L’intelligence artificielle (IA) représente aujourd’hui l’un des jalons les plus importants du progrès scientifique humain. Elle peut être décrite comme une extension naturelle du long cheminement de l’esprit humain pour comprendre et transformer le monde. Tout comme la découverte du feu, l’agriculture ou encore la révolution industrielle ont marqué des tournants dans la civilisation humaine, l’IA constitue désormais la quatrième révolution, redéfinissant l’humanité elle-même ainsi que sa relation au savoir, au pouvoir et à la production.
L’IA n’est pas un hasard. Elle est le fruit de l’intelligence humaine accumulée, d’une évolution commencée avec les mathématiques, la logique et les premiers langages de programmation, qui culmine aujourd’hui avec l’informatique en nuage et les réseaux neuronaux profonds.
Dans l’économie et la production, l’IA permet aux entreprises de gagner en efficacité, de réduire leurs coûts et d’analyser les marchés à une vitesse sans précédent, permettant à certaines économies de croître plus rapidement que d’autres.
Dans la santé, l’IA révolutionne le diagnostic des maladies, l’imagerie médicale et la médecine de précision.
Dans l’éducation, elle ouvre la voie à des systèmes d’apprentissage personnalisés qui s’adaptent aux capacités et au rythme de chaque élève, favorisant une plus grande équité des chances.
Dans la vie quotidienne, des smartphones aux voitures autonomes, l’IA est désormais indissociable de notre expérience moderne.
Pourtant, cette révolution n’est pas exempte de dangers. Son revers comporte des risques majeurs pour la sécurité, la stabilité, voire l’identité humaine elle-même :
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Risques sécuritaires et militaires : Le développement d’armes autonomes létales ouvre une nouvelle course à l’armement — potentiellement plus dangereuse que celle du nucléaire — faute de traités internationaux contraignants pour en réguler l’usage.
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Risques économiques et sociaux : L’automatisation croissante pourrait supprimer des millions d’emplois traditionnels, aggravant le chômage et les inégalités.
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Risques culturels et intellectuels : Grâce aux deepfakes, l’IA peut faciliter la désinformation de masse, influencer des élections et attiser les divisions sociales.
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Risques éthiques : Qui possède l’IA ? Qui décide de ce qui est acceptable ou interdit ? Ces questions fondamentales restent sans réponse.
La course à la suprématie en IA est loin d’être équitable. Les États-Unis et la Chine dominent grâce à d’énormes investissements en recherche et en infrastructures numériques, tandis que la majorité du monde reste en marge — consommant la technologie sans la produire. Cet écart risque de se transformer en une nouvelle forme de colonialisme numérique, renforçant la dépendance et freinant le développement autonome.
L’IA dépasse les frontières et ne peut être confinée à un seul État ou continent. Il est donc urgent que l’humanité établisse des cadres de gouvernance, tels que :
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Des accords internationaux juridiquement contraignants pour encadrer le développement de l’IA et interdire ses usages militaires ou hostiles.
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Une charte mondiale sous l’égide de l’ONU, comparable au Traité de non-prolifération nucléaire, pour garantir que cette technologie demeure un bien commun.
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Une coopération internationale renforcée, fondée sur la responsabilité partagée, et non sur la seule recherche de profit.
Des voix influentes ont déjà mis en garde contre les dérives possibles de l’IA :
L’ancien président américain Donald Trump a souligné à plusieurs reprises la nécessité de réguler l’IA, avertissant que son développement incontrôlé pourrait mener à un “chaos incontrôlable”.
Des scientifiques tels que Stephen Hawking ou Elon Musk ont averti que l’IA, laissée sans contrôle, pourrait devenir plus dangereuse que les armes nucléaires.
Le président Ismaïl Omar Guelleh de Djibouti a rappelé que l’IA n’est pas une mode passagère, mais un pilier stratégique de la modernisation nationale. Dans un discours de 2025, il affirmait que “l’innovation numérique et l’intelligence artificielle figurent parmi les leviers les plus décisifs du développement et de la modernisation”, appelant à un encadrement éthique et à une responsabilité internationale devant les Nations unies.
Son Altesse Royale le Prince Mohammed ben Salmane, prince héritier d’Arabie saoudite, a déclaré : « Nous construisons un modèle de référence pour libérer la valeur des données et de l’intelligence artificielle, afin d’alimenter des économies du savoir et d’élever les générations présentes et futures. » Cette vision s’inscrit dans le cadre stratégique de Vision 2030, et à travers des plateformes mondiales telles que le Sommet mondial de l’IA à Riyad.
De nombreux autres dirigeants ont exprimé des appels similaires en faveur de normes éthiques mondiales qui placent le bien-être humain au centre du progrès.
Alors, l’intelligence artificielle : bénédiction ou malédiction ?
En réalité, l’IA n’est ni fondamentalement bonne, ni intrinsèquement mauvaise. C’est un outil. Utilisée avec sagesse et une vision humaine, elle peut inaugurer une ère de prospérité, de justice et de développement durable. Mais laissée à la cupidité des entreprises et aux rivalités des puissances, elle pourrait devenir une malédiction menaçant l’avenir de l’humanité.
L’IA est aujourd’hui le miroir de l’esprit humain : elle reflète à la fois notre capacité à créer… et notre potentiel à détruire. La responsabilité historique qui nous incombe est d’en faire le serviteur de l’humanité, et non son maître.
Le futur de l’intelligence artificielle dépendra de notre capacité à trouver un équilibre délicat : entre progrès et retenue, liberté et responsabilité, ambition et réalité.
Dya-Eddine Said Bamakhrama est l'ambassadeur de Djibouti en Arabie saoudite.
X: @dya_bamakhrama
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.