L’ancien partisan de Kadhafi devenu Premier ministre: les paris d’Abdel Hamid Dbeibah

Une photo publiée par la présidence égyptienne le 18 février 2021 montre le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi (C) rencontrant le Premier ministre par intérim de la Libye Abdul Hamid Dbeibah (à gauche) au palais présidentiel d'Ittihadia au Caire. EGYPTIAN PRESIDENCY / AFP
Une photo publiée par la présidence égyptienne le 18 février 2021 montre le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi (C) rencontrant le Premier ministre par intérim de la Libye Abdul Hamid Dbeibah (à gauche) au palais présidentiel d'Ittihadia au Caire. EGYPTIAN PRESIDENCY / AFP
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Publié le Mardi 23 mars 2021

L’ancien partisan de Kadhafi devenu Premier ministre: les paris d’Abdel Hamid Dbeibah

  • Pour la quatrième fois depuis 2011, l’ONU a désigné quatre personnes pour former un nouveau gouvernement unifié en Libye
  • Jalel Harchaoui brosse le portrait du nouveau Premier ministre libyen

PARIS: Pour la quatrième fois depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, l’ONU a désigné quatre personnes pour former un nouveau gouvernement unifié en Libye. On trouve au poste de Premier ministre le riche magnat de Misrata, Abdel Hamid Dbeibah. L’homme d’affaires de 62 ans aura la lourde tâche d'unifier les institutions et de mener la transition jusqu'à l’élection prévue le 24 décembre 2021, dans une Libye déchirée par des divisions entre l’Est et l’Ouest et par un conflit qui se nourrit d’ingérences étrangères. À l’Ouest, la Turquie, le Qatar et des mercenaires syriens soutiennent le Gouvernement d'accord national (GNA) dirigé par Fayez al-Sarraj, qui contrôle Tripoli. L'armée nationale libyenne, dirigée par le général Khalifa Haftar à l'Est, est soutenue par les Émirats arabes unis, l’Égypte et des mercenaires russes (groupe Wagner).

Lors d’un entretien avec Arab News en français, Jalel Harchaoui, directeur de recherche et spécialiste de la Libye au sein de l’Initiative globale contre la criminalité transnationale organisée, brosse le portrait du nouveau Premier ministre libyen.

Abdel Hamid Dbeibah est-il un partisan de Kadhafi ou un nouvel arrivant sur la scène politique libyenne?

Jalel Harchaoui: Il y a plusieurs lignes de faille concernant Abdel Hamid Dbeibah. La question éternelle de savoir s'il fait partie de l’ancien régime ou si c’est un nouvel arrivant. La réalité, c’est qu’il fait partie des deux. Dbeibah est un ancien partisan du dirigeant déchu Mouammar Kadhafi; il était proche également de son fils, Saïf al-Islam. Il connaît en détail la structure et les intérêts qui caractérisent aussi bien les nouvelles élites que les anciennes, chose assez rare dans la Libye d’aujourd’hui. C’est un homme qui a de nombreuses connexions, qui a fait des affaires partout en Libye, et qui comprend comment les institutions fonctionnent, notamment la Banque centrale.

Une autre ligne de faille souvent évoquée par les Libyens et que Dbeibah tente de transcender concerne l’obsession qui serait la sienne de s’enrichir personnellement. Il s’agit là d’un véritable fléau en Libye, à l’Est comme à l’Ouest, depuis des années. Beaucoup sont certains que c’est ce qui fait courir Dbeibah, comme ce fonctionnaire de l'ONU qui a affirmé à l’hebdomadaire The Economist que le Premier ministre désigné allait «essayer d'empocher un maximum». Mais, sur ce point, le paradoxe est qu’il a déjà énormément d’argent. Il est probablement davantage attaché au fait de préserver sa position et de renforcer ses privilèges. La vérité, c’est qu’il est possible qu’il perde de l’argent dans cette opération plutôt qu’il n’en gagne. Il est donc pour moi peut-être au-dessus du phénomène classique de l'appât du gain.

Quelle est sa relation avec les mouvances islamistes libyennes?

Dbeibah est proche des mouvements islamistes. Il ne se présente pas comme un révolutionnaire islamiste de Misrata, ni comme un Frère musulman, mais il maintient une proximité avec ces courants comme les anciens du Groupe islamique combattant en Libye, avec Mohamed Sowan, le chef du Parti de la justice et de la construction, affilié aux Frères musulmans, et avec plusieurs forces misraties.

