Table ronde à Riyad: L'importance croissante de l'Arabie saoudite et de la région du Golfe à l'échelle mondiale

Federico Rampini, journaliste italien, écrivain et expert principal en géopolitique à la Maison européenne - Ambrosetti, a participé à une table ronde organisée par le Gulf Research Center (GRC) à Riyad (Photo fournie).
Federico Rampini, journaliste italien, écrivain et expert principal en géopolitique à la Maison européenne - Ambrosetti, a participé à une table ronde organisée par le Gulf Research Center (GRC) à Riyad (Photo fournie).
Short Url
Publié le Mardi 16 janvier 2024

Table ronde à Riyad: L'importance croissante de l'Arabie saoudite et de la région du Golfe à l'échelle mondiale

  • Le journaliste italien Federico Rampini s'est exprimé lors d'un événement organisé par le Gulf Research Center et la Maison européenne - Ambrosetti
  • Il a révélé que le sentiment «optimiste» des milieux d'affaires contredisait les récits des médias occidentaux sur l'Arabie saoudite

RIYAD: Au cours des dix dernières années, l'Arabie saoudite a connu une transformation «étonnante», favorisée par des réformes internes et des changements géopolitiques qui ont rehaussé le profil et l'importance du Royaume au niveau mondial, selon Federico Rampini, journaliste, écrivain et conférencier italien primé.

S'exprimant dimanche lors d'une table ronde organisée dans la capitale saoudienne, Riyad, sur « l’importance de l'Arabie saoudite, de la région du Golfe et du Moyen-Orient », M. Rampini a fourni une perspective globale sur la montée en puissance du Royaume, vue des États-Unis, de l'Europe et de la Chine.

Le séminaire, organisé conjointement par le Gulf Research Center et la Maison européenne - Ambrosetti, a exploré les tendances mondiales en matière d'économie, de transition énergétique et de géopolitique, qui ont ouvert la voie à l'émergence du Royaume en tant que poids lourd régional.

L'un des changements géopolitiques les plus fondamentaux de ces dernières années a été l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, qui a entraîné des sanctions occidentales sur le pétrole et le gaz russes et a contraint l'Europe à s'aligner plus étroitement sur les États du Golfe pour ses approvisionnements en énergie.

«La guerre en Ukraine a rompu les relations qui nous unissaient depuis des décennies à la Russie pour nos approvisionnements en énergie fossile et autres matières premières et produits de base», a indiqué M. Rampini lors du séminaire.

Les participants à la table ronde avec Federico Rampini, journaliste italien, écrivain et expert principal en géopolitique à la Maison européenne - Ambrosetti, organisée par le Gulf Research Center (GRC) à Riyad, lundi 15 janvier 2023 (Photo fournie).

«Il s'agit d'un contre-choc, symétrique et opposé à celui de 1973-79. Il y a cinquante ans, nous avons dû nous tourner vers la Russie après l'embargo pétrolier de l'OPEP lié à la guerre du Kippour», a-t-il ajouté.

La nécessité pour l'Europe de renforcer sa sécurité énergétique dans un contexte de hausse des prix a également eu des répercussions sur le programme relatif aux énergies renouvelables, qui a dû être relégué au second plan.

«Dans le même temps, la guerre en Ukraine a remis en question les opinions les plus extrêmes, radicales et naïves des écologistes sur une décarbonisation rapide et totale», a expliqué M. Rampini.

Federico Rampini, journaliste italien, écrivain et expert principal en géopolitique à la Maison européenne - Ambrosetti, a participé à une table ronde organisée par le Gulf Research Center (GRC) à Riyad le lundi 15 janvier 2023 (Photo fournie).

L'Ukraine n'est pas le seul facteur qui a motivé ce réalignement. Les perturbations de la chaîne d'approvisionnement dues aux pandémies et la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine ont également renforcé l'intérêt pour les partenariats avec le Moyen-Orient, aidés en cela par la diversification économique de l'Arabie saoudite.

