L'assassinat d’Al-Arouri à Beyrouth s'inscrit dans le cadre des opérations israéliennes au Liban

Des soldats israéliens à bord de véhicules blindés traversant un village de la vallée de la Bekaa, au Liban, lors de l'opération «Paix en Galilée» en 1982 et de l'opération «Litani» en 1978 (Photo, Getty Images/AFP).
Des soldats israéliens à bord de véhicules blindés traversant un village de la vallée de la Bekaa, au Liban, lors de l'opération «Paix en Galilée» en 1982 et de l'opération «Litani» en 1978 (Photo, Getty Images/AFP).
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Publié le Jeudi 04 janvier 2024

L'assassinat d’Al-Arouri à Beyrouth s'inscrit dans le cadre des opérations israéliennes au Liban

  • Israël mène depuis longtemps des attaques dans toute la région, visant des membres du Hamas, du Hezbollah et du Corps des gardiens de la révolution iranienne
  • Les analystes craignent que l'assassinat ciblé de mardi n'entraîne d'autres attaques et ne provoque une escalade du conflit à Gaza

LONDRES: La frappe ciblée présumée d'Israël sur Saleh al-Arouri, haut responsable du Hamas, dans la banlieue sud de Beyrouth cette semaine, a constitué une escalade inattendue dans le conflit régional, d'autant plus qu'elle s'est produite dans un bastion du Hezbollah.

Cette attaque n'est toutefois pas sans précédent. Israël mène depuis longtemps des opérations et des assassinats dans le monde entier, notamment par l'intermédiaire de son unité de renseignement d'élite, le Mossad, qui traque depuis longtemps les nazis et, plus récemment, ceux qu'il considère comme une menace pour la sécurité d'Israël.

D'innombrables opérations de ce type ont eu lieu au Liban, dans les Émirats arabes unis, en Iran et ailleurs ces dernières années, et des membres importants du Hamas, du Hezbollah et du Corps des gardiens de la révolution islamique d'Iran ont été pris pour cible et tués.

Si le passé est un prologue, la frappe de précision de mardi soir sur Al-Arouri et son équipe pourrait ouvrir la voie à d'autres attaques susceptibles de s'étendre bien au-delà des frontières de Gaza, où Israël mène une guerre contre le Hamas depuis le 7 octobre.

Saleh al-Arouri, le chef adjoint du Hamas assassiné, au travail dans un bureau à Beyrouth sur cette photo publiée par le mouvement palestinien le 3 janvier 2024 (Photo, Hamas media office via l’AFP).

«Ces opérations ciblées, du moins d'après la littérature israélienne et les informations dont nous disposons, sont très importantes parce qu'elles ne sont pas simplement une tentative du Premier ministre, Benjamin Netanyahou, de faire jouer ses atouts politiques, pour ainsi dire, mais il s'agit plutôt d'une sorte de processus qui réunit la politique, l'armée et le renseignement», a déclaré à Arab News Makram Rabah, analyste politique et maître de conférences d'histoire à l'Université américaine de Beyrouth.

L'histoire des attaques et de la guerre de l'ombre menées par Israël au Liban est particulièrement pertinente compte tenu de l'importance du pays dans la crise actuelle, tant sur le plan militaire que politique.

«Le fait que le Liban ait toujours été une arène, disons une arène d'auto-coopération, rend cette frappe ciblée d'autant plus importante et cela ne fera qu'aggraver le conflit», a prévenu Rabah.

«C'est pourquoi il faut comprendre que de 1975 à 1982 – jusqu'à l'invasion réelle, l'invasion israélienne à grande échelle – les Israéliens essayaient d'envisager une incursion limitée au Liban, mais cela a fini par devenir une invasion militaire à grande échelle, qui s'est soldée par l'expansion de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP)», a-t-il expliqué.

Même avant la guerre civile de 1975 au Liban et l'invasion israélienne du sud du pays, Israël avait monté des opérations à l'intérieur des frontières de son voisin du nord. L'incident le plus important s'est produit en 1968, lorsqu'un avion de ligne israélien a été attaqué à l'aéroport d'Athènes par l'OLP, qui opérait à partir du Liban.

En réponse, huit hélicoptères israéliens ont effectué un raid sur l'aéroport international de Beyrouth et ont détruit 13 avions civils appartenant à des compagnies aériennes arabes, tout en endommageant la piste d'atterrissage et les hangars.

