Comprendre la portée historique du discours de Trump à Riyad

Le président américain Donald Trump s'exprime lors du Forum d'investissement américano-saoudien. (AFP)
Le président américain Donald Trump s'exprime lors du Forum d'investissement américano-saoudien. (AFP)
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Publié le Jeudi 15 mai 2025

Comprendre la portée historique du discours de Trump à Riyad

Comprendre la portée historique du discours de Trump à Riyad
  • À bien des égards, ce discours a suscité une ferveur inattendue, presque comparable à l’accueil réservé à une rockstar
  • Les propos du président Trump ont trouvé un écho puissant, traduisant un changement de ton et de cap dans les relations américano-arabes

Les mots «historique» et «révolutionnaire» sont souvent galvaudés par les experts. Trop fréquemment employés, parfois à contretemps, ils perdent de leur portée – comme ce fut le cas avec le discours du Caire de l’ancien président Barack Obama en 2009.

Pourtant, il ne fait guère de doute que le discours prononcé par le président Donald Trump à Riyad, le 13 mai 2025, s’inscrira durablement dans l’histoire. Non seulement pour ce qu’il représente dans les relations entre les États-Unis et l’Arabie saoudite, mais aussi pour ses implications plus larges sur l’équilibre régional au Moyen-Orient.

À bien des égards, ce discours a suscité une ferveur inattendue, presque comparable à l’accueil réservé à une rockstar. Les propos de M. Trump ont trouvé un écho puissant, traduisant un changement de ton et de cap dans les relations américano-arabes.

Trois éléments majeurs expliquent la portée historique de cette intervention: l’affirmation de Trump en tant qu’homme d’État, sa reconnaissance sans détour des erreurs passées de la diplomatie américaine, et sa mise en avant des succès régionaux, en particulier ceux de l’Arabie saoudite.

En premier lieu, M. Trump a tendu la main à l’Iran, laissant entrevoir une évolution possible dans les rapports de force régionaux. Il a également abordé la question syrienne en annonçant la levée des sanctions américaines contre Damas, tout en promettant d’améliorer les conditions de vie des Palestiniens. Autre geste marquant: son engagement en faveur de la reconstruction du Liban, dans une démarche visant à promouvoir une stabilité durable. Il a aussi salué les efforts de médiation de Riyad entre la Russie et l’Ukraine, soulignant le rôle grandissant du Royaume dans la diplomatie internationale.

Deuxièmement, dans un exercice rare pour un président américain, le président Trump a reconnu les dérives de la politique étrangère de son pays au Moyen-Orient. Il a critiqué les interventions militaires mal conçues des néoconservateurs, à commencer par l’invasion de l’Irak en 2003, que l’Arabie saoudite avait pourtant fermement déconseillée. Il a également dénoncé les erreurs stratégiques des administrations démocrates, notamment celles d’Obama, influencées par des figures comme Ben Rhodes – qualifié de «mauvais conseiller» – ou Hillary Clinton, alors secrétaire d’État.

De l’Irak au chaos post-printemps arabe, en passant par la Syrie et le Liban, Donald Trump a dressé un réquisitoire clair contre les approches interventionnistes qui ont contribué à déstabiliser durablement la région.

À la veille de l'invasion américaine de l'Irak, nous nous souvenons que le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Saoud al-Faisal, avait exprimé de sérieuses inquiétudes. «Que va-t-il leur arriver (aux soldats et aux fonctionnaires irakiens), surtout depuis que l'armée a été dissoute et le gouvernement limogé? Et qui va gouverner l'Irak dans ce cas?», a-t-il demandé. «Saddam Hussein avait peut-être 2 millions de personnes qui contrôlaient l'Irak. Les États-Unis et leurs alliés en ont près de 150 000. Comment faire pour que cela fonctionne?»

