Le «Hirak» irakien, une révolte de jeunes qui ont «grandi dans un espace de liberté»

Un étudiant irakien agite le drapeau national lors d'une manifestation antigouvernementale dans la ville méridionale de Bassorah le 31 décembre 2019. Hussein FALEH / AFP
Un étudiant irakien agite le drapeau national lors d'une manifestation antigouvernementale dans la ville méridionale de Bassorah le 31 décembre 2019. Hussein FALEH / AFP
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Publié le Vendredi 30 avril 2021

Le «Hirak» irakien, une révolte de jeunes qui ont «grandi dans un espace de liberté»

  • Le 1er octobre 2019, une vague de manifestations, l’une des plus importantes de son histoire moderne, déferle sur l’Irak
  • Les chercheurs en Irak n'hésitent pas à qualifier le mouvement d'octobre 2019 de «révolution», bien qu’il n’ait pas réussi à renverser le régime ou à provoquer un changement politique notable

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Irak, Algérie, Liban: ces trois pays arabes ont connu ces deux dernières années des mouvements de contestation populaire ou «Hiraks». Survenus près d’une décennie après les soulèvements des Printemps arabes, ces mouvements ont la particularité d’être portés par une nouvelle génération plus jeune, plus virulente contre le pouvoir, et plus en harmonie avec son époque. Mais elle est surtout nettement mieux équipée pour exploiter et manœuvrer les modes de «communication 2.0», en l’occurrence les réseaux sociaux, à des fins de mobilisation politique. Dans une série d’articles, Arab News en français se penche, à l’aide de spécialistes de chacun de ces trois pays, sur ces Hiraks qui, bien qu’ils s’inscrivent dans la même époque et se réclament d’une même mouvance, affichent chacun des particularités très spécifiques aux défis sociaux, politiques et économiques de Bagdad, d’Alger et de Beyrouth.

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BERLIN : Le 1er octobre 2019, une vague de manifestations, l’une des plus importantes de son histoire moderne, déferle sur l’Irak. Les autorités lui opposeront une violence inouïe qui va entraîner la mort de plus de 600 manifestants et faire plus de 20 000 blessés, sans compter la disparition forcée de dizaines de figures du mouvement de contestation.

Les crises qui ont culminé avec le soulèvement subsistent à ce jour. Des gouvernorats au centre et au sud de l'Irak sont d’ailleurs le théâtre d’un mouvement de protestation d’un grand nombre de secteurs, qui réclament de meilleurs services publics et la création d’emplois. Éradiquer la corruption, licencier et traduire en justice des responsables et des fonctionnaires impliqués dans le détournement et la dilapidation de fonds publics comptent également parmi leurs exigences.

Un «Printemps» en Irak

La vigueur et l’ampleur des manifestations de 2019 en Irak ne sont pas sans rappeler celles du Printemps arabe, qui ont pris d’assaut les pays de la région éponyme en 2011 et précipité dans leur sillage les régimes solidement ancrés de la Tunisie, de l’Égypte, de la Libye et du Yémen. Seulement, en Irak, les manifestations n'ont pas abouti à la chute complète du régime, mais seulement au renversement du gouvernement de l'ancien Premier ministre Adel Abdel-Mehdi.

Mounqeth Dagher
Mounqeth Dagher, directeur de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, membre du conseil d'administration à Gallup International et chroniqueur régulier pour le Washington Institute. (Photo fournie)

Dans un entretien avec Arab News, Mounqeth Dagher, le directeur de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord et membre du conseil d'administration à Gallup International, s’est prêté à un exercice de comparaison entre les vastes manifestations en Irak et les révolutions du Printemps. «Les similitudes entre le mouvement d'octobre et les révolutions du Printemps arabe sont plus nombreuses que les divergences», précise-t-il.

 

Ces jeunes ont grandi dans un espace de liberté, contrairement aux générations précédentes qui ont vécu sous le joug de régimes sévères

Mounqeth Dagher

«Dans les deux cas, l'étincelle des manifestations jaillit de revendications, principalement économiques», qui, pour Dagher, se sont transformées plus tard en «détonateur de la révolution des masses populaires».

