La Turquie d’Erdogan en 2020: quand l'expansionnisme provocateur finit en isolement

À force de créer des crises récurrentes avec ses partenaires occidentaux et des tensions avec ses voisins régionaux, le président Erdogan se trouve de plus en plus isolé sur la scène internationale (Photo, AFP).
À force de créer des crises récurrentes avec ses partenaires occidentaux et des tensions avec ses voisins régionaux, le président Erdogan se trouve de plus en plus isolé sur la scène internationale (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 29 décembre 2020

La Turquie d’Erdogan en 2020: quand l'expansionnisme provocateur finit en isolement

  • Le reis tente de s’affirmer comme le défenseur de l’islam sunnite et des peuples turcophones
  • Le président turc réajuste sa politique étrangère au fur et à mesure de l’évolution de la situation géopolitique régionale et mondiale

BEYROUTH: On est bien loin de la politique «zéro problème» avec ses voisins, élaborée par l’ancien Premier ministre turc, Ahmet Davutoglu. Avec le reis Recep Tayyip Erdogan, c’est la confrontation assurée.

C’est aussi le degré de provocation qui enfle chez le président de la Turquie, et son lot d’insultes aux gouvernants européens. À la suite des tensions nées des propos du président français sur les affaires des caricatures de Mahomet en octobre dernier, Erdogan a ainsi appelé à envoyer Emmanuel Macron dans un hôpital psychiatrique pour subir «des examens de santé mentale». Il y a quelques années, le président turc avait déjà traité la chancelière allemande, Angela Merkel, de «nazie», après l’annulation des meetings de deux de ses ministres.

Ce comportement vulgaire et populiste reflète en fait son besoin de susciter des crises et de mobiliser ses partisans pour détourner l’attention afin d’escamoter ses propres échecs.

Son économie vacille à cause, d’une part, de la fuite des investissements liée au manque de confiance et, d’autre part, de la crise sanitaire mal gérée du coronavirus, alors que la monnaie turque dévisse: elle a été dévalorisée de 25% cette année.

Pour faire diversion, le président Erdogan n’a rien trouvé de mieux que d’annoncer en juillet dernier la transformation de la basilique byzantine Sainte-Sophie en mosquée (Photo, AFP).

Entre-temps, sur le plan interne, son régime devient de plus en plus autoritaire, notamment depuis le putsch raté en 2016. Considérée comme «la plus grande prison du monde pour les journalistes», la Turquie a écroué cette année au moins 37 journalistes selon le Comité pour la protection des journalistes (Committee to Protect Journalists, CPJ), une ONG basée à New York. Sans oublier les arrestations de masse dans les partis d’opposition kurdes et la poursuite de centaines d’incarcérations parmi les cadres kémalistes et gulénistes (partisans du prédicateur Fethullah Gülen, bête noire d’Ankara, qui l’accuse d’avoir fomenté une tentative de putsch en juillet 2016) dans l’armée.

Sainte-Sophie transformée en mosquée

Pour faire diversion, le président Erdogan n’a rien trouvé de mieux que d’annoncer en juillet dernier la transformation de la basilique byzantine Sainte-Sophie en mosquée. Construite au VIe siècle, elle est classée au patrimoine mondial par l’Unesco. Convertie en mosquée après la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453, elle a été transformée en musée en 1934 par Mustafa Kemal Atatürk, qui voulait «l’offrir à l’humanité».

Mais, dans sa quête pour s’affirmer comme le défenseur de l’islam sunnite dans le monde, Erdogan agit principalement de manière à exalter son idéologie islamo-nationalisme. Une idéologie qu’il tente d’appliquer dans ses relations avec ses voisins, d’où ses interventions de plus en plus agressives dans l’espace néo-ottoman, comme en Libye, en Syrie, en Azerbaïdjan et en Méditerranée orientale.

Ses visées expansionnistes, justifiées selon lui par la présence historique ottomane, l’ont amené à soutenir le gouvernement de Tripoli (GNA) face au camp du maréchal Khalifa Haftar, soutenu par la Russie, l’Égypte et les Émirats arabes unis. L’aide militaire turque, appuyée par des mercenaires syriens, a permis au GNA de repousser l’offensive sur Tripoli lancée en 2019 par Haftar, créant ainsi une nouvelle donne dans le pays, déchiré depuis la chute de Kadhafi.