La pandémie et la nouvelle guerre froide entre l'Occident et la Chine, avec toutes les perturbations des chaînes d'approvisionnement, ont suscité un nouvel intérêt pour certains pays du Moyen-Orient en tant que partenaires potentiels pour «délocaliser chez les amis» et «atténuer les risques» du secteur manufacturier, a signalé M. Rampini.

«Cela concorde avec le programme d'industrialisation de la Vision 2030 de l'Arabie saoudite», a-t-il ajouté.

L'Arabie saoudite a évité d'être un bénéficiaire passif de ces changements géopolitiques. Le Royaume a été proactif ces dernières années, établissant des collaborations avec d'autres économies émergentes, notamment des pays africains riches en ressources.

«Le regain d'intérêt pour l'Afrique, surtout pour son abondance en ressources naturelles, requiert des partenariats avec des acteurs qui y ont déjà investi, comme l'Arabie saoudite, et qui, pour des raisons politiques et culturelles, sont mieux accueillis que les pays occidentaux», estime M. Rampini.

EN BREF

● Federico Rampini est un journaliste, écrivain et conférencier italien primé.

● Il a été rédacteur en chef adjoint du quotidien Il Sole 24 Ore et correspondant étranger en chef de La Repubblica depuis 1997.

● Le Gulf Research Center a été fondé en juillet 2000 pour mener des études de haute qualité sur tous les aspects des pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ainsi que de l'Iran, de l'Irak et du Yémen.

Une relation sur laquelle les dirigeants occidentaux avaient fondé leurs espoirs était la normalisation des relations entre l’Arabie saoudite et Israël – une initiative lancée en 2020 avec la signature des accords d’Abraham par les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Soudan et le Maroc.

L'Arabie saoudite aurait été en pourparlers pour signer les accords. La guerre à Gaza entre Israël et le groupe militant palestinien Hamas semble toutefois avoir fait reculer l'initiative menée par les États-Unis.

«L'innovation géopolitique des accords d'Abraham, en tant que précurseur d'une détente plus générale entre les pays arabes et Israël, a semblé réduire les risques d'instabilité et de conflit, favorisant un climat plus propice à l'afflux d'investissements étrangers», a signalé M. Rampini.

«Malheureusement, ce scénario a changé radicalement après l'attaque du Hamas du 7 octobre», a-t-il ajouté.

Les participants à la table ronde avec Federico Rampini, journaliste italien, écrivain et expert principal en géopolitique à la Maison européenne - Ambrosetti, organisée par le Gulf Research Center (GRC) à Riyad, lundi 15 janvier 2023 (Photo fournie).

Les changements au sein même de l’Arabie saoudite et le changement d’attitude qui en a résulté ont également contribué à l’importance croissante du Royaume.

«La Vision 2030 et ce que nous pourrions appeler “l'effet MBS” ont incité à plusieurs changements dans la perception de l'Arabie saoudite», a déclaré M. Rampini, en référence à la stratégie de réforme transformatrice lancée par le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, en 2016.

«Ces changements sont encore en cours, incomplets et susceptibles de provoquer des réactions négatives», a-t-il mentionné.

«À un niveau plus profond, l'Arabie saoudite a cessé d'être associée au fondamentalisme islamique. L'évolution du statut des femmes a eu un impact. L'espoir que le Royaume devienne presque aussi cosmopolite et laïque que Dubaï ou le Qatar a suscité un nouvel intérêt pour ce pays.

«Ensuite, il y a tout le dynamisme en termes d'opportunités commerciales, de grands projets allant des énergies renouvelables au développement urbain, la nouvelle vocation pour le tourisme et la durabilité – le changement générationnel, non seulement dans le leadership, mais aussi dans la main-d'œuvre», a précisé M. Rampini.

L'évolution des attitudes à l'égard de l’Arabie saoudite est également liée à l'évolution de la situation politique en Occident, où un revirement vers la droite et une forme plus pragmatique de conservatisme ont influencé les programmes de politique étrangère.

«La question de la démocratie et des droits de l'homme est devenue plus conflictuelle dans les pays occidentaux», a jugé M. Rampini.

