Le projet de loi immigration à l'Assemblée, avec un premier test d'emblée pour l'exécutif

Après des mois de rebondissements, le très controversé projet de loi immigration, emblématique des difficultés d'un gouvernement sans majorité absolu, arrive dans l'hémicycle de l'Assemblée. (AFP)
Après des mois de rebondissements, le très controversé projet de loi immigration, emblématique des difficultés d'un gouvernement sans majorité absolu, arrive dans l'hémicycle de l'Assemblée. (AFP)
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Publié le Lundi 11 décembre 2023

Le projet de loi immigration à l'Assemblée, avec un premier test d'emblée pour l'exécutif

  • «Si les LR demain ne votent pas le texte, qui permet d'expulser 4 000 étrangers délinquants par an, que vont-ils dire à leurs électeurs ?», a lancé M. Darmanin
  • «Cette loi crée une nouvelle filière d'immigration» avec les régularisations facilitées de travailleurs dans des métiers en tension, a résumé Marine Le Pen

PARIS: Après des mois de rebondissements, le très controversé projet de loi immigration, emblématique des difficultés d'un gouvernement sans majorité absolu, arrive dans l'hémicycle de l'Assemblée, mais il est immédiatement menacé par une motion de rejet qui pourrait interrompre son examen dès ce lundi.

A 16H00, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, qui s'est fortement engagé sur ce projet de loi marqueur du second quinquennat d'Emmanuel Macron, défendra ce texte visant, selon sa formule, à faciliter l'expulsion "de ceux qui se comportent mal" et l'intégration "de ceux qui se comportent bien".

Mais dans la foulée, le projet de loi sera soumis à un premier crash test, le vote d'une motion de rejet préalable déposée par les écologistes.

Si gauche, droite et Rassemblement national (RN) faisaient bloc autour de cette motion, celle-ci pourrait être adoptée et interrompre d'emblée l'examen du projet de loi, et des plus de 2.600 amendements qui doivent être discutés sur deux semaines, week-end compris.

La navette parlementaire devrait alors se poursuivre sur la base du texte du Sénat, nettement plus à droite que celui réécrit par les députés en commission.

Ce serait un coup de théâtre dont LR et le RN entendent entretenir le suspense, jusque quasiment l'ouverture de la séance.

"Il y a des arguments pour et des arguments contre. L'argument contre, c'est qu'évidemment nous souhaitons débattre parce que M. Darmanin dit tout et l'inverse. Le pour, c'est que nous sommes opposés frontalement à cette loi qui crée une nouvelle filière d'immigration" avec les régularisations facilitées de travailleurs dans des métiers en tension (restauration, BTP, etc), a résumé dimanche Marine Le Pen, forte d'un groupe de 88 députés.

Pour le patron des LR Eric Ciotti, l'adoption de cette motion "aboutirait à débattre à nouveau sur le texte du Sénat", le "seul" qui "convient". Mais certains députés LR sont réticents, en particulier parmi les 17 signataires (sur 62) qui se disaient prêts fin novembre dans une tribune à discuter avec le gouvernement.

"Arithmétiquement, il y a plus d'opposants que de majorité, puisqu'on a une majorité relative", a reconnu dimanche Gérald Darmanin.

Mais "ce serait étonnant, sur un texte qui intéresse tout le monde, que les députés qui représentent les Français, ne veuillent pas discuter", a-t-il relativisé.

Loi immigration : débats chauds et nouvelles retouches attendus dans l'hémicycle

Regroupement familial, régularisations, quotas... Le tir à la corde autour du projet de loi immigration va continuer lundi dans l'hémicycle, entre une droite échaudée, un camp présidentiel imparfaitement aligné, et une gauche qui espère quelques victoires.

"Il faut qu'à la fin, chacun puisse dire: j'ai gagné quelque chose", résume un conseiller gouvernemental qui espère avant tout des voix de la droite.

