Trump a l’opportunité de recalibrer la posture de défense des États-Unis

The White House has an opportunity to recalibrate America’s defense posture in a way that safeguards national interests. (AFP)
The White House has an opportunity to recalibrate America’s defense posture in a way that safeguards national interests. (AFP)
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Publié le Samedi 13 septembre 2025

Trump a l’opportunité de recalibrer la posture de défense des États-Unis

Trump a l’opportunité de recalibrer la posture de défense des États-Unis
  • L'administration Trump prépare une nouvelle posture de défense centrée sur la Chine
  • Bien que le redéploiement vers l’Indo-Pacifique soit envisagé, les coûts, les contraintes diplomatiques et les réalités sécuritaires au Moyen-Orient et en Europe compliquent tout retrait massif de troupes américaines

Au cours des premiers mois du second mandat du président Donald Trump, lui-même ainsi que plusieurs de ses hauts responsables ont mis en avant ce qu’ils considèrent comme un déséquilibre dans le partage du fardeau mondial entre les États-Unis et leurs partenaires et alliés. Tout aussi important, ils estiment que la défense du territoire américain a été négligée par les administrations précédentes — en particulier la frontière. Pour répondre à ces préoccupations, l’administration a rapidement indiqué qu’elle publierait une nouvelle Revue de la posture globale et une Stratégie de défense nationale cette année, avec une parution attendue « d’ici la fin de l’été ».

La dernière revue de la posture globale remonte à novembre 2021, soit près de quatre ans. Ces revues sont utiles — elles permettent d’assurer que la stratégie, les forces et les équipements des États-Unis restent alignés avec l’évolution des menaces — mais les documents à venir devront éviter les cadres idéalistes déconnectés des réalités géopolitiques.

À l’intérieur de la seconde administration Trump, plusieurs écoles de pensée s’opposent.

La première, issue de la tradition républicaine en matière de politique étrangère, défend une vision robuste et interventionniste du rôle mondial des États-Unis. Ce camp, bien que moins dominant que par le passé, conserve une certaine influence sur le président, comme en témoigne les récentes frappes contre le programme nucléaire iranien.

Le second — probablement le plus nombreux mais à considérer comme une pluralité plutôt qu’une majorité — regroupe les isolationnistes. Ceux-ci prônent le désengagement des engagements militaires à l’étranger, la réduction des dépenses de défense, et le retour des troupes américaines sur le sol national, en faisant souvent de la sécurité des frontières le cœur des enjeux de sécurité nationale.

Au-delà du symbole du redéploiement des forces américaines vers l’Indo-Pacifique, la réalité est plus complexe.

                                                                       Luke Coffey

Le troisième groupe, qui gagne en influence, est composé des « priorisateurs », pour qui la montée en puissance de la Chine dans l’Indo-Pacifique constitue la menace principale. Selon eux, tous les outils et ressources doivent être concentrés sur ce défi, quitte à réduire les engagements américains en Europe et au Moyen-Orient.

Dans le débat sur la posture, les isolationnistes et les priorisateurs dictent clairement le tempo. Et parmi ces deux courants, ce sont les priorisateurs qui semblent en position de force : nombre de leurs partisans sont aujourd’hui bien implantés au Département de la guerre (anciennement Département de la défense) et participent activement à la rédaction de la revue et de la stratégie.

Mais au-delà du symbole d’un redéploiement vers l’Indo-Pacifique, la réalité est bien plus complexe.

La majorité de la puissance navale américaine est déjà orientée vers cette région. Par ailleurs, l’écrasante majorité des forces terrestres sont basées aux États-Unis. Il est donc trompeur de suggérer que de grandes forces seraient stationnées à l’étranger, prêtes à être redéployées vers l’Asie.

Il y a aussi le problème logistique et budgétaire : les derniers retraits significatifs en Europe ont eu lieu en 2013, lorsque le président Obama annonçait le départ de 10 000 soldats. Crucialement, ces forces n’ont pas été redéployées aux États-Unis, faute d’infrastructures (écoles, logements, soins médicaux…). L’effectif total de l’armée avait simplement été réduit. Trump, à l’inverse, a promis de maintenir, voire augmenter les effectifs — rendant un tel retrait difficilement envisageable politiquement.

Un redéploiement de troupes d’Europe ou du Moyen-Orient vers l’Asie serait encore plus coûteux. Construire des infrastructures adaptées dans des zones reculées du Pacifique est bien plus onéreux. Même dans des centres bien développés comme le Japon ou la Corée du Sud, tout renforcement du dispositif américain nécessiterait des années de consultation et de coordination avec ces gouvernements. La logistique et la complexité politique impliquées dépassent de loin celles requises pour le simple transfert d'unités vers les États-Unis.

En Europe, une option plausible serait de réduire les déploiements tournants pour en transférer une partie vers l’Asie. Actuellement, environ 85 000 militaires américains sont présents sur le continent, dont 20 000 en rotation. Mais une telle mesure entrerait en contradiction avec la récente promesse de Trump au président polonais de maintenir, voire d’augmenter les effectifs — dont la majorité sont justement déployés de manière tournante.

Les décisions doivent se fonder sur les réalités géopolitiques, non sur les luttes internes au sein du gouvernement. 

                                                         Luke Coffey

Le Moyen-Orient représente une autre zone de tension stratégique. Le dispositif militaire américain dans la région est aujourd’hui une fraction de ce qu’il était il y a vingt ans, bien qu’une perception inverse persiste dans l’opinion publique. En réalité, la présence est modeste — et la réduire davantage serait une erreur stratégique.

La Syrie est instable, l’Irak reste fragile, le terrorisme transnational n’a pas disparu, et les Houthis déstabilisent encore la région. De plus, le Moyen-Orient reste vital pour l’économie mondiale : ses ressources énergétiques alimentent les partenaires asiatiques des États-Unis, et ses routes maritimes comptent parmi les plus fréquentées au monde. Avec si peu de troupes déployées, un retrait supplémentaire coûterait bien plus qu’il ne rapporterait.

L’Europe non plus ne peut être ignorée. Elle est le premier partenaire commercial des États-Unis et la plus grande source d’investissement direct étranger dans le pays. La prospérité de l’économie transatlantique dépend de la stabilité du continent — stabilité garantie en partie par une présence militaire américaine crédible. La négliger reviendrait à affaiblir l’Europe et les intérêts économiques américains.

À l’approche de la publication de la nouvelle stratégie et de la revue de posture, il est impératif que les décisions soient guidées par les réalités géopolitiques, et non par les jeux d’équilibre entre factions internes. Les Américains attendent du leadership en matière de politique étrangère. Si le président présente de manière claire et convaincante les raisons pour lesquelles les forces américaines doivent rester déployées à l’avant dans cette ère de compétition entre grandes puissances, le public suivra. Mais l’indécision, l’incohérence ou une mauvaise communication politiseraient un débat qui devrait au contraire rassembler la nation.

La Maison Blanche a l’opportunité de réajuster la posture de défense des États-Unis de manière à protéger ses intérêts, rassurer ses alliés et dissuader ses adversaires. Elle doit saisir ce moment avec détermination.

Luke Coffey est chercheur principal à l'Institut Hudson. X : @LukeDCoffey

NDLR : les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com