Point final dans l'affaire Fillon? La Cour de cassation tranche mercredi

L'ancien Premier ministre français François Fillon (Photo, AFP).
L'ancien Premier ministre français François Fillon (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Mardi 23 avril 2024

Point final dans l'affaire Fillon? La Cour de cassation tranche mercredi

  • Mais la Cour de cassation pourrait aussi ordonner un nouveau procès
  • La décision du 9 mai 2022 serait alors définitive et les peines, jusqu'ici suspendues, appliquées

PARIS: Point final ou nouveau chapitre dans l'affaire Fillon? La Cour de cassation se prononce mercredi sur les pourvois de l'ancien Premier ministre François Fillon, de son épouse et de son ancien suppléant, condamnés pour des emplois fictifs à l'Assemblée nationale.

Les trois prévenus ont formé des recours contre la décision de la cour d'appel de Paris qui, le 9 mai 2022, a infligé à l'ex-locataire de Matignon quatre ans d'emprisonnement dont un an ferme, 375.000 euros d'amende et dix ans d'inéligibilité.

Penelope Fillon a été sanctionnée de deux ans de prison avec sursis ainsi que 375.000 euros d'amende et Marc Joulaud, ancien député suppléant de François Fillon dans la Sarthe, de trois ans de prison avec sursis, avec des inéligibilités respectives de deux et cinq ans.

Les prévenus, qui ont toujours clamé leur innocence, ont en outre été condamnés à verser 800.000 euros de dommages et intérêts à l'Assemblée nationale.

Dans son arrêt attendu vers 14H00, la Cour de cassation pourrait écrire l'épilogue de cette affaire, sept ans après l'explosion en 2017 du "Penelopegate" en pleine campagne présidentielle, dans laquelle M. Fillon était le candidat de la droite et du centre.

La haute juridiction, qui examine le respect des règles de droit et non le fond des dossiers, pourrait rejeter les pourvois, ou prononcer une cassation partielle en réglant elle-même le problème juridique, comme l'a préconisé l'avocat général.

La décision du 9 mai 2022 serait alors définitive et les peines, jusqu'ici suspendues, appliquées.

Nouveau procès 

Mais la Cour de cassation pourrait aussi ordonner un nouveau procès.

Lors de l'audience le 28 février, les avocats au conseil des époux Fillon et de Marc Joulaud ont développé une série d'arguments en ce sens, se basant en particulier sur une décision du Conseil constitutionnel du 28 septembre 2023 qui a abrogé une partie d'un article de loi.

Me François-Henri Briard a soutenu que pour en tirer les conséquences, une cour d'appel devait réexaminer la demande d'annulation de la procédure jugée "biaisée" par la défense et donc réexaminer entièrement le dossier.

Les principales dates de l'affaire Fillon

Rappel des principales étapes de l'affaire de soupçons d'emplois fictifs dans laquelle l'ex-Premier ministre François Fillon et son épouse Penelope ont été condamnés en appel, avant l'avis de la Cour de cassation attendu mercredi.

Premières révélations 

Le Canard enchaîné révèle début 2017 que Penelope Fillon a été rémunérée "500.000 euros brut" entre 1998 et 2007 comme attachée parlementaire de son mari, puis du suppléant de ce dernier, Marc Joulaud. Le journal met en doute la réalité du travail fourni par l'épouse du candidat de la droite à l'élection présidentielle.

Mme Fillon aurait aussi reçu de l'argent de la Revue des deux mondes, dirigée par un ami de son époux, Marc Ladreit de Lacharrière.

Le parquet national financier (PNF) ouvre une enquête préliminaire.

M. Fillon assure que l'emploi de sa femme comme collaboratrice était "légal" et dit qu'il ne se retirera de la course à la présidentielle qu'en cas de mise en examen. Il reviendra sur cet engagement.

Mises en examen

France 2 révèle qu'en 2007, Mme Fillon a déclaré au Daily Telegraph n'avoir "jamais été l'assistante" de son mari.

M. Fillon est mis en examen le 14 mars 2017 pour "détournement de fonds publics", "recel et complicité d'abus de biens sociaux" ainsi que "manquement aux obligations déclaratives à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique".

Une enquête élargie à des soupçons de trafic d'influence, liée à 13.000 euros de costumes offerts à M. Fillon, débouchera sur un non-lieu.

Mme Fillon est mise en examen le 28 mars.

Echec au 1er tour, renvoi en correctionnelle 

En avril, François Fillon est éliminé au premier tour.