C’est surtout l’accord signé il y a un an avec Tripoli pour revendiquer un plateau continental étendu où la Turquie mène des explorations gazières qui irrite non seulement la Grèce, Chypre et l’Égypte, mais aussi l’Union européenne, qui l’a finalement sanctionnée en décembre pour ses activités «agressives» en Méditerranée orientale. En effet, Erdogan a envoyé à plusieurs reprises en 2020 des missions d’exploration d’hydrocarbures dans des zones revendiquées notamment par la Grèce, entraînant par ailleurs de violentes critiques de la part de Paris.

Sanctions américaines

Les provocations de la Turquie ont également eu raison de la patience des États-Unis. Lors de la dernière réunion virtuelle des ministres des Affaires étrangères de l’Otan, le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, aurait déploré qu’Ankara s’écarte des règles de l’Alliance et dénoncé sa «politique du fait accompli» dans plusieurs crises régionales. M. Pompeo a ainsi demandé au président turc de «revenir à un comportement d’allié».

L’acquisition par Ankara du système de défense aérienne russe S-400 a attiré sur Erdogan les foudres des sanctions US (Photo, AFP).

Mi-décembre, les États-Unis avaient eux aussi annoncé des sanctions contre l’agence gouvernementale turque en charge des achats d’armes, le SSB, pour l’acquisition par Ankara du système de défense aérienne russe S-400, incompatible, selon les Américains, avec les systèmes militaires de l’Otan.

Rappelons en outre que les Européens sont outrés par le chantage d’Erdogan concernant les réfugiés syriens, qui tentent d’atteindre le Vieux Continent à chaque occasion qui se présente. Non content d’attaquer régulièrement les forces kurdes en Syrie, alliés des Occidentaux contre le groupe djihadiste État islamique, Ankara a lancé en juin dernier des frappes aériennes contre les rebelles kurdes dans le Nord de l’Irak lors d’une opération baptisée «Serre d’Aigle», au grand dam de Bagdad, qui a vigoureusement protesté contre cette atteinte à sa souveraineté.

Le Nagorny-Karabakh

Après ses interventions en Syrie, en Libye et en Méditerranée orientale, le président turc décide en 2020 d’élargir sa sphère d’influence vers le Caucase – une fois encore face à la Russie – en appuyant politiquement, diplomatiquement et militairement l’Azerbaïdjan, pays musulman chiite turcophone, dans son offensive lancée le 27 septembre contre les Arméniens au Nagorny-Karabakh. En envoyant des conseillers militaires et des mercenaires syriens combattre aux côtés des Azéris, Erdogan confirme encore une fois la militarisation de la politique étrangère turque. Il s’impose comme un défenseur non seulement de l’islam sunnite, mais aussi des peuples turcophones.

Sa dernière salve a visé récemment l’Iran. Lors d’un déplacement à Bakou pour célébrer la victoire contre l’Arménie, le reis récite un poème séparatiste qui sous-entend que les provinces du nord-ouest de l’Iran, où se trouve une importante minorité azérie, font partie de la république d’Azerbaïdjan. Des propos qui ont suscité l’ire de Téhéran, qui a convoqué l’ambassadeur de Turquie au sujet des «remarques interventionnistes et inacceptables» du président Erdogan, lui signifiant que «l’ère des revendications territoriales et des empires bellicistes et expansionnistes était révolue», selon un communiqué officiel.

Le pari d’Erdogan

Il est clair que depuis quelques années Erdogan réajuste sa politique étrangère au fur et à mesure de l’évolution de la situation géopolitique régionale et mondiale. Il fait le pari d’un monde multipolaire, et essaie donc de positionner la Turquie comme un pays à haute importance géostratégique.

D’où son intérêt à renforcer ses positions en Asie centrale, comme en Azerbaïdjan, ou en Méditerranée orientale. Ce faisant, il essaie de se libérer des puissances occidentales, sans toutefois briser les liens avec elles.

Il est donc évident qu’Ankara ne quittera pas l’Otan pour faire alliance avec la Russie, par exemple. Néanmoins, le reis turc privilégie désormais des liens plus forts avec des régimes qui ne lui demandent pas de comptes sur la situation des droits de l’homme et le recul de la démocratie dans son pays.

Sa politique a toutefois ses limites. À force de créer des crises récurrentes avec ses partenaires occidentaux et des tensions avec ses voisins régionaux, le président Erdogan se trouve de plus en plus isolé sur la scène internationale. Affaibli à l’intérieur, stigmatisé à l’extérieur, ses alliés et amis deviennent de plus en plus rares. Poursuivra-t-il en 2021 sa fuite en avant?