Ainsi, la question de savoir s’il est islamiste ou non se pose. La réponse est non: il ne se réveille pas la nuit pour réfléchir à la charia ou pour incorporer la Libye à un réseau transnational de pays contrôlés par les islamistes. Le fait qu’il soit proche de plusieurs camps, qu’il soit connu comme un homme d’affaires qui a bien survécu et qui a connu une forme de succès, tout cela fait de lui, à certains égards, un candidat moins polarisant que des figures comme Fathi Bachagha, le ministre de l'Intérieur du GAN, ou Aguila Salah, le président du Parlement de Tobrouk, âgé aujourd’hui de 77 ans.

Pourquoi le Conseil présidentiel est-il formé de trois personnes?

Neuf personnes avaient été sélectionnées pour diriger le Conseil présidentiel, créé en 2016 par le Conseil de sécurité des Nations unies. Le problème, c’est que, dès le début du processus, des désaccords ont poussé plusieurs personnalités à le boycotter. Les Nations unies ont appris de leurs fautes et ont décidé de créer un nouvel organe de seulement trois personnes qui représentent chacune des trois provinces historiques de la Libye (Tripolitaine, Fezzan et Cyrénaïque). Quand il y a neuf personnes, on se sent plus rapidement mis de côté, on peut avoir le sentiment de ne pas être écouté et on a tôt fait de se mettre en colère et de claquer la porte. Avec ce conseil réduit à trois personnes, il y a malgré tout des possibilités de frictions, les risques de boycott sont réduits.


Dans cette Libye ravagée par la guerre et l’ingérence, comment voyez-vous une fin à la crise?

Il n’y pas de garantie sur le fait que Dbeibah parvienne à réunifier la Libye. Il est même possible qu’il contribue à une plus grande fragmentation territoriale. Aussi, peut-être que d’ici à un mois, on discutera toujours de la présence de Fayez al-Sarraj au pouvoir, compte tenu des difficultés à obtenir la confirmation du gouvernement. Pendant des mois, l'offensive militaire du commandant Khalifa Haftar, dans l'est de la Libye, a fait rage contre les groupes armés alignés sur le gouvernement de Tripoli. Et, au mois de juin, l'État turc et ses mercenaires syriens ont aidé le gouvernement de Tripoli à expulser les principales brigades de Haftar et ses alliés du nord-ouest de la Libye.

Aujourd'hui, la mission militaire turque dans le Nord-Ouest et la force russe au Centre ne sont pas contrôlées par les Libyens, mais elles contribuent à l'équilibre des pouvoirs. Cet équilibre a permis aux Nations unies de promouvoir des déclarations de cessez-le-feu et d’encourager à nouveau le Forum du dialogue politique libyen (LPDF) à former un nouveau Conseil présidentiel.


Syrie: au moins 36 soldats syriens tués dans une frappe israélienne près d'Alep

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  • La frappe a notamment visé "des dépôts de missiles relevant du Hezbollah libanais"
  • Il s'agit du bilan le plus lourd pour l'armée syrienne dans des frappes israéliennes depuis le début de la guerre à Gaza il y a près de six mois

BEYROUTH: Au moins 36 militaires syriens ont été tués dans une frappe israélienne qui a visé vendredi à l'aube la région d'Alep, dans le nord de la Syrie, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Selon cette ONG basée au Royaume-Uni et qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie, la frappe a notamment visé "des dépôts de missiles relevant du Hezbollah libanais", qui combat aux côtés du régime syrien.

"Au moins 36 militaires ont été tués et des dizaines de blessés dans les raids israéliens" qui ont visé une zone proche de l'aéroport d'Alep, a précisé l'ONG.

Il s'agit du bilan le plus lourd pour l'armée syrienne dans des frappes israéliennes depuis le début de la guerre à Gaza il y a près de six mois, selon l'OSDH.

De son côté, une source militaire citée par l'agence officielle syrienne Sana a fait état de "plusieurs tués et blessés parmi des civils et des soldats" dans les frappes.

"L'ennemi israélien a lancé une attaque aérienne contre différents sites à Athriya, au sud-est d'Alep", a affirmé cette source.