Le directeur du Centre de réflexion politique en Irak, Ihsan al-Shammari, identifie pour sa part une particularité du mouvement irakien qui le place à ses yeux à l’écart des révolutions du Printemps arabe.

irak
Ihsan al-Shammari, analyste politique irakien et directeur du Centre de réflexion politique en Irak. (Photo fournie)

«La divergence en Irak réside dans le discours sectaire alimenté par les forces politiques, ainsi que dans la transformation de l'Irak en un État tributaire de l'Iran. En contrepartie, le peuple irakien est impatient de se libérer du modèle établi par le régime politique post-2003», précise Al-Shammari.

«Nous voulons une patrie» et «Que la malédiction s’abatte sur l'Iran comme sur l'Amérique» comptent parmi les slogans les plus prisés au sein du mouvement de contestation irakien. Le fait de scander ces mots confère au soulèvement une dimension qui dépasse les notions de services ou d’économie et qui réoriente les revendications pour les inscrire dans le cadre du respect de la souveraineté de l'Irak, loin des arcs de l'Iran et des États-Unis, dans la perspective d’un nouveau contrat social avec les pouvoirs politique.

C'est bien une révolution!

À vrai dire, les chercheurs en Irak n'hésitent pas à qualifier le mouvement d'octobre 2019 de «révolution», bien qu’il n’ait pas réussi à renverser le régime ou à provoquer un changement politique notable comme celles du Printemps arabe.

Dagher attribue la divergence entre le bilan du Printemps arabe et celui du mouvement irakien à un facteur supplémentaire: «Les pays arabes qui ont connu des révolutions bénéficiaient de l’existence de forces de l’opposition, ce qui n'était pas le cas en Irak. Les partis au pouvoir ont donc pu résister aux manifestations.»

Dagher, chroniqueur régulier pour le Washington Institute, estime néanmoins que «l’exploit le plus important du mouvement irakien aura été de vaincre la peur et de rassembler les manifestants derrière les mêmes slogans».

«Les jeunes ont eu pour la première fois l’occasion de mesurer l'importance de leurs actions. Ils ont pu ainsi affronter le régime, renverser le gouvernement, influencer le Parlement et ébranler le système politique. C’est une première dans l'histoire politique moderne de l'Irak», explique-t-il.

 

La divergence en Irak réside dans le discours sectaire alimenté par les forces politiques, ainsi que dans la transformation de l'Irak en un État tributaire de l'Iran. Le peuple irakien est impatient de se libérer du modèle établi par le régime politique post-2003

Ihsan al-Shammari

Al-Shammari, bien connu des Irakiens en raison de ses passages fréquents sur les plateaux des émissions télévisées, estime que «la prouesse la plus notable du mouvement d'octobre est la conscientisation du public à grande échelle et le démantèlement des tabous de la peur, du sacré et de l'autorité».

Al-Shammari pousse plus loin son raisonnement et affirme à Arab News que «le mouvement a rapatrié le pouvoir décisionnel et l’a rendu à la société, ce qui lui a permis de renverser le gouvernement d'Adel Abdel-Mehdi».

Contrairement à Dagher qui n’en perçoit pas les résultats tangibles, Al-Shammari insiste sur le fait que «le mouvement a réussi à obtenir une nouvelle loi électorale, des élections anticipées, en plus de générer de nouveaux votes». Même le nouveau gouvernement dirigé par Moustafa al-Kazimi est le fruit du mouvement Tishreen, qu’il reflète ou non les revendications des manifestations, affirme-t-il.

Une génération entêtée

Un période de huit ans sépare le mouvement d'octobre des révolutions du Printemps arabe, pendant laquelle la corruption, l'insécurité, la chute des revenus, la pauvreté et le chômage ont pris de l’ampleur. Alors, pourquoi les Irakiens ont-ils donc retardé leur contestation? «Je ne pense pas que le mouvement soit en retard», répond Ihsan al-Shammari.

