Frankly Speaking: Israël mettra-t-il un jour fin à son occupation de la Palestine?

Pendant plus de quatre décennies, Gideon Levy a été journaliste et chroniqueur pour le quotidien israélien Haaretz. Il s’est entretenu avec Katie Jensen, l’animatrice de Frankly Speaking, l’émission d’Arab News. (Photo AN)
Pendant plus de quatre décennies, Gideon Levy a été journaliste et chroniqueur pour le quotidien israélien Haaretz. Il s’est entretenu avec Katie Jensen, l’animatrice de Frankly Speaking, l’émission d’Arab News. (Photo AN)
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Publié le Lundi 26 février 2024

Frankly Speaking: Israël mettra-t-il un jour fin à son occupation de la Palestine?

  • «Israël a systématiquement, dès le premier jour, déshumanisé et diabolisé les Palestiniens afin de justifier son occupation, ainsi que la création de l’État d’Israël», déclare Gideon Levy
  • Les politiciens israéliens espèrent peut-être une répétition des accords d’Abraham de 2020-2021, qui ont permis à Israël de normaliser ses relations avec les Émirats arabes unis et Bahreïn

DUBAÏ: Alors que la guerre à Gaza entrera bientôt dans son sixième mois, certains se demandent si la fin de l’occupation israélienne de la Palestine est envisageable. Ce qui est sûr, cependant, c’est qu’Israël mène une politique de déshumanisation et de diabolisation des Palestiniens pour justifier son occupation, selon Gideon Levy, l’un des plus célèbres journalistes israéliens.

«Israël a systématiquement, dès le premier jour, déshumanisé et diabolisé les Palestiniens afin de justifier son occupation ainsi que la création de l’État d’Israël», confie-t-il.

Il soutient par ailleurs qu’Israël «est très efficace en termes de propagande et de lavage de cerveau partout dans le monde» et qu’il est «le seul occupant de l’histoire qui se pose en victime».

M. Levy, qui a été pendant plus de quatre décennies journaliste pour le quotidien israélien Haaretz, couvrait principalement le conflit israélo-palestinien. Il a tenu ces propos lors de l’émission Frankly Speaking d’Arab News.

M. Levy a sévèrement critiqué les attaques israéliennes, en particulier celles qui ont été menées après l’offensive du Hamas dans le sud d’Israël en octobre 2023, qui a fait 1 200 morts et a conduit à l’enlèvement de 240 personnes. Selon le ministère de la Santé de Gaza, près de 30 000 individus, dont beaucoup de femmes et d’enfants, ont été tués jusqu’à présent dans le cadre des représailles israéliennes.

Les pays arabes, en particulier l’Arabie saoudite, ont fait pression sur Israël afin qu’il accepte un cessez-le-feu ou réduise son offensive. Le Royaume a fait de la création d’un État palestinien une condition préalable à tout accord de normalisation, les responsables israéliens étant favorables à l’idée d’une amélioration des relations avec les États arabes.

M. Levy doute cependant qu’un Premier ministre israélien, y compris Benjamin Netanyahou, aille aussi loin.

«Je ne les vois pas […] mettre fin à l’occupation», explique-t-il à Katie Jensen, animatrice de Frankly Speaking.

Les politiciens israéliens espèrent peut-être une répétition des accords d’Abraham de 2020-2021, qui ont permis à Israël de normaliser ses relations avec les Émirats arabes unis et Bahreïn.

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Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou (deuxième à gauche), affiche un grand sourire après avoir signé les prétendus accords d’Abraham avec le ministre des Affaires étrangères du royaume de Bahreïn, Abdellatif al-Zayani (à gauche) et le ministre des Affaires étrangères des Émirats arabes unis, Abdallah ben Zayed al-Nahyane (à droite), négociés par le gouvernement américain sous la présidence de Donald Trump (deuxième à droite) à la Maison-Blanche, à Washington, le 15 septembre 2020. (AFP)

Israël a aussi rapidement normalisé ses relations avec le Maroc et le Soudan.

