L'intelligence artificielle et l'infrastructure de centres de données qui l'accompagne sont devenues une technologie déterminante dans la compétition économique mondiale. Ce nouveau besoin aura un impact direct sur l'énergie, avec une augmentation attendue de la demande d'électricité. Le besoin d'une énergie stable et de grande capacité fait de l'infrastructure énergétique un élément central de l'expansion numérique d'un pays.
En effet, sans capacité énergétique suffisante, les pays resteront à la traîne. Il va sans dire que la région du Golfe est en excellente position, mais l'Europe devra encore trouver sa voie. Il ne fait aucun doute qu'après des années d'obsession verte malavisée, beaucoup se rendent compte de la dure réalité. La déconnexion entre les décideurs politiques et le monde réel a été symbolisée dans le domaine de l'énergie.
Nous assistons enfin à un retour à la raison. L'une des sources d'énergie qui avait été attaquée était peut-être l'une des plus efficaces, même en termes d'émissions : l'énergie nucléaire. C'est elle qui a remis la France au sommet de l'ordre européen et mis l'Allemagne à genoux. Je l'ai souvent écrit et je ne me lasserai jamais de le dire : Merci, Général de Gaulle. En effet, aujourd'hui, si la France a plus de chance d'être leader en matière d'IA et de technologie, c'est grâce à sa puissance nucléaire. Il est d'ailleurs à noter que sur ce point, le président Emmanuel Macron a su faire volte-face et, après avoir été négatif sur le sujet, a de nouveau mis en avant l'énergie nucléaire.
Nous voyons également d'autres pays européens suivre la même voie. Le plan italien se concentre sur le déploiement de petits réacteurs modulaires avancés et de réacteurs modulaires avancés pour compléter les sources d'énergie renouvelables. Le gouvernement prévoit de finaliser le cadre législatif d'ici à la fin de 2027, et les projections indiquent que l'énergie nucléaire pourrait fournir entre 11 % et 22 % de l'électricité du pays d'ici à 2050.
Nous assistons enfin à un retour à la raison
Khaled Abou Zahr
En Allemagne, alors que le gouvernement précédent avait achevé la sortie du nucléaire en 2023, le nouveau gouvernement du chancelier Friedrich Merz est en train de reconsidérer la question. Merz a critiqué les fermetures antérieures et explore le développement de petits réacteurs modulaires, ainsi que des collaborations potentielles avec la France sur des initiatives nucléaires.
Le principal problème des énergies renouvelables est leur nature intermittente et le besoin permanent de subventions. De plus, à une époque où le commerce international est instable, la plupart des équipements proviennent de Chine, ce qui pose un risque pour la chaîne d'approvisionnement. Nous avons vu, lors de la pandémie mondiale, comment la chaîne d'approvisionnement de l'industrie pharmaceutique a souffert de sa localisation en Inde. En ce qui concerne la fabrication de produits solaires, la majeure partie de la production a lieu en Chine. C'est également un avantage géopolitique et d'influence pour Pékin.
S'il est évident que le bouquet énergétique d'un pays a des conséquences géopolitiques, les décisions économiques ne devraient jamais faire l'objet d'une vision politique et dogmatique. C'est l'erreur dans laquelle l'Europe est tombée en ce qui concerne l'énergie et de nombreuses autres décisions commerciales et sociétales. La gauche européenne, en alliance avec les partis verts, a imposé des politiques guidées par l'idéologie et non par le réalisme économique. Parmi ces décisions figurent le démantèlement précipité de l'énergie nucléaire, des objectifs irréalistes de décarbonisation et la mise sur un piédestal des énergies renouvelables. C'est un sujet qui a creusé le fossé entre la gauche et la droite.
L'Europe sera-t-elle capable d'inverser cette tendance et de prendre les bonnes décisions ? Il est clair que sans l'énergie nucléaire, c'est impossible, et s'appuyer uniquement sur les énergies renouvelables est une politique dangereuse. La redondance des sources d'énergie et de la distribution est une nécessité absolue. La panne générale d'électricité qui a frappé l'Espagne et le Portugal en avril dernier nous le rappelle brutalement. La crise a été provoquée par la perte d'une sous-station à Grenade, suivie de pannes à Badajoz et à Séville, ce qui a entraîné la déconnexion du réseau espagnol du réseau européen plus large et son effondrement en quelques secondes. Des personnalités politiques et des responsables du secteur de l'énergie ont souligné que la dépendance croissante de l'Espagne à l'égard de l'énergie solaire et éolienne était l'un des principaux facteurs ayant contribué à l'incident. C'est également la raison pour laquelle, à la suite de cet incident, d'autres experts ont exclu une transition rapide à court terme vers le "net zero" et ont déclaré que l'exclusion immédiate des énergies fossiles et nucléaires n'était pas réaliste.
Les énergies renouvelables sont fortement subventionnées en Europe Khaled Abou Zahr
Un autre point important est que les énergies renouvelables sont fortement subventionnées en Europe, ce qui peut compliquer la capacité de la région à être compétitive au niveau mondial. En outre, des couches de subventions sont ajoutées, non seulement pour la production d'énergie renouvelable, mais aussi pour les technologies émergentes, les start-ups et les entreprises à grande échelle. Si ces mesures visent à favoriser l'innovation et la transition énergétique, elles représentent en fin de compte une charge financière pour les contribuables et risquent de nuire à la compétitivité de l'Europe. Dans de nombreux cas, les principaux bénéficiaires sont des fournisseurs externes, tels que les fabricants chinois de panneaux solaires ou les fournisseurs étrangers d'infrastructures en nuage, plutôt que l'industrie ou l'innovation européenne.
En réalité, à l'issue de cette nouvelle course à la domination technologique, il faudra faire plus que pousser rapidement l'énergie nucléaire. En France, l'énergie nucléaire représente environ 40 % de l'approvisionnement total en énergie. En outre, l'énergie nucléaire représente 65 % de la production d'électricité. C'est ce qui a permis à la France de se positionner comme la pierre angulaire de la nouvelle économie fondée sur l'IA, alors que d'autres pays européens sont à la traîne. L'annonce de nouveaux centres de données axés sur l'IA en Arizona, à proximité de centrales nucléaires, confirme cette tendance. Il convient également de mentionner qu'au-delà des opinions idéologiques, Paris maintient l'un des réseaux électriques les moins carbonés au monde.
Alors que nous constatons une concurrence accrue, pour ne pas dire une guerre, pour l'IA avec des alignements géopolitiques clairs, l'Europe devra faire le tri dans son bouquet énergétique et réintroduire l'énergie nucléaire en tant que principal fournisseur. Il n'y a pas de temps à perdre dans cette voie, et les risques sont trop élevés pour être ignorés. Ils devraient s'inspirer de la clairvoyance stratégique du général de Gaulle, qui avait compris l'indépendance géopolitique que l'énergie nucléaire conférerait à la France.
- Khaled Abou Zahr est le fondateur de SpaceQuest Ventures, une plateforme d'investissement axée sur l'espace. Il est PDG d'EurabiaMedia et rédacteur en chef d'Al-Watan Al-Arabi.
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