Les frappes ont également visé des usines qui relèvent du ministère syrien de la Défense à Safira près d'Alep mais sont actuellement sous le contrôle de groupes pro-iraniens, selon l'OSDH.

Contactée par l'AFP depuis Jérusalem, l'armée israélienne a répondu "ne pas commenter" ces informations de presse.

L'armée israélienne a mené des centaines de frappes aériennes en Syrie depuis le début de la guerre dans ce pays voisin, ciblant en particulier les groupes pro-iraniens.

Elle a intensifié ses frappes depuis le début de la guerre à Gaza en octobre 2023 entre Israël et le Hamas palestinien.

Parallèlement, Israël et le Hezbollah se livrent à des échanges de tirs quotidiens le long de la frontière israélo-libanaise depuis le début de la guerre à Gaza.

Deux morts près de Damas 

La guerre en Syrie a fait plus d'un demi-million de morts, déplacé des millions de personnes et morcelé le pays.

Le conflit a débuté en 2011 par un soulèvement contre le président Bachar el-Assad. Il s'est rapidement transformé en guerre civile après que le régime, soutenu par l'Iran, a lancé une répression féroce contre les dissidents.

Le Hezbollah libanais a envoyé des combattants en Syrie pour soutenir son allié et protéger ses lignes d’approvisionnement avec l'Iran, et a continué à opérer dans le pays depuis lors.

L'Iran nie avoir envoyé des troupes combattre aux côtés du régime de Bachar al-Assad, affirmant que sa présence s'y limite à celle de conseillers militaires.

Une frappe aérienne avait déjà visé jeudi un immeuble résidentiel dans la banlieue de Damas, faisant deux tués civils, selon l'agence de presse officielle syrienne Sana, qui a imputé l'attaque à Israël.

La zone ciblée, Sayyida Zeinab, est considérée comme un bastion des groupes pro-iraniens en Syrie.

Le 19 mars, des raids israéliens avaient déjà visé des dépôts d'armes du Hezbollah dans les environs de Damas.

L'armée israélienne avait annoncé en mars avoir atteint "environ 4.500 cibles du Hezbollah" au Liban et en Syrie, dont "plus de 1.200" par des frappes aériennes, depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza.


MSF nie les allégations de l’armée israélienne selon lesquelles il existait une «activité terroriste» sur le site d’une attaque meurtrière à Gaza

Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête». (MSF)
Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête». (MSF)
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  • Deux membres de la famille d’un employé tués et sept autres blessés par l’armée israélienne en février
  • Un obus de char aurait été «tiré directement dans le bâtiment», selon une enquête menée par un organe de presse

DUBAÏ: L’armée israélienne a été accusée d’avoir attaqué intentionnellement et sans provocation un centre d’hébergement de Médecins sans frontières (MSF) qui abritait 64 personnes dans la région d’Al-Mawasi, à Gaza, le 20 février, tuant deux membres de la famille d’un employé et blessant sept autres personnes.

L’attaque a eu lieu malgré le fait que l’armée israélienne a été informée de l’emplacement précis du centre, selon MSF. L’armée a affirmé qu’il existait une «activité terroriste» sur le site, ce que MSF a nié.

Mercredi, Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête».

L’organe de presse a déclaré s’être rendu sur place et avoir utilisé des images prises sur le terrain, des techniques «open source» ainsi que des entretiens avec des témoins et des experts en armement pour comprendre comment l’incident s’est déroulé.

Des témoins ont affirmé à Sky News qu’ils avaient entendu des bruits forts qui semblaient provenir de chenilles de chars, tandis que d’autres ont également entendu des coups de feu.

Les preuves recueillies laissent penser que l’attaque a été déclenchée par un obus de char qui a pénétré par une fenêtre. «Il est difficile de tirer des conclusions définitives à partir d’images, mais je pense que les dégâts sont dus à un obus de char tiré directement dans le bâtiment», a expliqué Chris Cobb-Smith, ancien officier d’artillerie de l’armée britannique et directeur de Chiron Resources.

Ce dernier a réfuté toute idée selon laquelle il s’agirait d’une attaque du Hamas. Il a affirmé qu’il n’était «pas au courant de l’existence d’armes à tir direct de ce calibre utilisées par le Hamas» et qu’il était «peu probable qu’un obus de cette taille ait pu être déployé et tiré compte tenu de l’activité de l’armée israélienne dans la région».

