L’Europe doit garder le cap sur les Balkans occidentaux

Une réunion de haut niveau consacrée aux Balkans s'est tenue à Londres mercredi. (File/AFP)
Une réunion de haut niveau consacrée aux Balkans s'est tenue à Londres mercredi. (File/AFP)
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Publié le Samedi 25 octobre 2025

L’Europe doit garder le cap sur les Balkans occidentaux

L’Europe doit garder le cap sur les Balkans occidentaux
  • Les Balkans occidentaux restent essentiels à la sécurité et à la stabilité de l’Europe, tant sur le plan géopolitique que migratoire, malgré des progrès lents vers l’intégration euro-atlantique
  • Le Royaume-Uni réaffirme son rôle européen après le Brexit, en accueillant le sommet du Processus de Berlin et en prolongeant sa contribution militaire au Kosovo, tout en cherchant à renforcer la coopération régionale

Une réunion de haut niveau consacrée aux Balkans s’est tenue mercredi à Londres. Le Premier ministre Keir Starmer a accueilli les dirigeants des six nations des Balkans occidentaux — l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, le Monténégro, la Macédoine du Nord et la Serbie — pour discuter de sécurité, de coopération économique et de préoccupations géopolitiques communes. La Croatie, déjà membre de l’UE, a également participé en tant que gouvernement partenaire.

Outre les dirigeants régionaux, la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas et le chancelier allemand Friedrich Merz étaient présents. La réunion s’inscrivait dans le cadre du Processus de Berlin, lancé en 2014 avec le soutien de l’Allemagne, visant à aider les pays des Balkans occidentaux à progresser sur la voie de l’adhésion à l’Union européenne.

Pour l’Europe, les Balkans occidentaux demeurent une zone d’importance stratégique pour plusieurs raisons. La région a été le point de départ de nombreux foyers de tension au fil des siècles. La Première Guerre mondiale et les conflits des années 1990 en témoignent. Au XXIe siècle, même si la nature des défis a évolué, l’importance de la région pour la sécurité globale de l’Europe reste intacte. Ce qui s’y passe résonne inévitablement dans le reste du continent.

Selon les mots de Starmer, lors de la cérémonie d’ouverture, la région est « le creuset de l’Europe — l’endroit où la sécurité de notre continent est mise à l’épreuve. » Et les défis ne manquent pas.

Même si la nature des défis a évolué, l’importance de la région pour la sécurité de l’Europe n’a pas diminué. 

                                               Luke Coffey

Avant tout, les Balkans demeurent une zone de travail inachevé pour l’intégration euro-atlantique. Après la guerre froide, l’UE et l’OTAN ont rapidement accueilli de nouveaux membres en Europe de l’Est. Mais la région où ce processus a été le plus lent, ce sont les Balkans. La Croatie est le seul pays des Balkans occidentaux membre à la fois de l’UE et de l’OTAN. L’Albanie, la Macédoine du Nord et le Monténégro sont membres de l’OTAN et aspirent à rejoindre un jour l’UE. La Bosnie-Herzégovine et la Serbie n’ont encore intégré ni l’une ni l’autre, tandis que le Kosovo — reconnu par la plupart, mais pas tous les membres de l’UE — semble le plus éloigné de cette double adhésion.

De plus, la région souffre d’un manque de croissance économique, aggravé par les divisions confessionnelles, la mauvaise gouvernance et les ingérences extérieures. Les Balkans ont longtemps été un foyer de conflits en Europe, et lorsque la Russie souhaite exercer une pression sur le continent, elle utilise souvent cette région comme levier. L’influence croissante de la Chine y suscite également l’inquiétude de nombreux Européens.

Les Balkans occidentaux sont aussi devenus une route de transit essentielle pour les migrants venant de la Méditerranée orientale et du Moyen-Orient vers le cœur de l’Europe. L’incapacité de la région à lutter efficacement contre le crime organisé et la corruption politique en fait un couloir privilégié pour les passeurs, les trafiquants et ceux prêts à risquer un voyage périlleux pour offrir une vie meilleure à leur famille. Ces pressions ne restent pas confinées aux Balkans — elles se répercutent sur les villes, les économies et les politiques européennes, influençant les débats de Bruxelles à Westminster.

Un autre enjeu important abordé lors du sommet concerne le trafic de drogues. La région constitue depuis longtemps une source majeure de commerce illicite, où la faiblesse de la gouvernance et la présence du crime organisé permettent aux trafiquants d’opérer librement. Les Balkans occidentaux sont également l’une des principales portes d’entrée de la cocaïne et d’autres stupéfiants en provenance d’Amérique du Sud vers l’Europe.

Pour le Royaume-Uni, plusieurs priorités étaient claires lors du sommet, notamment le renforcement de la coopération régionale en matière de sécurité. Mais avec une Serbie encore perçue comme un partenaire problématique, il reste incertain de savoir ce qui peut être fait concrètement pour améliorer la situation. Il existait aussi un enjeu politique interne pour Londres, dans un contexte de débat tendu sur la migration.

Les Balkans occidentaux sont devenus une route de transit essentielle pour les migrants vers le cœur de l’Europe. 

                                                Luke Coffey

Starmer espérait conclure un accord avec certains pays de la région, en particulier l’Albanie, pour établir des « centres de retour » destinés aux personnes arrivant au Royaume-Uni mais dont la demande d’asile est refusée. Sans surprise, les pays concernés n’ont pas manifesté un grand enthousiasme pour cette idée — du moins publiquement.

Mais malgré ces limites, le sommet révèle autre chose sur le Royaume-Uni : malgré le Brexit, il reste une puissance européenne incontournable. Aux côtés de l’Allemagne, le Royaume-Uni est le seul pays à avoir accueilli plus d’une fois un sommet du Processus de Berlin — d’abord en 2018, puis cette année. Londres a également annoncé le maintien de son contingent militaire dans la mission de l’OTAN au Kosovo, prolongeant le mandat jusqu’en décembre 2028. Ce geste réaffirme l’investissement du Royaume-Uni dans la sécurité européenne et sa volonté d’assumer un rôle de leadership, même en dehors du cadre institutionnel de l’UE.

Tout comme le leadership britannique s’est manifesté dans le soutien à l’Ukraine après l’invasion russe, les événements de cette semaine rappellent que Londres demeure un acteur clé de la sécurité européenne. Sur la scène internationale, le sommet a donc été un succès pour le Royaume-Uni. Mais sur le plan intérieur — notamment sur la question controversée de la migration — les progrès restent limités.

Quant aux Balkans occidentaux eux-mêmes, au cœur de la rencontre, il reste difficile de dire ce qui a réellement été accompli. Beaucoup d’engagements répétés, de déclarations souvent entendues dans les discours européens sur la région. Mais au minimum, l’Europe a tourné son regard vers les Balkans, ne serait-ce qu’un jour — rappel aux décideurs qu’il reste encore beaucoup à faire.

L’histoire récente a montré que l’adhésion à l’UE et à l’OTAN apporte souvent des améliorations en matière de gouvernance, d’État de droit, de sécurité et de prospérité. Face aux défis venus des Balkans occidentaux qui affectent parfois le quotidien des Européens, intégrer ces pays dans la communauté euro-atlantique sera un effort qui en vaut la peine — et rendra le continent plus sûr et plus stable.
 

Luke Coffey est chercheur principal à l'Institut Hudson. X : @LukeDCoffey

NDLR : les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com