Le discours prononcé par le président Trump s’inscrira durablement dans l’histoire. Non seulement pour ce qu’il représente dans les relations entre les États-Unis et l’Arabie saoudite, mais aussi pour ses implications plus larges sur l’équilibre régional au Moyen-Orient.

                                           Faisal J. Abbas - Rédacteur en chef

À l’époque, la question n’était pas de savoir si le régime de Saddam Hussein était tyrannique, mais si les États-Unis disposaient d’un véritable plan pour l’après.

«En fin de compte, ceux qu’on appelait les bâtisseurs de nations ont détruit bien plus de pays qu’ils n’en ont rebâtis, et les interventionnistes se sont aventurés dans des sociétés complexes qu’ils ne comprenaient même pas eux-mêmes. Ils prétendaient vous expliquer quoi faire, sans avoir la moindre idée de ce qu’ils faisaient», a déclaré M. Trump.

«La paix, la prospérité et le progrès ne naissent pas du rejet brutal de votre héritage, mais bien de l’attachement à vos traditions nationales et à ce passé que vous chérissez.»

M. Trump a ensuite esquissé les contours d’une nouvelle ère de prospérité, fondée sur une coopération étroite avec les pays du Moyen-Orient tournés vers l’avenir.

«Sous nos yeux, une nouvelle génération de dirigeants émerge, dépassant les vieux conflits et les divisions épuisées du passé, pour bâtir un avenir où le Moyen-Orient se définit par le commerce, et non par le chaos», a-t-il déclaré.

«Un avenir où l’on exporte des technologies, pas du terrorisme; où des hommes et des femmes, venus de nations, de religions et de croyances différentes, construisent ensemble des villes au lieu de se les détruire à coups de bombes.»

«Il est essentiel que le reste du monde note que cette grande transformation n'est pas le fait des interventionnistes occidentaux, qui transportent des gens dans de magnifiques avions et vous donnent des leçons sur la façon de vivre et de gouverner vos propres affaires. Les merveilles étincelantes de Riyad et d'Abou Dhabi n'ont pas été créées par les soi-disant bâtisseurs de nations, les néoconservateurs ou les organisations libérales à but non lucratif, comme ceux qui ont dépensé des milliers de milliards de dollars pour ne pas développer Kaboul, Bagdad et tant d'autres villes.»

Troisièmement, M. Trump a salué les avancées significatives du Conseil de coopération du Golfe, en mettant particulièrement en lumière le rôle de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et du Qatar. Il a réaffirmé le soutien des États-Unis aux profondes transformations engagées dans ces pays.

Le Royaume, notamment, a connu une mutation remarquable au cours des neuf dernières années, depuis le lancement du plan Vision 2030 par le prince héritier Mohammed ben Salmane, un projet qui redéfinit en profondeur l’économie, la société et la place du pays sur la scène mondiale.

«La naissance d’un Moyen-Orient moderne est le fruit des efforts de ses propres peuples – de ceux qui vivent ici, qui y ont toujours vécu, qui bâtissent leurs nations souveraines, poursuivent leurs visions uniques et tracent leur destin selon leurs propres termes», a déclaré M. Trump.

«Ce que vous avez accompli est véritablement impressionnant.»

En outre, il a renouvelé l'engagement des États-Unis à défendre l'Arabie saoudite depuis 80 ans. Toutefois, il a clairement indiqué que les relations allaient bien au-delà de la sécurité et que les États-Unis croyaient fermement au leadership du Royaume

«La transformation qui s'est produite sous la direction du roi Salmane et du prince héritier Mohammed a été vraiment extraordinaire», a-t-il déclaré. «Je n'ai jamais vu quelque chose d'une telle ampleur se produire auparavant.»

À propos du prince héritier, il a ajouté: «Je crois sincèrement que nous avons une grande estime l’un pour l’autre», avant de lui déclarer: «Vous avez accompli un miracle moderne, à la manière arabe.»

Faisal J. Abbas est le rédacteur en chef d'Arab News.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com