La pandémie, un moyen pour Ankara d’opprimer l’opposition, accuse HRW

Le président turc Recep Tayyip Erdogan s’adresse jeudi aux médias, après avoir reçu le vaccin contre la Covid-19 à Ankara. (Photo, AP)
Le président turc Recep Tayyip Erdogan s’adresse jeudi aux médias, après avoir reçu le vaccin contre la Covid-19 à Ankara. (Photo, AP)
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Publié le Vendredi 15 janvier 2021

La pandémie, un moyen pour Ankara d’opprimer l’opposition, accuse HRW

  • «L'ingérence de l'exécutif dans le système judiciaire et dans les décisions de poursuite est un problème systémique, reflété dans le modus operandi des autorités qui consiste à détenir, poursuivre et faussement condamner des individus pour terrorisme»
  • Alphan risque désormais jusqu'à sept ans et six mois de prison pour diffusion de propagande terroriste

ANKARA: Human Right Watch (HRW) a publié le 13 janvier l’édition 2021 de Rapport mondial de l’année 2021. Le chapitre dédié à la Turquie met l’accent sur la répression croissante des droits de l'homme dans le pays au cours de l'année précédente.

L’organisation de défense des droits de l’homme à New York a critiqué le gouvernement turc qui utilise la pandémie de la Covid-19 comme motif pour son autoritarisme. Ankara est notamment accusée museler ses détracteurs en adoptant une législation qui écarte de plus en plus les partis d'opposition.

HRW affirme que le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir a renforcé sa tyrannie en adoptant une loi sur la libération anticipée des prisonniers en avril. Le nouveau texte exclut les prisonniers politiques, y compris les journalistes et les politiciens.

Le rapport met également en évidence les restrictions sur les médias sociaux adoptées en juillet. Ces dernières permettent au gouvernement de surveiller davantage les réseaux de médias alternatifs où les opinions de l'opposition s’expriment librement, et de leur infliger des amendes pour ne pas avoir supprimé ou bloqué leur contenu quand le gouvernement l’exige.

Un changement juridique dans la structure des barreaux indépendants a encore sapé l'indépendance de la justice dans le pays car la nouvelle loi veut «réduire la force institutionnelle des plus grands barreaux turcs, qui ont vivement critiqué le déclin d’Ankara en matière de droits de l'homme et de l'état de droit», selon le rapport.

HRW critique aussi une loi adoptée à la fin de 2020 et qui donne au ministère de l'Intérieur le droit de procéder à des inspections annuelles des groupes non gouvernementaux. Elle permet en plus de suspendre les membres du conseil d'administration si leurs activités sont jugées illégales.

Le rapport dénonce la détention provisoire du défenseur des droits de l’homme, Osman Kavala et des deux anciens coprésidents du Parti démocratique du peuple pro-kurde (HDP) Selahattin Demirtas et Figen Yuksekdag.

«L'ingérence de l'exécutif dans le système judiciaire et dans les décisions de poursuite est un problème systémique, reflété dans le modus operandi des autorités qui consiste à détenir, poursuivre et faussement condamner des individus pour terrorisme et autres chefs d'accusation. Les accusations sont généralement vagues et concernent généralement ceux que le gouvernement, particulièrement le président Recep Erdogan, considère comme des adversaires », explique le document.

Berk Esen, politologue de l’université Sabanci d’Istanbul, est complètement d’accord avec les affirmations du rapport selon lesquelles le gouvernement turc a bel et bien utilisé la pandémie de la Covid-19 afin d’accroitre ainsi son autoritarisme. «Cela n'est pas du tout surprenant, car d'autres gouvernements populistes ont aussi utilisé la pandémie comme prétexte afin d’élargir leurs pouvoirs judiciaires et politiques et étouffer l'opposition», a-t-il déclaré à Arab News.

