Les développements régionaux et internationaux isolent davantage l'Iran

La sous-secrétaire d'État américaine aux affaires politiques, Wendy Sherman, témoigne devant une audience de la Commission sénatoriale des relations étrangères à Washington le 3 octobre 2013. (Photo du dossier AP)
La sous-secrétaire d'État américaine aux affaires politiques, Wendy Sherman, témoigne devant une audience de la Commission sénatoriale des relations étrangères à Washington le 3 octobre 2013. (Photo du dossier AP)
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Publié le Samedi 10 avril 2021

Les développements régionaux et internationaux isolent davantage l'Iran

Les développements régionaux et internationaux isolent davantage l'Iran
  • L’Iran est en train de perdre certains des domaines qui lui procuraient auparavant une influence et un avantage politique ou de sécurité
  • Les législateurs républicains du Congrès américain ont introduit huit textes de loi dans le but d'empêcher la Maison-Blanche de revenir au JCPOA

L'Iran est de plus en plus isolé et la pression sur le régime augmente. C’est dû, tout d'abord, à l'évolution de la situation géopolitique au Moyen-Orient, avec la Turquie, la Russie, l'Arabie saoudite et Israël. La visite du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, dans le Golfe le mois dernier a envoyé un message fort à l’Iran. Les responsables russes ont indiqué qu'ils recherchaient de nouveaux partenaires dans la région, comme en témoignent les développements en Syrie. Ces événements vont accroître la pression sur l'Iran et bloquer les perspectives internationales pour le régime.

Et puis l’Iran est en train de perdre certains des domaines qui lui procuraient auparavant une influence et un avantage politique ou de sécurité. La conférence du mois dernier sur la Syrie, à laquelle ont participé la Turquie, le Qatar et la Russie en l’absence de Téhéran, démontre probablement que le régime n’est plus un interlocuteur actif dans ce domaine. En Syrie, où l'Iran a investi massivement tant financièrement qu'en matière de ressources humaines, ce dernier n'a pratiquement rien gagné. La même chose se passe en Irak.

Bagdad prend de plus en plus ses distances politiques avec l'Iran et gravite vers l'Occident. La visite du pape François en Irak a été un message clair à cet égard. Le Premier ministre irakien, Moustafa al-Kazimi, ne peut être considéré comme un allié fidèle de l’Iran. Les investissements de Téhéran en Irak ont atteint un niveau record. La relation dans son ensemble est entièrement différente de ce qu’elle était il y a six ans.

L'Iran mise sur le retour de l'accord nucléaire du Plan d'action global conjoint (JCPOA) de 2015 afin de pouvoir continuer à en bénéficier, mais cette conviction est faussée. Tout accord international est le résultat de l'équilibre des pouvoirs à l'époque. L’équilibre des pouvoirs actuel n’est pas la continuation de celui de 2015. Il devient de plus en plus évident que l’administration Biden ne soutient pas les termes originaux du JCPOA, reconnaissant l’évolution de la situation internationale et régionale tant pour l’Iran que pour les États-Unis. Même ceux qui ont négocié et défendu le JCPOA à l'époque reconnaissent que l'accord doit changer pour mieux refléter la nouvelle donne régionale et internationale. Wendy Sherman, la négociatrice en chef des États-Unis pour le JCPOA et la candidate du président, Joe Biden, au poste de secrétaire d’État adjoint, n’a pas défendu l’accord lors de son audition d’approbation au Sénat le mois dernier.

Téhéran mise sur le retour de l'accord nucléaire de 2015 afin de pouvoir continuer à en bénéficier, mais cette conviction est faussée.

Dr Majid Rafizadeh

Troisièmement, l'Iran a connu deux soulèvements depuis la signature du JCPOA. Le président, Hassan Rohani, a déclaré que ce n'est qu'après le soulèvement de 2017 que Donald Trump a osé abandonner l'accord nucléaire. Avec le récent soulèvement dans la province du Sistan et du Baloutchistan, le ministère iranien des Affaires étrangères a rejeté les pourparlers non alignés avec les États-Unis car ils ne constituaient pas une bonne opportunité. Pour cette raison, le rôle de l'Iran dans le nouvel équilibre des pouvoirs est si minime que le régime attaque actuellement les bases américaines en Irak dans une tentative de forcer les États-Unis à négocier selon ses conditions.

Au niveau régional, Israël et les États arabes se sont rapprochés. Lors de son audition, Wendy Sherman a évoqué les accords d'Abraham, qui ont modifié les relations et le pouvoir dans la région. Ce nouveau partenariat rend plus difficile les relations avec l'Iran, car le régime se sent acculé. Nous sommes également confrontés à une nouvelle vague au Congrès, qui ne fait qu’aggraver les difficultés des défis de l’Iran alors que ce dernier cherche à appliquer sa vision de négociations fructueuses.

Quatrièmement, les législateurs républicains du Congrès américain ont introduit huit textes de loi dans le but d'empêcher la Maison-Blanche de revenir au JCPOA. Ces textes couvrent des questions telles que le renforcement des sanctions contre l'Iran, l'opposition à l'assouplissement des sanctions et la déclaration de non-soutien au JCPOA. L'un des projets de loi, présenté par le sénateur Bill Hagerty et qui sollicite le contrôle du Congrès sur tout plan gouvernemental visant à lever les sanctions, a recueilli le soutien de 27 sénateurs. Un autre plan est une résolution introduite par le sénateur Tom Cotton, qui s'oppose à toute forme d'allégement des sanctions à moins que tous les différends avec l'Iran, y compris ses programmes nucléaires, balistiques et régionaux, ne soient réglés. Ce projet de loi a obtenu le soutien de 31 sénateurs. Deux programmes parallèles ont également été introduits à la Chambre des représentants et ont attiré respectivement 24 et 30 partisans.

La principale critique des républicains conservateurs et des démocrates influents au Congrès en 2015 était que le JCPOA n'a bloqué que temporairement les efforts de l'Iran pour acquérir des armes nucléaires; une série de délais ont été inscrits dans les termes. Ceux-ci devraient permettre de lever toutes les restrictions sur les programmes nucléaires et de missiles de l’Iran. À titre d’exemple, en 2030, l'Iran devait être autorisé à enrichir indéfiniment de l'uranium et à augmenter continuellement son nombre de centrifugeuses et leur qualité. Ce niveau de capacité d’enrichissement de l'uranium mettrait l'Europe en danger.

Au cours de l’audition de Mme Sherman au Sénat, le sénateur Mitt Romney a critiqué le JCPOA en raison de ces fameux délais. Il l'a ensuite interrogée sur le long terme et Wendy Sherman, dont on attendait la risposte à cette critique en tant qu’architecte du JCPOA, n'a pas répondu à Mitt Romney et a simplement dit: «Oui, la situation a changé.»

Du fait de ces développements, le régime iranien, de plus en plus isolé, semble être à son point le plus faible depuis sa création en 1979.

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard. Twitter : @Dr_Rafizadeh.

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com