La résistance palestinienne reste invaincue

Short Url
Publié le Mercredi 27 décembre 2023

La résistance palestinienne reste invaincue

La résistance palestinienne reste invaincue
  • Rares sont ceux qui s’attendaient à ce que des combattants palestiniens soient parachutés dans le sud d’Israël le 7 octobre, ou qu’au lieu de capturer un seul soldat israélien, des centaines d’Israéliens se retrouvent captifs dans la bande de Gaza assiégé
  • Alors qu’Israël est déterminé à mettre fin une fois pour toutes à la résistance palestinienne, il est évident que la détermination du peuple palestinien à conquérir sa liberté dans les années à venir est bien plus grande

Les événements dramatiques et traumatisants qui sont survenus en Palestine depuis le 7 octobre ont surpris un grand nombre de personnes. Mais pas les observateurs attentifs.

Rares sont ceux qui s’attendaient à ce que des combattants palestiniens soient parachutés dans le sud d’Israël le 7 octobre, ou qu’au lieu de capturer un seul soldat israélien – comme en 2006 – des centaines d’Israéliens, dont de nombreux soldats et civils, se retrouvent captifs dans la bande de Gaza assiégée.

La raison derrière cette «surprise» est la même que celle pour laquelle Israël est encore sous l’effet du choc collectif, soit la tendance à prêter une attention particulière aux discours politiques et aux analyses des services de renseignement d’Israël et de ses sympathisants, tout en négligeant largement le discours palestinien.

Pour une meilleure compréhension de ces faits, revenons au point de départ.

L’année 2023 a commencé avec des données décourageantes et de sombres prévisions sur ce qui attendait les Palestiniens.

Peu avant le début de la nouvelle année, l'envoyé de l'ONU au Moyen-Orient, Tor Wennesland, avait déclaré que 2022 avait été l'année la plus violente pour les Palestiniens de Cisjordanie depuis 2005. «Trop de personnes, majoritairement palestiniennes, ont été tuées et blessées», avait indiqué M. Wennesland au Conseil de sécurité de l'ONU.

Ce chiffre – 171 tués et des centaines de blessés pour la seule Cisjordanie – n’a pas fait l’objet d’une grande couverture dans les médias occidentaux. Le nombre croissant de victimes palestiniennes a cependant été ressenti parmi les Palestiniens et leurs mouvements de résistance.

Alors que la colère et les appels à la vengeance se multipliaient parmi les Palestiniens, leurs dirigeants continuaient à jouer leur rôle traditionnel – celui d’apaiser les appels palestiniens à la résistance, tout en poursuivant leur «coordination sécuritaire» avec Israël. Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, âgé de 88 ans, a continué à ressasser le vieux discours sur une solution à deux États et sur le prétendu processus de paix, tout en réprimant les Palestiniens qui osaient protester contre sa direction inefficace.

Sans défense face à un gouvernement israélien d’extrême droite dont le programme ouvertement établi est d’écraser les Palestiniens, d’étendre les colonies illégales et d’empêcher la création d’un État palestinien, les Palestiniens ont été contraints de développer leurs propres stratégies défensives.

Lions’ Den – un groupe de résistance composé de multiples factions, apparu pour la première fois dans la ville de Naplouse en août 2022 – a gagné en puissance et en attrait. D’autres groupes, anciens et nouveaux, sont apparus sur la scène dans tout le nord de la Cisjordanie, avec pour seul objectif de rassembler les Palestiniens autour d’un programme unifié, et à terme, d’établir une nouvelle direction palestinienne en Cisjordanie.

Ces développements ont sonné l’alarme en Israël. L’armée d’occupation israélienne a agi rapidement pour écraser cette nouvelle rébellion armée, attaquant les villes palestiniennes et les camps de réfugiés les uns après les autres dans l’espoir de transformer cette révolution naissante en une nouvelle tentative ratée de remettre en question le statu quo dans les territoires occupés.

Les incursions israéliennes les plus sanglantes ont eu lieu à Naplouse le 23 février, à Jéricho le 15 août, et surtout, dans le camp de réfugiés de Jénine. L’invasion israélienne de Jénine le 3 juillet n’est pas sans rappeler, en termes de victimes et de degré de destruction, l’invasion israélienne de ce même camp en avril 2002.

Le résultat n’a cependant pas été le même. À l’époque, Israël, après avoir envahi Jénine et d’autres villes et camps de réfugiés palestiniens, avait réussi à écraser la résistance armée pour les années à venir. Cette fois-ci, l’invasion israélienne n’a fait que déclencher une rébellion plus large dans les territoires occupés, créant un schisme supplémentaire dans les relations déjà dégradées entre les Palestiniens d’une part, et M. Abbas et son Autorité palestinienne de l’autre.

