ANKARA: Pendant que les discussions sur la révision de la Convention de Montreux de 1936 concernant le contrôle du détroit d'Istanbul sont en cours, Ankara a récemment approuvé des plans de développement pour le projet controversé du « Kanal Istanbul » long de 45 kilomètres.
Le projet a suscité des critiques non seulement pour son coût financier et son impact environnemental, mais aussi pour ses répercussions potentielles sur le transit maritime.
La voie maritime artificielle coûtera environ 9,2 milliards de dollars et reliera la mer Noire au nord d'Istanbul à la mer de Marmara au sud. Elle vise à faciliter la circulation sur le détroit du Bosphore.
Le Kanal Istanbul est présenté comme une voie de navigation mondiale alternative, mais le projet qui est présenté au public comme un «projet fou», a été sévèrement critiqué par le maire d’opposition d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, depuis le début.
Dans un geste rare, 126 ambassadeurs turcs à la retraite ont publié vendredi un communiqué avertissant que le projet du Kanal Istanbul pourrait mettre la Convention de Montreux en péril et avoir un effet négatif sur les intérêts turcs.
«Le Kanal Istanbul ouvrira la Convention de Montreux à la discussion et conduira à la perte de la souveraineté absolue de la Turquie sur la mer de Marmara», a indiqué le communiqué.
Dans une interview accordée à HaberTurk le 24 mars, le président du Parlement turc Mustafa Sentop a été interrogé: «Et si un jour un président dira: «Je ne reconnais pas la convention Montreux. Je l’ai annulée»?
Sentop a répondu: «Il a certes le pouvoir de le faire. Mais il y a toujours une différence entre le possible et le probable».
Dans un décret présidentiel de 2018, le président turc Recep Tayyip Erdogan s'est donné le pouvoir de retirer la Turquie de tout traité ou pacte international, comme la Convention de Montreux, sans même l'approbation du Parlement.
La convention de Montreux accorde le libre passage à tous les navires civils et détermine le mode d'entrée et la durée de séjour, ainsi que le tonnage des navires de guerre de tous les pays non littoraux de la mer Noire.
Une fois terminé, le Kanal Istanbul offrira un passage plus court aux navires de guerre des pays non littoraux d'atteindre la mer Noire, à condition qu'ils paient les frais nécessaires.
Néanmoins, si aucune autre révision urgente n'est apportée à la Convention de Montreux, ces navires doivent respecter les règles de Montreux car ils entreront dans le Kanal Istanbul depuis le détroit des Dardanelles qui est toujours concerné depuis plusieurs décennies par cet accord international.
Aydin Sezer, un expert sur les relations Turquie-Russie, installé à Ankara, croit que la Russie s'opposera à toute tentative d'annuler la Convention de Montreux.
«Cette convention internationale a été préparée en convoquant les États concernés lors d'une conférence internationale. Par conséquent, un retrait unilatéral est peu probable, car il suscitera sans aucun doute une colère et des représailles sérieuses du côté du Kremlin », a déclaré Sezer à Arab News.
Dans une interview en décembre 2019 avec le journaliste turc Murat Yetkin, Aleksey Yerkhov, ambassadeur de Moscou à Ankara, a déclaré que si le canal devait être construit, la Russie insisterait pour appliquer les dispositions de la Convention de Montreux à tous les passages.
Ozgur Unluhisarcikli, directeur du Fonds Marshall allemand, a déclaré à Arab News: «Il y a deux points de vue opposés sur la question de savoir si le Kanal Istanbul tomberait sous le régime de Montreux s'il est construit. Bien que je ne pense pas que l'interprétation qui sera acceptée aura finalement une importance en ce qui concerne les navires de guerre, je ne dirais pas la même chose pour les navires marchands ainsi que la production des recettes».
Unluhisarcikli estime qu’Ankara décidera en fin de compte d'appliquer unilatéralement les dispositions de la Convention de Montreux concernant les navires de guerre, car toute autre ligne de conduite pourrait conduire à l'effondrement du régime de Montreux, soumettant la Turquie à la pression de ses alliés occidentaux et de la Russie.
«Cependant, dans ce cas, la Turquie pourrait appliquer des règles différentes aux navires marchands afin de pouvoir générer des revenus», a-t-il ajouté.
«Si le Kanal Istanbul était accepté comme relevant du régime de Montreux, la Turquie pourrait avoir du mal à générer des revenus importants, car la Convention de Montreux limite les taxes et les redevances qui peuvent être imposées aux navires marchands», a conclu Unluhisarcikli.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com