«D'une manière générale, les partis de gauche et les partis verts ont tendance à prôner une politique étrangère fondée sur des valeurs, et ils le font souvent d'une manière très radicale et rigide», a-t-il ajouté.

«Les partis conservateurs et de droite préfèrent une realpolitik basée sur les intérêts et l'équilibre des pouvoirs. Étant donné que de nombreux pays occidentaux semblent se tourner vers la droite, je m'attends à ce que les relations avec l'Arabie saoudite s'améliorent», a-t-il estimé.

La stratégie de réforme, la Vision 2030 vise à jeter les bases d'une société saoudienne dynamique et d'une économie prospère (Photo fournie).

Bien entendu, l'Occident n'est pas le seul partenaire potentiel de l'Arabie saoudite. Le Royaume a reconnu un alignement croissant sur la Russie au sein de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP+), ce qui a suscité l'inquiétude de Washington quant à l'affaiblissement de l'influence régionale des États-Unis et aux possibilités offertes à Moscou et à Pékin.

«La position géopolitique de l'Arabie saoudite a accru sa pertinence», a déclaré M. Rampini. «Du point de vue des États-Unis, deux développements récents sont une source d'inquiétude ; du point de vue de la Chine et de la Russie, ils constituent une opportunité.»

«L'alignement croissant de l'Arabie saoudite et de la Russie au sein de l'OPEP+ est l'une de ces évolutions», a-t-il indiqué.

«La convergence sur la stratégie de tarification de l'énergie est encore plus inquiétante que le refus de l'Arabie saoudite d'adopter et d'appliquer des sanctions contre Moscou (dans la mesure où le refus de ces sanctions est commun aux pays du Sud).»

«L'autre préoccupation est la possibilité que l'Arabie saoudite devienne membre des BRICS (groupe des principales économies émergentes). Les responsables américains de la politique étrangère craignent que la Chine ne transforme les BRICS en un club anti-occidental.»

 «Les discussions sur la dédollarisation, bien qu'elles ne soient pas concluantes, sont considérées comme faisant partie du même grand projet entretenu par les dirigeants chinois», a-t-il mentionné.

L'Arabie saoudite a reçu une invitation à rejoindre le bloc des BRICS, composé à l'origine du Brésil, de la Russie, de l'Inde, de la Chine et de l'Afrique du Sud, lors du sommet du groupe qui s’est tenu au Cap en 2023. Bien qu'il n'ait pas encore répondu à l'invitation, le Royaume deviendrait un poids lourd économique s'il y adhérait.

Et même si Riyad choisit de rester en dehors des BRICS, ses relations avec la plus grande économie du bloc, la Chine, ont porté leurs fruits à d'autres égards, au grand dam des États-Unis.

«Le rôle de la Chine dans la normalisation diplomatique entre l'Arabie saoudite et l'Iran a été salué pour ses résultats positifs, mais il a renforcé les soupçons selon lesquels Pékin tente d'éloigner l'Arabie saoudite de son alliance traditionnelle avec les États-Unis», a indiqué M. Rampini.

M. Rampini a également évoqué le rôle, ou l'absence de rôle, de l’Arabie saoudite dans certaines des plus grandes questions régionales du moment, en particulier la guerre à Gaza et les événements en mer Rouge, où les attaques des Houthis contre la navigation commerciale ont été affrontées par des frappes américaines et britanniques sur des cibles des milices au Yémen.

«La guerre de Gaza et les troubles de la mer Rouge ont eu des effets contradictoires», a-t-il indiqué.

«Ils ont renforcé la perception de l'Arabie saoudite comme une puissance régionale majeure, un acteur indispensable à la stabilité. Toute solution à la question palestinienne, quelle que soit la personne qui la préconise, implique un rôle pour l'Arabie saoudite – un rôle politique, financier ou peut-être militaire», a-t-il souligné.

