Le fossé se creuse entre Macron et Scholz à un moment crucial pour l'Ukraine

L'éventualité évoquée par le président français d'envoyer en Ukraine des soldats de pays d'Europe ou de l'Otan a été rejetée catégoriquement mardi par Olaf Scholz (Photo, AFP).
L'éventualité évoquée par le président français d'envoyer en Ukraine des soldats de pays d'Europe ou de l'Otan a été rejetée catégoriquement mardi par Olaf Scholz (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 28 février 2024

Le fossé se creuse entre Macron et Scholz à un moment crucial pour l'Ukraine

  • Les relations entre l'austère chancelier de centre gauche et le chef de l'Etat français, qui évoluent cahin-caha depuis le début, semblent avoir atteint un point bas
  • Les différends les plus flagrants portent actuellement sur la forme d'aide à apporter à l'Ukraine face au rouleau compresseur russe

BERLIN: Emmanuel Macron et Olaf Scholz, à la tête des deux plus grandes puissances de l’UE, affichent désormais avec une rare ostentation leurs différends sur l'Ukraine, avec le risque de faire le jeu de Vladimir Poutine.

Un "désastre": l'influent magazine allemand Der Spiegel dénonce mercredi le comportement "égocentrique" des deux dirigeants, qui se présentent volontiers "comme des moteurs de l'Europe" alors qu'ils sont en train de lui nuire par pure "vanité".

Les relations entre l'austère chancelier de centre gauche et le chef de l'Etat français, qui évoluent cahin-caha depuis le début, semblent avoir atteint un point bas.

Les différends les plus flagrants portent actuellement sur la forme d'aide à apporter à l'Ukraine face au rouleau compresseur russe, au moment où une enveloppe vitale de plus de 60 milliards de dollars reste bloquée aux Etats-Unis.

La conférence de soutien à Kiev organisée par Paris lundi aurait pu être une bonne occasion pour les Européens d'afficher leur unité.

Au lieu de cela, "de nouvelles attaques entre le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz jettent une ombre sur l'état de la coopération européenne, deux ans après l'attaque de la Russie", déplore le magazine allemand Wirtschaftswoche.

5000 casques

Le chef d'Etat français a paru implicitement s'en prendre à des pays comme l'Allemagne, qui a longtemps hésité à livrer certaines armes lourdes à Kiev. "Je vous rappelle qu'il y a deux ans, beaucoup autour de cette table disaient: +nous allons proposer des sacs de couchage et des casques+. Aujourd'hui ils disent: +il faut faire plus vite et plus fort+", a-t-il dit à Paris.

Berlin s'était attirée les sarcasmes après avoir proposé d'envoyer 5.000 casques à l'Ukraine, juste avant le début de l'offensive russe.

La déclaration d'Emmanuel Macron a sonné comme une réplique à Olaf Scholz qui venait de signifier son refus de livrer les missiles longues portée Taurus que réclame le président Volodymyr Zelensky.

Elle est intervenue aussi alors que le chancelier allemand, dont le pays est le plus grand contributeur européen en valeur absolue d'aides financière et militaire à l'Ukraine avec plus de sept milliards d'euros prévus cette année, ne cesse d'appeler ses alliés européens à faire davantage, visant implicitement la France et l'Italie.

Dans ce contexte, l'éventualité évoquée par le président français d'envoyer en Ukraine des soldats de pays d'Europe ou de l'Otan a été rejetée catégoriquement mardi par Olaf Scholz.

"Cela n'est pas dramatique", a tenté de minimiser mercredi le porte-parole du chancelier, Steffen Hebestreit.

Emmanuel Macron "a marqué sa position, pour laquelle il y a peu de soutien international (...) tandis que l'Allemagne appartient à un grand groupe qui voit les choses différemment", parmi lesquels les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Espagne ou encore l'Italie, a-t-il néanmoins ajouté.