«Peut-être espèrent-ils perpétuer les accords d’Abraham, qui leur ont permis de faire de bonnes affaires sans changer de politique à l’égard des Palestiniens, mais uniquement grâce à toutes sortes de paroles en l’air», affirme M. Levy.

«Je pense que tous les candidats au poste de Premier ministre en Israël – pas seulement Netanyahou, mais aussi l’opposition – préféreraient maintenir une occupation plutôt que d’avoir des relations normales avec un pays important comme l’Arabie saoudite.»

Même au-delà du monde arabe, la contre-offensive d’Israël à Gaza a déclenché une réaction internationale, notamment le procès historique de l’Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de justice. Cependant, M. Levy considère la plupart de ces propos comme des paroles creuses.

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Cette photo, prise le 26 janvier 2024, montre le panel de la Cour internationale de justice réuni à La Haye lors de la lecture de l’affaire de génocide déposée par l’Afrique du Sud contre Israël à la suite de ses attaques contre des civils dans la bande de Gaza. (X: @CIJ_ICJ)

«La sympathie envers les Palestiniens est très profondément enracinée au niveau des communautés, mais très peu de dirigeants semblent se soucier vraiment d’eux. Malheureusement, ils sont laissés pour compte depuis tant d’années maintenant, alors que de nombreux hommes d’État expriment leur solidarité du bout des lèvres. Presque personne ne fait rien pour leur venir en aide et ils se retrouvent tout à fait seuls, surtout ces dernières années», souligne M. Levy.

«Certes, on en parle beaucoup; condamnations, résolutions, décisions, règlements, audiences… un grand nombre d’initiatives. Il ne manque qu’une chose, c’est l’action. La prise de mesures.»

«Le monde n’a jamais envisagé d’actions véritables et les États-Unis, en particulier, n’ont jamais pris de mesures pour promouvoir leurs intérêts ou leurs idées. Ce pays prétend vouloir mettre un terme à cette guerre. Mais, en même temps, il fournit à Israël davantage de munitions et d’armes.»

Israël a appris qu’«il est très facile d’ignorer les discussions et de s’en tenir à sa politique, puisque le pays ne paie pas le prix de ses politiques», précise M. Levy.

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Une cargaison d’obus d’artillerie de 155 mm fournie par les États-Unis et qui doit être utilisée par l’armée israélienne est transportée dans un camion le long d’une autoroute entre Jérusalem et Beer-Sheva, dans le sud d’Israël, le 14 octobre 2023. (AFP)

Alors que les Palestiniens eux-mêmes et les dirigeants du monde entier appellent à la paix, M. Levy n’est pas certain que cette dernière doive être la priorité absolue lorsqu’il s’agit de négociations sur la Palestine. Il évoque plutôt la justice pour le peuple palestinien.

«J’appelle à la justice, non à la paix. […] Peut-être que la paix sera le petit plus que nous en tirerons. Mais je ne suis pas sûr que les deux peuples soient prêts à instaurer la paix. Cependant, il y a un seul peuple qui mérite justice. Et le monde devrait se mobiliser pour promouvoir cette cause.»

De 1978 à 1982, M. Levy a travaillé comme assistant et porte-parole de Shimon Peres, alors chef du Parti travailliste israélien. En 1982, il a commencé à écrire pour Haaretz, où il a ensuite occupé le poste de rédacteur en chef adjoint.

Il évoque depuis longtemps, dans ses écrits, son soutien à une solution à un État unique dans lequel les juifs, les Arabes et tous les citoyens disposeraient de droits égaux – une opinion controversée au sein des populations israélienne et palestinienne.

«Il y a 700 000 colons juifs dans les territoires occupés. Personne ne va les évacuer. Et il n’existe pas d’État palestinien viable avec 700 000 colons juifs, dont une partie très violente et tous très hautement idéologiques. Je ne pense pas qu’une solution à deux États soit envisageable.»

