Nouvelle escalade dans les relations franco-turques

Emmanuel Macron et Recep Tayyip Erdogan lors du sommet du G20 à Osaka en juin 2019 (Photo, AFP).
Emmanuel Macron et Recep Tayyip Erdogan lors du sommet du G20 à Osaka en juin 2019 (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 01 avril 2021

Nouvelle escalade dans les relations franco-turques

  • La présidentielle de 2022 en France, la solidarité avec la Grèce et les tensions dans l’islam de France sont les principaux moteurs des actuelles tensions entre les deux pays
  • Une subvention accordée par la mairie de Strasbourg pour la construction d'une mosquée, soutenue par une association turque proche d’Erdogan, a attisé les tensions

PARIS: Une fois de plus, le torchon brûle entre la France et la Turquie. La mise en garde d’Emmanuel Macron contre une possible ingérence turque dans l’élection présidentielle française de 2022, l’indéfectible solidarité française avec la Grèce, et la question de l’islam en France sont les nouveaux moteurs des tensions franco-turques, qui n’ont pas baissé d’intensité depuis la fin de 2019. Des deux côtés, la passion et les intérêts contradictoires l’emportent sur les tentatives d’apaisement.

À l’automne 2020, l’ingérence turque dans le Haut-Karabakh, la tension dans l’est de la Méditerranée et la poursuite de l’interventionnisme turc en Syrie et en Libye, ont provoqué une crise aiguë entre Paris et Ankara, conduisant à un duel sans merci entre Erdogan et Macron. Il faut ajouter à ces facteurs la résurgence des tensions dans l’affaire des caricatures du prophète dans le journal satirique Charlie Hebdo suivies de l’assassinat de Samuel Paty, d’actions terroristes et de réactions au discours des Mureaux entraînant l’appel au boycott des produits français.

À la suite de l’élection de Joe Biden, de la pression européenne et des développements récents en Libye, Erdogan effectue un virage tactique au Moyen-Orient, également motivé par une économie turque chancelante et les préparatifs des élections générales de 2023. Le président turc a en effet infléchi ses positions sur l’Égypte (autrefois vilipendée par Erdogan, grand soutien des Frères musulmans, exilés en Turquie), l’Arabie saoudite et l’Union européenne (UE). De nombreuses questions se posent sur les raisons de ce virage et sur sa continuité sur le long terme. Le «nouveau sultan» ne change cependant pas si rapidement son orientation idéologique ni son choix nationaliste, il s’adapte avant tout pour rebondir plus tard, comme l’atteste sa relation toujours trouble avec la France. Les messages cryptés entre les deux parties, et parfois même directement entre Macron et Erdogan, sont révélateurs de liens distants et méfiants.

Financement de l’islam de France  

Récemment, le ministre français de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé son intention de déposer un recours devant le tribunal administratif de la ville de Strasbourg concernant la délibération du conseil municipal de la ville approuvant «le principe d’une subvention» de 2,5 millions d’euros pour la construction de la mosquée Eyyub Sultan (avec son gracieux minaret) dans la ville. Le projet de construction de la mosquée est porté par l’association turque Milli Görüs.

Des cercles proches du ministre français se sont aperçus que la maire de Strasbourg, Mme Jeanne Barseghian, édile écologiste d'origine arménienne, a facilité de nombreuses procédures pour subventionner ce projet de construction d'une mosquée sous la tutelle de l'association turque. Le ministre de l’Intérieur met en garde sur cette association, et les questions qu’elle pose, traçant des lignes rouges. Celle-ci a récemment refusé de signer la charte de «valeurs républicaines» de l’islam  de France voulue par l’exécutif français (une ébauche d’un contrat entre les communautés musulmanes et la nation française).

Le président français a aussi vivement attaqué la propagande turque, mettant l’accent sur l'injustice subie par des communautés musulmanes en France

Khattar Abou Diab

Il convient d’indiquer dans ce contexte les récents rapports qui sont produits par Gérald Darmanin à destination de l'Elysée, qui mettent en garde le président Emmanuel Macron sur le rôle de l’association Milli Görüs. Pour le ministère de l’Intérieur, son rôle dépasse des actions caritatives et humanitaires, et pour lui, l’association joue un rôle purement politique et sécuritaire. Cette crainte d’infiltration ou de «pénétration» turque obsède les cercles français. Darmanin est soutenu par la droite en général et notamment par Virginie Joron, une députée européenne, membre du Rassemblement national de Marine Le Pen.