Régularisations : la quadrature

Mesure emblématique du projet de loi, la régularisation des travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension va faire l'objet d'une bataille d'amendements dans l'hémicycle.

Modifié par les députés en commission, le très commenté article "4 bis" propose désormais un principe de régularisation sous conditions, mais auquel le préfet pourrait s'opposer en cas de menace à l'ordre public, non-respect des valeurs de la République ou de polygamie.

Insuffisant pour les députés Les Républicains et le Rassemblement national qui veulent supprimer le dispositif, en criant à l'"appel d'air" migratoire.

A gauche, Insoumis et communistes plaident aussi pour la suppression de l'article 4 bis, mais parce qu'il ne va pas assez loin à leurs yeux. Socialistes, écologistes et communistes voudraient élargir la mesure de régularisation au-delà des métiers en tension.

Pour tendre la main à la droite, les rapporteurs du texte vont suggérer de conditionner l'accès à la procédure de régularisation à un casier judiciaire vierge.

L'expérimentation de ces régularisations est censée prendre fin en 2028, une date qui ne convient ni à la droite, ni à Horizons dans la majorité, qui veut revenir à la version du Sénat fin 2026.

La philosophie des «quotas»

Un article introduit par le Sénat prévoyait que le Parlement décide de quotas migratoires à imposer au gouvernement. Invoquant une inconstitutionnalité, la commission à l'Assemblée a renversé la mesure : le gouvernement doit présenter chaque année des objectifs pluriannuels non contraignants qui "peuvent faire" l'objet d'un débat au Parlement.

La droite proposera de rendre ces débats obligatoires, espérant ainsi donner plus de poids au Parlement.

A l'opposé les écologistes, insoumis et communistes veulent supprimer l'article, car ils y voient un premier pas vers une véritable politique des "quotas".

La bataille du regroupement familial

Les conditions du regroupement familial vont donner lieu à une nouvelle bataille, marquée par des divergences au sein même de la majorité. Une partie de l'aile gauche de Renaissance, autour de Stella Dupont, conteste le durcissement de la procédure.

A l'inverse, les députés Horizons voudraient reprendre la version de la droite sénatoriale. Ils plaident pour qu'un étranger résidant en France, qui demande un regroupement familial, ait au moins 21 ans (plutôt que 18 ans) et soit sur le territoire français depuis au moins 24 mois (plutôt que 18).

Le MoDem souhaite de son côté que celui qui réclame le regroupement familial ait un casier judiciaire vierge et dispose d'une connaissance du français lui permettant de communiquer au moins de "façon élémentaire".

En commission, les députés ont par ailleurs adopté des règles plus strictes de regroupement familial à Mayotte, qui pourraient faire débat, notamment pour des raisons constitutionnelles.

Titre étranger malade et tarification sociale

Comme la gauche, des élus MoDem et Renaissance, dont le président de la Commission des Lois Sacha Houlié, s'opposent au renforcement des conditions d'accès au titre de séjour dit "étranger malade". Le Sénat voudrait limiter ce titre à l'absence de traitement similaire dans le pays d'origine et à l'engagement du "pronostic vital de l'étranger" ou à "l'altération significative de l’une de ses fonctions importantes".

Le MoDem proposera par ailleurs de supprimer l'article qui exclut les étrangers de la tarification sociale dans les transports, que le rapporteur général Renaissance Florent Boudié compte pourtant conserver et réécrire.

Autre divergence dans la majorité, le groupe Horizons voudrait rétablir un délit de séjour irrégulier (une amende de 3.750 euros) instauré au Sénat et supprimé en commission des Lois à l'Assemblée.

Une proposition également réclamée par la droite et sur laquelle le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin s'est montré ouvert.

Contre l'avis de la droite en revanche, l'interdiction d'enfermer des mineurs dans les centres de rétention administratifs (CRA) pourrait être étendue aux adultes les accompagnant.

Main tendue à LR

Une manière de prendre l'opinion à témoin et de mettre la pression sur les LR.

