Le président français Emmanuel Macron s’est rendu en Chine la semaine dernière pour ce qui était techniquement une visite d’État bilatérale. Toutefois, il nourrit l’espoir d’une reconfiguration bien plus large de la relation entre l’Europe et la superpuissance émergente.
Emmanuel Macron, qui effectuait son quatrième voyage en Chine, ne manque jamais de confiance dans sa capacité à rallier les dirigeants mondiaux. Et il entretient visiblement une relation positive avec Xi Jinping. Vendredi, le président chinois a accueilli son homologue français dans la ville de Chengdu, dans le sud-ouest du pays, un exemple relativement rare de Xi accompagnant un invité étranger en dehors de Pékin.
Cette étape faisait suite à une première partie du voyage dans la capitale. Là, les deux parties ont signé une douzaine d’accords de coopération portant sur des thèmes tels que le vieillissement de la population et l’énergie nucléaire. Des entreprises françaises accompagnant le président Macron ont également conclu des accords commerciaux visant à obtenir un meilleur accès au vaste marché chinois.
Autre enjeu majeur pour le président français : la mise en place d’un nouveau cadre définissant la future relation de l’Europe avec la Chine. Jeudi, il a affirmé que « nous sommes confrontés au risque de désintégration de l’ordre international qui a apporté la paix au monde pendant des décennies et, dans ce contexte, le dialogue entre la Chine et la France est plus essentiel que jamais. »
L’ambition de Macron est de rééquilibrer les relations sino-européennes non seulement sur le plan économique, mais aussi sécuritaire. Cela intervient dans un contexte où les relations bilatérales suivent une tendance globalement décroissante depuis la pandémie, en partie en raison du soutien nuancé de la Chine à la guerre menée par la Russie en Ukraine.
Au fond, Macron souhaite réinitialiser les liens autour d’une relation indépendante de celles que ces deux puissances entretiennent avec d’autres, notamment les États-Unis et la Russie. Il espère que cela puisse reposer sur le respect et la réciprocité, les deux parties ayant des intérêts complémentaires, comme le besoin européen de terres rares et le désir chinois d’accéder à des microprocesseurs avancés.
Ce changement stratégique impliquerait que la Chine consomme davantage et exporte moins, permettant aux producteurs européens de combler l’écart — une ambition de longue date des décideurs européens. Le tout dans un contexte où le déficit commercial de l’UE avec la Chine atteignait près de 350 milliards de dollars en 2024. Pour la France, la Chine représente à elle seule environ 46 % de son déficit commercial bilatéral total.
Avant le début du voyage, certains signaux laissaient penser que la Chine pourrait avancer dans cette direction, Pékin souhaitant davantage de clarté sur la stratégie européenne à son égard. L’ambassadeur chinois en France, Deng Li, l’a illustré en affirmant que le fait pour l’UE de qualifier Pékin à la fois de concurrent et de partenaire revenait à se retrouver « à un carrefour avec les feux rouge, vert et jaune allumés en même temps ».
Autre signe d’un possible progrès : contrairement à plusieurs visites précédentes, dont la dernière en 2023, Macron n’était pas accompagné de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Celle-ci adopte une ligne plus dure que Macron sur la Chine et a contribué à l’élaboration de la stratégie européenne de « réduction des risques » vis-à-vis de Pékin, afin de limiter les « dépendances dangereuses » dans des secteurs comme les équipements technologiques ou les matières premières nécessaires aux batteries et panneaux solaires.
L'ambition de Macron est d'apporter un nouvel équilibre aux relations sino-européennes, non seulement sur le plan économique, mais aussi en matière de sécurité.
Andrew Hammond
Néanmoins, lorsque les discussions ont réellement commencé, le président français a réalisé peu de progrès sur cette ambition. Cela s’explique en partie par le fait que Xi sait que le président français ne parle pas au nom d’une Europe unifiée. Ursula von der Leyen n’est pas la seule à adopter une position plus sceptique : la Pologne se montre beaucoup plus négative envers Pékin et la Lituanie a même autorisé Taïwan à ouvrir un bureau de représentation à Vilnius en 2021.
Ces divergences européennes alimentent non seulement la perception de divisions internes sur la Chine, mais aussi des fractures plus larges entre Européens et Américains, ces derniers étant généralement plus fermes face à Pékin.
En dehors des enjeux économiques, les discussions de la semaine dernière ont également porté sur la politique étrangère. Macron a déjà déclaré que l’UE devrait chercher à devenir un « troisième pôle » mondial entre Washington et Pékin, grâce à une plus grande « autonomie stratégique ».
Au sommet de ses priorités internationales avec Xi figurait l’Ukraine, alors que Washington cherche une percée dans les négociations pour mettre fin à la guerre. Jeudi, Macron a déclaré : « J’espère que la Chine rejoindra notre appel, nos efforts visant à obtenir, le plus rapidement possible, au moins un cessez-le-feu sous la forme d’un moratoire sur les frappes visant les infrastructures critiques. » Toutefois, si Xi a affirmé que « la Chine soutient tous les efforts allant dans le sens de la paix », il n’a pas fait évoluer sa position, toujours alignée sur celle de Moscou.
Autre sujet majeur : Taïwan. Macron avait été très critiqué en Occident lorsqu’il avait déclaré, lors d’un précédent voyage en Chine, que l’Europe ne devait pas se concentrer excessivement sur cette question. La discussion de la semaine dernière intervient après que la nouvelle Première ministre japonaise, Sanae Takaichi — alliée clé du G7 — a affirmé qu’un blocus ou une invasion de Taïwan obligerait Tokyo à déployer son armée à l’étranger. Une déclaration qui a tant irrité Pékin qu’il aurait demandé au président américain Donald Trump d’intervenir auprès de Takaichi.
Le voyage de Macron a montré que l’Europe et la Chine peuvent encore tirer profit de partenariats sur des sujets d’intérêt commun. S’il n’a pas obtenu de résultats majeurs sur son ambitieuse feuille de route, son objectif reste de démontrer que, malgré les tensions, la détérioration des relations avec Pékin n’est pas inéluctable et qu’un autre avenir est possible.
Andrew Hammond est associé à LSE IDEAS à la London School of Economics.
NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com














