SOUEIDA, SYRIE : Les autorités syriennes ont évacué lundi des familles bédouines de la ville de Soueida, à majorité druze, à la faveur d'un cessez-le-feu qui a mis un terme à des affrontements intercommunautaires ayant fait plus de 1 100 morts en une semaine, selon une ONG.
Ces violences, survenues après le massacre de centaines de membres de la communauté alaouite en mars, fragilisent encore davantage le pouvoir islamiste d'Ahmad al-Chareh, qui s'était pourtant engagé à protéger les minorités dans un pays meurtri par près de quatorze ans de guerre civile.
Le cessez-le-feu, annoncé samedi par les autorités, est entré en vigueur dimanche, après le retrait des combattants bédouins et des tribus sunnites d'une partie de la ville de Soueida, dont les groupes druzes ont repris le contrôle.
La trêve était globalement respectée lundi, à l'exception de tirs signalés dans des localités au nord de Soueida, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).
Un correspondant de l'AFP posté aux abords de Soueida a vu des civils, dont des femmes et des enfants, évacués de la ville à bord de cars affrétés par les autorités et de véhicules privés.
Selon l'agence officielle Sana, 1 500 personnes appartenant à des tribus bédouines doivent être évacuées.
Les forces de sécurité ont érigé des barricades de sable aux entrées ouest et sud de la ville, selon le correspondant de l'AFP.
Derrière ces barricades, des membres des forces de sécurité circulent tandis que des combattants des tribus sunnites, équipés de mitraillettes, sont assis sous les arbres bordant la route.
- Corps non identifiés
Des affrontements ont éclaté le 13 juillet entre des groupes druzes et des Bédouins sunnites, avant l'intervention des forces de sécurité et de combattants de tribus venues d'autres régions de Syrie, qui ont pris le parti des Bédouins, selon des ONG et des témoins.
Les deux parties ont été accusées par des ONG et des témoins d'avoir commis des exactions massives, dont des exécutions sommaires, principalement à l'encontre de druzes.
Lundi, des dizaines de cadavres attendaient d'être identifiés à l'hôpital principal de Soueida, où flottait une odeur de mort, tandis que des corps étaient encore collectés dans les rues et les maisons de la ville.
« Nous avons remis 361 corps à des membres de leur famille, mais nous en avons 97 autres non identifiés », a déclaré à l'AFP un responsable de la morgue.
Dimanche, un premier convoi d'aide humanitaire, chargé de vivres, de matériel médical, de carburant et de sacs mortuaires, est entré dans la ville de quelque 150 000 habitants, privée d'eau et d'électricité, et où la nourriture commençait à manquer.
- 128 000 déplacés
Samedi, des combattants tribaux sont entrés dans l'ouest de la ville. Un correspondant de l'AFP a vu des dizaines de maisons et de voitures brûler, ainsi que des hommes armés mettre le feu à des magasins après les avoir pillés.
« Porcs de druzes », « Nous venons vous égorger », peut-on lire sur les murs.
L'annonce du cessez-le-feu est intervenue quelques heures après une déclaration de Washington affirmant avoir négocié une trêve entre la Syrie et Israël, qui affirme vouloir protéger les Druzes.
Cet accord a permis le déploiement des forces gouvernementales dans la province, mais pas dans la ville de Soueida même, ce que refusait jusqu'alors Israël.
Israël, qui abrite une minorité druze, avait bombardé la semaine dernière le palais présidentiel et le quartier général de l'armée syrienne à Damas, ainsi que des positions des forces gouvernementales à Soueida, afin de les contraindre à quitter la région.
Selon l'OSDH, les violences ont fait plus de 1 100 morts, dont 427 combattants et 298 civils druzes, dont 194 « exécutés sommairement » par les forces gouvernementales. Dans l'autre camp, 354 membres des forces gouvernementales et 21 Bédouins ont été tués.
Près de 128 000 personnes ont été déplacées par les violences, d'après l'Organisation internationale pour les migrations.
La communauté druze de Syrie, présente principalement à Soueida, comptait avant la guerre civile quelque 700 000 personnes. Mais en raison de la vague d'émigration massive provoquée par le conflit, ils ne seraient plus que 600 000 aujourd'hui.