Affaire Karachi: prison avec sursis et amendes requises contre Balladur et Léotard

L'ancien Premier ministre français Edouard Balladur arrive pour une audition lors du procès dit «affaire Karachi» à la Cour de justice de la République à Paris, le 27 janvier 2021 (Photo, AFP)
L'ancien Premier ministre français Edouard Balladur arrive pour une audition lors du procès dit «affaire Karachi» à la Cour de justice de la République à Paris, le 27 janvier 2021 (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 03 février 2021

Affaire Karachi: prison avec sursis et amendes requises contre Balladur et Léotard

  • A l'encontre de son ancien ministre de la Défense François Léotard, deux ans d'emprisonnement avec sursis et 100 000 euros d'amende ont été demandés
  • De nombreuses pratiques de l'époque, dont les commissions ou pots-de-vins, étaient alors parfaitement légales, a insisté Me Longuet

PARIS: Vingt-cinq ans après, l'accusation a requis mardi un an de prison avec sursis et 50 000 euros d'amende contre l'ancien Premier ministre Edouard Balladur dans le volet financier de l'affaire Karachi, estimant qu'il connaissait « l'origine frauduleuse » du financement de sa campagne présidentielle.  

A l'encontre de son ancien ministre de la Défense François Léotard, deux ans d'emprisonnement avec sursis et 100 000 euros d'amende ont été demandés.  

Pour le procureur général François Molins, M. Léotard était « beaucoup plus impliqué » dans la gestion d'un système mis en place pour alimenter en partie le compte de campagne de l'ancien locataire de Matignon (1993-95).  

Jugés depuis le 19 janvier par la Cour de la justice de la République (CJR), M. Balladur, 91 ans, et M. Léotard, 78 ans, étaient absents mardi.  

Malgré la « gravité des faits », l'accusation a demandé à la Cour de prendre en compte le temps écoulé et l'âge des prévenus.  

Pour le ministère public, MM. Balladur et Léotard ont imposé à deux entités détenues par l'Etat - qui négociaient la vente de sous-marins et de frégates.

Une partie de l'argent était ensuite reversée sous la forme de rétrocommissions illégales sur le compte de campagne du candidat Balladur, alors engagé dans une guerre fratricide à droite avec Jacques Chirac.  

« Tee-shirts, casquettes, briquets »   

Au cœur du dossier, le dépôt en espèces et sans justificatif de 10,25 millions de francs (un million et demi d'euros) sur le compte - déficitaire - du candidat, trois jours après sa défaite au premier tour et alors qu'il ne bénéficiait du soutien financier d'aucun parti politique.  

L'accusation a balayé les explications « totalement fantaisistes » de M. Balladur et ses équipes sur la provenance des fonds - des dons et ventes « de tee-shirts, casquettes, briquets, stylos ». Elle a aussi écarté la thèse des « fonds secrets » de Matignon avancée notamment par l'ex-trésorier de campagne.  

« Cette somme est nécessairement d'origine frauduleuse », a soutenu M. Molins.  

Si des « zones d'ombre propres à cette délinquance astucieuse » demeurent, l'accusation a insisté sur le « lien » entre la somme déposée sur le compte de campagne de M. Balladur et celle récupérée par les intermédiaires « inutiles » quelques jours plus tôt en Suisse.  

Ce procès devant la CJR - seule instance habilitée à juger les membres du gouvernement pour des infractions commises lors de leurs mandats - se tient sept mois après de sévères condamnations dans le volet non gouvernemental de la même affaire à l'encontre de six protagonistes, dont l'homme d'affaires Ziad Takieddine et d'anciens proches des deux ministres.  

Tous ont fait appel.  

Face à la CJR, MM. Balladur et Léotard - renvoyés pour « complicité d'abus de biens sociaux », ainsi que pour »recel » pour M. Balladur - ont fermement nié toute infraction et invoqué des »accusations mensongères ».  

« Goût d'inachevé »  

L'avocate de François Léotard, Me Brigitte Longuet, a vilipendé une accusation fondée sur « des rumeurs » et demandé à la Cour d'examiner cette affaire « comme un dossier du passé » sans le « juger avec nos critères actuels ».   