Al-Shammari, qui a occupé le poste de conseiller dans le gouvernement de l'ancien Premier ministre Haïder al-Abadi, rappelle que «plusieurs mouvements ont eu lieu en 2011 et 2015. Celui de 2019 était toutefois plus réfléchi et ses motivations plus sérieuses, en réaction à une sphère politique qui, non contente d’avoir transformé l'Irak en un État satellite voué à l’échec, avait dépassé les bornes en termes de corruption et de déliquescence des services».

En outre, la génération de jeunes qui viendra plus tard nourrir les flammes du mouvement évoluait encore à l’époque et développait ses outils. Ces jeunes ont «grandi dans un espace de liberté, contrairement aux générations précédentes qui ont vécu sous le joug de régimes sévères», explique Dagher.

Ce dernier ajoute: «Cette génération est tournée vers le monde, elle apprend facilement et profite des expériences et des erreurs des autres pays C’est la génération de la technologie, de la vitesse et des décisions prises rapidement, contrairement aux générations précédentes, lestées par les opinions de la famille, les anciens, etc.»

Al-Shammari ne tarit pas d’éloges au sujet de cette «génération prometteuse et fiable, car elle a cassé le sacré et ses figures, comme les personnalités religieuses et politiques. Cela nous donne l'espoir d’un avenir meilleur».

Briser le monopole politique

Du mouvement de contestation sont nés des dizaines de nouveaux partis politiques. Certains se préparent d’ailleurs aux élections anticipées prévues au mois d’octobre 2021, parce que «cette génération veut briser le monopole politique détenu par le pouvoir», déclare Al-Shammari .

Pour autant, la voie des jeunes vers le Parlement et le gouvernement n’apparaît pas si dégagée. En effet, les conditions politiques ne sont pas optimales et l'intégrité des élections ne peut être garantie en raison de la prolifération des factions armées dans la majorité des villes. Les forces politiques utilisent des fonds publics pour soudoyer les électeurs et tenter d'influencer le scrutin, en plus de l’éventualité de fraude électorale.

Al-Shammari estime hâtif l’empressement des protestataires à créer des formations politiques et il justifie sa position par une situation qui «n’est pas favorable à l’action politique en ce qui les concerne».

Quoi qu’il en soit, en Irak, la participation aux élections ne semble pas être le seul outil dont dispose la génération de la contestation. Des gouvernorats tels que Dhi Qar ou Bassora insufflent toujours la vie à de vastes manifestations. Cette flamme risque d’embraser à nouveau le reste de d'Irak si les revendications ne sont pas satisfaites à court terme.


Israël frappe à nouveau le sud du Liban, un an après le cessez-le-feu

L'armée israélienne a déclaré avoir mené jeudi une série de frappes contre le Hezbollah dans le sud du Liban, la dernière en date malgré le cessez-le-feu conclu il y a un an avec le groupe militant. (X/@fadwa_aliahmad)
L'armée israélienne a déclaré avoir mené jeudi une série de frappes contre le Hezbollah dans le sud du Liban, la dernière en date malgré le cessez-le-feu conclu il y a un an avec le groupe militant. (X/@fadwa_aliahmad)
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  • L’armée israélienne a mené de nouvelles frappes dans le sud du Liban, ciblant des infrastructures et des sites d’armes du Hezbollah, malgré un cessez-le-feu en vigueur depuis un an
  • Le gouvernement libanais est accusé par Israël et les États-Unis de tarder à démanteler la présence militaire du Hezbollah dans la zone frontalière, tandis que Beyrouth dément toute faute et rejette les accusations israéliennes

JERUSALEM: L'armée israélienne a annoncé jeudi avoir mené de nouvelles frappes contre le Hezbollah dans le sud du Liban, au moment où elle intensifie ses attaques sur le territoire libanais malgré un cessez-le-feu avec le mouvement pro-iranien qu'elle accuse de chercher à se réarmer.

"Il y a peu, l'armée israélienne a frappé et démantelé des infrastructures terroristes du Hezbollah dans plusieurs zones dans le sud du Liban", écrit l'armée dans un communiqué.

"Dans le cadre de ces frappes, l'armée a visé plusieurs sites de lancement où des armes du Hezbollah étaient stockées", ajoute le communiqué, qui précise que les frappes ont également touché des "postes militaires utilisés par des membres du Hezbollah pour mener des attaques terroristes".