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Des objets sont dispersés plus d’une semaine après que des colons juifs ont attaqué le village de Wadi al-Seeq, en Cisjordanie occupée, le 24 octobre 2023. (AFP)

Il poursuit en ces termes: «Si ce n’est la solution à deux États, que reste-t-il? Un seul État. […] Le seul problème, c’est que ce n’est pas une démocratie.»

«Je dois dire à mes compatriotes israéliens qu’ils ne peuvent pas tout avoir. S’ils voulaient un État juif, ils auraient dû se retirer des territoires occupés depuis longtemps.»

«Si vous voulez un État démocratique, vous devez renoncer à l’État juif, car vous ne pouvez pas avoir les deux. Il y a deux peuples ici. On est soit un État d’apartheid, soit une démocratie.»

Alors que les bombardements israéliens se poursuivent sur l’ensemble de Gaza, de nombreux Palestiniens commencent à perdre espoir en leurs propres responsables. Même un mois avant le début de la dernière guerre entre Israël et le Hamas, 78% des Palestiniens souhaitaient la démission du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, selon un sondage du Centre palestinien de recherche sur les politiques et les enquêtes.

Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken (à gauche), rencontre le président palestinien, Mahmoud Abbas, dans la ville de Ramallah, en Cisjordanie occupée, le 7 février 2024, lors d’une tournée au Moyen-Orient, son cinquième voyage urgent dans la région depuis que la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza a éclaté, en octobre. (AFP)

Les observateurs se demandent désormais s’il pourrait y avoir un remplaçant à Abbas capable de mener des réformes et de revitaliser l’Autorité palestinienne.

Pour M. Levy, le dissident palestinien emprisonné Marwan Barghouti pourrait être candidat.

«Il était le seul à pouvoir réellement unir le peuple palestinien, le Hamas et le Fatah. Je crois aussi que c’est un partisan de la paix. Il l’a prouvé de plusieurs manières», souligne le journaliste.

M. Barghouti a été arrêté par Israël à Ramallah en 2002 et, deux ans plus tard, il a été condamné à cinq peines de réclusion à perpétuité pour cinq meurtres.

«J’espère qu’il est encore capable de diriger les Palestiniens. Je n’ai pas de meilleure idée. Je ne suis pas sûr que le Hamas puisse l’accepter aujourd’hui. Il y a vingt ans, oui, [mais] je n’en suis pas sûr aujourd’hui», ajoute M. Levy.

«J’ai pleinement confiance en lui. Parce que je crois en lui et parce que tant d’autres gens croient en lui aussi, Israël ne le relâchera jamais. C’est tellement tragique.»

Le portrait du dissident palestinien emprisonné Marwan Barghouti (à droite) apparaît aux côtés de celui de l’ancien président sud-africain Nelson Mandela dans un bureau de la ville de Ramallah, en Cisjordanie. M. Barghouti, détenu par Israël depuis près de deux décennies après avoir été reconnu coupable de plusieurs meurtres au cours de la deuxième Intifada, est comparé à Mandela, qui a mené avec succès la résistance à l’apartheid en Afrique du Sud. (AFP)

Depuis le mois d’octobre, en particulier, le discours populaire en Israël se retourne de plus en plus contre les Palestiniens, ce que M. Levy attribue à une combinaison de racisme et de déshumanisation.

«Si vous menez une occupation aussi brutale pendant tant d’années, si vous transmettez à vos soldats et à vos jeunes – génération après génération – l’idée qu’il n’y a rien de plus dérisoire que la vie d’un Palestinien, permettez-moi de vous dire ce qui suit: si l’armée israélienne avait tué autant de chiens qu’elle a tué de personnes à Gaza, ce serait un énorme scandale en Israël.»

En outre, les médias israéliens, qui, selon M. Levy, «ne couvrent pas les souffrances de Gaza», ont favorisé la montée en puissance des attitudes racistes dans le pays.

«Ils savent que les Israéliens ne veulent pas voir cela et qu’ils ne veulent pas en entendre parler. C’est le résultat de décennies de lavage de cerveau et de déshumanisation; comme je l’ai déjà dit, c’est le fruit de décennies de diabolisation des Palestiniens.»

