La Syrie doit réagir de manière décisive à l'attentat contre l'église de Damas

Des personnes inspectent les dégâts sur le site d'un attentat suicide à l'église orthodoxe grecque Mar Elias à Dweil'a, le 22 juin 2025. (AFP)
Des personnes inspectent les dégâts sur le site d'un attentat suicide à l'église orthodoxe grecque Mar Elias à Dweil'a, le 22 juin 2025. (AFP)
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Publié le Vendredi 27 juin 2025

La Syrie doit réagir de manière décisive à l'attentat contre l'église de Damas

La Syrie doit réagir de manière décisive à l'attentat contre l'église de Damas
  • La Syrie doit sortir de la prison créée par l’ancien régime et adopter une approche inclusive et fondée sur les droits en matière de gouvernance et de sécurité

Un kamikaze a attaqué l'église orthodoxe grecque Mar Elias à Dweil'a, dans la banlieue de Damas, en Syrie, pendant la messe dominicale de cette semaine, tuant au moins 22 personnes et en blessant plus de 50 autres. Le ministère syrien de l’Intérieur a attribué l’attentat à Daesh, mais le groupe peu connu Saraya Ansar Al-Sunnah l’a ensuite revendiqué. Les autorités ont arrêté des suspects soupçonnés d’être liés à l’attentat. Il s’agit du premier attentat suicide dans une église de Damas depuis la chute du régime Assad en décembre de l’année dernière, et il souligne l’instabilité persistante de la transition politique en Syrie.

L’attentat, qui a causé de graves dommages à l’intérieur de l’église, a aggravé la peur parmi la population chrétienne de Syrie, qui se réduit comme peau de chagrin, et a suscité une large condamnation internationale, notamment de la part de l’Union européenne, des États-Unis, des gouvernements régionaux et de l’Église orthodoxe grecque. Bien que le président Ahmad Al-Sharaa et d’autres responsables aient condamné l’acte en le qualifiant de terroriste et se soient engagés à renforcer la protection des sites religieux, les doutes et les craintes persistent.

Cette attaque terroriste est importante, comme toutes les attaques de ce type, mais elle l’est d’autant plus qu’elle constitue un test pour les nouveaux dirigeants syriens. C’est pourquoi Al-Sharaa a besoin d’une réponse forte et décisive. La laisser sans réponse pourrait créer des divisions et ajouter des risques à l’avenir du pays.

Les médias sociaux ont été inondés de diverses accusations concernant le manque de sécurité, ainsi que l’absence de réponse unifiée et directe de la part du nouveau gouvernement. Certains critiquent le fait que chaque ministère, ainsi que de nombreux fonctionnaires, ont tous condamné la situation, ce qui témoigne d’un manque de stratégie, ainsi que de l’absence d’un envoyé présidentiel unique pour faire face à cette crise. D’autres sont allés jusqu’à affirmer que le manque de protection était délibéré.

Le nouveau gouvernement doit montrer qu’il est prêt à protéger et à rassembler toutes les communautés ethniques et religieuses de Syrie.

                                             Khaled Abou Zahr

Ces accusations reposent sur un point pernicieux : le patriarche du patriarcat grec orthodoxe d’Antioche, Jean X, est qualifié par certains de loyaliste d’Assad. Ils soulignent qu’il a accueilli le président russe Vladimir Poutine et le président syrien Bachar Assad lorsqu’ils ont visité la cathédrale Mariamite de Damas, l’une des plus anciennes églises grecques orthodoxes de la ville, en 2020. Cette visite s’inscrivait dans le cadre d’un rare voyage de M. Poutine en Syrie.

Les théories du complot qui circulent sur les réseaux sociaux font état d’une politique non déclarée consistant à ne pas fournir une protection suffisante à la communauté, en guise de revanche pour l’alignement passé du patriarche sur le régime d’Assad. Mais le nouveau président doit se comporter en leader de toutes les communautés du pays, quel que soit leur passé, et prendre des mesures énergiques pour protéger la communauté grecque orthodoxe. Cela implique également une réconciliation totale avec la communauté alaouite.

