La paix avec Israël ouvrirait une nouvelle voie pour le Liban

Des partisans du Hezbollah brandissent les drapeaux jaunes du parti à Raouche, Beyrouth, Liban, le 25 septembre 2025. (AFP)
Des partisans du Hezbollah brandissent les drapeaux jaunes du parti à Raouche, Beyrouth, Liban, le 25 septembre 2025. (AFP)
Short Url
Publié le Samedi 08 novembre 2025

La paix avec Israël ouvrirait une nouvelle voie pour le Liban

La paix avec Israël ouvrirait une nouvelle voie pour le Liban
  • Le retrait israélien de 2000 a renforcé le Hezbollah, mais la situation actuelle ouvre une opportunité historique pour que l’État libanais reprenne le contrôle et négocie la paix
  • Le retrait israélien de 2000 a renforcé le Hezbollah, mais la situation actuelle ouvre une opportunité historique pour que l’État libanais reprenne le contrôle et négocie la paix

En 2000, après vingt-deux ans d’occupation, Israël s’est retiré du sud du Liban. À la suite de ce retrait précipité, l’armée supplétive d’Israël, l’Armée du Liban Sud, s’est effondrée, laissant le groupe soutenu par l’Iran, le Hezbollah, prendre le contrôle du territoire. C’est donc le Hezbollah, et non l’État libanais, qui a pris la relève.

Le retrait unilatéral d’Israël, ordonné par le Premier ministre Ehud Barak, mit fin à une présence coûteuse et sans réel gain. Pendant son occupation, Israël perdit environ 1 000 hommes et engloutit des milliards de dollars. Barak voulait reproduire la même stratégie à Gaza, et en octobre de la même année, la seconde Intifada éclata. Ce fut Ariel Sharon qui, en 2005, désengagea Israël de Gaza, où le Hamas prit le contrôle. Dans les deux cas, le retrait unilatéral d’Israël réduisit l’intensité du conflit mais laissa le Hezbollah et le Hamas aux commandes réelles.

Au Liban, malgré quelques escarmouches, le Hezbollah et Israël respectèrent certaines règles d’engagement, telles que la Ligne bleue délimitée par l’ONU, et veillèrent à ce que toute riposte reste proportionnelle et localisée. Cela dura jusqu’en 2006, lorsque le Hezbollah, à l’instar du Hamas, décida de rejoindre la guerre — puis de nouveau en 2023. Sans revenir sur tous les événements, le retrait israélien renforça le Hezbollah dès le départ.

En effet, le Hezbollah fut l’instrument qui poussa les Israéliens dehors, offrant au groupe un statut de sauveur et de héros, le plaçant ainsi au-dessus de l’État libanais et de toute autre institution souveraine. Parallèlement, les fermes de Chebaa — dont Israël ne s’est pas retiré et qui impliquent aussi la Syrie — donnèrent au Hezbollah le prétexte nécessaire pour rester armé et prétendre qu’il existait encore des territoires libanais occupés, justifiant ainsi son rôle d’unique force de dissuasion face à Israël.

Israël a, d’une certaine manière, choisi ses ennemis. En 1982, il choisit le Hezbollah plutôt que la résistance palestinienne et arabe, et fit de même à Gaza lorsqu’il accula Yasser Arafat en 2004. Pourtant, comme en 2006, il sut infliger un lourd tribut lorsque ses ennemis franchirent la ligne rouge.

En 2024, l’offensive fut différente, rappelant davantage celle de 1982, lorsqu’il expulsa l’Organisation de libération de la Palestine. Il ne s’agissait plus d’une simple punition, mais d’une décision stratégique : détruire le Hezbollah. Après les lourdes pertes subies par ce dernier et son affaiblissement, une nouvelle direction politique libanaise put émerger, offrant la possibilité de combler ce vide et d’avancer vers un plan de désarmement du Hezbollah — une perspective que de nombreux Libanais espèrent depuis longtemps. Il est temps d’en finir avec le rôle d’un intermédiaire qui n’aurait jamais dû se placer au-dessus de l’État ni avoir le pouvoir de décider de la guerre ou de la paix.

