Le contesté projet de loi de Dupond-Moretti présenté en conseil des ministres

Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti (Photo, AFP).
Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 12 avril 2021

Le contesté projet de loi de Dupond-Moretti présenté en conseil des ministres

  • Audiences filmées, encadrement des enquêtes préliminaires, renforcement du secret professionnel : le texte vise à «rétablir la confiance du citoyen dans la justice»
  • La réforme, qui sera examinée courant mai en procédure accélérée par le Parlement, a reçu un accueil glacial dans le monde judiciaire

PARIS: Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti présente mercredi en conseil des ministres son projet de loi pour « restaurer la confiance » dans la justice, contesté par les magistrats et le monde judiciaire tant sur le fond que sur la méthode.

Audiences filmées, encadrement des enquêtes préliminaires, renforcement du secret professionnel : le texte vise à « rétablir la confiance du citoyen dans la justice », affirmait Eric Dupond-Moretti début mars sur France Inter. 

Il est « le fruit d'une longue réflexion » et d'une « connaissance charnelle » de la justice, ajoutait l'ex-avocat pénaliste. 

La réforme, qui sera examinée courant mai en procédure accélérée par le Parlement, a reçu un accueil glacial dans le monde judiciaire. 

« C'est une espèce de rencontre entre quelques marottes du ministre et la poursuite de la logique gestionnaire de la Chancellerie pour juger plus avec moins », tacle Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature. 

Reprochant au ministre de leur avoir présenté un texte déjà ficelé et soumis au Conseil d'Etat avant de les avoir consultées, les organisations syndicales (magistrats et agents du ministère) ont boycotté à la quasi-unanimité fin mars des réunions avec la Chancellerie. 

Mais les critiques portent aussi sur le fond d'un texte qualifié de « fourre-tout ». 

Après des mois de tensions avec le garde du Sceaux, contre lequel ils ont porté plainte devant la Cour de justice de la République (CJR), les trois syndicats de magistrats voient dans certaines mesures phares une « défiance » à leur égard. 

Les griefs sont multiples. En premier lieu, l'encadrement des enquêtes préliminaires. Fixé comme une priorité dès sa nomination par Eric Dupond-Moretti, qui avait demandé une mission sur le sujet, elles ne pourront excéder deux ans, une durée prolongeable d'un an sur autorisation du procureur. 

« Une loi pour un épiphénomène », alors que les enquêtes de plus de trois ans représentent « environ 3% » du total, regrette Ludovic Friat, secrétaire général de l'Union syndicale des magistrats.

Si certaines sont « aussi longues, c'est par manque de moyens de police judiciaire et parce que les enquêtes politico-financières notamment demandent du temps », souligne-t-il. 

Des procès à la télévision ? Le projet de Dupond-Moretti

« Si vous demandez dans la rue comment on appelle un président de cour d'assises, vous avez plein de gens qui vont vous dire ‘votre honneur’ », comme dans les séries télé américaines, assurait Eric Dupond-Moretti début mars. 

Le ministre veut donc faire œuvre de « pédagogie », prendre les Français « par la main » pour les conduire dans les salles d'audiences, « leur montrer comment ça marche ».

« L'intérêt public » est une notion « hyper large », s'inquiète Ludovic Friat, secrétaire général de l'Union syndicale de la magistrature. « Le risque c'est que ce soit à l'appréciation du ministre », l'actuel ou un autre, « qui peut en faire un outil de communication politique ». 

La piste pour l'instant privilégiée serait celle d'un programme hebdomadaire : une audience, accompagnée d'un décryptage de magistrat et d'avocat. 

« Je veux tout sauf du trash », promet Dupond-Moretti à ceux, nombreux, qui craignent une « justice spectacle ».

Les audiences non publiques ne pourront être filmées qu'avec l'accord des parties. En audience publique par contre, les personnes jugées n'auront pas le droit de s'opposer au tournage, mais pourront demander à ne pas être reconnues. La diffusion ne sera possible qu'une fois l'affaire définitivement jugée, et pendant cinq ans maximum. 

De la « nuisance plutôt que de la transparence », selon Virginie Sauvat-Bourland, avocate à Marseille, qui s'inquiète comme beaucoup que le naturel se perde, que certains s'autocensurent ou surjouent.

« Réforme permanente »

La réforme annoncée de la cour d'assises, objet d'une autre mission, suscite aussi l'opposition des magistrats. 