De nombreuses pratiques de l'époque, dont les commissions ou pots-de-vins, étaient alors parfaitement légales, a insisté Me Longuet, dénonçant la « violence » du réquisitoire et plaidant la relaxe de son client.  

Avant elle, le ministère public avait fustigé la stratégie de « déni et d'évitement » et la mémoire défaillante des prévenus et des rares témoins venus à la barre, qui y ont livré des versions discordantes.   

On « a entendu tout et son contraire et s'il y a une vérité qui saute aux yeux (...) c'est qu'il y a forcément des menteurs », a estimé M. Molins.  

Après cinq demi-journées d'audience, resteront « un goût d'inachevé » et la « sensation de n'avoir abordé que la petite partie émergée » de cette affaire tentaculaire, a souligné le magistrat.  

Les soupçons de financement occulte de la campagne Balladur n'ont émergé qu'en 2010, au fil de l'enquête sur l'attentat de Karachi le 8 mai 2002, qui avait coûté la vie à 15 personnes, dont 11 Français travaillant à la construction de sous-marins dans le port pakistanais.  

L'enquête sur cet attentat - toujours en cours - avait au départ privilégié la piste d'Al-Qaïda, puis avait exploré celle de représailles après l'arrêt du versement des commissions une fois Jacques Chirac élu président.  

L'audience reprend mercredi avec les plaidoiries de la défense de M. Balladur. 


Macron accueille le président syrien pour lui demander de protéger "tous les civils"

Le président français Emmanuel Macron (à gauche) accueille le président du Conseil du peuple du Turkménistan, Gourbangouly Berdymoukhamedov (sans photo), au palais présidentiel de l'Élysée pour un dîner de travail, à Paris, le 5 mai 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron (à gauche) accueille le président du Conseil du peuple du Turkménistan, Gourbangouly Berdymoukhamedov (sans photo), au palais présidentiel de l'Élysée pour un dîner de travail, à Paris, le 5 mai 2025. (AFP)
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  • Emmanuel Macron accueille mercredi à Paris le président syrien Ahmad al-Chareh pour une première visite controversée en Occident
  • Le président français est vivement critiqué par la droite et l'extrême droite françaises pour l'invitation faite à cet homme au passé jihadiste

PARIS: Emmanuel Macron accueille mercredi à Paris le président syrien Ahmad al-Chareh pour une première visite controversée en Occident, et lui demandera, à cette occasion, de châtier les responsables d'"exactions" qui ternissent l'image de la coalition islamiste au pouvoir depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre.

Le président français est vivement critiqué par la droite et l'extrême droite françaises pour l'invitation faite à cet homme au passé jihadiste, qu'il reçoit dans l'après-midi à l'Elysée avant une rare conférence de presse conjointe.

"Stupeur et consternation", a réagi la leader du Rassemblement national Marine Le Pen, décrivant le président syrien comme "un jihadiste passé par Daech et Al-Qaïda". "Une lourde erreur", a renchéri le chef des députés Les Républicains Laurent Wauquiez.

Des massacres qui ont fait 1.700 morts, majoritairement alaouites, dans l'ouest du pays en mars, de récents combats avec des druzes, et des sévices documentés par des ONG ont soulevé des doutes sur la capacité des nouvelles autorités à contrôler certains combattants extrémistes qui leur sont affiliés.

En le recevant, Emmanuel Macron espère contribuer à accompagner dans la bonne voie la transition vers "une Syrie libre, stable, souveraine et respectueuse de toutes les composantes de la société syrienne", a dit mardi l'Elysée à l'AFP.

Mais la présidence française a balayé toute "naïveté", assurant connaître "le passé" de certains dirigeants syriens et exiger qu'il n'y ait "pas de complaisance" avec les "mouvements terroristes".

- Crainte de nouvelles confrontations interconfessionnelles -

Le chef de l'Etat demandera donc à son invité "de faire en sorte que la lutte contre l'impunité soit une réalité" et que "les responsables d'exactions contre les civils" soient "jugés", a ajouté son entourage lors d'un échange avec la presse.

"Notre demande, c'est celle d'une protection de tous les civils, quelle que soit leur origine et quelle que soit leur religion", a-t-on insisté de même source.