Cette polémique, autour d’un financement public d’une institution religieuse, ne contredit pas la loi de 1905 (sur la séparation entre l’État et la religion), car Strasbourg fait partie de l’Alsace-Moselle, qui est toujours sous le régime du concordat qui date de Napoléon 1er, et ne sépare pas les Églises de l’État.

Mais le plus grave, c’est la révélation des conséquences de gestes de certaines fédérations représentatives de l’islam de France, lorsqu’elles deviennent des vitrines idéologiques ou des officines de pénétration étrangère. Le refus, en janvier dernier, du Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF) et de Milli Görüs (proche d’Ankara au sein du CFCM) de signer «la charte des principes de l’islam de France», est significatif et révèle une volonté turque d’influencer le paysage politique français, afin de peser sur les échéances électorales françaises, en particulier la présidentielle, qui se tiendra en mai prochain dans l’Hexagone.

Le risque d’un lobby turc actif en France

Le président français a aussi vivement attaqué la propagande turque, mettant l’accent sur l'injustice subie par des communautés musulmanes en France. Propagande relayée par des sites islamistes et des chaînes panarabes. Bien que le gouvernement turc, par l’intermédiaire du ministère des Affaires étrangères, démente catégoriquement toute volonté d’ingérence, les faits et les pratiques d’associations proches du pouvoir turc présagent la constitution d’un lobby turc qui pourrait s’étendre à l’influence de pans d’électeurs français «islamistes» ou de confession musulmane.

Toujours dans le contexte franco-turc, l'opposition française de gauche (le parti communiste français et la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon) dénonce l’ambivalence de la relation entre Paris et Ankara, et insiste sur les méfaits d’une coordination sécuritaire forte sur la question kurde, comme l’atteste une récente campagne de raids menée par les forces de police françaises afin d’arrêter un groupe de militants kurdes en France sous le prétexte de «lutte contre le terrorisme». À l’inverse, la France apporte son soutien aux Forces démocratiques syriennes (FDS) en Syrie (essentiellement composées de combattants kurdes), et à la cause kurde en général, ce qui est rejeté par Ankara. Plusieurs milieux français reprochent ainsi au gouvernement français de prendre des positions contradictoires et ambiguës sur la question kurde.

Cette nouvelle escalade dans les relations franco-turques ne se limite pas à la scène intérieure et elle s’étend à l’extérieur. Elle ne concerne pas seulement les terrains syrien, libyen, méditerranéen et caucasien. Les dernières informations en provenance du Mali soulignent un regain d’activisme turc (et dans l’Afrique de l’Ouest en général) avec le risque d’un «rapatriement» de mercenaires et de djihadistes de la Libye vers le Sahel pour défier la France sur un terrain sensible.

En conclusion, Macron et Erdogan, qui s’apprêtent à jouer leur avenir politique lors de prochaines échéances électorales, ne semblent pas prêts pour un apaisement. Certes, le courant ne passe pas entre deux personnalités si différentes et ambitieuses, mais ce sont surtout des questions de fond liées au positionnement géopolitique des deux pays – en lien avec le nouveau jeu des nations en Méditerranée – qui les séparent. 


L’Arabie saoudite condamne l’attaque contre un convoi humanitaire au Soudan

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  • Le ministère saoudien des Affaires étrangères « rejette catégoriquement » tout acte menaçant la sécurité des civils et des travailleurs humanitaires
  • La Ligue musulmane mondiale condamne également fermement l’attaque contre le convoi d’aide

​​​​​​RIYAD: L’Arabie saoudite a condamné jeudi une attaque survenue la veille contre un convoi d’aide du Programme alimentaire mondial dans la région du Darfour-Nord, au Soudan.

Trois camions ont pris feu lorsque le convoi, composé de 16 véhicules, a été ciblé mercredi alors qu’il tentait de livrer de l’aide dans une zone frappée par la famine au nord d’El-Fasher.

Le ministère saoudien des Affaires étrangères a déclaré que le Royaume rejetait catégoriquement « tout ce qui menace la sécurité et la sûreté des civils, ainsi que des travailleurs humanitaires et de secours ».

Il a ajouté : « Le Royaume appelle toutes les parties soudanaises à respecter les engagements pris dans la Déclaration de Djeddah du 11 mai 2023, notamment la protection des civils et la sécurisation des corridors humanitaires. »

La Ligue musulmane mondiale (LMM) a également fermement condamné l’attaque, la qualifiant de « violation grave des valeurs religieuses et du droit international, alors que le peuple soudanais subit les ravages de la guerre », selon l’agence de presse saoudienne SPA.