«Les Israéliens ne rencontrent plus de Palestiniens à cause du mur de séparation [en Cisjordanie]. Il n’y a presque plus de contact entre les deux peuples», renchérit M. Levy, expliquant que l’attaque du 7 octobre dernier a conduit les Israéliens à mettre tous les Palestiniens dans la même catégorie que le Hamas et les auteurs de l’attaque.

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Des participants au Marathon de la liberté de mouvement en Palestine courent devant une section du mur de séparation controversé d’Israël, à Bethléem, en Cisjordanie occupée par Israël, le 10 mars 2023. (AFP)

" Il suffit d’un seul attentat, comme ce terrible attentat du 7 octobre, pour que toutes les idées politiques incorrectes deviennent politiquement correctes.»

«La plupart des Israéliens pensent qu’ils ont désormais le droit de faire et de dire ce que bon leur semble en raison de la situation horrible dont ils ont été victimes.»

Dans l’esprit des Israéliens aujourd’hui, conclut M. Levy, «tous les Palestiniens portent la responsabilité des crimes du 7 octobre. Ils y ont tous pris part».

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Un an après le cessez-le-feu au Liban, la paix reste fragile alors que les violations israéliennes se multiplient

Cette frappe est la cinquième opération israélienne visant la banlieue sud depuis le 27 novembre 2024, et la deuxième à avoir lieu sans avertissement préalable. (Photo d'archive: AFP)
Cette frappe est la cinquième opération israélienne visant la banlieue sud depuis le 27 novembre 2024, et la deuxième à avoir lieu sans avertissement préalable. (Photo d'archive: AFP)
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  • Le cessez-le-feu demeure extrêmement fragile : plus de 5 000 violations israéliennes, une frappe majeure à Beyrouth et un risque réel d’escalade malgré les appels internationaux à la retenue
  • Le Sud-Liban vit une crise humanitaire profonde, avec des villages détruits, jusqu’à 70 000 déplacés et une population abandonnée entre l’État libanais et le Hezbollah

BEYROUTH : Alors que le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah s'apprête à entrer dans sa deuxième année vendredi, les signaux d'alarme retentissent plus fort que jamais quant au risque d’une reprise du conflit au Liban.

L’assassinat dimanche dernier de Haytham Ali Tabatabai, chef militaire du Hezbollah et deuxième figure la plus puissante du mouvement après le secrétaire général Naim Qassem, lors d’une attaque audacieuse dans la banlieue sud de Beyrouth, a brisé les espoirs d’une stabilité durable.

La réponse du Hezbollah — qu’elle prenne la forme d’une action militaire ou d’un simple blâme diplomatique, comme certains cadres l’ont laissé entendre — pourrait déterminer si le cessez-le-feu survivra.

Cette frappe représente la cinquième opération israélienne visant la banlieue sud depuis le 27 novembre 2024, et la deuxième menée sans avertissement préalable.

Les registres officiels font état de 5 350 violations israéliennes du cessez-le-feu en douze mois. Ces violations ont coûté la vie à plus de 340 personnes — principalement des combattants et commandants du Hezbollah, mais aussi des civils, dont des enfants et des femmes — et ont blessé plus de 650 autres.

Dans une escalade notable, les forces israéliennes ont frappé pour la première fois Aïn Al-Héloué, un camp de réfugiés palestiniens.

Les violations répertoriées comprennent 2 198 incursions terrestres, 2 983 opérations aériennes et 169 violations maritimes.

Les forces de maintien de la paix de l’ONU dressent un tableau encore plus sombre, rapportant plus de 7 500 violations aériennes et environ 2 500 violations terrestres au nord de la Ligne bleue depuis l’accord de l’an dernier, ainsi que la découverte et la saisie de plus de 360 caches d’armes abandonnées, remises à l’armée libanaise.

La stratégie d’Israël s’apparente à une campagne d’usure progressive contre le Hezbollah, visant à réduire systématiquement ses capacités tandis que l’armée libanaise s’emploie à désarmer le groupe au sud du fleuve Litani.