L'agence de presse d'Etat libanaise ANI a annoncé une série de "raids aériens israéliens sur Al-Mahmoudiya et Al-Jarmak dans la région de Jezzine."

En vertu de l'accord de cessez-le-feu, signé il y a un an jour pour jour, l'armée libanaise doit démanteler la présence militaire du Hezbollah sur une bande d'une trentaine de kilomètres entre la frontière avec Israël et le fleuve Litani, plus au nord.

L'armée a soumis un plan au gouvernement, dans lequel elle s'engage à accomplir cette tâche titanesque, avant de procéder par étapes sur le reste du territoire libanais. Mais les Etats-Unis et Israël accusent les autorités libanaises de tarder, face à la ferme opposition du Hezbollah.

Mercredi, le ministre israélien de la Défense Israël Katz avait averti qu'il n'y aura "pas de calme" au Liban sans sécurité pour son pays.

"Nous ne permettrons aucune menace contre les habitants du nord, et une pression maximale continuera à être exercée et même s'intensifiera", a déclaré M. Katz lors d'une intervention devant le parlement israélien, avançant pour preuve "l'élimination" dimanche à Beyrouth du chef militaire du Hezbollah.

La Présidence libanaise a publié mercredi une déclaration du président Joseph Aoun qui "a rejeté les allégations israéliennes qui portent atteinte au rôle de l'armée et remettent en question son travail sur le terrain, notant que ces allégations ne reposent sur aucune preuve tangible."


Un an après le cessez-le-feu au Liban, la paix reste fragile alors que les violations israéliennes se multiplient

Cette frappe est la cinquième opération israélienne visant la banlieue sud depuis le 27 novembre 2024, et la deuxième à avoir lieu sans avertissement préalable. (Photo d'archive: AFP)
Cette frappe est la cinquième opération israélienne visant la banlieue sud depuis le 27 novembre 2024, et la deuxième à avoir lieu sans avertissement préalable. (Photo d'archive: AFP)
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  • Le cessez-le-feu demeure extrêmement fragile : plus de 5 000 violations israéliennes, une frappe majeure à Beyrouth et un risque réel d’escalade malgré les appels internationaux à la retenue
  • Le Sud-Liban vit une crise humanitaire profonde, avec des villages détruits, jusqu’à 70 000 déplacés et une population abandonnée entre l’État libanais et le Hezbollah

BEYROUTH : Alors que le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah s'apprête à entrer dans sa deuxième année vendredi, les signaux d'alarme retentissent plus fort que jamais quant au risque d’une reprise du conflit au Liban.

L’assassinat dimanche dernier de Haytham Ali Tabatabai, chef militaire du Hezbollah et deuxième figure la plus puissante du mouvement après le secrétaire général Naim Qassem, lors d’une attaque audacieuse dans la banlieue sud de Beyrouth, a brisé les espoirs d’une stabilité durable.

La réponse du Hezbollah — qu’elle prenne la forme d’une action militaire ou d’un simple blâme diplomatique, comme certains cadres l’ont laissé entendre — pourrait déterminer si le cessez-le-feu survivra.

Cette frappe représente la cinquième opération israélienne visant la banlieue sud depuis le 27 novembre 2024, et la deuxième menée sans avertissement préalable.

Les registres officiels font état de 5 350 violations israéliennes du cessez-le-feu en douze mois. Ces violations ont coûté la vie à plus de 340 personnes — principalement des combattants et commandants du Hezbollah, mais aussi des civils, dont des enfants et des femmes — et ont blessé plus de 650 autres.

Dans une escalade notable, les forces israéliennes ont frappé pour la première fois Aïn Al-Héloué, un camp de réfugiés palestiniens.

Les violations répertoriées comprennent 2 198 incursions terrestres, 2 983 opérations aériennes et 169 violations maritimes.

Les forces de maintien de la paix de l’ONU dressent un tableau encore plus sombre, rapportant plus de 7 500 violations aériennes et environ 2 500 violations terrestres au nord de la Ligne bleue depuis l’accord de l’an dernier, ainsi que la découverte et la saisie de plus de 360 caches d’armes abandonnées, remises à l’armée libanaise.