«La loi sur les médias sociaux a remis en question la viabilité des médias sociaux à long terme, en tant que motif potentiel d'opposition, tandis que la loi sur la société civile récemment décrétée peut encore remettre en question les quelques sincères organisations de la société civile qui ne sont guère contrôlées par le parti au pouvoir», poursuit Esen

Esen croit fortement que le gouvernement d'Erdogan tente de limiter l'opposition avant de déclencher de nouvelles élections. «L'AKP est en train de subir de grosses pertes au sein de ces partisans au milieu de la détérioration de la situation économique dans le pays. C’est ce qui a limité la marge de manœuvre d’Erdogan et l’a affaibli face à son partenaire nationaliste de la coalition. Les sanctions de l'UE et des États-Unis sont un fait, le gouvernement n'a plus beaucoup d'options à l'horizon 2021 », estime-t-il.

La nouvelle année ne semble pas offrir beaucoup d’espoir d’une nouvelle Turquie en matière de droits de l’homme. Un décret présidentiel publié le 6 janvier a doté la police turque des ressources militaires et de renseignement accrues dans le but de réprimer les manifestations publiques qui «menacent gravement la sécurité nationale et l'ordre public».

Le décret a coïncidé avec de violents affrontements entre des étudiants de l’université Bogazici d’Istanbul et la police quand Erdogan a nommé un partisan à la tête de l’université. Plusieurs étudiants ont été placés en garde à vue pour avoir participé aux manifestations, d’autres ont même été arrêtés lors des rafles nocturnes à leurs domiciles.

 Le même jour que le lancement du rapport de HRW, une action en justice a été déposée contre la journaliste Melis Alphan pour avoir publié une photo des célébrations du Nayrouz, prise en 2015 dans la province sud-est de Diyarbakır, alors que la fête était légale et diffusée à l’époque sur les chaînes de télévision grand public.

La photo montre le drapeau du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).  Alphan risque désormais jusqu'à sept ans et six mois de prison pour diffusion de propagande terroriste, car le PKK est classé comme organisation terroriste par Ankara.

«Toutes les discussions récentes sur la réforme judiciaire, un plan d'action pour les droits de l'homme et la place de la Turquie en Europe seront totalement creux à moins que le président ne dise absolument clairement que la Turquie est prête à se conformer aux décisions de la Cour européenne des droits de l'homme», a déclaré Emma Sinclair- Webb, directeur de Human Rights Watch pour la Turquie, à Arab News. Selon Sinclair-Webb, la libération de Kavala et Demirtas de prison, conformément aux décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, devrait être le premier point sur une longue liste pour 2021.

«Nous espérons voir le gouvernement abandonner la nouvelle loi sur les réseaux sociaux, qui aggrave la censure dans les médias sociaux, ainsi que la nouvelle loi qui permet une restriction massive des ONG au nom de la lutte contre le financement de la prolifération des armes de destruction massive», insiste-t-elle.

Bien que la création d'un pouvoir judiciaire indépendant prenne des années, Sinclair-Webb affirme que le gouvernement doit avant tout abandonner l’accusation invariable et abusive d'appartenance à une organisation terroriste contre des personnes qui n’ont aucun lien tangible avec des groupes armés.

Ce texte est la traduction d’un article d’un article paru sur Arabnews.com


Frappes israéliennes sur le sud du Liban: deux morts 

Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah. (AFP)
Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah. (AFP)
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  • Selon un bilan provisoire, "une frappe ennemie d'Israël" dans la région de Nabatiyé a fait lundi "un mort et sept blessés, a indiqué le ministère de la Santé
  • Un drone a visé une voiture à Doueir, a rapporté l'agence nationale d'information Ani

BEYROUTH: Des frappes israéliennes sur le sud du Liban ont tué lundi deux personnes et blessé sept autres, a indiqué le ministère libanais de la Santé, au lendemain de la menace d'Israël d'intensifier ses attaques contre le Hezbollah pro-iranien.