Dans un communiqué, la LMM a exhorté les parties en conflit à se conformer aux dispositions de la Déclaration de Djeddah, signée en mai 2023, et à accorder la priorité à « un dialogue sérieux et constructif » en vue d’une solution politique au conflit.

La Déclaration de Djeddah, parrainée par l’Arabie saoudite et les États-Unis, a été signée en mai 2023 par les deux principaux belligérants de la guerre civile : les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide.

Elle engageait les deux camps à garantir la libre circulation de l’aide humanitaire à travers le pays.

Le conflit, déclenché en avril 2023, est à l’origine de l’une des pires crises humanitaires mondiales. Le Darfour-Nord est le théâtre des combats les plus violents, mettant plus d’un million de personnes au bord de la famine. À l’échelle nationale, 25 millions de Soudanais souffrent de la faim aiguë.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Gaza: Netanyahu ordonne des négociations pour libérer les otages, l'armée pilonne Gaza-ville

De la fumée s'élève après une frappe israélienne dans la ville de Gaza, jeudi, dans le cadre d'une nouvelle campagne militaire sur le territoire dévasté. (Reuters)
De la fumée s'élève après une frappe israélienne dans la ville de Gaza, jeudi, dans le cadre d'une nouvelle campagne militaire sur le territoire dévasté. (Reuters)
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  • Benjamin Netanyahu a ordonné l’ouverture de négociations pour la libération de tous les otages détenus à Gaza, dans le cadre d’une proposition de trêve de 60 jours soutenue par l'Égypte, le Qatar et les États-Unis
  • Malgré cette ouverture diplomatique, l’armée israélienne poursuit ses préparatifs pour une offensive massive sur Gaza-ville, dernier bastion stratégique du Hamas, aggravant la crise humanitaire sur place

Jérusalem: Benjamin Netanyahu a ordonné jeudi l'ouverture de négociations pour libérer "tous" les otages à Gaza, en réponse à une nouvelle proposition de trêve dans le territoire palestinien, où l'armée israélienne resserre son étau sur la ville de Gaza en vue d'une offensive annoncée.

"J'ai donné des instructions pour lancer immédiatement des négociations pour la libération de tous nos otages et mettre fin à la guerre dans des conditions acceptables pour Israël", a déclaré le Premier ministre.

Sans la citer explicitement, il répondait ainsi à la dernière proposition des médiateurs - Egypte, Qatar et Etats Unis - en vue d'un cessez-le-feu dans le territoire palestinien, ravagé par plus de 22 mois d'une guerre qui y a fait des dizaines de milliers de morts.

Le plan a été accepté lundi par le Hamas, dont l'attaque sans précédent en Israël le 7 octobre 2023 a déclenché le conflit. Il prévoit selon des sources palestiniennes une trêve de 60 jours durant laquelle doivent être liberés en deux temps les otages du 7-Octobre toujours captifs à Gaza, au nombre de 49 dont 27 morts selon l'armée.

M. Netanyahu a en parallèle affirmé être sur le point d' "approuver les plans" militaires "visant à prendre le contrôle de la ville de Gaza", la plus grande du territoire palestinien, considérée comme un des derniers bastions du Hamas, et à "vaincre" ce dernier.

- "Evacuation complète" -

Signalant que cette offensive pourrait être imminente, l'armée a annoncé avoir commencé à appeler hôpitaux et responsables médicaux de Gaza-ville pour les prévenir d'une prochaine "évacuation complète" et leur enjoindre de "préparer un plan pour transférer le matériel médical du nord au sud".

L'armée a dit avoir assuré ces interlocuteurs qu'elle leur fournirait "un lieu pour opérer, que ce soit un hôpital de campagne ou tout autre hôpital".

Le ministère de la Santé de Gaza, sous l'autorité du Hamas, a rejeté ces exigences, affirmant que cela "affaiblirait ce qui reste du système de santé", et "priverait plus d'un million de personnes de leur droit aux soins médicaux".

Cinq divisions doivent, selon l'armée, participer à l'assaut contre Gaza-ville et ses environs. L'armée va aussi rappeler pour début septembre 60.000 réservistes supplémentaires.

Le ministre de la Défense Israël Katz a approuvé mercredi l'opération, l'armée disant être désormais positionnée "en périphérie" de Gaza-ville.