Après la guerre de 1967, l'OLP a commencé à mener des raids depuis le Liban vers Israël, ce qui a entraîné des représailles dans les villages situés le long de la frontière.

En 1975, le Liban est entré dans une guerre civile qui a duré quinze ans et qui a conduit à l'utilisation de son territoire comme rampe de lancement pour les attaques de l'OLP contre Israël. Trois ans après le début de cette guerre civile, des membres de l'OLP ont détourné un bus sur l'autoroute côtière israélienne, tuant 38 passagers.

En représailles, Israël a lancé l'opération Litani le 14 mars 1978, envahissant le Liban-Sud jusqu'au fleuve Litani. L'offensive a conduit à la création de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), une mission de maintien de la paix mise en place après le retrait des troupes israéliennes du sud.

Une femme palestinienne pleure de désespoir en rentrant chez elle, en découvrant son village de Tebnin, au Liban, dévasté à la suite d'intenses bombardements israéliens en 1996 (Photo, AFP/Getty Images).

Mais les forces israéliennes sont revenues au Liban-Sud en 1982, à la suite de la tentative d'assassinat de Shlomo Argov, ambassadeur d'Israël au Royaume-Uni.

Sous prétexte de protéger les civils israéliens en repoussant les membres des groupes palestiniens du Liban-Sud à 40 kilomètres au nord, Israël, soutenu par son allié l'État du Liban libre, entité séparatiste non reconnue située dans le territoire le plus méridional du pays, a envahi le Liban-Sud.

Bien que l'OLP, dont le siège se trouvait à l'époque à l'ouest de Beyrouth, se soit retirée du Liban le 1er septembre, l'armée israélienne a étendu ses opérations pendant trois mois jusqu'à ce qu'elle atteigne la capitale, Beyrouth.

Au cours de cette invasion, baptisée opération «Paix en Galilée», l'un des pires massacres de la guerre civile libanaise a eu lieu. L'armée israélienne a assiégé les camps de réfugiés de Sabra et Chatila, près de Beyrouth, offrant une couverture aux forces libanaises, dont les milices ont attaqué les camps et tué environ 3 500 réfugiés palestiniens et civils libanais.

Une femme palestinienne pleure le 20 septembre 1982 devant les corps de ses proches tués le 17 septembre 1982 dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila à Beyrouth, au Liban (Photo, SANA /AFP).

On ne sait toujours pas si une escalade du conflit actuel à Gaza en un conflit régional impliquant le Liban et le Hezbollah pourrait entraîner une répétition de ces violences.

«Il est très difficile de comparer ou de dire que quelque chose comme Sabra et Chatila se reproduira, et ce pour de nombreuses raisons», a estimé Rabah.

«Tout d'abord, il y a la complicité des Forces libanaises, ou d'une faction des Forces libanaises, qui ont joué un rôle important dans Sabra et Chatila. Et, plus important encore, nous avions (l'ancien Premier ministre israélien) Ariel Sharon», a-t-il ajouté.

«Pour l'instant, nous n'avons personne comme lui, du moins parmi les généraux qui dirigent Israël ... (qui n'ont pas) la tendance plus criminelle de Sharon», a-t-il précisé.

Si la plupart des opérations menées par Israël au Liban l'ont été sous le prétexte d'éliminer des groupes palestiniens, plusieurs visaient à détruire le Hezbollah et d'autres groupes libanais.

En 1993, Israël a lancé l’«opération Justice rendue», également connue sous le nom de guerre des sept jours, après que des combattants du Hezbollah eurent tué au moins cinq soldats des forces de défense israéliennes (FDI) et tiré 40 roquettes Katioucha sur Israël. Les civils libanais ont fait les frais de ces échanges, les frappes israéliennes faisant au moins 118 morts et 500 blessés.

Des Libanais pleurent leurs morts lors de funérailles en l’honneur des victimes de l’opération “Raisins de la Colère” à Mashghara, en avril 1996 (Photo, AFP).

L’«opération Raisins de la colère», en avril 1996, a été l'une des attaques israéliennes les plus sanglantes contre le Liban, à la poursuite du Hezbollah. L'armée israélienne a effectué 600 raids aériens et tiré environ 25 000 obus sur le territoire libanais.

Les assauts comprenaient une attaque contre un complexe de l'ONU près du village de Cana, où 800 civils libanais s'étaient réfugiés. Au moins 106 Libanais ont été tués et 116 blessés dans ce qui est devenu le massacre de Cana.

