Querelle de déclarations entre Aoun et Hariri, pas de gouvernement en vue au Liban

Le président libanais Michel Aoun rencontre l'ancien Premier ministre Saad Al-Hariri au palais présidentiel de Baabda, au Liban, le 12 octobre 2020 (Photo, REUTERS).
Le président libanais Michel Aoun rencontre l'ancien Premier ministre Saad Al-Hariri au palais présidentiel de Baabda, au Liban, le 12 octobre 2020 (Photo, REUTERS).
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Publié le Samedi 23 janvier 2021

Querelle de déclarations entre Aoun et Hariri, pas de gouvernement en vue au Liban

  • Le conseiller médiatique de Hariri «surpris» par la déclaration de la présidence, s’est demandé si elle avait été publiée «au nom de Gebran Bassil »
  • L'impasse se poursuit au moment où le pays attend la formation d'un nouveau gouvernement

BEYROUTH: Le désaccord entre le président Michel Aoun et le Premier ministre désigné Saad Hariri au sujet de la formation du nouveau gouvernement libanais s’est amplifié vendredi.

Hariri a été chargé de former un nouveau gouvernement le 22 octobre, mais aucun progrès n'a encore été réalisé, laissant le pays dans une impasse politique qui ne fait qu’ajouter à ses malheurs économiques et aux conséquences néfastes de la pandémie de la Covid-19.

Une séquence vidéo a été diffusée le 11 janvier d'une réunion entre Aoun et le Premier ministre par intérim, Hassan Diab, dans laquelle Aoun accuse Hariri de mentir en affirmant que Hariri ne lui avait pas présenté une proposition d’une composition ministérielle.

Les commentateurs ont affirmé qu’Aoun, par ce geste, avait insulté le bureau du Premier ministre et même le chef du gouvernement, creusant ainsi le fossé entre les deux personnalités politiques. Au cours des 10 derniers jours, plusieurs tentatives en vue de combler cet écart ont échoué.

Vendredi, le bureau de presse d’Aoun a publié une déclaration en réponse à ce qu’il a décrit comme «des analyses et des articles qui font porter au président la responsabilité de dresser  des obstacles au Premier ministre désigné, de manière à entraver le processus de formation du gouvernement».

«Le président n'a pas demandé de tiers de blocage», a indiqué le communiqué, ajoutant que «le chef du bloc du « Liban fort », le député Gebran Bassil, gendre du président, n'a également pas fait obstacle à la formation du gouvernement, ni n'a été impliqué dans ce processus. Bassil est le chef du mouvement patriotique libre (CPL).

Le bureau de presse a également nié «toute pression sur le président de la part du Hezbollah dans le dossier de la formation du gouvernement».

La déclaration a ainsi souligné que «dévoiler les noms des ministres, les désigner et même attribuer les portefeuilles ministériels n'est pas un droit exclusif du premier ministre», tout en ajoutant que le président «a le plein droit constitutionnel d'approuver l'ensemble des membres du gouvernement avant l’émission du décret de sa formation».

Le conseiller médiatique de Hariri, Hussein Al-Wajh, s’est dit «surpris» par la déclaration publiée par la présidence et s’est demandé si elle avait été publiée «au nom de Gebran Bassil et non du président».

Al-Wajh a déclaré à Arab News que: «Personne ne discute des pouvoirs du président, mais cela a à relation directe avec la publication d'un décret pour former le gouvernement en accord avec le Premier ministre désigné et la signature du décret de formation après que le Premier ministre conduise des consultations parlementaires, dans le but, de former le gouvernement».

Al-Wajh a poursuivi: «Étant donné que les circonstances sont extrêmement pressantes, les personnes concernées devraient probablement s’aligner derrière la composition du gouvernement proposée par le Premier ministre, et qui prend en compte une représentation équitable sur des bases constitutionnelles, et non une représentation par quotas politiques partisans».

Al-Wajh a en outre indiqué que Hariri ne serait certainement pas disposé à modifier sa composition proposée. «Son objectif est de former un gouvernement basé sur les normes de la constitution, l'intérêt national et les règles suggérées par l'initiative française. Le problème n'est pas avec Hariri, mais avec Aoun, qui ne fait qu’objecter en disant qu'il n'est pas d'accord avec tel ou tel nom, mais ne donne aucune raison à ses objections».

Le député Sami Fatfat, membre du bloc parlementaire du futur, a déclaré: «Nous sommes dans une impasse, et le président a le droit et le devoir de discuter de tous les noms proposés dans le processus de formation, mais au lieu de discuter, il a présenté une proposition qui n'est en aucune façon basée sur la constitution».

Il a ensuite accusé le président de ne pas avoir agi conformément aux protocoles de son poste. «Le président Aoun doit savoir que 65 députés ont désigné Hariri à la tête du gouvernement», le critiquant « pour son comportement en tant qu’un chef d’un parti politique, et non en tant que président garant de la constitution».

Sur un autre plan, le directeur régional du Levant au sein du Groupe de la Banque mondiale, Saroj Kumar Jha, a souligné que la banque reste engagée dans des discussions avec les leaders libanais sur les moyens de renforcer l'économie du pays et d'améliorer la vie de nombreux Libanais qui vivent sous le seuil de la pauvreté.

«La situation empire de jour en jour, dans ce contexte, la Banque mondiale est très préoccupée et fera de son mieux pour aider à la formation d’un gouvernement au Liban», a déclaré Jha à l’Agence centrale de presse du Liban. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.