Fin 2018, Marc Ladreit de Lacharrière, est condamné à huit mois de prison avec sursis et 375.000 euros d'amende pour avoir accordé un emploi en partie fictif à Penelope Fillon.

En 2019, le couple Fillon et M. Joulaud sont renvoyés en correctionnelle. M. Fillon doit notamment répondre de "détournement de fonds publics", son épouse de "complicité et recel" de ce délit. Le procès se tient du 24 février au 11 mars 2020.

Condamnations en première instance 

Le 29 juin 2020, François Fillon est condamné à cinq ans de prison dont deux ferme, une amende de 375.000 euros et dix ans d'inéligibilité. Son épouse à trois ans de prison avec sursis, la même amende, et deux ans d'inéligibilité.

Le couple et Marc Joulaud (trois ans avec sursis) doivent rembourser plus d'un million d'euros à l'Assemblée nationale.

Ils font appel.

Le 16 septembre, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), saisi par le président Emmanuel Macron à la suite d'accusations du clan Fillon, estime qu'aucune "pression" du pouvoir exécutif n'a été exercée sur le PNF.

Condamnations allégées en appel 

Le 10 mai 2022, Francois Fillon est condamné en appel à quatre ans de prison dont un an ferme, 375.000 euros d'amende et dix ans d'inéligibilité. Son épouse à deux ans de prison avec sursis, la même amende et deux ans d'inéligibilité. Marc Joulaud à trois ans de prison avec sursis et cinq ans d'inéligibilité.

Les trois doivent verser environ 800.000 euros à l'Assemblée.

Ils se pourvoient en cassation.

Une QPC relance le dossier 

La Cour de cassation transmet en juin 2023 au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par M. Fillon, qui conteste la conformité d'un article du code de procédure pénale. Le 28 septembre, le Conseil conclut que cet article est effectivement contraire à la Constitution.

La Cour de cassation doit annoncer mercredi si elle appelle dès lors ou pas à casser l'arrêt rendu par la cour d'appel et à ordonner un nouveau procès.

L'avocat général a au contraire estimé que la cour d'appel avait déjà suffisamment motivé son rejet de cette demande d'annulation et même anticipé la décision du Conseil constitutionnel.

Me Patrice Spinosi a porté d'autres critiques, concernant notamment les dommages-intérêts, la motivation de la peine de prison ferme infligée à François Fillon et son aménagement.

Sur ce dernier point, l'avocat général a convenu que la formulation de la cour d'appel était "très confuse" et a proposé à la Cour de cassation de réécrire le passage incriminé. Mais sans ordonner de nouveau procès.


Dans les Pyrénées, Macron emmènera Xi sur ses terres d'adoption

Cette photographie, prise le 2 mai 2024, montre une vue de la station de ski du Grand Tourmalet - La Mongie dans les montagnes des Pyrénées, dans le sud-ouest de la France. Pour poursuivre la visite d'État du président chinois en France, Emmanuel Macron et XI Jinping, se rendront dans les Hautes-Pyrénées le 7 mai 2024, pour un déjeuner au restaurant "L'Etape du Berger" situé sur les pistes de la station de ski. (Photo de Lionel Bonaventure AFP)
Cette photographie, prise le 2 mai 2024, montre une vue de la station de ski du Grand Tourmalet - La Mongie dans les montagnes des Pyrénées, dans le sud-ouest de la France. Pour poursuivre la visite d'État du président chinois en France, Emmanuel Macron et XI Jinping, se rendront dans les Hautes-Pyrénées le 7 mai 2024, pour un déjeuner au restaurant "L'Etape du Berger" situé sur les pistes de la station de ski. (Photo de Lionel Bonaventure AFP)
Short Url
  • Le président français a choisi ce coin des Pyrénées, où il nourrit d'anciennes et profondes attaches, pour délocaliser l'espace d'une courte journée la visite d'Etat de M. Xi à l'occasion des 60 ans de l'établissement de relations diplomatiques entre les
  • Né à Amiens, dans le nord de la France, où il a grandi, Emmanuel Macron a passé de nombreuses vacances entre le bourg de Bagnère-de-Bigorre et la station de ski de La Mongie

BAGNÈRES-DE-BIGORRE, France : En apparence, c'est un petit cimetière comme les autres, mais c'est là, à Montgaillard, dans le département des Hautes-Pyrénées (sud), qu'Emmanuel Macron vient souvent se recueillir sur la tombe de sa grand-mère, près de la station de ski où il emmènera mardi le président chinois Xi Jinping.

