Comment se souviendra-t-on de 2025, et plus particulièrement au Moyen-Orient ? Beaucoup aspireront à l’amnésie.
Pour les Palestiniens, ce fut une nouvelle année de génocide et d’apartheid. Deux cessez-le-feu n’ont produit aucun résultat significatif. La baisse du nombre de morts à Gaza après le plan de cessez-le-feu du 10 octobre, ainsi que la libération d’otages et de détenus, ont été bienvenues. Mais la quantité dérisoire d’aide qu’Israël laisse entrer souligne encore l’intention de ceux qui ont mené ce génocide.
La propension israélienne à créer des faits accomplis, à rendre permanent ce qui est temporaire, s’est une nouvelle fois illustrée à Gaza. Israël a scindé l’enclave et en a pris le contrôle de plus de la moitié. Combien de temps avant que des colonies n’y apparaissent ?
Pendant que l’attention était braquée sur Gaza, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et ses alliés colons ont lancé un vaste programme de confiscation de terres en Cisjordanie, avec un nombre record de nouvelles colonies et une flambée de violences de colons.
La situation de l’Iran s’est nettement détériorée. Après la perte d’Assad en Syrie, Téhéran a vu le Hamas et le Hezbollah, ainsi que les Houthis, s’affaiblir. L’Iran ne peut plus soutenir ses alliés comme auparavant. Ils demeurent toutefois une menace pour Israël, comme l’a montré la frappe de missile balistique houthie de mai qui a touché l’aéroport de Tel-Aviv. Les systèmes antimissiles israéliens pourront-ils, à l’avenir, le protéger face à des armements de plus en plus sophistiqués ?
Si l’espoir figurait au menu, c’était en Syrie.
Chris Doyle
Mais la guerre que beaucoup redoutaient et spéculaient depuis des années, voire des décennies, a bel et bien eu lieu. La guerre froide indirecte entre l’Iran et Israël est devenue un affrontement direct et ouvert. Douze jours de bombardements israéliens ont aussi vu les États-Unis utiliser leurs munitions non nucléaires les plus puissantes contre des sites nucléaires iraniens. Les experts sont divisés quant à l’effet dissuasif de ces frappes sur Téhéran.
Le régime iranien va-t-il accélérer une option nucléaire ou reculer, par crainte de nouveaux bombardements ? Les analystes oscillent depuis toujours entre ceux qui surestiment la fragilité et la flexibilité du régime et ceux qui sous-estiment sa solidité et sa rigidité.
Même les sanctions de l’ONU ont été rétablies. Cela a-t-il entraîné un basculement régional ? En partie. Mais les alliances sont désormais plus fluides et les intérêts moins lisibles.
Israël reste une menace majeure pour le Liban. Ce qui est clair, c’est que, qu’on le veuille ou non, le Hezbollah ne se désarmera pas volontairement. Sa direction exigera une victoire politique majeure avant d’envisager une telle option, ce qui implique un retrait israélien total. La situation est figée — peut-être pas pour longtemps.
Le Soudan est devenu la pire crise humanitaire au monde. Un conflit longtemps ignoré hors de la région a brièvement fait la une mondiale avec des scènes atroces dans l’ouest du pays. L’attention est vite retombée. Le défi pour ceux qui s’en soucient sera de renforcer la volonté internationale afin d’aboutir à une paix durable.
S’il y avait une lueur d’espoir, elle se trouvait en Syrie. Une année sans Assad à la tête du pays avait de quoi être célébrée, comme cela a été fait à l’anniversaire. Mais personne ne doit se faire d’illusions sur les dangers à venir. Ahmed al-Chareh s’est montré plus que compétent sur le plan diplomatique.
Peut-être la scène la plus saisissante — inimaginable encore douze mois plus tôt — fut celle du président américain Donald Trump et d’al-Chareh échangeant des rires dans le Bureau ovale.
L’opinion publique mondiale est outrée.
Chris Doyle
Tout cela s’est cristallisé en décembre avec la mort de soldats américains en Syrie. Nul ne sait qui a orchestré cette attaque, mais le résultat est clair : les États-Unis mènent à nouveau d’importants bombardements contre Daech dans le centre de la Syrie. S’agit-il d’un épisode isolé ou d’une tendance durable ?
L’administration Trump a indéniablement bouleversé la donne. Netanyahu ne peut plus agir à sa guise. Trump a ordonné à l’aviation israélienne de cesser de bombarder l’Iran. Il a contraint Netanyahu à présenter des excuses téléphoniques à l’émir du Qatar après le bombardement de Doha. Il a également engagé des discussions directes avec des ennemis de longue date des États-Unis : le Hamas et l’Iran. Contre l’avis de nombreux conseillers, il a aussi annoncé la levée des sanctions contre la Syrie.
L’action diplomatique européenne reste largement hésitante, davantage focalisée sur la guerre en Ukraine que sur le Moyen-Orient. Un pas en avant a toutefois été franchi avec la reconnaissance de la Palestine par le Royaume-Uni et la France — une décision qui, prise il y a dix ans, aurait peut-être changé la donne. Une fois encore : trop peu, trop tard. À quoi bon reconnaître un État si l’on n’est pas prêt à empêcher qu’il soit bombardé, affamé et démantelé par la force ?
Les États ayant reconnu la Palestine l’ont fait moins par conviction morale que sous la pression d’une opinion publique mondiale indignée. Le fossé entre les élites dirigeantes et les électeurs se creuse. Attendez-vous à davantage de boycotts, de manifestations et de désobéissance civile en 2026.
La place qu’occupera 2025 dans l’histoire du Moyen-Orient dépendra des nombreux conflits, crises et guerres encore non résolus. Mais à l’approche de sa fin, un élément domine : l’absence de retenue des acteurs régionaux et internationaux les plus puissants — Israël en premier lieu. Le rétablissement de cette retenue pourrait bien être le grand défi des années à venir.
Chris Doyle est directeur du Conseil pour la compréhension arabo-britannique à Londres.
X : @Doylech
NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com














