Dans l’enchevêtrement complexe de la géopolitique et de la responsabilité morale, la reconnaissance de la Palestine n’est plus seulement un choix diplomatique, mais un test d’intégrité, de courage et d’engagement pour la justice mondiale. Alors que le monde assiste à un énième cycle de souffrance, il est temps de dénoncer les procrastinateurs, saluer les audacieux et exiger que la communauté internationale agisse unilatéralement pour adopter la solution à deux États — en commençant par la reconnaissance immédiate de la Palestine.
La position récente du Royaume-Uni — menaçant de reconnaître la Palestine si Israël ne remplit pas certaines conditions — incarne le paradoxe de la justice retardée.
« Too little, too late » convient à une nation qui a joué un rôle clé dans la création du paysage géopolitique actuel. Pourtant, « mieux vaut tard que jamais » reste valide si Londres décide enfin de réparer les injustices historiques. L’ancienne puissance coloniale qu’est la Grande-Bretagne, tout comme la France, porte un héritage profondément enraciné au Moyen-Orient, et le geste courageux de cette dernière de reconnaître la Palestine mérite louange et imitation.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avertit que reconnaître la Palestine revient à récompenser le Hamas — un argument étonnant, étant donné que les politiques gouvernementales sur plus de 16 ans ont renforcé l’organisation qu’il cherche désormais à diaboliser. Le soutien pervers de Netanyahu à Hamas est bien documenté.
« For years, Netanyahu propped up Hamas. Now it’s blown up in our faces », titrait The Times of Israel après les attaques horribles du 7 octobre. En 2019, le dirigeant israélien aurait même déclaré : « Ceux qui veulent empêcher l’établissement d’un État palestinien devraient soutenir le renforcement du Hamas. »
Paix, prospérité et progrès sont à portée de main.
Faisal J. Abbas | Rédacteur en chef
La reconnaissance n’est pas une validation du terrorisme. C’est une affirmation des droits de millions de Palestiniens n’ayant rien à voir avec le Hamas, vivant depuis des décennies sans État, déplacés et quotidiennement éprouvés. C’est offrir un cadre de paix incluant les Israéliens, qui méritent eux aussi sécurité et stabilité. Sans oublier la fin de l’occupation illégale des terres palestiniennes, comme stipulé par l’ONU — organisation dont Israël est membre mais qu’il ne semble pas respecter.
Que Netanyahu et sa coalition d’extrême droite l’acceptent ou non, la solution à deux États reste la voie la plus sûre pour Israël — tant en termes de normalisation régionale que de paix à long terme. L’Arabie saoudite a clairement indiqué que toute normalisation totale dépendrait de la création d’un État palestinien. Les mondes arabe et musulman sont prêts à intégrer Israël dans une région regorgeant de potentiels économiques et stratégiques. Paix, prospérité et progrès sont à portée de main — si seulement les dirigeants osent saisir cette chance.
Malheureusement, une large partie de l’élite au pouvoir en Israël reste idéologiquement opposée à tout compromis pacifique. Ce sont ces personnes qui ont ordonné des annexions en Cisjordanie, instrumentalisé la faim et sont désormais accusées de crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Leur vision du monde n’est pas fondée sur la coexistence, elle prospère sur le conflit permanent et l’expansionnisme. Pour eux, tout compromis — même celui qui pourrait sauver des vies — équivaut à une trahison.
N’oublions pas que ce sont des élus qui ont décrit sans remords le peuple de Gaza comme des « animaux humains », appelé à des frappes nucléaires, et encouragé le déplacement massif ouvertement. Lorsque de telles rhétoriques deviennent politiques, et que la cruauté se drape de nationalisme, la boussole morale du pouvoir est non seulement brisée — elle est transformée en arme.
Ce n’est plus une question de diplomatie — c’est une question de justice.
Faisal J. Abbas | Rédacteur en chef
C’est pourquoi la communauté mondiale, et notamment les pays sans bagage historique lourd, doit agir. Une coalition menée par l’Arabie saoudite et la France, adoptant la solution à deux États via la reconnaissance unilatérale de la Palestine, est la seule voie viable. Attendre un consensus ou négocier autour des extrémistes ne fait que prolonger la souffrance.
Ce n’est plus une question de diplomatie — c’est une question de justice.
Plus que jamais, les signes sont réunis : le Hamas et le Hezbollah sont affaiblis. L’Iran reste notablement silencieux. Nous avons un président US concentré sur la négociation de paix entre l’Ukraine et la Russie, l’Inde et le Pakistan, la Thaïlande et le Cambodge. Le prince héritier Mohammed ben Salmane dirige une Arabie saoudite pragmatique, leader régional aux ambitions transformantes. Cette fenêtre historique permet de redéfinir le Moyen-Orient non comme un champ de bataille éternel, mais comme le prochain modèle européen — une région de stabilité, de commerce, de coopération et d’échanges culturels.
Au final, la reconnaissance de la Palestine n’est pas un acte de défi — c’est un engagement envers la dignité humaine. C’est un appel à mettre fin à des décennies de souffrance, un pas vers un avenir où Palestiniens et Israéliens ne vivent pas seulement côte à côte, mais comme partenaires égaux dans la paix.
L’Histoire n’attendra pas. Nous non plus.
Faisal J. Abbas est le rédacteur en chef d'Arab News. X : @FaisalJAbbas
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com