Un rapport d'Amnesty International a souligné qu'au cours de l'opération de 1996, les FDI ont mené des «attaques illégales», notamment contre une ambulance transportant des civils, une maison dans la partie supérieure de Nabatieh et l'attaque du complexe de l'ONU.

Le même rapport a signalé que le Hezbollah «a illégalement lancé des attaques à la roquette sur des zones peuplées du nord d'Israël, blessant de nombreux civils».

En 2006, Israël a invoqué son droit à l'autodéfense contre le Hezbollah après qu'une patrouille frontalière de l'armée israélienne soit tombée dans une embuscade, entraînant la mort de trois soldats des FDI et la capture de deux autres.

Le groupe libanais a exigé la libération de détenus libanais et palestiniens en Israël en échange des deux otages. Ehud Olmert, le Premier ministre israélien de l'époque, a rendu le gouvernement libanais responsable du raid du Hezbollah et a déclenché une guerre qui a tué au moins 1 191 Libanais, a blessé  2 209 et a déplacé plus de 900 000.

La guerre de juillet 2006 a duré trente-quatre jours. Un cessez-le-feu a été conclu trois jours après l'approbation de la résolution 1701 par le Conseil de sécurité des Nations unies, le 11 août.

Aucune opération israélienne ou attaque ciblée n'a eu lieu à Beyrouth depuis lors – jusqu'à mardi soir. C'est pourquoi de nombreux observateurs craignent que les tensions existantes ne s'aggravent et que le conflit à Gaza ne débouche sur une guerre régionale.

«Je pense que les frappes chirurgicales sont très puissantes et plus importantes», a jugé Rabah. «Jusqu'à présent, dans le cas d'Al-Arouri, aucune vie civile n'a été touchée, bien que l'attaque ait eu lieu dans une zone résidentielle.»

Toutefois, il a précisé que le fait que cela se soit produit dans la capitale libanaise, qui est en outre un bastion du Hezbollah, l'incite à penser que les enjeux sont extrêmement importants.

«Je pense que si l'on examine ces opérations, je suis convaincu qu'elles sont plus dangereuses», a-t-il conclu.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Trois morts dans des manifestations des alaouites syriens contre le bombardement d'une mosquée

Des membres des forces de sécurité syriennes déployés lors de manifestations de la communauté alaouite à Lattaquié, dimanche. (Reuters)
Des membres des forces de sécurité syriennes déployés lors de manifestations de la communauté alaouite à Lattaquié, dimanche. (Reuters)
 Les alaouites syriens sont descendus dans la rue dimanche dans la ville côtière de Lattaquié pour protester contre l'attentat à la bombe contre une mosquée qui a tué huit personnes à Homs deux jours auparavant. (REUTERS)
Les alaouites syriens sont descendus dans la rue dimanche dans la ville côtière de Lattaquié pour protester contre l'attentat à la bombe contre une mosquée qui a tué huit personnes à Homs deux jours auparavant. (REUTERS)
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  • Des membres du régime de Bashar Assad ont attaqué les forces de sécurité et les civils, rapportent les médias d'État
  • Selon les autorités sanitaires, des dizaines de personnes ont été soignées pour des blessures causées par des coups de feu, des couteaux et des pierres

LATTAKIEH: Trois personnes ont été tuées et des dizaines d'autres blessées lors des manifestations des Alaouites de Syrie dans la ville côtière de Lattaquié dimanche.

Les responsables de la sécurité ont déclaré que les restes du régime de Bashar Assad ont attaqué les forces de sécurité et les civils lors des manifestations, a rapporté l'agence de presse nationale syrienne SANA.

Les autorités sanitaires régionales ont déclaré que 60 personnes avaient été blessées et que les hôpitaux traitaient les victimes pour des blessures causées par des coups de feu, des couteaux et des pierres.

Deux ambulances ont été attaquées alors qu'elles intervenaient sur les lieux des incidents.

Le colonel Abdulaziz Al-Ahmad, chef de la sécurité intérieure à Lattaquié, a déclaré que des "éléments liés aux vestiges du régime déchu" participant aux manifestations ont attaqué le personnel de la sécurité intérieure, faisant plusieurs blessés et endommageant des véhicules.

Les manifestations ont eu lieu en réponse à l'attentat à la bombe contre une mosquée qui a tué huit personnes dans un quartier alaouite de la ville de Homs deux jours auparavant.

M. Assad a été chassé du pouvoir il y a un an, après qu'une offensive des forces d'opposition a mis fin à la guerre civile qui a décimé le pays.