En effet, quelques jours seulement après qu’Israël a mis fin à son attaque contre ce camp, Mahmoud Abbas est apparu avec des milliers de ses soldats pour avertir les réfugiés en deuil que «la main qui brisera l’unité du peuple… sera coupée de son bras».

Pourtant, alors que la rébellion populaire continuait de prendre de l’ampleur en Cisjordanie, les rapports des services de renseignement israéliens ont commencé à parler d’un plan élaboré par le chef adjoint du bureau politique du Hamas, Saleh al-Arouri, visant à déclencher une intifada armée. La réponse, selon le journal israélien Yedioth Ahronoth, citant des sources officielles israéliennes, a été de tuer M. Al-Arouri.

L’attention et la contre-stratégie d’Israël étaient particulièrement concentrées sur la Cisjordanie, alors que le Hamas à Gaza, du point de vue d’Israël, ne semblait aucunement intéressé par une confrontation totale.

Mais comment Tel-Aviv est-elle parvenue à une telle conclusion?

Plusieurs événements majeurs – de ceux qui auraient normalement poussé le Hamas à riposter – se sont produits sans aucune réponse armée sérieuse de la résistance à Gaza. À titre d’exemple, en décembre dernier, Israël a prêté serment pour former le gouvernement le plus à droite de son Histoire. Les ministres d'extrême droite Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich sont arrivés sur la scène politique avec pour objectifs déclarés d'annexer la Cisjordanie, d'imposer un contrôle militaire sur la mosquée Al-Aqsa et d'autres Lieux saints palestiniens musulmans et chrétiens et, dans le cas de M. Smotrich, de nier l'existence même du peuple palestinien.

La résistance reposait sur la fermeté légendaire d’une population qui refuse d’être affaiblie ou déplacée.

Ramzy Baroud

Leurs promesses se sont rapidement traduites en actes sous la direction du Premier ministre, Benjamin Netanyahou. M. Ben-Gvir était désireux d’envoyer le message à ses électeurs que la prise de la mosquée Al-Aqsa par Israël était devenue imminente. Il a ordonné à plusieurs reprises des attaques contre Al-Aqsa, à une fréquence sans précédent. La plus violente et la plus humiliante de ces attaques a eu lieu le 4 avril, lorsque des fidèles ont été battus par des soldats alors qu'ils priaient à l'intérieur de la mosquée pendant le mois sacré du ramadan.

Les groupes de résistance à Gaza ont menacé de riposter. En réalité, plusieurs roquettes ont été tirées depuis la bande de Gaza vers Israël, rappelant symboliquement que les Palestiniens étaient unis, quel que soit l’endroit où ils se trouvent sur la carte géographique de la Palestine historique.

Israël, cependant, a ignoré le message et a préféré utiliser les menaces palestiniennes de représailles, ainsi que des attaques occasionnelles de loups solitaires – comme celle de Muhannad al-Mazaraa dans la colonie illégale de Ma'ale Adumim – comme capital politique pour raviver la ferveur de la société israélienne.

Même la mort du prisonnier politique palestinien Khader Adnan, le 2 mai, n’a pas semblé faire évoluer la position du Hamas. Certains ont même laissé entendre qu’il y avait une rupture entre le Hamas et le Djihad islamique palestinien après la mort d’Adnan, à la suite de sa grève de la faim dans la prison de Ramleh.

Le même jour, le Djihad islamique palestinien tirait des roquettes sur Israël, étant donné que Khader Adnan était l’un de ses membres les plus importants. Israël a répondu en attaquant des centaines de cibles à l'intérieur de Gaza, principalement des habitations et des infrastructures civiles, faisant ainsi 33 morts et 147 blessés parmi les Palestiniens.

Une trêve a été déclarée le 13 mai, toujours sans participation directe du Hamas, ce qui a rassuré Israël sur le fait que son attaque sanglante contre la bande de Gaza avait atteint non seulement un objectif militaire – souvent appelé «tondre la pelouse» – mais aussi un objectif politique.

Cependant, l’estimation stratégique d’Israël s’est avérée erronée, comme en témoignent les attaques bien coordonnées du Hamas le 7 octobre dans le sud d’Israël, qui ont visé de nombreuses bases militaires, colonies et autres positions stratégiques.