Le président français a choisi ce coin des Pyrénées, où il nourrit d'anciennes et profondes attaches, pour délocaliser l'espace d'une courte journée la visite d'Etat de M. Xi à l'occasion des 60 ans de l'établissement de relations diplomatiques entre les deux pays.

Une façon de casser le protocole imposant qui entoure le moindre déplacement du dirigeant chinois pour tenter d'instaurer un dialogue sincère, notamment sur la question-clé de l'Ukraine.

- «Grâce à elle» -

Né à Amiens, dans le nord de la France, où il a grandi, Emmanuel Macron a passé de nombreuses vacances entre le bourg de Bagnère-de-Bigorre et la station de ski de La Mongie, juste avant le col du Tourmalet, mythique ascension du Tour de France.

C'est avec «Manette» et «Koulou», ses grands-parents maternels Germaine et Jean Noguès, que le jeune Emmanuel descendait chaque année en train jusqu'à cette petite vallée, une semaine en hiver et un mois en été.

«C'est grâce à elle qu'il est arrivé là où il est», raconte une cousine du président français, Nicole Arnal, 80 ans, venue donner un coup de main au magasin de vêtements pour dame que sa fille tient dans le centre-ville de Bagnère-de-Bigorre.

Institutrice puis directrice d'école, Manette «le faisait travailler tous les jours», même en vacances, se souvient-elle.

En dépit de la mort de Jean en 2002 et celle, douloureuse, de Manette en 2013, Emmanuel Macron n'a jamais cessé de se rendre dans les Hautes-Pyrénées.

«Il souffle quand il vient ici», explique la fille de Nicole, Sylvie Durant, 52 ans, dont les yeux s'embuent quand elle évoque les détracteurs du président, pour qui elle a forcément de l'affection.

- «Racines» -

«Un arbre, si vous voulez qu'il tienne, il a besoin de racines», philosophe l'éleveur et ami d'Emmanuel Macron Eric Abadie, dont le restaurant d'altitude accueillera la rencontre avec Xi Jinping mardi.

Au menu: épaule d'agneau, jambon de porc noir et haricots tarbais, une sélection de fromages du meilleur ouvrier de France Dominique Bouchait, et tarte aux myrtilles en dessert, à la demande expresse de Brigitte Macron. Les deux couples présidentiels et leurs interprètes dégusteront des vins locaux, un Montus rouge et un Saint Mont blanc.

«Manu», il l'a rencontré «gamin» alors qu'il venait déjeuner à son restaurant en face des pistes de La Mongie avec son grand-père, raconte l'éleveur de 61 ans a la carrure solide. «Le courant est passé» et leur amitié dure maintenant depuis près de trente ans.

Les péripéties politiques du «gamin» n'ont pas rompu les liens. «Quand il était ministre de l'Economie, (...) je l'ai fait dormir dans un canapé, avec Brigitte. Tout le monde ne l'aurait pas fait», se rappelle Eric Abadie. Les deux hommes se sont encore parlé la veille au téléphone, une vingtaine de minutes.

«Mes racines familiales sont ici (...) Dès que je peux, je viens. C'est un lieu de vérité où j'arrive serein et déterminé», avait confié le candidat Macron en 2017, au quotidien régional La Dépêche du Midi.

Pourtant fermée depuis un mois, la station de La Mongie est en «effervescence» à quelques jours de recevoir «non pas un, mais deux présidents», confie Enzo Celhaiguibel, 35 ans, sur le pas de la porte de son hôtel La voie lactée.

«Si Emmanuel Macron a choisi ce lieu qui lui est cher et auquel il est très attaché, ce n'est pas pour rien», estime l'hôtelier, qui y voit une «volonté de redynamiser la vallée».

A Eric Abadie, le président confiait encore récemment au téléphone: «Ça va faire dix ans que je serai au pouvoir, et j'aimerais qu'il y ait des choses qui restent.»

En y faisant monter Xi Jinping, le président français veut inscrire le Tourmalet dans l'histoire.


