Les attaques israéliennes contre l'UNRWA, une tentative de camoufler les échecs

Des soldats israéliens à l'intérieur d'un complexe de l'UNRWA dans la bande de Gaza. (AFP)
Des soldats israéliens à l'intérieur d'un complexe de l'UNRWA dans la bande de Gaza. (AFP)
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Publié le Lundi 03 novembre 2025

Les attaques israéliennes contre l'UNRWA, une tentative de camoufler les échecs

 Les attaques israéliennes contre l'UNRWA, une tentative de camoufler les échecs
  • Les critiques virulentes et, dans la plupart des cas, sans fondement, adressées à l'UNRWA par les responsables israéliens et leurs alliés, principalement aux États-Unis, se sont intensifiées il y a deux ans
  • Ces critiques ont été formulées en dépit de la condamnation sans équivoque de ces attaques par les dirigeants des Nations unies, notamment le secrétaire général Antonio Guterres et le commissaire général de l'UNRWA, Philippe Lazzarini

Les Israéliens ne sont généralement pas connus pour leur admiration de l'ONU, alors que c'est précisément cette organisation internationale qui a voté en faveur de la création de leur État en 1947 et qui l'a ensuite admis en tant que membre, lui conférant ainsi une légitimité internationale.

Et aucune agence de l'ONU n'est plus déplorée - oserai-je dire détestée ? - par le gouvernement israélien que l'Office de secours et de travaux des Nations unies. Il a été créé en 1949 en tant que mesure "temporaire" pour fournir une aide humanitaire et une assistance aux Palestiniens dans cinq zones d'opération : Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est, la Jordanie, le Liban et la Syrie. Elle poursuit son travail, avec des résultats extrêmement impressionnants dans les circonstances les plus difficiles.

Les critiques virulentes et, dans la plupart des cas, sans fondement, adressées à l'UNRWA par les responsables israéliens et leurs alliés, principalement aux États-Unis, se sont intensifiées il y a deux ans, après les attaques du 7 octobre contre Israël par le Hamas et d'autres groupes armés palestiniens. Ces critiques ont été formulées en dépit de la condamnation sans équivoque de ces attaques par les dirigeants des Nations unies, notamment le secrétaire général Antonio Guterres et le commissaire général de l'UNRWA, Philippe Lazzarini.

Peu après les attaques dévastatrices, Israël a allégué que 12 employés de l'Office y avaient participé, mais n'a fourni aucune preuve concluante de cette allégation. Une enquête de l'ONU a conclu que l'allégation, "si elle est authentifiée et corroborée, pourrait indiquer que les membres du personnel de l'UNRWA pourraient avoir été impliqués dans les attaques".

Mais même si l'allégation était vérifiée, et compte tenu du fait que l'agence emploie 30 000 personnes, dont 90 % sont des réfugiés palestiniens, elle pourrait difficilement servir de verdict pour l'organisation dans son ensemble. L'UNRWA est une organisation qui, depuis plus de 75 ans, fournit des services d'éducation, de soins de santé, d'assistance sociale, de protection et d'autres services vitaux à 5,9 millions de réfugiés enregistrés dans de nombreuses régions troublées qui souffrent d'une instabilité politique et de conflits constants et où les réfugiés ne jouissent pas de leurs droits fondamentaux.

Ces services sont fournis, avec des résultats inégalés, à une échelle que l'on pourrait attendre d'un État, sans infrastructure étatique comparable et avec un maigre budget de 1,4 milliard de dollars.

L'ironie est qu'Israël, en tant que principal contributeur à la création du problème des réfugiés palestiniens, et en tant que force d'occupation en Cisjordanie et à Gaza, a l'obligation légale et morale de fournir les services essentiels dont l'UNRWA est chargé.

Mais les autorités israéliennes veulent le beurre et l'argent du beurre : elles nient toute responsabilité à l'égard des réfugiés palestiniens et laissent à la communauté internationale le soin de répondre à leurs besoins fondamentaux, tout en reprochant à l'organisation qui s'en charge de perpétuer le statut de réfugié des Palestiniens.

Plus le Premier ministre Benjamin Netanyahu cherche désespérément à blâmer quelqu'un d'autre que lui pour les échecs catastrophiques du 7 octobre, plus il cherche des cibles commodes pour se détourner de sa propre responsabilité dans l'échec de son propre peuple ce jour-là.

L'UNRWA est une cible facile en raison du récit, créé en Israël, selon lequel l'agence maintient en vie le droit au retour des réfugiés palestiniens. Il va sans dire qu'il s'agit d'une pure invention. Le droit général au retour de tous les réfugiés, d'où qu'ils viennent, est inscrit dans les principes du droit international.