Des témoins et des membres de MSF ont déclaré avoir entendu des coups de feu avant que le bâtiment ne soit touché.

Meinie Nicolai, directrice générale de l’organisation humanitaire, s’est rendue sur place peu après l’attaque. Elle a indiqué que des balles avaient été tirées sur la façade du centre.

L’enquête a par ailleurs révélé que le jour de l’attaque, l’armée israélienne a écrit sur sa chaîne Telegram que ses forces opéraient dans le nord, le centre et le sud de la bande de Gaza et qu’elles menaient «des opérations intensives dans l’ouest de Khan Younès». Cependant, elle n’a pas mentionné les environs immédiats du centre d’hébergement.

En outre, le porte-parole en langue arabe de l’armée israélienne, Avichay Adraee, a publié le même jour une carte d’évacuation de deux quartiers plus au nord, dans la ville de Gaza et ses environs. Cette carte ne couvrait pas la zone où se trouve le centre.

Selon l’enquête, les services d’urgence sont arrivés sur les lieux au moins deux heures et demie après l’attaque pour des raisons de sécurité.

Les blessés ont été transportés à l’hôpital de campagne de l’International Medical Corps à Rafah, a précisé MSF.

«Nous sommes indignés et profondément attristés par ces meurtres», avait commenté Mme Nicolai au mois de février. «Ces meurtres  témoignent de la triste réalité: aucun endroit à Gaza n’est sûr, les promesses de mise en place de zones sûres n’ont pas été tenues et les mécanismes de “déconfliction” ne sont pas fiables», avait-elle ajouté.

L’armée israélienne, qui mène sa propre enquête, a précisé qu’elle avait «tiré sur un bâtiment identifié comme étant le théâtre d’activités terroristes», mais elle n’a fourni aucune preuve.

Dans un communiqué publié mercredi, MSF «réfute toute allégation d’activité terroriste dans les structures gérées par la MSF».

«Le centre était utilisé par le personnel humanitaire et les membres de leurs familles. Il était identifié par un drapeau MSF et les autorités israéliennes étaient informées de son emplacement.»

«Après l’incident, des informations ont été reçues. Elles font état de la mort de deux civils innocents dans la zone. L’armée regrette tout préjudice causé aux civils et fait tout ce qui est en son pouvoir pour opérer de manière précise et exacte», a ajouté l’armée israélienne dans un communiqué.

En vertu du droit international humanitaire, les installations et les unités médicales doivent être respectées et protégées en toutes circonstances.

Oona Hathaway, professeure de droit international à la faculté de droit de Yale, a expliqué à Sky News que les installations médicales sont «présumées être des biens civils et ne doivent pas être prises pour cibles lors d’un conflit armé».

Elle a souligné que si l’armée israélienne prend intentionnellement pour cible un bien civil, cela constitue «potentiellement un crime de guerre».

La semaine dernière, l’armée a mené une opération à l’intérieur et autour de l’hôpital Al-Shifa, affirmant que de hauts responsables du Hamas étaient basés dans cet immense complexe. Des jours de combats intenses ont suivi. L’armée a signalé qu’environ 170 combattants palestiniens avaient été tués et que des centaines d’autres avaient été arrêtés ou interrogés.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Tunisie: quatre accusés condamnés à mort pour l'assassinat de l'opposant Belaïd en 2013

L'avocat tunisien et leader de l'opposition Chokri Belaid (Photo, AFP).
L'avocat tunisien et leader de l'opposition Chokri Belaid (Photo, AFP).
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  • Au total, 23 personnes étaient inculpées pour l'assassinat par balles dans sa voiture devant son domicile le 6 février 2013 de l'avocat de 48 ans, critique virulent du parti islamo-conservateur Ennahdha
  • Après 11 ans d'enquêtes et poursuites judiciaires, le tribunal de première instance de Tunis a également condamné deux accusés à la prison à perpétuité

TUNIS: Quatre accusés jugés en Tunisie pour l'assassinat de l'opposant de gauche Chokri Belaïd en 2013 ont été condamnés à mort, dans le tout premier verdict prononcé mercredi dans cette affaire qui avait secoué le pays et provoqué une grave crise politique.

Au total, 23 personnes étaient inculpées pour l'assassinat par balles dans sa voiture devant son domicile le 6 février 2013 de l'avocat de 48 ans, critique virulent du parti islamo-conservateur Ennahdha, à l'époque au pouvoir en Tunisie.

