Le terrorisme des colons s’aggrave fortement

Tarder à régler cette question préoccupante de la violence des colons ne la fera pas disparaître, cela ne fera qu'empirer les choses. (AFP)
Tarder à régler cette question préoccupante de la violence des colons ne la fera pas disparaître, cela ne fera qu'empirer les choses. (AFP)
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Publié le Mercredi 17 décembre 2025

Le terrorisme des colons s’aggrave fortement

Le terrorisme des colons s’aggrave fortement
  • La violence des colons en Cisjordanie connaît une escalade marquée, facilitée par l’impunité, la protection politique et l’inaction des forces de sécurité
  • L’absence de sanctions rend Israël et la communauté internationale complices, mettant en péril la population palestinienne et toute perspective de solution à deux États

Quand arrive la saison de la récolte des olives en Palestine, arrive aussi l’augmentation exponentielle du terrorisme des colons contre les Palestiniens de Cisjordanie qui récoltent leurs oliviers. Plus d’un an s’est écoulé מאז que la Cour internationale de justice a jugé que l’occupation israélienne des terres palestiniennes était illégale et devait cesser presque immédiatement — même si, malheureusement, ce scénario est peu probable à court terme. Pourtant, même si Israël rejette cette décision, il reste incompréhensible que le gouvernement et ses forces de sécurité ne fassent pas tout ce qui est en leur pouvoir pour mettre fin aux violences infligées par des colons juifs à leurs voisins palestiniens en Cisjordanie.

Il existe un groupe relativement restreint de colons — mais non négligeable — qui se sent de plus en plus enhardi à intensifier un comportement abject, alors que l’attention internationale est détournée ailleurs, qu’un gouvernement dominé par l’ultradroite est au pouvoir, et après des années de violences similaires commises dans une quasi-impunité.

Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), en 2025, il y a eu « 1 680 attaques de colons dans plus de 270 communautés — soit une moyenne de cinq par jour ». C’est un chiffre stupéfiant. La violence des colons n’est donc pas nouvelle, mais c’est l’ampleur constante du phénomène, ainsi que son intensité et son audace croissantes — alors même qu’il est protégé physiquement par les forces de sécurité et politiquement par les représentants des colons au gouvernement — qui constituent une menace bien plus grave pour la population palestinienne locale et pour toute perspective de paix fondée sur la solution à deux États.

Il existe un groupe relativement restreint de colons, bien que non négligeable, qui se sent de plus en plus enhardi.

                                                  Yossi Mekelberg

Qu’on ne s’y trompe pas : ceux qui se livrent à ces violences ne sont pas de simples voyous isolés. Ce sont des voyous organisés, animés par une idéologie de suprématie juive, qui portent des armes de qualité militaire — y compris des fusils d’assaut entièrement automatiques — et qui arrivent souvent sur les lieux de leurs crimes en pick-up, donnant l’image d’une milice structurée et bien financée. Face à eux, les Palestiniens, pour la plupart non armés, sont laissés sans défense, d’autant plus que les forces de sécurité israéliennes se préoccupent, de façon pour le moins ironique, davantage de la sécurité des colons violents que de celle de leurs victimes.

L’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem a ainsi rapporté que huit colons masqués sont arrivés fin octobre au domicile de la famille Daramin, dans la zone de Wadi Ejheis, dans les collines du sud d’Hébron, armés de matraques et portant des gants. Les parents, Wafa et Mahmoud, et leurs quatre enfants — dont un bébé de six mois — qui se trouvaient dans la cour, se sont réfugiés à l’intérieur en verrouillant la porte.

Dans un acte d’une brutalité extrême, les agresseurs ont tenté de défoncer la porte d’entrée en criant en arabe : « Ouvrez la porte. » Ils ont brisé les fenêtres et pulvérisé du gaz poivre à l’intérieur, puis s’en sont pris aux vitres de la voiture familiale. Ils ont poussé la terreur à son comble en détruisant l’enclos des moutons, en tuant dix bêtes, en en blessant grièvement quatre autres, et en mettant le feu à une botte de foin. Il suffit d’imaginer la terreur vécue par cette famille et le traumatisme des enfants, qui ont également souffert de difficultés respiratoires dues au gaz poivre et ont dû être hospitalisés.