«Champagne» à Moscou

Mais ces rivalités sont "profondément regrettables" et profitent au président russe Vladimir Poutine, prévient l'ancien ambassadeur allemand Wolfgang Ischinger sur la chaîne de Welt TV. "Où pensez-vous que les bouchons de champagne vont sauter? Pas à Washington, ni en Italie, mais à Moscou", estime l'ancien directeur de la Conférence sur la sécurité de Munich.

"L'arme la plus puissante de Poutine est la dispute en Europe", abonde le magazine allemand Wirtschaftswoche.

Au-delà, la France et l'Allemagne ont plusieurs divergences de fond, notamment sur la préférence européenne pour les achats d’armement, la conception de la défense aérienne.

"La différence avec Scholz, c'est qu'il n’a pas l'arme nucléaire et pas la même armée que nous", dit un conseiller de l'exécutif français, et "fermer une porte c’est stratégiquement offrir un point à Poutine".

"Ces différends affaiblissent la capacité européenne à soulever le défis de sa sécurité", juge Rym Momtaz, de l'International Institute for Strategic Studies.

Paris voit la politique de défense du chancelier, essentiellement orientée sur la protection des Etats-Unis via l'Otan, comme "une remise en cause des compromis franco-allemands" décidés en 2017 avec Angela Merkel visant à promouvoir la souveraineté de l'UE, pointe Jacob Ross, du groupe réflexion DGAP.

"Du point de vue français, Olaf Scholz trahit l'idée de souveraineté de l'UE", souligne l'expert, "et sape l'héritage politique que Macron aimerait laisser en 2027".


Macron fustige les «bourgeois des centres-villes» qui financent «parfois» le narcotrafic

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  • Emmanuel Macron a également insisté sur "la nécessité d'avoir une approche interministérielle du très local à l'international"
  • La question est au centre du débat public depuis l'assassinat jeudi à Marseille de Mehdi Kessaci, le frère d'un militant engagé contre le narcotrafic

PARIS: Le président Emmanuel Macron a estimé mercredi lors du Conseil des ministres que ce sont "parfois les bourgeois des centres-villes qui financent les narcotrafiquants", selon des propos rapportés par la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon lors de son compte-rendu.

Le chef de l'État a appuyé "l'importance d'une politique de prévention et de sensibilisation puisque, je reprends ses mots, +c'est parfois les bourgeois des centres-villes qui financent les narcotrafiquants+", a précisé Maud Bregeon, ajoutant: "on ne peut pas déplorer d'un côté les morts et de l'autre continuer à consommer le soir en rentrant du travail".

Emmanuel Macron a également insisté sur "la nécessité d'avoir une approche interministérielle du très local à l'international". La question est au centre du débat public depuis l'assassinat jeudi à Marseille de Mehdi Kessaci, le frère d'un militant engagé contre le narcotrafic.

 


Amiante dans les écoles: plus de 50 personnes et sept syndicats portent plainte à Marseille

Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire. (AFP)
Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire. (AFP)
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  • "La grande majorité des établissements scolaires en France, construits avant son interdiction en 1997, présentent encore à ce jour de l’amiante dans de nombreux éléments du bâti", rappelle dans un communiqué l'avocate Julie Andreu
  • Or, la vétusté de certains d'entre eux aggrave l'exposition à l'amiante et selon l'avocate, "les responsables concernés (collectivités locales) n’ont pas pris les mesures qui s’imposent"

MARSEILLE: Ils sont parents d'élèves, enseignants, agents municipaux: une cinquantaine de personnes, toutes exposées à l'amiante dans des écoles des Bouches-du-Rhône, vont déposer mercredi à Marseille une plainte contre X pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui".

Sept syndicats et trois associations de victimes de l'amiante sont aussi plaignants dans ce dossier, qui concerne 12 établissements scolaires, la plupart à Marseille.