Le nouveau président, Ahmad Al-Sharaa, s'efforce de stabiliser le pays, mais il y a eu des flambées de violence sectaire.

Les représentants du gouvernement affirment que les groupes restés fidèles au régime d'Assad, qui était dominé par la minorité alaouite, ont tenté d'inciter à la violence en utilisant les manifestations civiles comme couverture pour cibler le personnel de sécurité et endommager les biens publics.

Le colonel Al-Ahmad a déclaré que des individus armés et masqués affiliés à des groupes connus sous le nom de "Saraya Deraa Al-Sahel" et "Saraya Al-Jawad" étaient présents lors des manifestations de dimanche. Ces groupes ont déjà perpétré des assassinats ciblés et posé des explosifs le long d'axes routiers importants.

Des milliers de personnes ont participé aux manifestations de dimanche organisées par une autorité religieuse en réponse à l'attaque de la mosquée, a rapporté l'AFP.

Les forces syriennes ont ensuite été déployées pour disperser les partisans du gouvernement, selon un correspondant de l'AFP.

Les manifestations de dimanche ont été organisées à l'appel du chef spirituel alaouite Ghazal Ghazal, qui a exhorté samedi la population à "montrer au monde que la communauté alaouite ne peut être humiliée ou marginalisée" après l'attentat à la bombe de Homs.

L'attentat de vendredi a été revendiqué par un groupe extrémiste connu sous le nom de Saraya Ansar Al-Sunna.

Il s'agit de la dernière attaque en date contre cette minorité religieuse, qui est la cible de violences depuis la chute, en décembre 2024, de M. Assad, lui-même alaouite.


Le pari israélien sur le Somaliland : quels risques pour la région?

Israël a officiellement reconnu le Somaliland le 26 décembre, brisant ainsi des décennies de consensus international sur l'intégrité territoriale de la Somalie. (Fourni)
Israël a officiellement reconnu le Somaliland le 26 décembre, brisant ainsi des décennies de consensus international sur l'intégrité territoriale de la Somalie. (Fourni)
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  • La situation stratégique du Somaliland près du Bab Al-Mandab fait craindre qu'une présence sécuritaire israélienne ne transforme la mer Rouge en poudrière
  • Les critiques soutiennent que la décision ravive la stratégie israélienne de "périphérie", encourageant la fragmentation des États arabes et musulmans pour un avantage stratégique

RIYAD: Les observateurs régionaux chevronnés ne seront peut-être pas surpris d'apprendre qu'Israël est devenu le premier et le seul État membre des Nations unies à reconnaître officiellement la République du Somaliland comme une nation indépendante et souveraine.

Le 26 décembre, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le ministre des affaires étrangères Gideon Sa'ar ont signé une déclaration commune de reconnaissance mutuelle avec le président du Somaliland, Abdirahman Mohamed Abdullahi.

Pour une région qui a existé dans un état de flou diplomatique depuis qu'elle a déclaré son indépendance de la Somalie en 1991, ce développement est, comme l'a décrit M. Abdullahi, "un moment historique". Mais sous la surface se cache un pari géopolitique calculé et à fort enjeu.

Si plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, l'Éthiopie, la Turquie et les Émirats arabes unis, ont ouvert des bureaux de liaison dans la capitale, Hargeisa, aucun n'a voulu franchir le Rubicon de la reconnaissance officielle de l'État.


Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, assisté du ministre des affaires étrangères Gideon Sa'ar, signe le document reconnaissant officiellement la région séparatiste du Somaliland, le 26 décembre 2025. (AFP)
La décision d'Israël de rompre ce consensus international vieux de plusieurs décennies constitue une rupture délibérée avec le statu quo.

En prenant cette mesure, Israël s'est positionné comme le principal bienfaiteur d'un État qui cherche depuis longtemps à s'asseoir à la table internationale. Comme l'a déclaré à Arab News Dya-Eddine Said Bamakhrama, ambassadeur de Djibouti en Arabie saoudite, une telle décision est profondément perturbatrice.

"Une déclaration unilatérale de séparation n'est ni un acte purement juridique ni un acte politique isolé. Au contraire, elle entraîne de profondes conséquences structurelles, au premier rang desquelles l'aggravation des divisions internes et des rivalités entre les citoyens d'une même nation, l'érosion du tissu social et politique de l'État et l'ouverture de la porte à des conflits prolongés", a-t-il déclaré.

