historique, littéraire et intellectuel du Royaume avec un public mondial, a rapporté l'agence de presse saoudienne.


L'interminable attente des proches de jeunes migrants tunisiens perdus en mer

El Hencha fait actuellement face à un exode de jeunes en quête de mieux comme en Europe. (X : @ClimateActionG1)
El Hencha fait actuellement face à un exode de jeunes en quête de mieux comme en Europe. (X : @ClimateActionG1)
Short Url
  • Les occupants du bateau étaient surtout des jeunes de 17 à 30 ans, originaires d'El Hencha, bourgade agricole de 6.000 habitants
  • Inès Lafi n'avait aucune idée des intentions de son frère Mohamed, presque 30 ans

EL HENCHA: La plupart avaient gardé le secret: une quarantaine de migrants tunisiens, très jeunes, ont embarqué clandestinement en janvier en quête du "paradis européen" et depuis plus de quatre mois, leurs proches désespèrent de recevoir des nouvelles des disparus.

Ils sont partis vraisemblablement de Sfax (centre), épicentre en Tunisie de l'émigration irrégulière vers l'Italie, la nuit du 10 au 11 janvier sur une mer démontée, selon les familles.

Les occupants du bateau étaient surtout des jeunes de 17 à 30 ans, originaires d'El Hencha, bourgade agricole de 6.000 habitants à 40 kilomètres au nord de Sfax. Une mère et son bébé de quatre mois étaient aussi du voyage.

Inès Lafi n'avait aucune idée des intentions de son frère Mohamed, presque 30 ans, qui gagnait sa vie en conduisant la camionnette familiale de "louage" (taxi collectif).

"Il est sorti vers 22H00 avec son téléphone, sans rien dire à mes parents, sans vêtements de rechange ni sac, comme s'il allait retrouver ses amis", raconte à l'AFP cette ouvrière de 42 ans, qui souffre d'insomnies depuis.

Yousri, 22 ans, est aussi parti en cachette. "La majorité des jeunes n'ont pas informé leur famille, ils se sont débrouillés pour avoir un peu d'argent", confirme M. Henchi, son oncle instituteur.

Meftah Jalloul, poissonnier de 62 ans, savait lui "depuis un certain temps" que son fils Mohamed, 17 ans, "voulait migrer en Europe" et le lui avait déconseillé "mais c'est devenu une idée fixe".

La nuit fatidique, il a tenté d'empêcher son unique garçon de sortir, l'implorant d'attendre une meilleure météo, mais "il m'a embrassé sur la tête et il est parti", relate M. Jalloul.

«Désespérance»

Le commerçant culpabilise: "chaque jour, il créait des problèmes à la maison, il voulait de l'argent pour migrer. C'est moi qui lui ai donné l'argent, donc je suis responsable".

Les Tunisiens ont représenté la deuxième nationalité des migrants illégaux arrivés en Italie (17.304) en 2023, après les Guinéens, selon des statistiques officielles.

"Cette immigration irrégulière ne s'explique pas seulement par des motifs économiques et sociaux", analyse Romdhane Ben Amor, porte-parole de l'ONG FTDES. Il y a aussi "le facteur politique (le coup de force du président Kais Saied à l'été 2021, NDLR) et le sentiment de désespérance des Tunisiens qui ne croient pas dans l'avenir du pays".

Les disparus d'El Hencha, issus de la classe moyenne, pas particulièrement pauvres, partageaient cette "sensation d'horizon bouché".

Le frère d'Inès avait un travail mais "avec 20 dinars par jour (trois euros environ), une fois payé ses cigarettes, il disait qu'il ne pouvait pas faire de projets, ni construire une maison, ni se marier".

Mohamed l'instituteur pointe du doigt "les jeunes déjà en Italie qui publient sur les réseaux sociaux (...) leur quotidien". Les autres "voient ça et veulent changer leur avenir. Ils imaginent l'Europe comme un paradis", souligne-t-il. C'était, pense-t-il, le cas de Yousri qui travaillait dans un café internet pour 10/15 dinars par jour après avoir quitté le lycée avant le bac.

Meftah Jalloul était lui d'accord pour que son fils, également décrocheur scolaire, émigre, mais légalement et seulement après avoir fait une formation. "Il pouvait apprendre un métier: plombier, menuisier, mécanicien", souligne le père de famille.

Aujourd'hui, M. Jalloul lutte pour garder espoir.

«Temps très mauvais»

"Quatre mois se sont écoulés et je pleure mon fils. Ma famille et moi, nous sommes épuisés", dit-il en fondant en larmes.

Lui et d'autres familles se raccrochent à l'idée que l'embarcation aurait pu dériver vers la Libye voisine. Des contacts ont été pris, des recherches menées, en vain.

Inès Lafi et Mohamed Henchi redoutent le pire. Plus de 1.300 migrants sont morts ou ont disparu dans des naufrages l'an passé près des côtes tunisiennes, selon le FTDES.

"Le temps était très mauvais. Même les pêcheurs qui connaissent la mer sont rentrés, lui est sorti", explique Inès, furieuse contre le passeur, connu de tous pour son activité clandestine, qui n'est pas non plus revenu de cette dernière traversée.

Aux autorités, les familles demandent la poursuite des recherches et davantage d'opportunités à El Hencha.

"Il faut enrichir la zone industrielle avec d'autres unités de production, fournir des emplois aux jeunes", estime M. Henchi.

Il faudrait aussi, dit l'instituteur, "construire un état d'esprit différent" avec des programmes éducatifs pour donner envie de bâtir son avenir en Tunisie. Sinon les jeunes "se contentent d'un tour au café, d'un peu de ping-pong ou volley-ball".