L’armée affirme avoir rempli plus de 80 % de ce mandat, avec une échéance fixée à la fin de l’année avant que les opérations ne s’étendent vers le nord — une zone dans laquelle le Hezbollah refuse catégoriquement de rendre ses armes, estimant que la décision revient aux dirigeants politiques libanais.

Le conflit lui-même a porté de lourds coups au Hezbollah, décimant ses rangs et infligeant des pertes catastrophiques à ses stocks d’armement. Mais le plus inquiétant est peut-être l’empiètement physique d’Israël sur le territoire libanais.

Les observateurs de l’ONU ont documenté la construction par l’armée israélienne de murs en T en béton près de la Ligne bleue. Des relevés confirment que ces barrières s’enfoncent dans le territoire libanais au sud-ouest de Yaroun, isolant plus de 4 000 m² de terres libanaises. Des constructions similaires sont apparues au sud-est de la même ville ces dernières semaines.

Plus largement, les forces israéliennes contrôlent cinq positions réparties sur 135 km de territoire libanais — des Fermes de Chebaa à Ras Al-Naqoura — situées 500 à 1 000 mètres au-delà de la Ligne bleue.

L’ONU a exigé des enquêtes rapides et impartiales sur les opérations militaires israéliennes, en particulier la frappe contre le camp de réfugiés palestiniens, évoquant des violations potentielles du droit international humanitaire et appelant à la reddition de comptes.

Vingt ressortissants libanais croupissent dans les prisons israéliennes, principalement à Ofer, parmi lesquels dix membres du Hezbollah capturés lors de combats près d’Aïta Al-Chaab, un officier de marine enlevé lors d’un raid commando, et neuf civils. Leurs familles n’ont reçu aucune information officielle du Comité international de la Croix-Rouge sur leurs conditions ou leur état de santé.

Une source officielle libanaise a estimé que « la libération des détenus fait partie des termes de l’accord de cessez-le-feu, tout comme le retrait des territoires occupés, et le Liban ne détient aucun prisonnier israélien en échange. »

La politique de la terre brûlée menée par Israël dans les villages frontaliers s’est poursuivie, les attaques visant toute tentative de reconstruction. La Banque mondiale estime le coût des travaux à environ 11 milliards de dollars.

« Entre 10 et 15 villages ont été complètement rayés de la carte », affirme Tarek Mazraani, ingénieur à Houla et coordinateur du « Rassemblement des villages frontaliers du Sud ».

Mazraani estime que 65 000 à 70 000 personnes restent déplacées de leurs maisons et de leurs villages détruits.

« Ceux qui sont revenus sont ceux qui ne peuvent littéralement aller nulle part ailleurs, principalement des personnes âgées vivant au milieu des décombres, exposées quotidiennement à l’horreur des bombardements et aux couvre-feux, sans aucun hôpital pour les soigner », a-t-il déclaré à Arab News.

Toute personne souhaitant enterrer un proche doit obtenir l’autorisation de la FINUL, qui informe ensuite Israël pour permettre l’inhumation.

« Malgré cela, l’armée israélienne bombarde à chaque fois les abords du cortège funéraire », ajoute Mazraani.

Il précise que les déplacés ont loué des logements à Nabatiyé, Tyr, Saïda, Iqlim Al-Kharroub, dans la banlieue sud de Beyrouth et au Mont-Liban. La plupart sont agriculteurs, mais on compte aussi des enseignants, des ingénieurs, des travailleurs indépendants et des membres des forces de sécurité.

« Depuis la fin de la guerre, ces gens sont laissés sans aucun soutien officiel ou partisan. L’un des habitants les plus riches de la région, qui a tout perdu, travaille désormais comme livreur », dit-il.