"Si les LR demain ne votent pas le texte, qui permet d'expulser 4.000 étrangers délinquants par an, que vont-ils dire à leurs électeurs ?", a lancé M. Darmanin qui appelle Eric Ciotti "à trouver un compromis sur un texte soutenu par 80% des Français".

M. Darmanin, sur ce point en accord avec Elisabeth Borne, martèle ne pas vouloir recourir au 49.3, à la différence de la loi sur les retraites.

A cette fin, il entend "tendre la main" aux LR sur le délit de séjour irrégulier ou l'encadrement des régularisations.

Il pourra s'appuyer au sein du camp présidentiel sur les députés du parti Horizons d'Edouard Philippe qui a proposé dimanche de limiter par "des quotas" les régularisations possibles.

Mais cette main tendue d'un seul côté de l'échiquier risque d'irriter l'aile gauche de la macronie qui a aussi "ses lignes rouges", a rappelé dimanche dans les Echos son porte-voix, le président de la commission des Lois Sacha Houlié.

"Il serait irresponsable d'aller au-delà de notre ADN politique (...) L'adoption du texte ne peut se faire au prix d'une division de la majorité", a-t-il prévenu, rappelant son opposition au délit de séjour irrégulier.

M. Houlié a aussi lancé un appel à la gauche "qui n'a jamais obtenu autant d'avancées" sur les régularisations ou la fin de la présence des mineurs dans les lieux de rétention.

Cela parait cependant exclu. Au contraire même, alors que la Nupes a implosé suite au refus de Jean-Luc Mélenchon de qualifier le Hamas de terrosiste, députés LFI, communistes, socialistes et écologistes veulent montrer qu'ils peuvent se retrouver sur une "cause commune".


Proportionnelle: Bayrou consulte mais les avis divergent

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  • Le Premier ministre recevra chacun des chefs de partis et des présidents de groupes parlementaires représentés à l'Assemblée nationale, suivant un ordre lié à leur importance numérique
  • François Bayrou défend un scrutin à la proportionnelle intégrale, dans tous les départements, pour les élections législatives, alors que depuis l'instauration de la Ve République, les députés sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours

PARIS: François Bayrou entame mercredi avec le Rassemblement national une série de consultations des forces politiques sur la proportionnelle, que lui-même réclame depuis longtemps mais sur laquelle les désaccords restent nombreux.

Le Premier ministre recevra chacun des chefs de partis et des présidents de groupes parlementaires représentés à l'Assemblée nationale, suivant un ordre lié à leur importance numérique.

La cheffe de file des députés RN Marine Le Pen, qui forment le groupe le plus important à l'Assemblée, et le président du parti à la flamme Jordan Bardella seront ainsi reçus en premier à 10H00.

Suivra un entretien jeudi 1er mai à 17H00 avec le président du groupe macroniste et du parti Renaissance Gabriel Attal. Il sera accompagné par le député Pierre Cazeneuve, qui a mené une analyse comparative des différents modes de scrutin.

François Bayrou défend un scrutin à la proportionnelle intégrale, dans tous les départements, pour les élections législatives, alors que depuis l'instauration de la Ve République - à l'exception des législatives de 1986 -, les députés sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours.

Le RN réclame lui aussi la proportionnelle, mais avec une prime majoritaire pour la liste arrivée en tête. "La tripolarisation de la vie politique entraîne une absence de majorité", a soutenu mardi Mme Le Pen, qui "n'imagine pas que le Premier ministre (...) puisse reculer sur ce sujet".

"Moins pire" 

En discutant de cette revendication commune avec le RN, François Bayrou espère sans doute faire baisser la tension avec l'extrême droite, qui fait planer la menace d'une motion de censure contre son gouvernement.

Le RN dénonce l'absence de perspectives législatives sur la proportionnelle, sur l'immigration ainsi que sur la feuille de route énergétique (programmation pluriannuelle de l'énergie, PPE). François Bayrou l'a à cet égard ménagé lundi en reportant la date de publication d'un décret sur la PPE.