Le garde des Sceaux souhaite rétablir la « minorité de faveur » supprimée en 2011, avec sept jurés au lieu de six siégeant aux côtés des trois magistrats professionnels, pour renforcer leur poids. Le projet prévoit également que des avocats honoraires de moins de 75 ans siègent dans les cours d'assises et les cours criminelles départementales, qui seront elles généralisées. 

D'autres « marques de défiance » pour Ludovic Friat, mais aussi « l'aveu de la faillite matérielle de la justice ». « On n'a pas assez de juges ! », tempête-t-il. 

Après des « débats vifs », selon son président Jérôme Gavaudan, le Conseil national des barreaux (CNB), qui représente les 70 000 avocats français, s'est également opposé à cette présence d'avocats honoraires. 

La profession attendait le ministre sur le renforcement du secret professionnel. Si le texte inscrit le « secret de la défense » dans le code de procédure pénale, c'est-à-dire pendant une enquête, les avocats auraient souhaité que leur secret professionnel dans son ensemble soit protégé.  

« Ce n'est pas le grand soir du secret professionnel mais cela rétablit un certain nombre de principes juridiques », nuance Jérôme Gavaudan. 

Des avocats et des magistrats se sont aussi vivement émus de la volonté - surprise - du garde des Sceaux de toucher à l'exécution des peines, en supprimant les crédits « automatiques » de réductions de peines pour selon le ministre « inciter à l'effort » les détenus. 

Une mesure « populiste », qui va alourdir la charge de travail des juges d'application des peines, un an après l'entrée en vigueur de la réforme des peines de l'ex-ministre Nicole Belloubet, ont dénoncé les professionnels. 

« On est dans la réforme permanente. On craint qu'il y ait un bug et que la machine s'arrête », alerte Jacques Boulard, qui préside la Conférence nationale des premiers présidents de cours d'appel. 

« On est à bout. On n'a pas fini d'ingurgiter toutes les réformes qui nous sont tombées sur le coin du museau depuis le début du quinquennat », renchérit Hervé Bonglet, secrétaire général de l'Unsa-Services judiciaires. 


France: l'adoption d'un budget compromise après le rejet des députés

Les résultats du vote sur le projet de loi de finances pour 2026 à l'Assemblée nationale, à Paris, tôt dans la matinée du 22 novembre 2025. (AFP)
Les résultats du vote sur le projet de loi de finances pour 2026 à l'Assemblée nationale, à Paris, tôt dans la matinée du 22 novembre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a rejeté massivement en première lecture le budget 2026, renvoyant le texte au Sénat et illustrant l’extrême fragmentation politique depuis la dissolution de 2024
  • Le gouvernement minoritaire, sous pression pour réduire un déficit public record, peine à trouver une majorité, malgré l’espoir d’un compromis sur fond de tensions entre blocs politiques

PARIS: Les députés français ont rejeté à la quasi-unanimité en première lecture le budget de l'État pour 2026, dans la nuit de vendredi à samedi, un vote inédit depuis des décennies qui augure mal d'une adoption avant la fin de l'année.

Après des semaines de débats parfois houleux sur la fiscalité du patrimoine, ou celle des grandes entreprises, 404 députés ont rejeté la partie "recettes" du texte (un seul a voté pour), emportant ainsi l'ensemble du projet de loi, sans même étudier la partie "dépenses".

En vertu des procédures parlementaires françaises, ce vote renvoie le texte initial du gouvernement à la chambre haute du Parlement, qui s'en saisira la semaine prochaine.

Dans un paysage politique très facturé depuis la dissolution de l'Assemblée nationale décidée par le président Emmanuel Macron en 2024, la difficulté à adopter un budget de l'Etat constitue le sujet majeur à l'origine de la chute des derniers Premier ministres.

Le gouvernement minoritaire de Sébastien Lecornu, un proche d'Emmanuel Macron, se trouve pourtant sous forte pression pour réduire le déficit public, le plus élevé de la zone euro, dont l'ampleur inquiète les marchés financiers.

L'Assemblée avait déjà rejeté en 2024 le budget de l'État, de manière inédite depuis l'adoption de la Ve République en 1958. Mais c'est une première qu'il le soit avec une telle ampleur.

Les groupes de gauche et l'extrême droite ont voté contre, ceux du camp gouvernemental se sont divisés entre votes contre et abstentions. Seul un député centriste a voté en faveur du texte.

- Compromis? -

Si l'exécutif espère toujours une adoption avant la fin de l'année, cela apparaît comme une gageure, en terme de délais comme en terme de majorité pour le voter.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, avait promis de laisser le dernier mot au Parlement pour éviter une censure.

Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

Si elle a vu dans le "plus long débat budgétaire" de la Ve République, un "travail utile", la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a aussi déploré un "certain nombre de mesures inconstitutionnelles, irréalistes ou inapplicables".

Dans le viseur du camp gouvernemental, plusieurs hausses d'impôts, dont un "impôt universel" sur les multinationales, une hausse de taxe sur les rachats d'action, ou une contribution sur les dividendes.

Avec elles, le déficit passerait à "4,1%" du PIB (contre un objectif à 4,7% dans le texte initial), sans elles il serait de "5,3%", a estimé Amélie de Montchalin.

Sur X, elle a dénoncé l'"attitude cynique" des "extrêmes", se disant cependant "convaincue" de la possibilité d'un compromis.

"Le compte n'y est pas", a lancé le chef de files des élus socialistes, Boris Vallaud, estimant les "recettes" insuffisantes pour "effacer" des économies irritantes sur les politiques publiques.

Le PS continuera toutefois à "chercher le compromis", a-t-il assuré.

Les socialistes, qui avaient accepté de ne pas censurer le Premier ministre en échange notamment de la suspension de la réforme des retraites, espéraient que les débats permettent d'arracher une taxe sur le patrimoine des ultra-riches. Mais les propositions en ce sens ont été rejetées.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


Narcobanditisme: la porte-parole du gouvernement sera à la marche blanche samedi à Marseille

La porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, a annoncé vendredi qu'elle irait à la marche blanche prévue samedi à Marseille en hommage à Mehdi Kessaci, le frère du militant Amine Kessaci engagé contre le narcobanditisme, soulignant que sa présence devait illustrer le "soutien de l'Etat". (AFP)
La porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, a annoncé vendredi qu'elle irait à la marche blanche prévue samedi à Marseille en hommage à Mehdi Kessaci, le frère du militant Amine Kessaci engagé contre le narcobanditisme, soulignant que sa présence devait illustrer le "soutien de l'Etat". (AFP)
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  • "Au-delà des actes forts et des engagements du ministre de l'Intérieur et du garde des Sceaux, l'État et singulièrement le gouvernement devaient marquer, symboliquement et humblement, leur soutien et leur solidarité lors de ce rassemblement
  • "Les réflexes partisans n'ont pas leur place dans une telle marche et dans un tel combat", a estimé Mme Bregeon, espérant que les participants seraient "le plus nombreux possible" samedi

PARIS: La porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, a annoncé vendredi qu'elle irait à la marche blanche prévue samedi à Marseille en hommage à Mehdi Kessaci, le frère du militant Amine Kessaci engagé contre le narcobanditisme, soulignant que sa présence devait illustrer le "soutien de l'Etat".

Le jeune homme de 20 ans a été assassiné le 13 novembre par deux hommes à moto, et la justice étudie la piste d'"un crime d'intimidation" lié au militantisme de son frère.

"Le gouvernement sera présent et je me rendrai samedi à Marseille en compagnie de mon collègue Vincent Jeanbrun, qui est ministre de la Ville et du Logement", a déclaré Maud Bregeon sur TF1 vendredi, ajoutant que ce drame avait "profondément choqué tous nos concitoyens".

La porte-parole a assuré que son déplacement serait fait "humblement, avec la modestie et la pudeur que cet événement nécessite, sans communication sur place".

Il s'agit, selon elle, de "marquer l'engagement total du gouvernement et le soutien de l'État, du président de la République et du Premier ministre, à cette famille et aux proches de Mehdi Kessaci".

"Au-delà des actes forts et des engagements du ministre de l'Intérieur et du garde des Sceaux, l'État et singulièrement le gouvernement devaient marquer, symboliquement et humblement, leur soutien et leur solidarité lors de ce rassemblement où habitants, élus locaux et nationaux feront bloc contre le narcotrafic", a précisé l'entourage de Maud Bregeon à l'AFP.

La porte-parole retrouvera à Marseille de nombreuses autres personnalités politiques, dont beaucoup issues de gauche, comme Olivier Faure (PS) ou Marine Tondelier (les Ecologistes).

"Les réflexes partisans n'ont pas leur place dans une telle marche et dans un tel combat", a estimé Mme Bregeon, espérant que les participants seraient "le plus nombreux possible" samedi.

Si les courants politiques s'accordent sur le constat, ils s'opposent sur les voies à suivre pour contrer le narcotrafic.