Ce n’est pas un incident isolé. Dans un autre cas, un colon masqué a été filmé en train de frapper à coups de matraque une Palestinienne de 55 ans alors qu’elle cueillait des olives dans le village de Turmus Ayya. Par pur hasard, elle a survécu à cette brutalité insensée. Au nom de quoi, et de qui, ces actes criminels sont-ils commis ? Il s’agit d’un mélange répugnant de voyouterie, de lâcheté et d’une version déformée et extrémiste du judaïsme et du sionisme, ainsi que du lien idéologique qui les unit.

Il s’agit d’un mélange répugnant de voyouterie, de lâcheté et d’une version déformée et extrémiste du judaïsme et du sionisme, ainsi que du lien idéologique qui les unit.

                                                   Yossi Mekelberg

L’impunité flagrante avec laquelle ces colons agissent résulte de l’émergence, au sein des segments les plus extrêmes, de l’idée que le moment est opportun et pourrait ne pas se représenter. Aujourd’hui, ils bénéficient de la protection conférée par le pouvoir disproportionné de leurs représentants au sein du gouvernement de coalition actuel, tandis que l’armée fait presque rien pour les arrêter. Le silence assourdissant du reste de la société israélienne est perçu comme un feu vert pour continuer.

Bien que les éléments violents parmi les quelque 700 000 colons illégaux dans les territoires occupés constituent une petite minorité, leur direction est bien représentée à la Knesset et au sein du Cabinet, et elle est faite du même bois. On y trouve notamment le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir et le ministre des Finances Bezalel Smotrich, également ministre au ministère de la Défense. Ce dernier, chargé de l’administration de la Cisjordanie, a déclaré croire à une approche plus brutale face à toute forme de militantisme palestinien, « d’une manière qui fasse comprendre que le maître de la maison est devenu fou ».

Les preuves abondent que cette ligne est devenue la feuille de route des colons violents, qui n’épargnent même pas les lieux de culte, comme en témoignent les incendies criminels de mosquées, notamment celui de la mosquée Hamida, près de Deir Istiya, le mois dernier.

Sachant que Benyamin Netanyahou n’a ni la marge de manœuvre politique ni l’endurance nécessaires pour limoger les ministres ultradroitiers tant que son procès pour corruption se poursuit, leurs disciples jouissent d’une liberté quasi totale pour traiter la population palestinienne comme bon leur semble. Ils ont peu de chances d’être inculpés — encore moins poursuivis ou condamnés à des peines de prison — même dans les cas où des colons ont abattu des Palestiniens non armés lors d’attaques non provoquées.

Ces actes de vandalisme terroriste sont l’expression d’une faillite morale et idéologique, non seulement de ceux qui les commettent, mais aussi de ceux qui ne les empêchent pas. Dans leur esprit dévoyé, ils pensent qu’en imposant un règne de terreur à la population locale, ils obtiendront une soumission totale des Palestiniens à leurs volontés. Ou, mieux encore à leurs yeux, qu’ils finiront par les convaincre qu’il vaut mieux quitter leurs foyers pour l’exil, ouvrant la voie à l’annexion de toute la Cisjordanie par Israël.

Le fait que cette violence politiquement motivée reste impunie rend le gouvernement israélien complice de ces actes, et potentiellement de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, puisqu’ils visent un groupe ethnique spécifique. La communauté internationale est également complice, en particulier les alliés les plus proches d’Israël, qui condamnent la violence des colons et l’impunité dont ils bénéficient, mais de manière timorée et sans prendre de mesures concrètes pour y mettre fin.

La pression exercée sur le gouvernement israélien — au minimum par l’UE, le Royaume-Uni et le Canada, entre autres, ainsi que par des puissances régionales — doit être explicite et produire des conséquences tangibles pour les individus et organisations directement ou indirectement impliqués. Remettre à plus tard le traitement de ce problème inquiétant ne le fera pas disparaître : cela ne fera que l’aggraver.

Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé du programme MENA à Chatham House.

X : @YMekelberg

NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com