- 48 morts selon la Défense civile -

Sur le terrain, les bombardements ont continué à Gaza-ville, en particulier dans les secteurs périphériques de Jabalia et Nazla (nord-ouest) et de Sabra, un quartier oriental déja pilonné depuis une semaine comme celui voisin de Zeitoun, selon des témoins.

Une journaliste de l'AFP, du côté israélien de la frontière a entendu jeudi de très fortes explosions provenant de la ville de Gaza, dont au moins une après un bombardement par un avion militaire.

Des panaches de fumée étaient visibles s'élevant vers le ciel, et le rythme des explosions s'est accéléré en début de soirée.

Débarqués par camions, près d'une centaine de soldats ont pris place à bord d'un convoi d'une trentaine d'engins blindés stationnés sur la frontière, où l'activité militaire semblait néanmoins relativement normale.

La Défense civile de Gaza a fait état d'au moins 48 personnes tuées jeudi par des tirs et bombardements israéliens. Comme elle le fait quotidiennement, l'armée a rejeté ce bilan.

Le cabinet de sécurité présidé par M. Netanyahu a approuvé début août un plan de conquête de Gaza-ville et des camps de réfugiés du centre du territoire, pour prendre le contrôle sécuritaire de toute la bande de Gaza et libérer les otages.

Israël contrôle aujourd'hui environ 75% du territoire palestinien, dont les plus de deux millions d'habitants assiégés et affamés, confrontés à une catastrophe humanitaire.

- "Sauver les otages" -

La proposition des médiateurs prévoit une trêve de 60 jours, la remise de 10 otages vivants et des dépouilles de 18 otages décédés en échange de la libération de prisonniers palestiniens, ainsi que l'entrée de plus d'aide humanitaire à Gaza, selon des sources du Hamas et du Jihad islamique, son allié.

Les captifs restants seraient libérés lors d'une deuxième échange, dans le délai de la trêve, durant laquelle doivent se tenir des négociations en vue d'un cessez-le-feu permanent.

Les proches d'otages plaident pour qu'Israël accepte cette proposition, "qui peut sauver des otages" souligne Lishay Miran Lavi, épouse du captif Omri Miran. son rejet par Israël "condamnerait les otages vivants à mort et les morts à l'oubli", a-t-elle mis en garde.

Deux précédentes trêves en novembre 2023 et début 2025 avaient permis le retour d'otages ou de corps de captifs en échange de la libération de prisonniers palestiniens. Mais les efforts des médiateurs ont échoué jusque-là à aboutir à un cessez-le-feu durable à Gaza.


Le ministère saoudien des affaires étrangères accuse Israël de "génocide" à Gaza

Une femme palestinienne est assise à côté de ses affaires sur le site d'une frappe israélienne sur un camp de tentes abritant des personnes déplacées, à Deir Al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, le 21 août 2025. (Reuters)
Une femme palestinienne est assise à côté de ses affaires sur le site d'une frappe israélienne sur un camp de tentes abritant des personnes déplacées, à Deir Al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, le 21 août 2025. (Reuters)
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  • Le ministère condamne les "crimes" de Tel-Aviv concernant l'expansion des colonies et le déplacement des Palestiniens

RIYAD : Le ministère saoudien des Affaires étrangères a accusé Israël d'actes équivalant à un "génocide" à Gaza, dans un communiqué publié sur X jeudi.

Le Royaume "condamne avec la plus grande fermeté la persistance des autorités d'occupation israéliennes dans leurs crimes contre le peuple palestinien et sa terre occupée".

Tel-Aviv continue de "déplacer" les Palestiniens sur leurs terres et de les empêcher de créer un État indépendant.

"Cela inclut l'expansion continue de la construction de colonies autour de Jérusalem occupée, ainsi que l'expansion de leurs opérations et de leurs agressions, qui s'apparentent à des crimes de génocide contre des civils sans défense dans la bande de Gaza", a déclaré le ministère.

Le ministère a condamné ce qu'il a qualifié de "graves violations du droit international" et des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.

La "mise en œuvre de ces plans israéliens dangereux ... sans dissuasion" menace la "sécurité et la stabilité" régionales et la "légitimité de l'ordre international", a déclaré le ministère.

Israël est actuellement accusé de crimes de guerre et de génocide par la Cour internationale de justice. En outre, la Cour pénale internationale a émis des mandats d'arrêt à l'encontre du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et de l'ancien ministre de la défense Yoav Gallant.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com