«Les États-Unis, l'Union européenne et la Chine sont tous sur la même longueur d'onde. Il n'y a pas de plan de paix futur pour le Moyen-Orient sans une forte implication de l'Arabie saoudite», a-t-il insisté.

«La diplomatie saoudienne est sollicitée et elle est impliquée dans toutes les négociations», a-t-il ajouté.

M. Rampini a reconnu les raisons de la réticence apparente de l'Arabie saoudite à s'engager dans un nouveau cycle d'hostilités au Yémen, en particulier à la suite des critiques formulées par les capitales occidentales et compte tenu des progrès récents dans les pourparlers avec les Houthis.

Toutefois, M. Rampini a mis en garde contre le fait que la déférence de l’Arabie saoudite à l'égard des efforts déployés par les pays occidentaux pour protéger le commerce maritime en mer Rouge pourrait être interprétée comme une vulnérabilité.

«Les troubles actuels en mer Rouge ont contraint les États-Unis à intervenir militairement contre les Houthis, dans une région où l'on pouvait s'attendre à ce que les Saoudiens soient le principal pourvoyeur de sécurité», a-t-il précisé.

Federico Rampini, journaliste italien, écrivain et expert principal en géopolitique à la Maison européenne - Ambrosetti, a participé à une table ronde organisée par le Gulf Research Center (GRC) à Riyad, lundi 15 janvier 2023 (Photo fournie).

«Je sais que ces remarques peuvent irriter les Saoudiens, qui se souviennent des pressions exercées sur eux par la communauté internationale, en particulier les États-Unis, pour qu'ils mettent fin à leurs opérations militaires au Yémen», a-t-il estimé.

Israël et les États-Unis ont apparemment été pris au dépourvu par l'attaque du Hamas du 7 octobre – une défaillance des services de renseignement qui, selon M. Rampini, donne une mauvaise image non seulement d'Israël, mais aussi de l'ensemble de la région du Golfe.

«Il y a eu de multiples échecs en matière de renseignement avant l'attaque du Hamas. L'échec israélien a été mis en évidence avant tout, l'échec américain aussi», a-t-il jugé.

«Mais on peut se demander pourquoi les autres acteurs de la région n'ont pas été suffisamment alertés sur le fait que l'Iran et le Hamas feraient n'importe quoi pour empêcher la normalisation ultime entre Israël et les pays arabes», a-t-il demandé.

Bien que de nombreux investisseurs soient à juste titre effrayés par la crise qui se déroule à Gaza et qui risque d'entraîner le Liban, la Syrie, l'Irak, le Yémen et même l'Iran dans une conflagration régionale plus large, d'autres restent optimistes quant à la prospérité du marché saoudien.

Toutefois, M. Rampini estime que l'attitude du public n'a pas évolué, en grande partie à cause d'un paysage médiatique peu sympathique.

«Dans les pays occidentaux, il y a un décalage entre le discours des grands médias sur l'Arabie saoudite et les milieux d'affaires», a-t-il souligné.

«La plupart des médias s'accrochent aux stéréotypes, sont peu conscients des progrès réalisés, même en matière de droits de l'homme, et traitent l'assassinat de Jamal Khashoggi en octobre 2018 comme la raison ultime d'écarter ce que j'ai appelé l’“effet MBS”.»

«Le monde des affaires a une approche opposée», a reconnu M. Rampini.

Relatant l’expérience des récentes conférences commerciales, M. Rampini a fait part de l’enthousiasme autour des opportunités d’investissement en Arabie saoudite, à un moment où les économies occidentales connaissent une croissance lente.

«Lors de mes réunions et entretiens avec les milieux d'affaires occidentaux et saoudiens ici à Riyad, je ressens aujourd'hui la même atmosphère optimiste que celle que j'ai ressentie il y a vingt ans en Chine, lorsque j'y vivais», a-t-il soutenu.

«Je ressens la même attitude positive, l'optimisme, la confiance que tout est possible, la conviction que l'avenir se construit dans un pays comme celui-ci, alors que l'Occident est en déclin», a-t-il conclu.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

Short Url
  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
Short Url
  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Short Url
  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.