Le nouveau gouvernement doit montrer sa volonté de protéger et de rassembler toutes les communautés ethniques et religieuses de Syrie. L’ancien régime s’était présenté comme le protecteur des minorités, y compris chrétiennes, contre la tyrannie des extrémistes tels que Daesh. L’horrible attentat terroriste perpétré cette semaine à l’église Mar Elias n’est pas seulement source de destruction et de souffrance, il menace également l’avenir du pays. Il est donc nécessaire de prendre des mesures décisives.

Il y a un aspect sécuritaire et militaire. Tout d’abord, les communautés doivent bénéficier d’une sécurité et d’une protection suffisantes. En outre, il est nécessaire d’affronter et de détruire tout acteur non étatique qui menace une communauté ou l’ordre de l’État. Cette attaque terroriste est un signe clair de la nécessité de s’opposer à Daesh et à d’autres groupes, et de les démanteler. Cette tâche ne peut être retardée.

La Syrie doit sortir de la prison créée par l’ancien régime et adopter une approche inclusive de la gouvernance et de la sécurité.

                                                  Khaled Abou Zahr

Mais ce n’est qu’une partie de la solution. L’autre partie consiste à s’assurer que les institutions de l’État accordent les mêmes droits à chaque citoyen, quelle que soit sa communauté ethnique ou religieuse. Cela ne doit pas se faire uniquement sur le papier, mais dans les faits. Cela signifie qu’une refonte complète de l’État est nécessaire. C’est l’épine que l’ancien régime a laissée pour tout futur de paix et de prospérité en Syrie. Cette transformation est le plus grand défi de la Syrie, mais aussi sa plus grande chance pour un avenir stable.

La Syrie doit sortir de la prison créée par l’ancien régime et adopter une approche inclusive et fondée sur les droits en matière de gouvernance et de sécurité. Les nouveaux dirigeants doivent rétablir la confiance et construire l’unité nationale avec tous les groupes ethniques et religieux – chrétiens, druzes, kurdes, alaouites, sunnites, arméniens et autres. Il est nécessaire de s’affranchir de la structure baasiste de l’État et d’établir une nouvelle constitution qui garantisse l’égalité des citoyens, la liberté religieuse et la liberté d’expression : les mêmes droits et les mêmes devoirs pour tous.

Cela signifie aussi que la justice doit être précise. Des communautés entières ne peuvent être condamnées pour complicité avec le régime Assad, car c’était le seul moyen de survivre. Mais ceux qui ont facilité ou commis des actes illégaux contre l’ensemble de la population doivent être traduits en justice. Il en va de même pour ceux qui ont commis des actes de terreur contre les minorités. La justice ne peut et ne doit pas être unilatérale. Il est également nécessaire d’envisager un processus de réconciliation. Ces points sont essentiels pour la stabilité à long terme.

Ce sont des tâches difficiles et dangereuses à entreprendre, mais c’est la seule vraie solution. Aujourd’hui, les nouveaux dirigeants doivent faire preuve de détermination à l’égard de la communauté orthodoxe grecque, indépendamment du passé. Les fidèles de n’importe quelle communauté ne peuvent être tenus pour responsables des maux du régime précédent. Même si les gens comprennent à quel point il peut être difficile de trouver les auteurs de cet attentat terroriste, ils doivent au moins être convaincus que les nouveaux dirigeants font de leur mieux pour les trouver, et qu’ils protègent les cibles contre de futures attaques.

Telles sont les conditions requises pour progresser vers une reconstruction équitable et nationale. En assurant cette protection, les nouveaux dirigeants construiront le chemin de l’avenir sur la plus grande force de la Syrie : sa riche diversité culturelle et religieuse.

Khaled Abou Zahr est le fondateur de SpaceQuest Ventures, une plateforme d'investissement axée sur l'espace. Il est PDG d'EurabiaMedia et rédacteur en chef d'Al-Watan Al-Arabi.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com