Il est temps d’en finir avec le rôle d’un intermédiaire qui n’aurait jamais eu le pouvoir de décider de la guerre ou de la paix. 

                                              Khaled Abou Zahr

C’est exactement pourquoi la déclaration du président Joseph Aoun cette semaine, affirmant qu’il n’y a pas d’autre choix que de négocier avec Israël dans un langage diplomatique, est essentielle. En effet, il n’y a aucun moyen de retrouver la souveraineté libanaise sans que l’État ne prenne en main la question des territoires encore occupés. Le Hezbollah a toujours eu intérêt à ne pas résoudre les différends frontaliers, car cela légitimait son statut de « résistance ». Il a abusé de cette position pour contrôler l’ensemble du pays.

Ainsi, si Aoun parvient à reprendre ce dossier et à négocier une solution pour tous les différends territoriaux en suspens — que ce soit en Méditerranée ou dans les fermes de Chebaa — cela retirerait au Hezbollah les cartes gagnées en 2000 et rendrait à l’État son rôle décisionnel. Il faudrait faire de même avec la Syrie.

Si ce processus réussit, alors, au lieu de choisir son ennemi, Israël pourrait entretenir avec le Liban des relations similaires à celles qu’il a avec la Jordanie ou l’Égypte. De plus, la nouvelle direction syrienne ayant exprimé sa volonté de négocier avec Israël, et Damas n’exerçant plus de contrôle sur le Liban, une immense opportunité s’offre au pays pour parvenir à un règlement global et à une paix durable. Il s’agit d’une paix réalisable, non d’une trêve temporaire. Israël et le Liban doivent saisir cette chance.

Aoun a également réaffirmé son engagement envers le Comité du Mécanisme, établi en 2024. Cet organe militaire libanais coordonne actuellement avec Israël les questions de sécurité frontalière et territoriale, sous médiation des Nations unies. Morgan Ortagus, la vice-émissaire spéciale américaine pour le Moyen-Orient, a évoqué la possibilité d’inclure des civils au sein du Comité. L’essentiel est d’ouvrir ces négociations sans qu’aucun militaire ou civil lié au Hezbollah n’y participe. L’État libanais a une occasion historique de reprendre la décision de la paix ou de la guerre. Il est temps que l’État assume pleinement ces dossiers et que l’armée devienne l’unique défenseur des frontières nationales.

Nous ne savons pas combien de temps ces négociations dureront, et l’État libanais doit aussi reprendre la main sur de nombreux autres dossiers. Il est donc crucial que le désarmement du Hezbollah ne soit pas lié à ces négociations. Les discussions avec Israël seront sans doute ardues, Tel-Aviv ne concédera rien facilement. Dès le départ, il rappellera probablement que la neutralisation du Hezbollah a permis au président libanais d’avancer vers la reconquête de la souveraineté.

Ainsi, le Hezbollah ne représente plus ni dissuasion ni avantage. Il apparaît enfin tel qu’il est : un agent de destruction servant des intérêts étrangers sur le sol libanais. Son désarmement doit donc s’imposer indépendamment de tout différend frontalier avec Israël.

Aoun devra bénéficier d’un soutien régional et international pour conclure ces négociations avec succès et encourager les deux parties à finaliser un accord au plus vite. Un tel accord de paix serait une réalisation majeure et une étape décisive vers la pleine souveraineté du Liban. La déclaration d’Aoun a fait preuve de courage. Espérons qu’elle se concrétise. Cela ouvrirait une nouvelle voie pour le Liban — une voie qui, pour la première fois depuis longtemps, permettrait au pays de retrouver son pouvoir de décision. Une voie d’opportunité et de prospérité.
 

Khaled Abou Zahr est le fondateur de SpaceQuest Ventures, une plateforme d'investissement axée sur l'espace. Il est PDG d'EurabiaMedia et rédacteur en chef d'Al-Watan al-Arabi.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com