La stratégie d’Israël s’apparente à une campagne d’usure progressive contre le Hezbollah, visant à réduire systématiquement ses capacités tandis que l’armée libanaise s’emploie à désarmer le groupe au sud du fleuve Litani.

L’armée affirme avoir rempli plus de 80 % de ce mandat, avec une échéance fixée à la fin de l’année avant que les opérations ne s’étendent vers le nord — une zone dans laquelle le Hezbollah refuse catégoriquement de rendre ses armes, estimant que la décision revient aux dirigeants politiques libanais.

Le conflit lui-même a porté de lourds coups au Hezbollah, décimant ses rangs et infligeant des pertes catastrophiques à ses stocks d’armement. Mais le plus inquiétant est peut-être l’empiètement physique d’Israël sur le territoire libanais.

Les observateurs de l’ONU ont documenté la construction par l’armée israélienne de murs en T en béton près de la Ligne bleue. Des relevés confirment que ces barrières s’enfoncent dans le territoire libanais au sud-ouest de Yaroun, isolant plus de 4 000 m² de terres libanaises. Des constructions similaires sont apparues au sud-est de la même ville ces dernières semaines.

Plus largement, les forces israéliennes contrôlent cinq positions réparties sur 135 km de territoire libanais — des Fermes de Chebaa à Ras Al-Naqoura — situées 500 à 1 000 mètres au-delà de la Ligne bleue.

L’ONU a exigé des enquêtes rapides et impartiales sur les opérations militaires israéliennes, en particulier la frappe contre le camp de réfugiés palestiniens, évoquant des violations potentielles du droit international humanitaire et appelant à la reddition de comptes.

Vingt ressortissants libanais croupissent dans les prisons israéliennes, principalement à Ofer, parmi lesquels dix membres du Hezbollah capturés lors de combats près d’Aïta Al-Chaab, un officier de marine enlevé lors d’un raid commando, et neuf civils. Leurs familles n’ont reçu aucune information officielle du Comité international de la Croix-Rouge sur leurs conditions ou leur état de santé.

Une source officielle libanaise a estimé que « la libération des détenus fait partie des termes de l’accord de cessez-le-feu, tout comme le retrait des territoires occupés, et le Liban ne détient aucun prisonnier israélien en échange. »

La politique de la terre brûlée menée par Israël dans les villages frontaliers s’est poursuivie, les attaques visant toute tentative de reconstruction. La Banque mondiale estime le coût des travaux à environ 11 milliards de dollars.

« Entre 10 et 15 villages ont été complètement rayés de la carte », affirme Tarek Mazraani, ingénieur à Houla et coordinateur du « Rassemblement des villages frontaliers du Sud ».

Mazraani estime que 65 000 à 70 000 personnes restent déplacées de leurs maisons et de leurs villages détruits.

« Ceux qui sont revenus sont ceux qui ne peuvent littéralement aller nulle part ailleurs, principalement des personnes âgées vivant au milieu des décombres, exposées quotidiennement à l’horreur des bombardements et aux couvre-feux, sans aucun hôpital pour les soigner », a-t-il déclaré à Arab News.

Toute personne souhaitant enterrer un proche doit obtenir l’autorisation de la FINUL, qui informe ensuite Israël pour permettre l’inhumation.

« Malgré cela, l’armée israélienne bombarde à chaque fois les abords du cortège funéraire », ajoute Mazraani.

Il précise que les déplacés ont loué des logements à Nabatiyé, Tyr, Saïda, Iqlim Al-Kharroub, dans la banlieue sud de Beyrouth et au Mont-Liban. La plupart sont agriculteurs, mais on compte aussi des enseignants, des ingénieurs, des travailleurs indépendants et des membres des forces de sécurité.

« Depuis la fin de la guerre, ces gens sont laissés sans aucun soutien officiel ou partisan. L’un des habitants les plus riches de la région, qui a tout perdu, travaille désormais comme livreur », dit-il.