"La grande majorité des établissements scolaires en France, construits avant son interdiction en 1997, présentent encore à ce jour de l’amiante dans de nombreux éléments du bâti", rappelle dans un communiqué l'avocate Julie Andreu, qui représente ces plaignants d'une douzaine d'établissements scolaires et dont la plainte va être déposée à 14h.

Or, la vétusté de certains d'entre eux aggrave l'exposition à l'amiante et selon l'avocate, "les responsables concernés (collectivités locales) n’ont pas pris les mesures qui s’imposent".

Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire.

"Une collègue est décédée en avril 2024 des suites d’un cancer lié à l’amiante, reconnu comme maladie professionnelle", a expliqué dans un dossier de presse le collectif stop amiante éducation, dans lequel sont réunis les syndicats et associations plaignants.

Le collectif dénonce "de nombreuses défaillances", notamment une absence d'information sur l'amiante, malgré les obligations réglementaires, ou encore une absence de protection pendant les travaux.

En mars, les syndicats enseignants avaient révélé que plus de 80% des bâtiments scolaires en France étaient potentiellement concernés par la présence d'amiante.

Un rapport du Haut Conseil de la Santé Publique publié en 2014, prévoit que d’ici 2050, 50.000 à 75.000 décès par cancer du poumon dus à l’amiante aient lieu, auxquels s’ajoutent jusqu'à 25.000 décès par mésothéliome (un autre type de cancer).

 


Assassinat de Mehdi Kessaci: «Non, je ne me tairai pas» face au narcotrafic, dit son frère dans une tribune au Monde

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  • "Je dirai et répéterai que mon frère Mehdi est mort pour rien. Je dirai la violence du narcotrafic"
  • "On me parle de crime d’avertissement. Mais un crime n'est jamais un avertissement"

PARIS: "Non, je ne me tairai pas" face au narcotrafic, a déclaré mercredi dans une tribune publiée dans le journal Le Monde Amine Kessaci, le frère de Mehdi, abattu jeudi à Marseille par deux personnes à moto.

"Je dirai et répéterai que mon frère Mehdi est mort pour rien. Je dirai la violence du narcotrafic", a également écrit le militant écologiste de 22 ans, engagé dans la lutte contre le narcobanditisme. En 2020, cette famille de six enfants avait déjà été endeuillée par l'assassinat d'un autre de ses frères, Brahim, 22 ans, dont le corps avait été retrouvé carbonisé dans un véhicule.

"On me parle de crime d’avertissement. Mais un crime n'est jamais un avertissement", a encore déclaré Amine Kessaci, qui a enterré mardi son frère Mehdi. "Voici ce que font les trafiquants : ils tentent d’annihiler toute résistance, de briser toute volonté, de tuer dans l’œuf tout embryon de révolte pour étendre leur pouvoir sur nos vies", a-t-il ajouté.

La protection policière qui lui a été accordée ne l'a pas été à ses proches, a souligné le militant écologiste de 22 ans. "Pourtant, qui ignorait que ma famille avait déjà payé un tribut de sang? Comment ne pas savoir que ma famille pouvait être touchée ?", s'est-il interrogé.

"Face à un tel ennemi, l’Etat doit prendre la mesure de ce qu'il se passe et comprendre qu'une lutte à mort est engagée", a-t-il encore prévenu.

"Il est temps d’agir, par exemple de faire revenir les services publics dans les quartiers, de lutter contre l’échec scolaire qui fournit aux trafiquants une main-d’œuvre soumise, de doter les enquêteurs et les forces de police des moyens dont ils ont besoin, de renforcer, de soutenir réellement les familles de victimes du narcotrafic. Nous comptons nos morts, mais que fait l’Etat ?"

Medhi Kessaci, 20 ans, a été assassiné jeudi à Marseille près d'une salle de concert par deux hommes à moto, activement recherchées, un "crime d'intimidation" et "un assassinat d'avertissement" pour les autorités.