L'Elysée a évoqué la "préoccupation particulièrement forte" de la France de "voir resurgir des confrontations interconfessionnelles extrêmement violentes" en Syrie, notamment avec les "massacres" sur la côte alaouite et les "violences à destination de la communauté druze dans le sud de Damas".

"Ne pas engager le dialogue avec ces autorités de transition", "ce serait être irresponsable vis-à-vis des Français et surtout ce serait tapis rouge pour Daech", a aussi estimé le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot sur RTL.

Selon lui, "la lutte contre le terrorisme, la maîtrise des flux migratoires, la maîtrise des trafics de drogue", ainsi que "l'avenir du Liban" voisin, "tout cela se joue en Syrie".

Depuis qu'elle a pris le pouvoir en décembre, la coalition islamiste dirigée par Ahmad al-Chareh tente de présenter un visage rassurant à la communauté internationale qui l'exhorte à respecter les libertés et protéger les minorités.

En jeu, la levée des sanctions imposées au pouvoir de Bachar al-Assad, qui pèsent lourdement sur l'économie du pays, exsangue après 14 années de guerre civile, avec, selon l'ONU, 90% des Syriens vivant sous le seuil de pauvreté.

Le président al-Chareh, longtemps chef rebelle du groupe Hayat Tahrir al-Sham issu de l'ex-branche d'Al-Qaïda en Syrie, est lui-même toujours visé par une interdiction de voyager de l'ONU. Paris a dû demander une dérogation auprès des Nations unies pour permettre sa venue.

Mais si elle a soutenu la levée de certaines sanctions sectorielles de l'Union européenne, et juge que les mesures punitives américaines "pèsent sur la capacité des autorités de transition à se lancer dans une logique de reconstruction et à attirer des investissements étrangers", la France estime que le moment n'est pas encore venu de retirer le dirigeant syrien de la liste des sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU.


Des propos sur le Hezbollah d'un vice-président de Lyon 2 signalés à la justice

Un véhicule de police stationne devant l'université Lyon 2, à Lyon, le 14 mai 2018, après l'annulation de la première journée d'examens de l'établissement. (AFP)
Un véhicule de police stationne devant l'université Lyon 2, à Lyon, le 14 mai 2018, après l'annulation de la première journée d'examens de l'établissement. (AFP)
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  • Le ministre de l'Enseignement supérieur Philippe Baptiste a déclaré mardi que des propos "très graves" sur le Hezbollah libanais attribués à un vice-président de l'Université Lyon 2 avaient été signalés à la justice
  • Le Hezbollah libanais pro-iranien et allié du Hamas palestinien est considéré comme une organisation terroriste par Israël et les Etats-Unis

LYON: Le ministre de l'Enseignement supérieur Philippe Baptiste a déclaré mardi que des propos "très graves" sur le Hezbollah libanais attribués à un vice-président de l'Université Lyon 2 avaient été signalés à la justice.

Willy Beauvallet-Haddad, qui reste maître de conférences en sciences politiques, a annoncé lundi à ses collègues démissionner de la vice-présidence pour "faire baisser la pression très forte" qui pèse sur l'établissement.

Dans son message, rendu public par plusieurs destinataires, le chercheur assure avoir été visé par une "campagne de dénigrement public (...) en raison de prises de positions personnelles relatives à la situation en Palestine et au Liban", sans donner de détails.

"Il avait précédemment fait un hommage à (Hassan) Nasrallah donc chef du Hezbollah", a déclaré mardi le ministre de l'Enseignement supérieur sur France 2. "Un signalement a été fait" auprès de la justice pour "ces faits qui peuvent relever de l'apologie du terrorisme", a-t-il ajouté.

Sur X, Willy Beauvallet-Haddad a reposté plusieurs messages de soutien au peuple palestinien mais son compte Facebook n'est plus accessible. Le syndicat étudiant de droite UNI a reproduit une capture d'écran d'un message attribué au chercheur, dans lequel Hassan Nasrallah, tué dans une frappe israélienne en septembre 2024, est décrit comme "une figure fraternelle" qui a rejoint "le panthéon (...) des grands personnages de l'Histoire".