La rédaction de France Inter critique la «convocation inacceptable» de Guillaume Meurice

L'auteur, animateur de radio, écrivain et humoriste français Guillaume Meurice, pose lors d'une séance photo à Paris le 13 mars 2024. (Photo, AFP)
L'auteur, animateur de radio, écrivain et humoriste français Guillaume Meurice, pose lors d'une séance photo à Paris le 13 mars 2024. (Photo, AFP)
Short Url
  • "Nous demandons le maintien à l'antenne de Guillaume Meurice, sans délai", ont déclaré dans un communiqué les sociétés des journalistes (SDJ) et des producteurs (SDPI) de France Inter
  • Jeudi, le chroniqueur de l'émission "Le grand dimanche soir", présentée par Charline Vanhoenacker, a été suspendu, quatre jours après avoir réitéré à l'antenne ses propos polémiques tenus fin octobre sur le Premier ministre israélien

PARIS: La rédaction de France Inter a dénoncé vendredi la "convocation inacceptable" de Guillaume Meurice en vue d'un éventuel licenciement, y voyant un "signe très inquiétant pour la liberté d'expression", au lendemain de la suspension de l'humoriste par Radio France.

"Nous demandons le maintien à l'antenne de Guillaume Meurice, sans délai", ont déclaré dans un communiqué les sociétés des journalistes (SDJ) et des producteurs (SDPI) de France Inter.

Jeudi, le chroniqueur de l'émission "Le grand dimanche soir", présentée par Charline Vanhoenacker, a été suspendu, quatre jours après avoir réitéré à l'antenne ses propos polémiques tenus fin octobre sur le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu.

"Il y a des choses qu'on peut dire. Par exemple, si je dis: +Netanyahu est une sorte de nazi mais sans prépuce+, c'est bon. Le procureur, il a dit: +C'est bon+", a lancé l'humoriste dimanche, en référence au récent classement sans suite d'une plainte à son encontre l'accusant d'antisémitisme pour des propos similaires.

Convoqué à un entretien dont la date reste inconnue, il risque une "éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'à la rupture anticipée de (son) contrat à durée déterminée pour faute grave", rappellent les SDJ et SDPI de France Inter, qui "voient dans cette décision un signe très inquiétant pour la liberté d'expression, valeur que défend Radio France".

"Cette convocation inacceptable semble être le symptôme d'un virage éditorial plus large", déplorent-elles.

Elles affirment ainsi avoir appris que le programme "La terre au carrée" allait s'arrêter "pour laisser place à une émission de sciences et d'écologie +plus narrative+ toujours présentée par Mathieu Vidard mais sans Camille Crosnier" et évoquent une "coupe drastique" du budget du "Grand dimanche soir".

Interrogée par l'AFP sur ces éléments, France Inter a expliqué qu'"en accord avec Mathieu Vidard, il y aura une évolution éditoriale de son émission à la rentrée mais elle gardera ses fondamentaux, l'environnement et la science".

Camille Crosnier, elle, restera aux manettes des "P'tits bateaux", désormais diffusée sept jours sur sept, et elle est "en discussions sur d'autres projets" au sein de la grille.

Quant au "Grand dimanche soir", France Inter "souhaite que l'émission continue l'an prochain mais il faut la faire évoluer d'un point de vue éditorial pour qu'elle rentre dans nos frais, en gardant toute l'équipe et en restant en public", a expliqué la radio.

"Aujourd'hui, des séquences coûtent extrêmement cher à produire. Un travail est en cours avec la productrice, Charline Vanhoenacker, pour trouver la meilleure formule", a-t-on appris de même source.

 

 


Victimes de cyberattaques attribuées à la Chine, des parlementaires français s'inquiètent

Un homme lit un journal chinois dont la première page couvre la rencontre du président chinois Xi Jinping avec le président français Emmanuel Macron dans une vitrine publique dans un parc de Pékin le 7 avril 2023. (Photo, AFP)
Un homme lit un journal chinois dont la première page couvre la rencontre du président chinois Xi Jinping avec le président français Emmanuel Macron dans une vitrine publique dans un parc de Pékin le 7 avril 2023. (Photo, AFP)
Short Url
  • A quelques jours de la venue en France du président chinois Xi Jinping, "nous sommes confrontés à une ingérence étrangère d'envergure manifeste de la part de la Chine", s'inquiète le sénateur centriste Olivier Cadic
  • Lui et six autres parlementaires français affirment avoir fait l'objet, en janvier 2021, d'emails toxiques envoyés par un groupe de hackeurs baptisé APT31

PARIS: Ciblés par une campagne mondiale de cyberespionnage menée par un groupe de hackers aux liens présumés avec l'Etat chinois, plusieurs parlementaires français ont tiré ces derniers jours la sonnette d'alarme devant la "légèreté" de la réponse des autorités face à cet "acte de guerre".