Le député LFI du Nord Ugo Bernalicis a ainsi affirmé sur franceinfo que "ce qu'on demande au gouvernement, c'est pas tant la participation à cette marche, c'est de faire en sorte que les moyens soient à la hauteur des enjeux". Et "le compte n'y est pas", a-t-il dit.

Il a notamment appelé à s'attaquer au "cœur du problème" en légalisant le cannabis, dont la vente est "le moteur financier" des trafiquants, selon lui.

Le député insoumis des Bouches-du-Rhône Manuel Bompard, qui sera présent samedi, a exhorté à un "changement de doctrine complet", demandant par exemple plus de moyens pour la police judiciaire.

"Plutôt que d'envoyer des policiers chasser le petit consommateur, je pense au contraire qu'il faut concentrer les moyens dans le démantèlement des réseaux de la criminalité organisée", a-t-il dit.

Quant à la suggestion du maire de Nice Christian Estrosi d'engager l'armée contre le narcotrafic, Maud Bregeon a rappelé que ce n'était "pas les prérogatives de l'armée" et "qu'on a pour ça la police nationale, la gendarmerie nationale, la justice de la République française".


Une centaine de personnes en soutien à un directeur d'école menacé de mort

Un rassemblement de soutien d'environ 150 personnes se tenait vendredi matin devant une école maternelle située à Rennes, dans l'ouest de la France, dont le directeur a été menacé de mort par une famille refusant que leur fillette soit encadrée par un homme. (AFP)
Un rassemblement de soutien d'environ 150 personnes se tenait vendredi matin devant une école maternelle située à Rennes, dans l'ouest de la France, dont le directeur a été menacé de mort par une famille refusant que leur fillette soit encadrée par un homme. (AFP)
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  • Cet enseignant a porté plainte le 14 octobre "pour des faits de menace de mort datant du 10 octobre", a affirmé jeudi le procureur de la République de Rennes, Frédéric Teillet. Le rectorat a également porté plainte
  • "On reproche simplement au collègue d'être un homme et d'encadrer des jeunes enfants", a déploré Mickaël Bézard, du syndicat Force Ouvrière (FO) des écoles, présent devant l'établissement

RENNES: Un rassemblement de soutien d'environ 150 personnes se tenait vendredi matin devant une école maternelle située à Rennes, dans l'ouest de la France, dont le directeur a été menacé de mort par une famille refusant que leur fillette soit encadrée par un homme.

Cet enseignant a porté plainte le 14 octobre "pour des faits de menace de mort datant du 10 octobre", a affirmé jeudi le procureur de la République de Rennes, Frédéric Teillet. Le rectorat a également porté plainte.

Selon des sources syndicales, la famille n'aurait pas toléré que l'instituteur accompagne la fillette aux toilettes.

"On reproche simplement au collègue d'être un homme et d'encadrer des jeunes enfants", a déploré Mickaël Bézard, du syndicat Force Ouvrière (FO) des écoles, présent devant l'établissement.

"Il n'y a pas d'aspect religieux derrière tout ça" a insisté Fabrice Lerestif, un autre représentant de ce syndicat à l'échelle départementale, reprenant les termes du ministre français de l'Éducation, Édouard Geffray, en marge d’un déplacement la veille près de Lyon (centre-est).

Environ 150 personnes, dont des enseignants d'écoles voisines et une trentaine de parents d'élèves, étaient présents devant l'école, fermée pour la journée. "Soutien à notre collègue", "Parents unis! Respect et soutien total à nos enseignants", clamaient deux pancartes accrochées aux grilles.

Parmi les parents d'élèves, Pierre Yacger est venu avec ses enfants soutenir l'équipe éducative "en qui on a pleinement confiance". Concernant le directeur, "on n'a jamais eu de retour négatif", a-t-il affirmé.

Choqué, l'enseignant est depuis en arrêt de travail. Il est "meurtri par la situation" qui a "eu un impact fort sur l'ensemble de l'école", alors qu'il s'agit d'un établissement "où tout se passe bien", a précisé Mickaël Bézard.

Le corps enseignant demande que la fillette, toujours scolarisée dans cette école, soit changée d'établissement, "pour retrouver aussi un climat serein", a-t-il poursuivi.

"Cette enfant, peut-être, va être scolarisée ailleurs", a estimé Gaëlle Rougier, adjointe à l'éducation à la municipalité de Rennes. "Il va bien falloir poursuivre une médiation avec la famille", a-t-elle ajouté.