Une occasion historique de transformer le Liban est en train d'être gâchée

Le Hezbollah a organisé des manifestations de masse dans la banlieue sud de Beyrouth, quelques jours avant la visite de l'envoyé spécial américain Tom Barrack. (AFP)
Le Hezbollah a organisé des manifestations de masse dans la banlieue sud de Beyrouth, quelques jours avant la visite de l'envoyé spécial américain Tom Barrack. (AFP)
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Publié le Vendredi 11 juillet 2025

Une occasion historique de transformer le Liban est en train d'être gâchée

Une occasion historique de transformer le Liban est en train d'être gâchée
  • Le Hezbollah ne peut envoyer des messages de menace qu'aux Libanais et à personne d'autre. Il a été battu à plate couture par les Israéliens
  • Les armes du Hezbollah n'ont aucune valeur en termes de défense nationale et ne sont pas une forme de résistance mais d'oppression

Quelques jours avant la visite de l'envoyé spécial américain Tom Barrack au Liban, le Hezbollah a organisé des manifestations de masse dans la banlieue sud de Beyrouth, donnant ainsi sa réponse à la demande américaine de désarmement du groupe. Le Hezbollah l'a dit clairement : il ne désarmera pas. Des milliers de ses membres sont descendus dans les rues en scandant des slogans tels que "la résistance ne s'agenouillera pas", "non aux diktats américains" et "les armes protègent la patrie". Cette démonstration de force diverge de la réponse écrite donnée à Barrack par le président Joseph Aoun, que ce dernier a qualifiée de "quelque chose de spectaculaire", ajoutant qu'il en était "incroyablement satisfait".

Bien que le contenu de la lettre n'ait pas été communiqué, il contredit clairement le message du Hezbollah d'envoyer son peuple dans les rues et de rejeter le plan soutenu par les États-Unis appelant à un désarmement progressif. En outre, dans un discours télévisé, le secrétaire général Naim Qassem a réaffirmé que le Hezbollah n'envisageait pas de déposer les armes pour l'instant. Il s'agit là d'une rupture nette avec la voie négociée que M. Aoun a déclaré vouloir suivre, ainsi qu'avec les demandes des États-Unis.

Disons les choses telles qu'elles sont : Le Hezbollah ne peut envoyer des messages de menace qu'aux Libanais et à personne d'autre. Il a été battu à plate couture par les Israéliens. De plus, son propre maître a également reçu un coup militaire sévère alors qu'il restait silencieux. Ainsi, ces armes ne valent rien en termes de défense nationale et ne sont pas une forme de résistance mais d'oppression.

Je suis d'accord (mais pas pour les mêmes raisons) avec le Hezbollah pour dire que son arsenal ne devrait pas faire l'objet de négociations, car il devrait être rendu immédiatement, sans conditions préalables ni solution politique. Ces armes ne sont rien d'autre qu'une menace pour les autres Libanais et la souveraineté du pays. Ces armes sont la cause de la destruction, tout autant que l'idéologie dangereuse prônée par le Hezbollah.

Les armes du Hezbollah n'ont aucune valeur en termes de défense nationale et ne sont pas une forme de résistance mais d'oppression.

                                                      Khaled Abou Zahr

Quelle est la suite des événements ? Le Hezbollah va probablement exécuter "mollement" les demandes israéliennes de désarmement, notamment en ce qui concerne sa présence au sud du fleuve Litani. Ainsi, la formule de sortie sera une autre version de ce qui a été observé entre l'Iran et Israël après leur guerre de 12 jours : une formule qui donne assez de beurre aux dirigeants du Hezbollah pour tartiner leur pain et pour transformer leur discours en une victoire symbolique à commercialiser auprès de leur foule. Les membres du groupe y croient-ils encore ? Même après les coups durs qu'ils ont subis. La réalité est qu'Israël est le seul vainqueur et que le gouvernement libanais est en train de perdre une occasion historique de transformer le pays.

Malheureusement, l'État libanais ne sera pas en mesure de procéder à un désarmement complet. Il s'est rendu à la volonté du Hezbollah, comme tous ses prédécesseurs. En outre, les États-Unis n'exerceront pas de pressions accrues et ne proposeront pas de calendrier. C'est aux Libanais de s'occuper d'eux-mêmes. C'est ce qui ressort très clairement de la déclaration de Barrack : de grands mots pour et sur le peuple libanais, y compris le Hezbollah, qu'il a qualifié de force politique qu'Israël doit accepter. Rien de solide n'a été livré ou n'est à livrer. Et c'est mieux ainsi. Laissons les Libanais s'en occuper.

Il y a donc une acceptation totale du statut du Hezbollah au sein de l'État libanais. La menace directe pour Israël a été éliminée et le reste semble désormais sans importance. Les dirigeants libanais se sont soumis à la volonté du Hezbollah et le Liban continuera à dériver dans le chaos. C'est ce qu'a dit Barrack aux Libanais, juste enrobé d'un discours mielleux de grandeur : Le message était le suivant : "Bonne chance, vous pouvez y arriver".

L'effondrement total du dossier libanais a un ton différent cette fois-ci, et je ne pense pas que les Libanais s'en soucient encore.

                                              Khaled Abou Zahr

L'effondrement total du dossier libanais a un ton différent cette fois-ci, et je ne pense pas que les Libanais s'en soucient encore. La vie sous l'occupation et dans un contexte de changements géopolitiques a fait des ravages. À l'exception d'une petite minorité, les Libanais ont accepté cette situation et s'en accommoderont.

À l'instar du programme nucléaire iranien, personne ne sait quand le Hezbollah renaîtra de ses cendres et se lancera dans une nouvelle série de combats. Même si une chose est sûre : il a été durement touché et réfléchira plus que par le passé avant toute nouvelle provocation. Il est également certain qu'il y aura un nouveau round. Tôt ou tard. Et son issue ne sera pas différente des précédentes : la destruction du Liban.

La plus grande menace pour le Liban concernant le désarmement du Hezbollah est que ses provocations continues peuvent forcer une réponse de Damas. Le groupe invite à une nouvelle ingérence étrangère qui minera davantage la souveraineté libanaise. C'est là la plus grande différence dans notre environnement actuel. Les États-Unis n'ont pas besoin de menacer ; ils peuvent laisser les nouveaux dirigeants syriens s'occuper de cette question si les choses deviennent incontrôlables. Cette solution n'apportera pas la stabilité au Liban, comme nous pouvons tous l'imaginer. Elle perpétuera le cycle sans fin de l'ingérence.

Compte tenu de la transformation en Syrie et du discours de Barrack, le Hezbollah devrait agir rapidement et intelligemment : livrer son arsenal à l'État libanais, libérer sa communauté et libérer le Liban de cet enchevêtrement régional. Les chances que cela se produise sont minces, voire nulles. Pourtant, le risque que d'autres groupes recourent aux armes pour se protéger contre la démonstration de force intérieure du Hezbollah augmente de jour en jour. La prise de conscience de la situation géopolitique est nécessaire pour tous.

Dans le scénario actuel, où le gouvernement centralisé n'est pas en mesure de réaffirmer sa pleine souveraineté sur le pays, le déclin se poursuivra certainement. Comment ne pas voir que le fédéralisme est la meilleure solution ? Il donnera à chaque groupe une autonomie locale tout en préservant l'unité nationale. C'est une dernière chance avant la dissolution totale du pays.

Khaled Abou Zahr est le fondateur de SpaceQuest Ventures, une plateforme d'investissement axée sur l'espace. Il est PDG d'EurabiaMedia et rédacteur en chef d'Al-Watan al-Arabi.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com