Après 11 ans d'enquêtes et poursuites judiciaires, le tribunal de première instance de Tunis a également condamné deux accusés à la prison à perpétuité, a annoncé à l'aube sur la télévision nationale Aymen Chtiba, procureur général adjoint du pôle judiciaire antiterroriste.

"Justice a été rendue", a estimé le procureur, expliquant la longueur des délibérés, qui ont duré pendant près de 15 heures, par "la nature et le volume" du dossier.

Entouré de manifestants de gauche réunis comme chaque mercredi au centre de Tunis pour réclamer la vérité sur cette affaire, le frère de Chokri Belaïd, Abdelmajid, a salué auprès de l'AFP "une première bataille gagnée dans cette guerre", tout en promettant de poursuivre "sa lutte", notamment contre "la manipulation du dossier".

Les proches de Chokri Belaïd ont à de nombreuses reprises pointé du doigt Ennahdha, accusant notamment le mouvement de s'être montré "indulgent" envers le discours des islamistes extrémistes qui s'était développé à l'époque.

Quelques heures après le verdict, Zouhaier Ben Abdallah, procureur de la République près du tribunal de première instance de Tunis et responsable à ce titre du pôle judiciaire anti-terroriste, a été démis de ses fonctions, sans qu'aucune explication ne soit donnée, ont rapporté les médias.

Ennahdha a estimé dans un communiqué que les condamnations prononcées mercredi "prouvent (son) innocence". Le parti a dénoncé "une volonté de certains courants idéologiques et partis politiques de l'accuser à tort".

"Dans leur communiqué, ils affirment que les coupables ont été trouvés et que le dossier est clos mais ce n'est pas vrai", a rétorqué Abdelmajid Belaïd, assurant qu'il y aurait "bientôt un autre procès d'autres accusés qui étaient en relation directe avec Rached Ghannouchi", chef d'Ennahdha et principale figure de l'opposition, emprisonné depuis plus d'un an.

Moratoire 

Des peines de 2 à 120 ans d'emprisonnement ont aussi été prononcées contre d'autres inculpés tandis que cinq individus ont bénéficié d'un non-lieu.

Si la justice tunisienne prononce régulièrement des condamnations à la peine capitale, notamment dans des affaires de terrorisme, un moratoire est appliqué de facto depuis les dernières exécutions menées en octobre 1991 lorsque trois membres d'Ennahdha avaient été pendus sous le régime du dictateur Zine El Abidine Ben Ali.

Des jihadistes ralliés au groupe Etat islamique (EI) avaient revendiqué l'assassinat de Chokri Belaïd ainsi que celui, six mois plus tard, du député Mohamed Brahmi, une autre figure de l'opposition de gauche.

Les autorités tunisiennes avaient annoncé en février 2014 la mort de Kamel Gadhgadhi, considéré comme le principal auteur de l'assassinat de Chokri Belaïd, pendant une opération antiterroriste.

Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi s'opposaient à la politique d'Ennahdha, qui a dominé le Parlement et le gouvernement après la révolution tunisienne de 2011 jusqu'à un coup de force de l'actuel président Kais Saied qui s'est arrogé les pleins pouvoirs en juillet 2021.

Les deux assassinats avaient constitué un tournant pour la Tunisie, berceau du Printemps arabe alors en pleine transition démocratique, en provoquant des manifestations et une crise politique au terme de laquelle Ennahdha avait dû céder le pouvoir à un gouvernement de technocrates en 2014.

En juin 2022, le président Kais Saied, qui considère l'assassinat des deux "martyrs" comme une cause nationale, avait ordonné la révocation de dizaines de magistrats soupçonnant certains d'avoir entravé l'enquête, faisant écho aux récriminations des familles et de la défense des deux opposants.

Ennahdha a toujours nié toute implication et après les assassinats, avait classé comme organisation terroriste le mouvement salafiste jihadiste Ansar al-Charia, toléré dans le pays depuis la chute de Ben Ali.

A l'époque, la Tunisie avait également connu un essor des groupes jihadistes avec des milliers d'islamistes partis combattre en Syrie, Irak et Libye.

Des attentats avaient également fait des dizaines de morts, dont près de 60 touristes tués en 2015 au musée du Bardo à Tunis et dans la station balnéaire de Sousse.