Le Hamas était-il trompeur? Cachant ses véritables objectifs stratégiques en prévision de cet événement majeur? Un examen rapide des récentes déclarations et du discours politique du Hamas démontre que le groupe palestinien n’a guère été opaque quant à ses actions futures. Deux semaines avant le début de l’année 2023, le chef du Hamas à Gaza, Yahya Sinwar, avait un message pour Israël: «Nous viendrons à vous dans un déluge rugissant. Nous viendrons à vous avec des roquettes sans fin. Nous viendrons à vous dans un flot illimité de soldats… comme une marée incessante.»

La réponse immédiate à l’attaque du Hamas a été la solidarité prévisible des États-Unis et de l’Occident avec Israël, des appels à la vengeance et à la destruction et l’anéantissement complets de Gaza, ainsi qu’une dynamisation des plans visant à déplacer les Palestiniens de Gaza vers l’Égypte, et de la Cisjordanie vers la Jordanie.

La guerre d’Israël dans la bande de Gaza, qui a également débuté le 7 octobre, a entraîné des pertes sans précédent en comparaison avec toutes les guerres israéliennes précédentes contre Gaza et, en réalité, contre les Palestiniens à n’importe quel moment de l’Histoire moderne. Le terme de «génocide» a été aussitôt utilisé, d’abord par des intellectuels et des militants, et enfin par des experts en droit international.

Malgré cela, l’ONU ne pouvait rien faire. Son secrétaire général, Antonio Guterres, a déclaré le 8 novembre que l’ONU n’avait «ni l’argent ni le pouvoir» pour empêcher un potentiel génocide à Gaza. Cela signifiait effectivement la paralysie des systèmes juridiques et politiques internationaux, car chaque tentative du Conseil de sécurité de l’ONU d’exiger un cessez-le-feu immédiat et permanent était bloquée par les États-Unis.

Alors que le nombre de morts augmentait parmi la population affamée de Gaza, les Palestiniens résistaient dans toute l’enclave. Leur résistance ne se limitait pas à attaquer ou à tendre des embuscades aux soldats israéliens envahisseurs, mais elle reposait sur la fermeté légendaire d’une population qui refuse d’être affaiblie ou déplacée.

Ce «sumud» («persévérance inébranlable», une valeur culturelle palestinienne) s’est poursuivi, même lorsque Israël a commencé à attaquer systématiquement les hôpitaux, les écoles et tout endroit qui, en temps de guerre, devrait être considéré comme «sûr» pour une population civile assiégée.

Le 3 décembre, Volker Türk, Haut-Commissaire des nations unies aux droits de l'homme, a déclaré «qu’il n’y avait aucun endroit sûr à Gaza». Des propos tenus par d'autres responsables de l'ONU, accompagnés d'autres phrases telles que «Gaza est devenue un cimetière pour les enfants», ce qui a été souligné pour la première fois par le porte-parole de l'Unicef, James Elder, le 31 octobre. M. Guterres n’a donc eu d'autre choix que d'invoquer l'article 99 de la Charte des nations Unies, qui autorise le secrétaire général à «porter à l’attention du Conseil de sécurité toute question qui, à son avis, pourrait menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales».

La violence israélienne et le sumud palestinien se sont également étendus à la Cisjordanie. Consciente du potentiel de résistance armée en Cisjordanie, l’armée israélienne a rapidement programmé des raids importants et meurtriers sur d’innombrables villes, villages et camps de réfugiés palestiniens, tuant des centaines de personnes, en blessant des milliers et en arrêtant des milliers d’autres.

Mais Gaza reste l’épicentre du génocide israélien. Hormis une brève trêve humanitaire, associée à quelques échanges de prisonniers, la bataille pour Gaza – en réalité, pour l’avenir de la Palestine et du peuple palestinien – se poursuit, et cela au prix de morts et de destructions sans précédent.

Les Palestiniens savent parfaitement que le combat actuel signifiera soit une nouvelle Nakba («catastrophe»), comme le nettoyage ethnique de 1948, soit le début du renversement de cette même Nakba – comme un processus de libération du peuple palestinien du joug du colonialisme israélien.

Alors qu’Israël est déterminé à mettre fin une fois pour toutes à la résistance palestinienne, il est évident que la détermination du peuple palestinien à conquérir sa liberté dans les années à venir est bien plus grande.

• Ramzy Baroud écrit sur le Moyen-Orient depuis plus de vingt ans. Il est chroniqueur international affilié, au niveau international, consultant en médias, auteur de plusieurs livres et fondateur de PalestineChronicle.com.

X: @RamzyBaroud

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com