La protection des druzes en Syrie ou le cynisme voilé d'Israël 

Une femme se tient debout alors que des druzes israéliens regardent la frontière entre le plateau du Golan occupé par Israël et la Syrie. (Reuters)
Une femme se tient debout alors que des druzes israéliens regardent la frontière entre le plateau du Golan occupé par Israël et la Syrie. (Reuters)
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Publié le Lundi 05 mai 2025

La protection des druzes en Syrie ou le cynisme voilé d'Israël 

La protection des druzes en Syrie ou le cynisme voilé d'Israël 
  • Comment un État qui mène une politique de répression envers le peuple palestinien peut-il se présenter en défenseur des droits des minorités?
  • Une telle posture n’est pas seulement paradoxale: elle est le produit d’une stratégie mûrement réfléchie

La récente tentative du gouvernement israélien de justifier ses frappes aériennes en Syrie au nom de la protection de la minorité druze relève d’un exercice cynique de communication politique. Une telle déclaration défie à la fois la logique, la morale et la crédibilité. Elle constitue une manifestation saisissante d’arrogance diplomatique, insultant la conscience internationale tout en dévoilant les motivations stratégiques inavouées qui orientent les politiques régionales de Tel-Aviv.

Comment un État qui mène, depuis des décennies, une politique systématique de dépossession, de répression et de discrimination envers le peuple palestinien, peut-il aujourd’hui se présenter en défenseur des droits des minorités? Une telle posture n’est pas seulement paradoxale: elle est le produit d’une stratégie mûrement réfléchie.

Car cette instrumentalisation de la question des minorités n’a rien d’accidentel. Elle s’inscrit dans une logique de long terme visant à légitimer des opérations militaires illégales, tout en posant les jalons d’un projet politique bien plus vaste: la fragmentation confessionnelle et ethnique de la Syrie. Ce dessein, nourri par une idéologie expansionniste et des calculs géopolitiques de domination régionale, vise à affaiblir durablement les derniers remparts de la souveraineté arabe encore debout face à l’hégémonie israélienne.

L’idée de morceler la Syrie en entités druzes, alaouites, sunnites, kurdes ou chrétiennes n’est pas nouvelle. Elle figure depuis des décennies dans les réflexions de cercles stratégiques israéliens, notamment à travers le «plan Yinon», qui préconise l’émiettement des États arabes pour les rendre structurellement instables et dépendants. La Syrie, en raison de sa centralité géopolitique et de son rôle pivot dans l’axe de la résistance, est l’un des objectifs privilégiés de cette stratégie.

Elle pose les jalons d’un projet politique bien plus vaste: la fragmentation confessionnelle et ethnique de la Syrie.

-Hani Hazaimeh

Le ciblage de la Syrie par Israël, sous couvert de protection des minorités, n’a rien à voir avec une quelconque préoccupation pour les droits humains. Il s’agit d’une entreprise de fragmentation: morceler la Syrie en une mosaïque de mini-États, faibles, divisés et incapables de constituer une menace pour les ambitions régionales israéliennes. Une fois isolées, ces entités seraient plus faciles à manipuler, à instrumentaliser ou à neutraliser, chacune à son tour.

En se posant en «protecteur» autoproclamé de certaines communautés, notamment les druzes, Israël poursuit une stratégie subtile mais destructrice: attiser la peur, semer la méfiance et exacerber les tensions au sein du tissu social syrien. Cette méthode, familière à l’histoire coloniale, repose sur un principe simple: diviser pour mieux régner.

Cette exploitation cynique des droits des minorités contraste fortement avec le bilan national d'Israël. À l'intérieur d'Israël, les citoyens palestiniens sont confrontés à une discrimination institutionnalisée, à la marginalisation économique et à la surveillance. En Cisjordanie, les colons terrorisent régulièrement les communautés palestiniennes sous la protection de l'armée israélienne. À Gaza, Israël a transformé la bande de Gaza en une zone de catastrophe humanitaire, son dernier assaut ayant entraîné la mort massive de civils et l'effondrement des infrastructures. Comment un tel État peut-il prétendre avoir l'autorité morale de faire la leçon aux autres sur la protection des minorités?

La communauté internationale ne doit pas être dupe. La rhétorique interventionniste d'Israël à l'égard de la Syrie n'est pas motivée par des préoccupations humanitaires, mais par le prolongement d'une doctrine expansionniste qui ne tient aucun compte du droit international ou de la souveraineté d'autres nations. Si elle n'est pas contrôlée, cette politique menace de déchirer ce qui reste de l'intégrité territoriale de la Syrie et de provoquer un nouveau chaos dans toute la région, de l'Irak au Liban et à la Jordanie.

La paix et la sécurité régionales ne pourront jamais être assurées par des bombes maquillées en gestes bienveillants, ni par des projets qui favorisent les divisions ethniques ou confessionnelles. Elles ne deviendront réalité que par la justice, le respect authentique de la souveraineté des peuples, et une opposition ferme aux politiques qui instrumentalisent la souffrance humaine à des fins stratégiques.

Hani Hazaimeh est un rédacteur en chef basé à Amman. 

X: @hanihazaimeh

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com