A quelques jours de la venue en France du président chinois Xi Jinping, "nous sommes confrontés à une ingérence étrangère d'envergure manifeste de la part de la Chine", s'inquiète le sénateur centriste Olivier Cadic.

Lui et six autres parlementaires français affirment avoir fait l'objet, en janvier 2021, d'emails toxiques envoyés par un groupe de hackeurs baptisé APT31, que plusieurs pays, dont les Etats-Unis et le Royaume-Uni, considèrent lié au gouvernement chinois.

Le point commun de ces élus ? Tous sont membres de l'alliance interparlementaire sur la Chine (IPAC), une instance crée en 2020 pour agir de manière coordonnée sur différents sujets relatifs à la Chine (Covid, répression des Ouïghours, manifestations à Hong Kong...).

Pour la plupart, ces députés et sénateurs français n'ont pourtant découvert l'existence de cette attaque qu'à la fin du mois de mars 2024, lorsque le ministère de la justice américain a publié un acte d'accusation inculpant sept Chinois pour une "prolifique opération de piratage informatique à l'échelle mondiale". Seraient concernés, notamment, plusieurs centaines de comptes liés à l'IPAC, attaqués en janvier 2021.

Pixels malveillants

Lorsqu'il apprend la nouvelle, l'ex-sénateur André Gattolin, qui coprésidait la branche française de l'IPAC jusqu'en septembre 2023, fait le lien tout de suite: à l'automne 2021, les services informatiques du Sénat avaient trouvé dans son ordinateur professionnel des virus de type "cheval de Troie", à la suite d'une alerte de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi).

"A l'époque, je rédigeais un rapport très sensible sur les ingérences étatiques dans les universités et la recherche. Déjà, je m'étais demandé si la Chine pouvait être derrière tout ça", affirme l'ancien élu à l'AFP.

En fouillant ses emails, André Gattolin retrouve la "source corrosive": un mail du 6 janvier 2021 lui proposant de soutenir une soi-disant journaliste indépendante chinoise enquêtant sur la pandémie de Covid à Wuhan.

"Je me rends compte que ce mail avait été ouvert", raconte-t-il. "J'appelle l'Anssi, j'ai du mal à me faire entendre. Même son de cloche auprès des services de renseignement intérieur français (DGSI). Je dépose plainte le 4 avril et nous prenons contact à l'IPAC avec le FBI, qui nous assure avoir prévenu les services français dès 2022. Mais personne ne nous a rien dit", ajoute l'ancien sénateur, agacé.

Alertée par son collègue, la députée du parti présidentiel Renaissance Anne Genetet fait la même manipulation sur sa boîte mail et retrouve aussi un courrier suspect du 21 janvier 2021. "Malencontreusement, je l'ouvre. Une image s'affiche immédiatement, je comprends tout de suite qu'un virus malveillant se trouve dans les pixels", raconte la députée, qui porte plainte immédiatement et dont l'ordinateur est sous scellés depuis.

Interrogé par l'AFP, le parquet s'est refusé à tout commentaire sur ce dossier.

" Dysfonctionnements" 

"S'il y avait aussi peu de parlementaires concernés, je serais rassuré", glisse un haut-responsable français familier des questions de défense. Ce dernier note que l'Anssi protège les services informatiques des deux chambres, ce qui permet de "voir passer pas mal de choses". "Mais il est important que toutes les personnalités importantes se disent qu'elles peuvent être interceptées", insiste cette source.

Les mêmes courriers ont été remarqués par des parlementaires du monde entier, en Belgique, au Canada, en Allemagne ou encore au Danemark.

"Il y a au minimum beaucoup de légèreté et de dysfonctionnements. Je m'inquiète de voir cette puissance chinoise qui agit et un silence total en face. Autant faire entrer tout de suite des espions chinois dans les bureaux", reprend André Gattolin.

Interpellé mardi au Sénat, le gouvernement français s'en est tenu à une réponse convenue: "Le mode opératoire d'APT31 fait l'objet d'un suivi particulier", "y compris judiciaire", a assuré la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot, et "le gouvernement n'exclut pas d'attribuer publiquement ces cyberattaques" à l'avenir.

Peu rassurant pour les parlementaires concernés. "C'est une attaque ouverte, officielle, et les autorités le savent", regrette Olivier Cadic. "Ce qu'on nous fait, c'est un acte de guerre".