Les critiques affirment qu'Israël fait depuis longtemps pression pour un nouveau découpage de la région sous diverses formes.

La reconnaissance du Somaliland est considérée par beaucoup dans le monde arabe comme la poursuite d'une stratégie visant à affaiblir les États arabes et musulmans centralisés en encourageant les mouvements sécessionnistes périphériques.
Dans le contexte somalien, cette voie est perçue non pas comme un geste humanitaire, mais comme une méthode visant à saper les accords nationaux conclus dans le cadre d'une Somalie fédérale.

Selon l'ambassadeur Bamakhrama, la communauté internationale s'est toujours opposée à de telles initiatives afin de donner la priorité à la stabilité régionale plutôt qu'aux "tendances séparatistes dont l'histoire a maintes fois démontré les dangers et les coûts élevés".

En ignorant ce précédent, Israël est accusé d'utiliser la reconnaissance comme un outil pour fragmenter la cohésion régionale.

Par le passé, Israël a souvent justifié son soutien à des acteurs non étatiques ou à des groupes séparatistes en prétextant la protection de minorités vulnérables, comme les Druzes au Levant ou les Maronites au Liban.

Cette "doctrine de la périphérie" avait un double objectif : elle créait des alliés régionaux et soutenait la revendication d'Israël en tant qu'État juif en validant l'idée d'autodétermination ethnique ou religieuse.

Toutefois, dans le cas du Somaliland, les gants ne sont plus du tout de mise. Il ne s'agit pas ici de protéger une minorité religieuse, puisque le Somaliland est un territoire à forte majorité musulmane. Il s'agit plutôt d'un raisonnement purement géopolitique.

Israël semble rechercher une profondeur stratégique dans une région où il a toujours été isolé. M. Netanyahu a explicitement lié cette initiative à "l'esprit des accords d'Abraham", indiquant que les principaux moteurs sont la sécurité, le contrôle maritime et la collecte de renseignements plutôt que la démographie interne de la Corne de l'Afrique.

La première grande victoire d'Israël dans cette manœuvre est l'élargissement de son orbite diplomatique. On pourrait faire valoir que le refus du gouvernement fédéral de Mogadiscio d'adhérer aux accords d'Abraham constituait une barrière artificielle.


Des habitants brandissent des drapeaux du Somaliland alors qu'ils se rassemblent dans le centre-ville d'Hargeisa le 26 décembre 2025, pour célébrer l'annonce d'Israël reconnaissant le statut d'État du Somaliland. (AFP)
La preuve de cette affirmation, du point de vue israélien, est que le Somaliland - un territoire comptant près de six millions d'habitants et doté de ses propres institutions démocratiques - était désireux d'adhérer à l'accord.

M. Abdullahi a déclaré que le Somaliland rejoindrait les accords d'Abraham en tant que "pas vers la paix régionale et mondiale". Toutefois, cette paix s'accompagne d'une contrepartie évidente : la reconnaissance officielle.

Israël peut désormais affirmer que le "modèle du Somaliland" prouve que de nombreuses autres entités arabes et musulmanes sont disposées à normaliser leurs relations si leurs intérêts politiques ou territoriaux spécifiques sont satisfaits.

Cela remet en question la position unifiée de la Ligue arabe et de l'Organisation de la coopération islamique, qui maintiennent que la normalisation doit être liée à la résolution du conflit palestinien.


Le deuxième gain majeur pour Israël est la possibilité d'une présence militaire dans la Corne de l'Afrique. La position stratégique du Somaliland dans le golfe d'Aden, près du détroit de Bab Al-Mandab, en fait un lieu privilégié pour la surveillance du trafic maritime.

Il s'agit d'une bombe à retardement étant donné que de l'autre côté de cette mer étroite se trouve le Yémen, où le mouvement Houthi - dont le slogan est "Mort à Israël" - contrôle un territoire important.

Israël peut prétendre qu'une présence militaire ou de renseignement au Somaliland renforcera la sécurité régionale en contrant les menaces des Houthis sur la navigation. Toutefois, les voisins de la région craignent que cette présence n'attise les tensions.

L'ambassadeur Bamakhrama a prévenu qu'une présence militaire israélienne "transformerait effectivement la région en une poudrière".


"Si Israël décidait d'établir une base militaire dans un endroit géopolitiquement sensible, cela serait perçu à Tel-Aviv comme un gain stratégique dirigé contre les États arabes bordant la mer Rouge, à savoir l'Égypte, l'Arabie saoudite, la Somalie, le Yémen, le Soudan et Djibouti", a-t-il déclaré.