Les personnes déplacées sont prises entre l'État parallèle du Hezbollah et l'État libanais : « Tout le monde exploite leur tragédie, même au sein de notre propre communauté du sud. Les loyers sont extrêmement élevés et nous ne nous sentons jamais chez nous. »

L’un d’eux, qui souhaite rester anonyme, explique : « Ceux qui ne sont affiliés à aucun parti sont loin de la politique. Notre seule préoccupation est d’assurer notre subsistance et une couverture financière en cas d’hospitalisation. Nous nous sentons orphelins et abandonnés, surtout quand une institution du Hezbollah nous dit qu’elle n’a plus d’argent. »

Il ajoute : « Les habitants des zones détruites paient le prix fort. Certains en veulent au Hezbollah pour la guerre et les milliers de morts qu’elle a entraînés, tandis que d’autres craignent que l’autre camp se réjouisse de notre malheur sans jamais nous rassurer. »

Les attentes libanaises face aux menaces israéliennes de relancer la guerre — sapant l’accord de cessez-le-feu négocié par la France et les États-Unis et dont les termes ressemblent fortement aux points principaux de la résolution 1701 — restent contradictoires.

Certains observateurs politiques jugent ces menaces « exagérées », tandis que d’autres estiment qu’« une frappe est inévitable mais n’aboutira pas à une guerre totale ; elle vise à pousser le Liban à négocier ».

Plus tôt ce mois-ci, le président libanais Joseph Aoun a déclaré : « Le Liban n’a pas d’autre choix que de négocier, et le langage de la négociation est plus important que celui de la guerre. »

Le Premier ministre Nawaf Salam l’a confirmé, exprimant son espoir d’un « soutien américain à une solution diplomatique ».

Pour l’heure, cependant, des négociations directes entre le Liban et Israël restent totalement exclues.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Israël: le ministre de la Défense avertit qu'il n'y aura "pas de calme" au Liban sans sécurité pour son pays

Un an après le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne maintient toujours cinq positions dans le sud du Liban, avec des fortifications et des voies d'accès élargies, selon des images satellites analysées par l'AFP. (AFP)
Un an après le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne maintient toujours cinq positions dans le sud du Liban, avec des fortifications et des voies d'accès élargies, selon des images satellites analysées par l'AFP. (AFP)
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  • Israël avertit qu’aucun calme ne reviendra au Liban tant que sa propre sécurité ne sera pas garantie, intensifiant ses frappes malgré la trêve et affirmant vouloir désarmer le Hezbollah
  • L’Égypte tente de désamorcer les tensions, tandis que l’application du cessez-le-feu reste bloquée : l’armée libanaise dit vouloir démanteler les positions du Hezbollah, mais Israël et les États-Unis accusent Beyrouth de traîner

JERUSALEM: Le ministre de la Défense israélien a averti mercredi qu'il n'y aura "pas de calme" au Liban sans sécurité pour son pays, alors qu'Israël a intensifié ses opérations militaires au Liban ces dernières semaines, en dépit d'un accord de cessez-le-feu.

"Nous ne permettrons aucune menace contre les habitants du nord, et une pression maximale continuera à être exercée et même s'intensifiera", a déclaré Israël Katz lors d'une intervention devant le parlement israélien, avançant pour preuve "l'élimination" dimanche à Beyrouth du chef militaire du Hezbollah.

"Il n'y aura pas de calme à Beyrouth ni d'ordre et de stabilité au Liban tant que la sécurité de l'Etat d'Israël ne sera pas garantie", a ajouté M. Katz en affirmant que son pays allait désarmer le Hezbollah.

Le ministre égyptien des Affaires étrangères a déclaré mercredi que son pays oeuvrait à la désescalade des tensions entre Israël et le mouvement armé libanais soutenu par l'Iran.

"Nous craignons toute escalade et nous sommes inquiets pour la sécurité et la stabilité du Liban", a déclaré ce ministre, Badr Abdel Ati, après sa rencontre avec le président libanais Joseph Aoun à Beyrouth mercredi.

"Nous engageons des efforts considérables pour épargner au Liban tout risque, ou toute atteinte, concernant sa sécurité", a-t-il ajouté.

Israël a frappé le Liban à plusieurs reprises malgré la trêve, affirmant régulièrement cibler les membres et les infrastructures du Hezbollah pour empêcher le groupe de se réarmer, ce qu'il nie être en train de faire.