Mais le Premier ministre n'est pas assuré d'avoir cette fois le soutien des macronistes, traversés par moult "interrogations", selon Pierre Cazeneuve.

En 2018, le président Emmanuel Macron avait souhaité l'instauration d'un système mixte avec 15% des députés élus à la proportionnelle, puis la réforme avait été abandonnée.

Or les députés Renaissance considèrent désormais que le mode de scrutin actuel est "le moins pire", car la "distorsion" entre le nombre de voix et le nombre de députés "n'existe plus" dans l'Assemblée actuelle, et ce changement n'est "pas forcément une priorité" pour les Français au vu du nouveau contexte international, a expliqué M. Cazeneuve lors d'un point presse.

Cumul des mandats 

Gabriel Attal et Pierre Cazeneuve entendent jeudi élargir le débat à la question de "l'efficacité de l'action publique", en reparlant de la réduction du nombre de parlementaires et de la "simplification du millefeuille administratif".

Mais ils jugent "délétère" de proposer la proportionnelle en échange du cumul des mandats, soutenu avec force par François Bayrou.

Le président du parti Horizons Edouard Philippe défend pour sa part le scrutin majoritaire, qui "impose un lien entre un député et les électeurs d'un territoire". Il pourrait soutenir la proportionnelle "si était rétablie la possibilité de cumuler un mandat exécutif local et le mandat parlementaire".

Les indépendants du groupe Liot sont "plutôt largement très défavorables" à réformer le mode de scrutin, selon son président Laurent Panifous.

A droite, Les Républicains (LR) y sont fermement opposés, comme l'a rappelé Laurent Wauquiez.

"La proportionnelle aboutira à ce qu'on va institutionnaliser le chaos politique qu'on connaît en ce moment", a tonné le patron de la droite dimanche, avant de critiquer mardi la "hiérarchie des priorités" du gouvernement dans un pays "qui est ruiné" et "où il y a une telle explosion de l'insécurité et de l'immigration", au vu des "menaces" sur le plan international.

Le gouvernement souhaite pouvoir légiférer à ce sujet "avant la fin de la session parlementaire si le débat est mûr", a précisé mercredi sa porte-parole LR Sophie Primas.

D'autres partis, notamment à gauche, souhaitent une évolution du mode de scrutin.

Mais le PS est divisé. L'ancien président François Hollande est pour, tandis que son Premier secrétaire Olivier Faure est contre à titre personnel.

Le député PS Emmanuel Grégoire a rappelé mardi que "derrière ce mot un peu vague de proportionnelle, se cache une subtilité immense, immense, de déclinaisons pratiques".


Assemblée: la gauche s'insurge contre le refus d'une minute de silence pour la victime de la mosquée du Gard

La députée de La France Insoumise - Nouveau Front Populaire et présidente de la commission parlementaire des affaires économiques, Aurélie Trouve, s'exprime lors d'une déclaration du gouvernement et d'un débat parlementaire sur la souveraineté énergétique de la France à l'Assemblée nationale française, à Paris, le 28 avril 2025. (AFP)
La députée de La France Insoumise - Nouveau Front Populaire et présidente de la commission parlementaire des affaires économiques, Aurélie Trouve, s'exprime lors d'une déclaration du gouvernement et d'un débat parlementaire sur la souveraineté énergétique de la France à l'Assemblée nationale française, à Paris, le 28 avril 2025. (AFP)
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  • La gauche s'est insurgée mardi contre l'absence de minute de silence à l'Assemblée nationale en hommage à Aboubakar Cissé, tué de plusieurs dizaines de coups de couteau vendredi dans une mosquée du Gard
  • Le parti de gauche a annoncé avoir essuyé un refus de Mme Braun-Pivet au motif qu'il "n'y a pas de minute de silence pour des cas individuels", a rapporté Aurélie Trouvé, députée LFI

PARIS: La gauche s'est insurgée mardi contre l'absence de minute de silence à l'Assemblée nationale en hommage à Aboubakar Cissé, tué de plusieurs dizaines de coups de couteau vendredi dans une mosquée du Gard.