Malgré un cessez-le-feu conclu en novembre 2024, Israël continue de mener des attaques régulières contre les bastions du Hezbollah. Et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a accusé dimanche le Hezbollah de tenter de se "réarmer".

Selon un bilan provisoire, "une frappe ennemie d'Israël" dans la région de Nabatiyé a fait lundi "un mort et sept blessés, a indiqué le ministère de la Santé.

Un drone a visé une voiture à Doueir, a rapporté l'agence nationale d'information Ani.

Sur place, un photographe de l'AFP a vu des pompiers tenter d'éteindre l'incendie de la voiture visée qui s'est propagé à d'autres véhicules à proximité. Des ouvriers ramassaient les bris de verre des devantures de commerces endommagées, a-t-il également constaté.

Une autre frappe sur un village de la région de Bint Jbeil a fait un mort, selon le ministère de la Santé.

Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah.

Des centaines de personnes ont participé à leurs funérailles dimanche dans la ville de Nabatiyé, scandant "Mort à Israël".

Le Hezbollah a été fortement affaibli par la guerre, avec notamment l'assassinat de son chef historique, Hassan Nasrallah, par une frappe israélienne en septembre 2024 à Beyrouth, mais il demeure financièrement résilient et armé.

Les États-Unis ont accru la pression sur les autorités libanaises pour désarmer le groupe, ce que le Hezbollah refuse.

"Nous attendons du gouvernement libanais qu'il fasse ce qu'il s'est engagé à faire, c'est-à-dire désarmer le Hezbollah, mais il est clair que nous exercerons notre droit à l'autodéfense comme convenu dans les termes du cessez-le-feu", avait averti le Premier ministre israélien dimanche.


La Turquie mobilise ses partenaires musulmans autour de Gaza

La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
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  • Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël
  • "Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens

ISTANBUL: La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien.

Les ministres de ces sept pays (Turquie, Arabie saoudite, Qatar, Emirats arabes unis, Jordanie, Pakistan et Indonésie), tous membres de l'organisation de la coopération islamique (OCI), avaient été reçus par Donald Trump fin septembre à New York en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, avant la présentation du plan de paix américain six jours plus tard.

Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu le 10 octobre, alors que "le Hamas semble déterminé" à respecter l'accord, estime-t-il.

"Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens.

En amont de cette réunion, le chef de la diplomatie turque Hakan Fidan a reçu samedi une délégation du bureau politique du Hamas emmenée par Khalil al-Hayya, le négociateur en chef du mouvement islamiste palestinien.

Selon des responsables du ministère des Affaires étrangères, M. Fidan doit appeler à la mise en place de mécanismes permettant aux Palestiniens d'assurer la sécurité et la gouvernance de Gaza.

"Agir avec prudence" 

"Nous devons mettre fin au massacre à Gaza. Un cessez-le-feu à lui seul ne suffit pas", a insisté M. Fidan lors d'un forum à Istanbul.

"Nous devons reconnaître que Gaza doit être gouvernée par les Palestiniens et agir avec prudence", a encore souligné le ministre turc, plaidant de nouveau pour une solution à deux Etats.

Le chef de la diplomatie turque accuse Israël de chercher des prétextes pour rompre le cessez-le-feu.

Mais les efforts d'Ankara, qui multiplie les contacts diplomatiques avec les pays de la région et cherche à infléchir la position pro-israélienne des Etats-Unis, sont vus d'un mauvais œil par Israël qui juge Ankara trop proche du Hamas.

Les dirigeants israéliens ont exprimé à plusieurs reprises leur refus de voir la Turquie participer à la force internationale de stabilisation à Gaza.

En vertu du plan de Donald Trump, sur lequel est basé l'accord de cessez-le-feu, cette force de stabilisation, formée principalement de troupes de pays arabes et musulmans, doit se déployer à Gaza à mesure que l'armée israélienne s'en retirera.

Seuls des pays jugés "impartiaux" pourront rejoindre cette force, a cependant prévenu le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar.

