«Confiance» dans la justice: Dupond-Moretti présente son projet de loi en Conseil des ministres

Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice, lors d'une session de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale à Paris le 23 mars 2021 (Photo, AFP)
Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice, lors d'une session de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale à Paris le 23 mars 2021 (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 14 avril 2021

«Confiance» dans la justice: Dupond-Moretti présente son projet de loi en Conseil des ministres

  • Le texte se base sur un «triste constat: les Français n'ont plus confiance dans la justice de notre pays», a expliqué l'ex-avocat Eric Dupond-Moretti à la sortie du Conseil des ministres
  • M. Dupond-Moretti souhaite encore encourager le recours au bracelet électronique comme alternative à la détention provisoire

PARIS: Audiences filmées, encadrement des enquêtes préliminaires, généralisation des cours criminelles... Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti a présenté mercredi en Conseil des ministres un projet de loi visant à « restaurer la confiance » dans la justice déjà très critiqué par magistrats et avocats. 

Son projet de réforme sera examiné par les députés en première lecture à partir du 17 mai, selon l'ordre du jour fixé mardi en conférence des présidents de l'Assemblée nationale. 

Le texte se base sur un « triste constat: les Français n'ont plus confiance dans la justice de notre pays », a expliqué l'ex-avocat à la sortie du Conseil des ministres, citant notamment un sondage de février qui montre que « seuls 48% » ont confiance dans le système judiciaire. 

Pour contrer ce sentiment, le garde des Sceaux souhaite instaurer la possibilité de filmer et de diffuser les audiences à la télévision, pour permettre « à nos compatriotes de mieux connaître l'institution judiciaire ». Il veut aussi « renforcer les droits des citoyens » en encadrant les enquêtes préliminaires: elles ne pourront durer plus de deux ans (trois sur autorisation du procureur) et les personnes visées doivent pouvoir y accéder facilement.  

Le projet prévoit également, sans attendre la fin de l'expérimentation prévue pour 2022, de généraliser les cours criminelles départementales, composées de cinq magistrats professionnels, sans jury populaire. 

Mises en place pour désengorger les cours d'assises, elles jugent en première instance des crimes punis de quinze ou vingt ans de réclusion, majoritairement des viols.  

Ces cours « fonctionnent bien », selon les remontées des magistrats et « de beaucoup d'avocats », a argué le ministre en conférence de presse. Il voit également dans le moindre taux d'appel enregistré par ces cours une « satisfaction » exprimée par les justiciables: 21% des verdicts sont contestés, contre 32% auparavant pour les cours d'assises traditionnelles. 

Les cours criminelles créent un débat au sein de la magistrature depuis le lancement de l'expérimentation en 2019. Des avocats pénalistes ont accusé le garde des Sceaux de « détruire la justice populaire » en les généralisant. 

Alors encore avocat, Eric Dupond-Moretti avait vertement critiqué leur expérimentation: « C'est la mort de la cour d'assises! », s'était-il insurgé en mai 2020.  

« Souveraineté populaire » 

« J'ai eu très peur dans ma vie d'antan de ces cours criminelles » et du risque qu'elles viennent « remplacer » la cour d'assises traditionnelle à long terme, a reconnu le ministre mercredi. Des craintes désormais effacées selon lui par les « assurances du président de la République qui aime le jury populaire ». 

« La cour d'assises, elle ne sera pas supprimée, elle est revitalisée » par ce projet de loi, a insisté M. Dupond-Moretti. Le texte prévoit de rétablir la « souveraineté populaire » en son sein: les six citoyens tirés au sort et les trois magistrats professionnels ne pourront prononcer un verdict qu'à condition d'obtenir une majorité parmi les jurés populaires. Ce n'était plus le cas depuis 2011. 

Le garde des Sceaux veut également supprimer les crédits « automatiques » de réductions de peine des détenus qui ne seraient désormais plus accordés qu'au mérite. Des avocats et des magistrats ont dénoncé « une mesure populiste ». 

Le système actuel permet à un détenu condamné à 10 ans de prison d'obtenir une réduction de peine de 21 mois « sans faire l'ombre de l'once d'un effort », a rétorqué le ministre. Lui souhaite privilégier cette notion « d'effort », notamment en favorisant le travail en prison avec la création d'un « contrat de travail pour le détenu ».  

M. Dupond-Moretti souhaite encore encourager le recours au bracelet électronique comme alternative à la détention provisoire. 

Son projet a reçu un accueil glacial du monde judiciaire qui voit dans certaines dispositions des mesures de « défiance » envers les magistrats et s'alarme de la « réforme permanente » de la justice. 

Dénonçant par ailleurs une « absence de concertation » sur un projet de réforme déjà ficelé, les organisations syndicales ont boycotté fin mars, à la quasi-unanimité, des réunions avec la Chancellerie. 

Les trois syndicats de magistrats, qui ont par ailleurs porté plainte contre le ministre devant la Cour de justice de la République, entretiennent avec lui des relations catastrophiques depuis son arrivée place Vendôme. 