La France insoumise, qui appelle à une "mobilisation nationale contre l'islamophobie" le dimanche 11 mai, a demandé à la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, qu'une minute de silence soit observée mardi en ouverture de la séance des questions au gouvernement.

Le parti de gauche a toutefois annoncé avoir essuyé un refus de Mme Braun-Pivet au motif qu'il "n'y a pas de minute de silence pour des cas individuels", a rapporté Aurélie Trouvé, députée LFI (Seine-Saint-Denis).

La question a été soulevée en conférence des présidents, mais n'a pas recueilli de majorité de voix selon une source parlementaire, qui souligne que cette instance a décidé fin janvier "de ne plus faire de minutes de silence pour des cas individuels".

"On n'est pas sur un cas individuel, on est sur un meurtre islamophobe, sur un climat islamophobe dans le pays, et ne pas rendre hommage à Aboubakar Cissé est une très grave faute politique", a déploré le député LFI Thomas Portes.

Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, s'est dit sur X "scandalisé par le refus de Yaël Braun-Pivet d'accorder une minute de silence en hommage à Aboubakar Cissé". "Cet hommage républicain doit être rendu dans l'hémicycle", a abondé sur le même réseau social le patron des députés PS Boris Vallaud.

Benjamin Lucas, porte-parole du groupe écologiste, a lui-aussi regretté l'absence de cette minute de silence qui "aurait été un bon signal" envers "nos compatriotes musulmans qui sont insultés, injuriés en permanence".

Une décision également "vivement regrettée" par Stéphane Peu, chef du groupe communiste à l'Assemblée nationale. Son groupe posera mardi après-midi une question au gouvernement sur le meurtre d'Aboubakar Cissé.

Réunis autour de membres de la famille d'Aboubakar Cissé, mardi à l'Assemblée nationale, plusieurs leaders de gauche dont Olivier Faure et l'écologiste Marine Tondelier, ont insisté pour que cette minute de silence puisse avoir lieu.


Le procès d'un ex-rebelle syrien pour complicité de crimes de guerre s'est ouvert à Paris

Il s'agit du deuxième procès qui se tient en France concernant les crimes commis en Syrie, après un premier tenu par défaut en mai 2024 visant de hauts dignitaires du régime syrien, condamnés pour la disparition forcée et la mort de deux Franco-Syriens. (AFP)
Il s'agit du deuxième procès qui se tient en France concernant les crimes commis en Syrie, après un premier tenu par défaut en mai 2024 visant de hauts dignitaires du régime syrien, condamnés pour la disparition forcée et la mort de deux Franco-Syriens. (AFP)
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  • Cet ancien membre de Jaysh al-Islam (JAI, Armée de l'islam), âgé aujourd'hui de 36 ans, conteste les accusations, affirmant n'avoir eu qu'un "rôle limité" dans ce groupe prônant la charia et qui combattait le régime syrien
  • Placé en détention provisoire depuis janvier 2020, il comparaît pour complicité de crimes de guerre et entente en vue de la préparation de crimes de guerre. Il est notamment soupçonné d'avoir aidé à enrôler des enfants ou des adolescents

PARIS: Le procès d'un ex-rebelle salafiste, Majdi Nema, pour complicité de crimes de guerre commis entre 2013 et 2016 en Syrie, s'est ouvert mardi devant la cour d'assises de Paris, qui peut le juger en vertu du principe de la compétence universelle de la justice française.

Cet ancien membre de Jaysh al-Islam (JAI, Armée de l'islam), âgé aujourd'hui de 36 ans, conteste les accusations, affirmant n'avoir eu qu'un "rôle limité" dans ce groupe prônant la charia et qui combattait le régime syrien.

