Le régime iranien ne peut survivre sans l'accord nucléaire

Le Guide suprême iranien, Ali Khamenei. (Reuters)
Le Guide suprême iranien, Ali Khamenei. (Reuters)
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Publié le Samedi 13 février 2021

Le régime iranien ne peut survivre sans l'accord nucléaire

Le régime iranien ne peut survivre sans l'accord nucléaire
  • L'administration Biden, avec la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne, doit exiger un accord beaucoup plus strict
  • L'administration Biden ferait bien de ne pas se précipiter dans l'accord nucléaire de 2015, qui a renforcé le régime iranien ainsi que ses milices

Les dirigeants iraniens prétendent qu'ils ne sont pas pressés de rejoindre l'accord nucléaire du Plan d'action global conjoint (JCPOA). Selon son site officiel, à titre d’exemple, le Guide suprême Ali Khamenei a déclaré le mois dernier dans un discours: «Il n’y a pour nous aucune urgence pour que les États-Unis reviennent au JCPOA. Notre problème n'est pas de savoir s’ils le feront ou non. Nous demandons la levée des sanctions.»

La réalité cependant, c’est que le régime a désespérément besoin de relancer l'accord nucléaire. Ce désir de revenir à l’accord sur le nucléaire et de voir les sanctions levées peut être constaté dans les écrits des journaux d’État iraniens, liés aux extrémistes et au Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI).

Le journal Javan écrit: «La nouvelle administration [américaine] s'est prononcée sur presque toutes les questions de politique étrangère américaine, à l'exception du Plan d'action global conjoint et de la nécessité d'y revenir, tandis que les démocrates et les républicains se sont prononcés sur le maintien de la politique de pression maximale de Donald Trump». Il ajoute: «Apparemment, il n'y a pas de précipitation du côté du gouvernement Biden. Lors de son premier appel téléphonique avec Vladimir Poutine, Biden a évoqué des problèmes tels que l'Ukraine, l'implication présumée de la Russie dans les élections de 2020 et la prolongation des traités, mais n'a rien dit sur le JCPOA ou n'a pas souhaité que ce soit divulgué.»

La frustration du régime iranien est compréhensible, car il fait face à l’un des pires déficits budgétaires de son histoire en quatre décennies. On estime que l'establishment théocratique enregistre un déficit budgétaire de 200 millions de dollars (165 millions d’euros) par semaine et, si la pression sur Téhéran se poursuit, le déficit total sera d'environ 10 milliards de dollars (8,26 milliards d’euros) le mois prochain. Cet énorme déficit augmentera l'inflation et dévalorisera encore plus la monnaie.

La diminution des revenus du pays a une incidence directe sur l’emprise du régime sur le pouvoir, le CGRI et ses affiliés, le bureau du Guide suprême et les associés du régime, qui contrôlent des pans considérables de l’économie et des systèmes financiers. Le CGRI contrôlerait plus de la moitié du produit intérieur brut de l’Iran et serait le propriétaire de plusieurs grandes institutions économiques et de dotations religieuses, comme Astan Qods Razavi, dans la ville de Mecched, au nord-est de l’Iran.

L'Iran connaît également un déficit important dans son financement des mandataires et des groupes terroristes à travers le Moyen-Orient. Ce manque à gagner est peut-être la raison pour laquelle, pour la première fois depuis plus de trois décennies, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a fait en 2019 une déclaration publique dans laquelle il demande aux gens de faire un don d'argent à son groupe. Il déclarait: «Les sanctions et les listes terroristes sont une forme de guerre contre la résistance et nous devons les traiter comme telles. J'annonce aujourd'hui que nous avons besoin du soutien de notre base populaire. C'est la responsabilité de la résistance libanaise, de sa base populaire et de son milieu [de combattre ces mesures].»

Le régime clérical, en panne de liquidités, cherche désespérément à voir les sanctions levées et à voir des milliards de dollars revenir dans sa trésorerie. Cela lui permettrait de fournir des revenus au CGRI pour intensifier ses visées militaires et ses projets dans la région, qui comprennent le financement, l'armement et le soutien de leurs groupes terroristes et de leurs miliciens au Liban, en Irak, en Syrie et au Yémen.

Les signataires du JCPOA doivent se rappeler que l'accord sur le nucléaire a entraîné le lancement d'un plus grand nombre de roquettes houthies sur des cibles civiles.

Dr Majid Rafizadeh

L'administration Biden ferait bien de ne pas se précipiter dans l'accord nucléaire de 2015, qui a renforcé le régime iranien ainsi que ses milices et a rendu la région beaucoup moins sûre.

Il semble que tous les membres de l'accord nucléaire (Russie, Chine, États-Unis, Royaume-Uni, France et Allemagne) soient désireux de rejoindre le pacte nucléaire avec l'Iran. Mais l'administration Biden, avec la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne, doit exiger un accord beaucoup plus strict. Ils doivent se souvenir que le JCPOA a entraîné le lancement de davantage de roquettes houthies sur des cibles civiles, au déploiement de fantassins du Hezbollah en Syrie et à un plus grand nombre d'attaques menées par des milices irakiennes financées par l'Iran.

En un mot, pour le régime iranien il y a urgence, car il ne peut subsister sans l'accord nucléaire. Les signataires du JCPOA doivent tirer des leçons de l'histoire, prendre leur temps et exiger cette fois un accord plus strict avec le régime de Téhéran.

 

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard. Twitter: @Dr_Rafizadeh

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