La mer Rouge est un "corridor maritime international vital" et toute modification de son équilibre géopolitique aurait des "répercussions bien au-delà de la région", a-t-il ajouté.

Cette reconnaissance constitue également une violation flagrante du droit international et du principe d'intégrité territoriale inscrit dans la Charte des Nations unies.

Si les partisans de la reconnaissance font état d'exceptions telles que le Sud-Soudan ou le Kosovo, il n'en reste pas moins que ces cas impliquaient des circonstances très différentes, notamment des conflits génocidaires prolongés et de vastes transitions sous l'égide des Nations unies.

En revanche, l'Union africaine a toujours affirmé que le Somaliland faisait partie intégrante de la Somalie.
 

La réaction a été rapide et sévère. La Ligue arabe, le Conseil de coopération du Golfe et l'OCI ont tous décrié cette décision. Même le président américain Donald Trump, qui a pourtant joué un rôle dans les accords d'Abraham, n'a pas approuvé la décision d'Israël.

Lorsqu'on lui a demandé si Washington suivrait le mouvement, M. Trump a répondu par un "non" catégorique, ajoutant : "Est-ce que quelqu'un sait vraiment ce qu'est le Somaliland ?"

Ce manque de soutien de la part de Washington souligne l'isolement de la position d'Israël. L'OCI et les ministres des affaires étrangères de 21 pays ont publié une déclaration commune mettant en garde contre de "graves répercussions" et rejetant tout lien potentiel entre cette reconnaissance et les projets de déplacement des Palestiniens de Gaza vers la région africaine.

La reconnaissance du Somaliland par Israël semble être un pari calculé visant à échanger des normes diplomatiques contre un avantage stratégique.

Alors que Hargeisa célèbre une étape longtemps attendue, le reste du monde y voit un dangereux précédent qui menace de déstabiliser l'un des couloirs les plus instables du monde.

Comme le dit l'ambassadeur Bamakhrama, l'établissement de tels liens "ferait d'Israël le premier et le seul État à rompre avec le consensus international" - une décision qui donne la priorité à des "calculs stratégiques étroits" plutôt qu'à la stabilité du système international.


La coalition arabe met en garde contre toute action militaire compromettant la désescalade au Yémen

Des membres yéménites des tribus Sabahiha de Lahj lors d'un rassemblement pour manifester leur soutien au Conseil de transition du Sud (STC) dans la ville portuaire côtière d'Aden, le 14 décembre 2025. (AFP)
Des membres yéménites des tribus Sabahiha de Lahj lors d'un rassemblement pour manifester leur soutien au Conseil de transition du Sud (STC) dans la ville portuaire côtière d'Aden, le 14 décembre 2025. (AFP)
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  • Le porte-parole de la coalition, le général de division Turki Al-Maliki, a indiqué que cet avertissement fait suite à une demande du Conseil présidentiel yéménite pour prendre des mesures urgentes

DUBAÏ : La coalition arabe soutenant le gouvernement yéménite internationalement reconnu a averti samedi que tout mouvement militaire compromettant les efforts de désescalade serait traité immédiatement afin de protéger les civils, a rapporté l’Agence de presse saoudienne.

Le porte-parole de la coalition, le général de division Turki Al-Maliki, a déclaré que cet avertissement fait suite à une demande du Conseil présidentiel yéménite visant à prendre des mesures urgentes pour protéger les civils dans le gouvernorat de Hadramout, face à ce qu’il a qualifié de graves violations humanitaires commises par des groupes affiliés au Conseil de transition du Sud (CTS).

Le communiqué précise que ces mesures s’inscrivent dans le cadre des efforts conjoints et continus de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis pour réduire les tensions, faciliter le retrait des forces, remettre les camps militaires et permettre aux autorités locales d’exercer leurs fonctions.

Al-Maliki a réaffirmé le soutien de la coalition au gouvernement yéménite internationalement reconnu et a appelé toutes les parties à faire preuve de retenue et à privilégier des solutions pacifiques, selon l’agence.

Le CTS a chassé ce mois-ci le gouvernement internationalement reconnu de son siège à Aden, tout en revendiquant un contrôle étendu sur le sud du pays.

L’Arabie saoudite a appelé les forces du CTS à se retirer des zones qu’elles ont prises plus tôt en décembre dans les provinces orientales de Hadramout et d’Al-Mahra.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com