Placé en détention provisoire depuis janvier 2020, il comparaît pour complicité de crimes de guerre et entente en vue de la préparation de crimes de guerre. Il est notamment soupçonné d'avoir aidé à enrôler des enfants ou des adolescents dans les rangs des "Lionceaux de l'islam" et à les former à l'action armée.

Pour ces faits, il encourt 20 ans de réclusion criminelle.

Echanges tendus 

Avant même l'ouverture des débats, les échanges ont été tendus entre les avocats de la défense, Mes Romain Ruiz et Raphaël Kempf, et le président de la cour d'assises, Jean-Marc Lavergne, ce dernier ayant refusé que l'accusé s'exprime en anglais, et exigé qu'il s'exprime dans sa langue maternelle, l'arabe.

Une injonction ignorée par Majdi Nema. Appelé à décliner son identité, l'accusé à la forte corpulence et aux rares cheveux coiffés en catogan, a répondu en anglais. "Il n'y a aucune preuve des faits qu'on me reproche", a-t-il déclaré d'emblée, qualifiant l'affaire de "purement politique".

Il s'agit du deuxième procès qui se tient en France concernant les crimes commis en Syrie, après un premier tenu par défaut en mai 2024 visant de hauts dignitaires du régime syrien, condamnés pour la disparition forcée et la mort de deux Franco-Syriens.

Ex-officier de l'armée syrienne, Majdi Nema avait fait défection en novembre 2012 pour rejoindre Zahran Alloush, fondateur et commandant en chef de Liwa al-Islam, devenu JAI en 2013. Ce groupe avait pris dès 2011 le contrôle de la Ghouta orientale, au nord-est de Damas, et est aujourd'hui soupçonné d'être impliqué dans la commission de crimes de guerre commis notamment au préjudice de la population civile.

Connu sous le nom de guerre d'Islam Alloush, il affirme avoir quitté la Ghouta orientale fin mai 2013 pour rejoindre la Turquie, d'où il agissait comme porte-parole de JAI, ce qui prouverait qu'il n'a pu commettre les crimes reprochés. Il dit avoir quitté le groupe en 2016.

En novembre 2019, il était arrivé en France pour suivre comme étudiant un cycle de conférences à l'Institut de recherche sur le monde arabe et musulman de l'université Aix-Marseille.

Compétence contestée 

Alors qu'une plainte avait été déposée en France contre JAI quelques mois auparavant, il avait été interpellé en janvier 2020 et mis en examen par un juge du pôle crimes contre l'humanité du tribunal de Paris.

Au terme de la procédure, il avait aussi été renvoyé devant les assises pour complicité de disparitions forcées. Il était mis en cause, en tant que membre de JAI, dans l'enlèvement le 9 décembre 2013 de quatre militants des droits humains, dont l'avocate et journaliste syrienne Razan Zeitouneh, jamais retrouvés.

Mais la cour d'appel de Paris a annulé ces poursuites en novembre 2023 pour des raisons procédurales, même si elle affirmait dans son arrêt que "Jaysh al-Islam doit être considéré comme responsable de la disparition" des quatre activistes. Ce qui avait été ensuite validé par la Cour de cassation.

Pendant l'instruction, la défense de Majdi Nema a contesté le principe de la compétence universelle de la justice française, qui lui permet de juger un étranger pour des crimes contre l'humanité ou des crimes de guerre commis à l'étranger contre des étrangers, mais la Cour de cassation a rejeté son pourvoi.

Avant le procès, les avocats de l'accusé ont souligné que la chute en décembre 2024 du régime de Bachar al-Assad ouvrait de nouvelles perspectives et posait la "question de la légitimité" de ce procès.

Pour Me Marc Bailly, avocat de plusieurs parties civiles dans ce dossier, "en l'état actuel, il est impossible de faire un procès en Syrie pour ces crimes".

Verdict prévu le 27 mai.