Autre signe de la méfiance du gouvernement israélien : une équipe de secouristes turcs dépêchée pour participer à la recherche de corps, y compris israéliens, dans les ruines de Gaza, attendait toujours en fin de semaine dernière le feu vert israélien pour entrer dans le territoire palestinien, selon Ankara.


Soudan: des dizaines de milliers de personnes fuient le conflit qui s'étend à l'est du Darfour 

Dans un communiqué publié dimanche soir, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a déclaré que 36.825 personnes avaient fui cinq localités du Kordofan-Nord, un Etat situé à quelques centaines de kilomètres à l'est du Darfour, région où les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont pris le dernier grand bastion que l'armée y contrôlait. (AFP)
Dans un communiqué publié dimanche soir, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a déclaré que 36.825 personnes avaient fui cinq localités du Kordofan-Nord, un Etat situé à quelques centaines de kilomètres à l'est du Darfour, région où les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont pris le dernier grand bastion que l'armée y contrôlait. (AFP)
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  • Plus de 36.000 civils soudanais ont fui des villes et des villages face à l'avancée des combats dans une vaste région à l'est du Darfour, un peu plus d'une semaine après la prise de la ville d'El-Facher par les paramilitaires, a indiqué une agence onusien
  • Ces dernières semaines, la région du Kordofan est devenue un nouveau champ de bataille entre l'armée et les FSR, en guerre depuis avril 2023

PORT-SOUDAN: Plus de 36.000 civils soudanais ont fui des villes et des villages face à l'avancée des combats dans une vaste région à l'est du Darfour, un peu plus d'une semaine après la prise de la ville d'El-Facher par les paramilitaires, a indiqué une agence onusienne.

Dans un communiqué publié dimanche soir, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a déclaré que 36.825 personnes avaient fui cinq localités du Kordofan-Nord, un Etat situé à quelques centaines de kilomètres à l'est du Darfour, région où les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont pris le dernier grand bastion que l'armée y contrôlait.

Ces dernières semaines, la région du Kordofan est devenue un nouveau champ de bataille entre l'armée et les FSR, en guerre depuis avril 2023.

Des habitants ont rapporté lundi à l'AFP que des villes entières étaient devenues des cibles militaires, alors que l'armée et les FSR s'affrontent pour le contrôle d'El-Obeid, capitale de l'Etat du Kordofan-Nord, important centre logistique et de commandement reliant le Darfour à Khartoum, qui abrite également un aéroport.

"Aujourd'hui, toutes nos forces ont convergé sur le front de Bara", a affirmé un membre des FSR dans une vidéo diffusée dimanche soir par les paramilitaires, en citant une localité située au nord d'El-Obeid. Les FSR avaient revendiqué la prise de Bara la semaine précédente.

Souleiman Babiker, habitant d'Oum Smeima, à l'ouest d'El-Obeid, a déclaré à l'AFP qu'après la prise d'El-Facher par les paramilitaires, "le nombre de véhicules des FSR a augmenté".

"Nous avons cessé d'aller dans nos champs, de peur des affrontements", a-t-il ajouté.

Un autre habitant, ayant requis l'anonymat pour des raisons de sécurité, a également fait état d'"une forte augmentation des véhicules et du matériel militaire à l'ouest et au sud d'El-Obeid" au cours des deux dernières semaines.

Martha Pobee, secrétaire générale adjointe de l'ONU pour l'Afrique, a alerté la semaine dernière sur de "vastes atrocités" et des "représailles à motivation ethnique" commises par les FSR à Bara, évoquant des schémas similaires à ceux observés au Darfour, où les combattants paramilitaires sont accusés de massacres, de violences sexuelles et d'enlèvements visant les communautés non arabes après la chute d'El-Facher.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, déplacé près de 12 millions de personnes et provoqué la pire crise humanitaire au monde, selon l'ONU.