Al-Azhar Al-Sharif condamne les crimes terroristes contre les civils à Gaza

Des Palestiniens récupèrent des corps enterrés à l’hôpital Nasser à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 21 avril 2024. (Reuters)
Des Palestiniens récupèrent des corps enterrés à l’hôpital Nasser à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 21 avril 2024. (Reuters)
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  • Al-Azhar réitère la nécessité pour la communauté internationale d’assumer ses responsabilités et de «mettre fin à l’agression frénétique contre la population de Gaza»
  • Al-Azhar mentionne que les corps de centaines de Palestiniens, parmi lesquels des patients, ont été retrouvés dans des fosses communes au complexe médical Nasser à Khan Younès

LE CAIRE: Al-Azhar Al-Sharif, la plus ancienne et la plus importante institution d’enseignement de l’islam sunnite, a fermement condamné «les crimes terroristes commis contre les civils dans la bande de Gaza».

Dans un communiqué, Al-Azhar condamne ces attaques «dont l’atrocité a été révélée par les nombreuses informations selon lesquelles des centaines de corps d’enfants, de femmes, de personnes âgées et de membres du personnel médical ont été enterrés dans des fosses communes dans les environs des complexes médicaux Nasser et Al-Shifa».

«De même, des dizaines de corps ont été retrouvés “éparpillés” dans des centres d’hébergement et de déplacement, des tentes et des quartiers résidentiels dans la bande de Gaza.»

Al-Azhar affirme au monde que «ces fosses communes sont une preuve indéniable que ces atrocités et ces horreurs sont devenues un comportement quotidien normal pour Israël».

L’institution appelle les peuples du monde à s’unir pour protester de manière à dissuader les régimes qui soutiennent ces crimes.

Elle réclame un procès international urgent contre «le gouvernement terroriste d’occupation, qui ne connaît plus le sens de l’humanité ni du droit à la vie et qui commet des génocides tous les jours».

Al-Azhar réitère par ailleurs la nécessité pour la communauté internationale d’assumer ses responsabilités, de «mettre fin à l’agression frénétique contre la population de Gaza et aux souffrances et catastrophes humanitaires sans précédent qui en découlent, et de garantir la protection des civils et l’acheminement d’une aide humanitaire suffisante et durable dans toutes les parties de la bande de Gaza».

L’institution présente aussi ses «sincères condoléances au peuple palestinien et aux familles des martyrs, priant Allah Tout-Puissant de leur accorder son immense miséricorde et son pardon, à rassurer les cœurs de leurs familles et de leurs proches, et à accélérer le rétablissement des malades».

Citant des articles de presse, Al-Azhar mentionne que, depuis samedi, les corps de centaines de Palestiniens, parmi lesquels des patients, ont été retrouvés dans des fosses communes au complexe médical Nasser à Khan Younès.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le plus grand projet de restauration corallienne au monde dévoilé en mer Rouge

La pépinière, construite sur la côte de Neom, dans le nord-ouest de l’Arabie saoudite, devrait transformer les efforts de restauration corallienne grâce à une capacité de production de 40 000 coraux par an. (SPA)
La pépinière, construite sur la côte de Neom, dans le nord-ouest de l’Arabie saoudite, devrait transformer les efforts de restauration corallienne grâce à une capacité de production de 40 000 coraux par an. (SPA)
La pépinière, construite sur la côte de Neom, dans le nord-ouest de l’Arabie saoudite, devrait transformer les efforts de restauration corallienne grâce à une capacité de production de 40 000 coraux par an. (SPA)
La pépinière, construite sur la côte de Neom, dans le nord-ouest de l’Arabie saoudite, devrait transformer les efforts de restauration corallienne grâce à une capacité de production de 40 000 coraux par an. (SPA)
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  • «KCRI est le plus grand projet de restauration corallienne du monde et constitue une étape importante vers la restauration des récifs à l’échelle mondiale»
  • «Les événements récents nous rappellent brutalement la crise mondiale à laquelle sont confrontés les récifs coralliens»

RIYAD: Des scientifiques de l’université des sciences et technologies du roi Abdallah (Kaust), en collaboration avec Neom, ont inauguré la première pépinière de l’Initiative de restauration corallienne de la Kaust (KCRI).

«KCRI est le plus grand projet de restauration corallienne du monde et constitue une étape importante vers la restauration des récifs à l’échelle mondiale. Une première pépinière est officiellement opérationnelle et une seconde est en cours de construction. Elles sont toutes deux situées en mer Rouge», indique un communiqué publié jeudi.

La pépinière, construite sur la côte de Neom, dans le nord-ouest de l’Arabie saoudite, devrait transformer les efforts de restauration corallienne grâce à une capacité de production de 40 000 coraux par an.

Les chercheurs se serviront de cette installation pilote pour lancer des initiatives de restauration corallienne à grande échelle, avec notamment la pépinière de coraux terrestre la plus grande et la plus avancée au monde.