L'UNRWA doit non seulement être maintenu, mais la communauté internationale doit également lui allouer un financement adéquat afin qu'il puisse remplir pleinement son mandat.

Yossi Mekelberg


Dans le cas spécifique des réfugiés palestiniens, ce droit a été réitéré dans un récent rapport de Ian Martin, un ancien haut fonctionnaire des Nations unies chargé par le secrétaire général des Nations unies de diriger une évaluation stratégique de l'UNRWA. Le rapport indique que "le droit au retour et à l'indemnisation des réfugiés palestiniens (est) inscrit dans la résolution 194 (III) de l'Assemblée générale, est antérieur à la création de l'UNRWA et existe indépendamment du mandat ou de la poursuite de l'existence de l'agence".

Le rapport détaillé de M. Martin met en lumière la nature unique des contributions apportées par l'UNRWA contre vents et marées et, dans le cas de la guerre à Gaza, au prix tragique de la mort de 378 de ses employés, alors qu'ils aidaient à maintenir un certain niveau de services dans des conditions infernales, dans de nombreux cas en apportant également une assistance vitale à des personnes non enregistrées en tant que réfugiés.

Dans sa campagne sans fin de tentatives de marquer des points à bon compte, y compris ceux qui sont destinés à causer des dommages non seulement aux Palestiniens mais aussi à Israël, la Knesset a adopté deux lois rompant toutes les relations formelles avec l'UNRWA, qui sont entrées en vigueur au début de cette année. Pire encore, ces lois interdisent à l'agence d'opérer, directement ou indirectement, dans les zones qu'Israël considère comme son territoire souverain, y compris Jérusalem-Est.

Le gouvernement israélien n'a pas trouvé sa boussole morale et n'a pas décidé de remplacer les services fournis par l'UNRWA par d'autres solutions financées par ses propres moyens. Au contraire, il a laissé toute la situation dans l'incertitude, alors que les conditions à Gaza sont cataclysmiques et qu'en Cisjordanie, des dizaines de milliers de réfugiés à Jenin, Nur Shams et Tulkarm ont été déplacés parce que l'armée israélienne a détruit leurs maisons.

Entre-temps, l'UNRWA traverse une grave crise budgétaire et l'on craint vraiment que, dans quelques mois, il ne soit plus en mesure de payer les salaires de son personnel. Cependant, comme le dit le proverbe, "il ne faut jamais gaspiller une bonne crise". L'évaluation stratégique de M. Martin représente donc une contribution de grande importance.

Elle identifie plusieurs scénarios, basés sur la conclusion incontestable de l'auteur selon laquelle le modèle financier de l'UNRWA n'a jamais été viable, et qu'il en va de même pour le mandat de l'agence, qui ne la protège pas d'une ingérence arbitraire dans son travail.

Le pire scénario, à savoir "l'inaction et l'effondrement potentiel de l'UNRWA", ne ferait qu'exacerber la crise humanitaire, selon le rapport, et risquerait "d'accroître les troubles sociaux et d'aggraver la fragilité régionale". Il représenterait un abandon significatif des réfugiés palestiniens par la communauté internationale".

Un autre scénario préoccupant est celui de la "réduction des services", qui exacerberait également une situation humanitaire déjà préoccupante pour des millions de Palestiniens.

Presque par défaut, l'option la plus viable - jusqu'à ce qu'il y ait une solution politique qui garantisse la citoyenneté à tous les Palestiniens et, avec elle, la sécurité et le bien-être en tant que citoyens de la Palestine - est que les opérations de l'UNRWA doivent être maintenues dans les pays qui accueillent actuellement des réfugiés, et en Israël pour ceux qui sont en mesure d'exercer leur droit au retour, et que des ressources adéquates doivent être fournies pour que l'Office puisse mener à bien son travail.

Il est temps que l'UNRWA, bien qu'imparfait, soit reconnu pour le travail précieux qu'il accomplit et pour les grands sacrifices que son personnel dévoué fait en fournissant des services que personne d'autre n'est prêt à fournir - dans de trop nombreux cas, en mettant leur propre vie en danger dans le processus.

L'existence de l'UNRWA est le résultat de l'incapacité à résoudre pacifiquement le conflit israélo-palestinien. Ceux qui attaquent l'agence le font pour détourner l'attention de leur propre négligence criminelle, qui dure depuis des décennies, en ne parvenant pas à conclure un accord de paix.

Jusqu'à ce qu'un tel accord devienne réalité, l'UNRWA doit non seulement être maintenu, mais la communauté internationale doit également lui allouer un financement adéquat afin qu'il puisse remplir pleinement son mandat qui, à long terme, pourrait également servir de base solide pour la fourniture de services publics dans un État palestinien indépendant.

- Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé du programme MENA à Chatham House.

X : @YMekelberg

NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.