Le Hezbollah libanais pro-iranien et allié du Hamas palestinien est considéré comme une organisation terroriste par Israël et les Etats-Unis. Sa branche armée l'est aussi par l'Union européenne.

"Je suis profondément choqué et je ne vois pas comment on peut être vice-président d'une université quand on écrit des choses pareilles", a commenté Philippe Baptiste. "Je prends acte du fait qu'il a déposé sa démission, évidemment ça n'interrompt rien pour autant", a-t-il poursuivi: "c'est à la justice de travailler".

Le parquet de Lyon n'a pas encore fait savoir s'il avait bien reçu ce signalement. M. Beauvallet-Haddad et l'université n'ont pas répondu aux sollicitations de l'AFP.

Cet épisode survient alors que l'université Lyon 2 est dans la tourmente depuis l'intrusion, le 1er avril, d'un groupe de personnes encagoulées lors d'un cours de Fabrice Balanche, spécialiste de l'Irak et de la Syrie. Vivement pris à parti par des militants le taxant de "raciste" et "sioniste", il avait interrompu son cours.

L'incident a suscité une large condamnation et le parquet, saisi par l'université, a ouvert une enquête pour "entrave à l'exercice de la fonction d'enseignant".

Une autre enquête a été ouverte sur des menaces de mort adressées à la présidente de Lyon 2, Isabelle von Bueltzingsloewen, après une interview dans laquelle elle dénonçait des "faits intolérables" mais aussi les "paroles complotistes" de Fabrice Balanche qui a évoqué dans de nombreux médias "l'islamo-gauchisme" en vigueur selon lui à Lyon 2.


"La situation est bloquée" entre Paris et Alger selon la France

Le ministre français de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sourit alors qu'il arrive à un dîner de travail au palais présidentiel de l'Élysée en compagnie du président français Emmanuel Macron (hors photo) et du président du Conseil du peuple du Turkménistan, Gourbangouly Berdymoukhamedov (hors photo), à Paris, le 5 mai 2025. (AFP)
Le ministre français de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sourit alors qu'il arrive à un dîner de travail au palais présidentiel de l'Élysée en compagnie du président français Emmanuel Macron (hors photo) et du président du Conseil du peuple du Turkménistan, Gourbangouly Berdymoukhamedov (hors photo), à Paris, le 5 mai 2025. (AFP)
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  • L'ambassadeur de France à Alger est toujours à Paris depuis la mi-avril et la situation "est bloquée" entre les deux pays, a indiqué mardi le ministre français des Affaires étrangères
  • Le chef de la diplomatie française a de nouveau dénoncé à cet égard la "décision très violente" d'Alger

PARIS: L'ambassadeur de France à Alger est toujours à Paris depuis la mi-avril et la situation "est bloquée" entre les deux pays, a indiqué mardi le ministre français des Affaires étrangères.

Stéphane Romatet est "toujours à Paris", a noté Jean-Noël Barrot sur la radio RTL. "A ce stade la situation est bloquée et c'est la responsabilité des autorités algériennes".

Le président français Emmanuel Macron avait décidé le 15 avril d'expulser "douze agents servant dans le réseau consulaire et diplomatique algérien en France" et de rappeler son ambassadeur à Alger pour consultations en représailles à des expulsions similaires annoncées par l'Algérie.

Le chef de la diplomatie française a de nouveau dénoncé à cet égard la "décision très violente" d'Alger.

Il a souligné par ailleurs la situation "très difficile" de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, emprisonné en Algérie et actuellement hospitalisé, "un homme de 80 ans qui est éloigné de ses amis" et en faveur duquel il a dit espéré que les autorités algériennes "sauront faire preuve d'humanité".

Le cas de l'écrivain a considérablement tendu les relations bilatérales, enflammées depuis des semaines par la question de la réadmission dans leur pays d'origine des Algériens sous obligation de quitter le territoire français (OQTF), brandie à de multiples reprises par le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau.

"Nous avons intérêt (...) à ne pas faire de l'Algérie un sujet de politique intérieure", a prévenu Jean-Noël Barrot.

"Lorsque nous le faisons, nous prenons le risque de causer du tort à nos compatriotes franco-algériens, et c'est lorsque la relation est à peu près équilibrée que l'on obtient des résultats", a-t-il insisté.