Située sur le même site, cette dernière aura une capacité décuplée et pourra produire 400 000 coraux par an. Le projet devrait être achevé en décembre 2025.

Abritant 25% des espèces marines connues, bien qu’ils couvrent moins d’1% des fonds marins, les récifs coralliens sont le fondement de nombreux écosystèmes marins. Les experts estiment que jusqu’à 90% des récifs coralliens de la planète subiront un stress thermique grave d’ici à 2050.

«Les événements récents nous rappellent brutalement la crise mondiale à laquelle sont confrontés les récifs coralliens. Nous avons donc pour ambition de trouver un moyen de faire passer les efforts de restauration actuels, à forte intensité de main-d’œuvre, à des processus industriels afin d’inverser le rythme actuel de dégradation des récifs coralliens», a expliqué le professeur Tony Chan, président de la Kaust.

Cette initiative s’aligne sur la Vision 2030 de l’Arabie saoudite et sur ses efforts pour renforcer la conservation marine en tirant parti des recherches réalisées par la Kaust sur les écosystèmes marins et en servant de plate-forme pour tester des méthodes de restauration innovantes.

«Grâce à notre partenariat de longue date avec la Kaust, nous mettrons également en lumière le rôle des récifs coralliens, qui comptent parmi les systèmes environnementaux marins les plus importants, ainsi que l’importance de leur préservation pour les générations futures», a confié le PDG de Neom, Nadhmi al-Nasr.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


L’UE assouplit les règles en matière de visas pour l’Arabie saoudite, Oman et Bahreïn

L’ambassadeur de l’Union européenne en Arabie saoudite, Christophe Farnaud. (Photo fournie)
L’ambassadeur de l’Union européenne en Arabie saoudite, Christophe Farnaud. (Photo fournie)
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  • Les citoyens saoudiens, omanais et bahreïnis peuvent désormais bénéficier de visas à entrées multiples d’une durée de cinq ans
  • Il s’agit d’«une étape importante dans la promotion des contacts interpersonnels», affirme l’ambassadeur

RIYAD: Les citoyens saoudiens, omanais et bahreïnis pourront se rendre plus facilement en Europe à la suite d’une décision de la Commission européenne visant à assouplir les règles en matière de visas.

Jeudi, l’ambassadeur de l’Union européenne (UE) en Arabie saoudite, Christophe Farnaud, a déclaré à des journalistes à Riyad que les nouvelles règles relatives aux visas Schengen constituaient «une étape importante dans la promotion des contacts interpersonnels et la facilitation des échanges entre les citoyens de l’UE et du Conseil de coopération du Golfe [CCG]».

En vertu des nouvelles règles, un visa à entrées multiples sera normalement délivré pour une durée de cinq ans aux demandeurs retenus, y compris à ceux qui présentent une demande pour la première fois.

«Le processus est le même, mais la durée du visa est plus longue, ce qui leur permet de se rendre dans 29 pays européens en utilisant le même visa à entrées multiples, valable pour une durée de cinq ans», a expliqué M. Farnaud.

Ce dernier a déclaré qu’il était important de placer le changement de visa «dans le contexte des relations stratégiques entre cette région et l’Europe».

L’espace Schengen regroupe 29 pays européens, dont 25 sont des États membres de l’UE: la Belgique, la Bulgarie, la Croatie, la République tchèque, le Danemark, l’Allemagne, l’Estonie, la Grèce, l’Espagne, la France, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, la Hongrie, Malte, les Pays-Bas, l’Autriche, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Slovénie, la Slovaquie, la Finlande et la Suède, ainsi que l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse.

Les États membres mettront en œuvre cette décision dès qu’ils auront reçu les notifications, a assuré M. Farnaud.

«Comme nous le savons, la notification a été faite mercredi. Donc, à partir de maintenant, les États membres peuvent délivrer ces visas, à moins qu’il n’y ait une raison technique qui les oblige à attendre quelques jours», a-t-il précisé.

«Je suis très heureux d’avoir pu travailler sur ce projet et je dois dire que j’ai reçu de nombreuses réponses très positives de la part des citoyens, notamment des Saoudiens. Je pense que c’est une excellente nouvelle», a ajouté M. Farnaud.

L’envoyé a indiqué que l’Europe travaillait également sur la mise en place de visas électroniques, «mais cela prendra un certain temps».

«Je ne peux pas vous dire combien de temps exactement, car cela implique des décisions de la part des États membres sur des aspects techniques. Ce projet se concrétisera donc, mais cela prendra un certain temps», a-t-il indiqué.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com