Dix passeurs présumés jugés pour un naufrage meurtrier dans la Manche

Une femme passe devant les restes d'un bateau de contrebande endommagé sur la plage de Bleriot à Sangatte, près de Calais, dans le nord de la France, le 11 juin 2025. (AFP)
Une femme passe devant les restes d'un bateau de contrebande endommagé sur la plage de Bleriot à Sangatte, près de Calais, dans le nord de la France, le 11 juin 2025. (AFP)
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  • Trente-neuf migrants, dont huit mineurs, avaient pu être sauvés, mais quatre avaient été retrouvé morts et quatre autres n'ont jamais été retrouvés
  • La même nuit, sept autres départs d'embarcations clandestines avaient été dénombrés dans la Manche

LILLE: Dix hommes, dont huit Afghans, sont jugés à partir de lundi à Lille pour leur rôle présumé de passeurs dans le naufrage d'une embarcation clandestine qui avait fait quatre morts et quatre disparus dans la Manche en décembre 2022.

Parti entre 1H00 et 1H30 du matin dans la nuit du 13 au 14 décembre 2022, le canot, qui transportait en majorité des migrants afghans, avait fait naufrage à quelques kilomètres des côtes anglaises.

Trente-neuf migrants, dont huit mineurs, avaient pu être sauvés, mais quatre avaient été retrouvé morts et quatre autres n'ont jamais été retrouvés.

La même nuit, sept autres départs d'embarcations clandestines avaient été dénombrés dans la Manche.

Selon les éléments de l'enquête, alors que les migrants gonflaient le bateau avant le départ, plusieurs ont entendu une détonation, synonyme selon eux de crevaison. Les passeurs leur ont dit de ne pas s'en faire et qu'il s'agissait du seul bateau disponible pour eux.

D'après les témoignages des rescapés, il n'y avait pas assez de gilets de sauvetage pour tout le monde et aucune des personnes décédées n'en portait un. La température était glaciale et la mer très agitée.

Après une ou deux heures de traversée, un boudin a commencé à se dégonfler et l'eau à entrer dans l'embarcation, jusqu'à atteindre les genoux des passagers. Paniqués, ils se sont mis debout pour tenter de faire signe à un bateau. Mais le fond du canot, peu solide, a ployé sous leur poids et celui de l'eau, et tous se sont retrouvés à l'eau.

Neuf des prévenus sont jugés, jusqu'à vendredi, pour homicide involontaire par violation d'une obligation de sécurité, deux d'entre eux le sont pour blanchiment, tous pour aide au séjour irrégulier. Huit sont afghans, un syrien, un irakien.

Certains des prévenus sont soupçonnés d'avoir recruté des passeurs et assuré la logistique auprès des passagers, d'autres d'avoir géré l'organisation sur le camp de migrants de Loon-Plage (Nord), où vivaient les migrants avant leur tentative de traversée, toujours selon les éléments de l'enquête. D'autres encore sont jugés pour s'être occupés du transport des migrants vers la plage et de la mise à l'eau du canot, et deux pour avoir collecté une partie des paiements.

Le mineur sénégalais qui pilotait le canot est, lui, inculpé dans le cadre d'une procédure au Royaume-Uni.

Apparu en 2018, le phénomène des traversées de la Manche en petites embarcations est à l'origine de nombreux naufrages, le plus meurtrier ayant coûté la vie à 27 personnes en novembre 2021.

Depuis le début de l'année, au moins 15 migrants sont morts dans la Manche, bras de mer parmi les plus fréquentés du monde et où les conditions météorologiques sont souvent difficiles, selon un décompte de l'AFP à partir de chiffres officiels. En 2024, 78 étaient morts ainsi, un record.


Légion d'honneur, Sarkozy « prend acte », rappelant que la CEDH doit encore examiner son recours

La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
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  • L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 
  • Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain.

PARIS : L'ancien président Nicolas Sarkozy a « pris acte » dimanche de son exclusion de la Légion d'honneur et rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) doit encore se prononcer sur son recours dans l'affaire des écoutes, a indiqué son avocat Patrice Spinosi dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Nicolas Sarkozy prend acte de la décision prise par le grand chancelier. Il n’a jamais fait de cette question une affaire personnelle », a affirmé Patrice Spinosi, soulignant que si l'ancien chef de l'État « a fait valoir des arguments juridiques, c’était au nom de la fonction même de président de la République ».

L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 

« La condamnation de la France (par la CEDH) impliquera la révision de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, en même temps que l’exclusion de l’ordre de la Légion d’Honneur ; l’une n’étant que la conséquence de l’autre », a assuré Patrice Spinosi.

Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain, à qui la Légion d'honneur avait été retirée en 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi.

« Ce lien avec le maréchal Pétain est indigne », a déclaré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas (LR), prenant « acte » elle aussi de cette décision « automatique qui fait partie du code de la Légion d’Honneur ».

« Le président Sarkozy a été là pour la France à des moments extrêmement compliqués », a-t-elle déclaré, se disant « un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison ».

« C'est une règle, mais c'est aussi une honte », a déploré sur franceinfo Othman Nasrou, le nouveau secrétaire général de LR et proche de Bruno Retailleau, apportant son « soutien et son respect » à l'ex-président.

À gauche, le député écologiste Benjamin Lucas s'est félicité de la décision, appelant sur X à ce que « la République prive de ses privilèges et de son influence institutionnelle celui qui a déshonoré sa fonction et trahi le serment sacré qui lie le peuple à ses élus, celui de la probité ».


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
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  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».