En vertu de l'accord de cessez-le-feu, l'armée libanaise doit démanteler la présence militaire du Hezbollah sur une bande d'une trentaine de kilomètres entre la frontière avec Israël et le fleuve Litani, plus au nord.

L'armée a soumis un plan au gouvernement, dans lequel elle s'engage à accomplir cette tâche titanesque, avant de procéder par étapes sur le reste du territoire libanais. Mais les Etats-Unis et Israël accusent les autorités libanaises de tarder, face à la ferme opposition du Hezbollah.

Ce dernier invoque notamment le maintien par Israël de cinq postes dans le sud du Liban, dont l'accord de cessez-le-feu stipule pourtant que l'armée israélienne doit se retirer.


Soudan: le chef de l'armée exhorte Trump à mettre fin à la guerre

Des filles soudanaises qui ont fui El-Fasher reçoivent une aide humanitaire au camp de déplacés d'Al-Afad, à Al-Dabba, dans le nord du Soudan, mardi. (AFP)
Des filles soudanaises qui ont fui El-Fasher reçoivent une aide humanitaire au camp de déplacés d'Al-Afad, à Al-Dabba, dans le nord du Soudan, mardi. (AFP)
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  • Abdel Fattah al-Burhane appelle Donald Trump à intervenir pour imposer la paix au Soudan
  • Alors que les violences s’intensifient, les initiatives internationales peinent à avancer

PORT-SOUDAN : Le chef de l’armée soudanaise, Abdel Fattah al-Burhane, en guerre depuis avril 2023 contre un groupe paramilitaire rival, a appelé mercredi le président américain Donald Trump à instaurer la paix.

« Le peuple soudanais se tourne désormais vers Washington pour la prochaine étape : s’appuyer sur l’honnêteté du président américain et travailler avec nous — ainsi qu’avec ceux dans la région qui recherchent sincèrement la paix — pour mettre fin à cette guerre », écrit le dirigeant de facto du Soudan dans une tribune publiée dans The Wall Street Journal.

Les tentatives de paix entre Burhane et son ancien adjoint, le chef des Forces de soutien rapide (FSR), Mohamed Hamdan Dagalo, ont échoué à maintes reprises au fil d’un conflit ayant fait des dizaines de milliers de morts, déplacé 12 millions de personnes et provoqué les pires crises de faim et de déplacement au monde.

Trump s’est intéressé pour la première fois à cette guerre la semaine dernière, promettant d’y mettre fin après avoir été exhorté à s’impliquer par le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane.

« Le consensus parmi les Soudanais est que M. Trump est un dirigeant qui parle directement et agit avec détermination. Beaucoup estiment qu’il a la capacité de s’opposer aux acteurs étrangers qui prolongent notre souffrance », écrit Burhane.

Les États-Unis et les Émirats arabes unis, aux côtés de l’Arabie saoudite et de l’Égypte, tentent actuellement de négocier une trêve.

Dans son texte de 1 200 mots publié mercredi, Burhane affirme qu’il s’agit de choisir « entre un État souverain qui tente de protéger ses citoyens et une milice génocidaire déterminée à détruire des communautés ».

Le gouvernement de Burhan est reconnu au niveau international, et en janvier, les États-Unis ont déterminé que la RSF avait commis un génocide dans la région occidentale du Darfour.

Mais ses propres forces ont également été accusées d’exactions depuis le début de la guerre, notamment d’avoir visé des civils et bombardé sans discrimination des zones résidentielles.

Le militaire de carrière, qui avait collaboré avec Dagalo en 2021 pour écarter les civils d’un gouvernement de transition, écrit mercredi : « J’ai longtemps reconnu que les FSR étaient une poudrière. »

Le chef des FSR, Dagalo, dont les combattants avaient été initialement recrutés par Khartoum pour mener ses guerres dans les périphéries du Soudan, était devenu le bras droit de Burhane après le soulèvement de 2018-2019.

Un long conflit de pouvoir, resté latent, a finalement explosé en guerre ouverte le 15 avril 2023.