Les personnes déplacées sont prises entre l'État parallèle du Hezbollah et l'État libanais : « Tout le monde exploite leur tragédie, même au sein de notre propre communauté du sud. Les loyers sont extrêmement élevés et nous ne nous sentons jamais chez nous. »

L’un d’eux, qui souhaite rester anonyme, explique : « Ceux qui ne sont affiliés à aucun parti sont loin de la politique. Notre seule préoccupation est d’assurer notre subsistance et une couverture financière en cas d’hospitalisation. Nous nous sentons orphelins et abandonnés, surtout quand une institution du Hezbollah nous dit qu’elle n’a plus d’argent. »

Il ajoute : « Les habitants des zones détruites paient le prix fort. Certains en veulent au Hezbollah pour la guerre et les milliers de morts qu’elle a entraînés, tandis que d’autres craignent que l’autre camp se réjouisse de notre malheur sans jamais nous rassurer. »

Les attentes libanaises face aux menaces israéliennes de relancer la guerre — sapant l’accord de cessez-le-feu négocié par la France et les États-Unis et dont les termes ressemblent fortement aux points principaux de la résolution 1701 — restent contradictoires.

Certains observateurs politiques jugent ces menaces « exagérées », tandis que d’autres estiment qu’« une frappe est inévitable mais n’aboutira pas à une guerre totale ; elle vise à pousser le Liban à négocier ».

Plus tôt ce mois-ci, le président libanais Joseph Aoun a déclaré : « Le Liban n’a pas d’autre choix que de négocier, et le langage de la négociation est plus important que celui de la guerre. »

Le Premier ministre Nawaf Salam l’a confirmé, exprimant son espoir d’un « soutien américain à une solution diplomatique ».

Pour l’heure, cependant, des négociations directes entre le Liban et Israël restent totalement exclues.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Israël: le ministre de la Défense avertit qu'il n'y aura "pas de calme" au Liban sans sécurité pour son pays

Un an après le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne maintient toujours cinq positions dans le sud du Liban, avec des fortifications et des voies d'accès élargies, selon des images satellites analysées par l'AFP. (AFP)
Un an après le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne maintient toujours cinq positions dans le sud du Liban, avec des fortifications et des voies d'accès élargies, selon des images satellites analysées par l'AFP. (AFP)
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  • Israël avertit qu’aucun calme ne reviendra au Liban tant que sa propre sécurité ne sera pas garantie, intensifiant ses frappes malgré la trêve et affirmant vouloir désarmer le Hezbollah
  • L’Égypte tente de désamorcer les tensions, tandis que l’application du cessez-le-feu reste bloquée : l’armée libanaise dit vouloir démanteler les positions du Hezbollah, mais Israël et les États-Unis accusent Beyrouth de traîner

JERUSALEM: Le ministre de la Défense israélien a averti mercredi qu'il n'y aura "pas de calme" au Liban sans sécurité pour son pays, alors qu'Israël a intensifié ses opérations militaires au Liban ces dernières semaines, en dépit d'un accord de cessez-le-feu.

"Nous ne permettrons aucune menace contre les habitants du nord, et une pression maximale continuera à être exercée et même s'intensifiera", a déclaré Israël Katz lors d'une intervention devant le parlement israélien, avançant pour preuve "l'élimination" dimanche à Beyrouth du chef militaire du Hezbollah.

"Il n'y aura pas de calme à Beyrouth ni d'ordre et de stabilité au Liban tant que la sécurité de l'Etat d'Israël ne sera pas garantie", a ajouté M. Katz en affirmant que son pays allait désarmer le Hezbollah.

Le ministre égyptien des Affaires étrangères a déclaré mercredi que son pays oeuvrait à la désescalade des tensions entre Israël et le mouvement armé libanais soutenu par l'Iran.

"Nous craignons toute escalade et nous sommes inquiets pour la sécurité et la stabilité du Liban", a déclaré ce ministre, Badr Abdel Ati, après sa rencontre avec le président libanais Joseph Aoun à Beyrouth mercredi.

"Nous engageons des efforts considérables pour épargner au Liban tout risque, ou toute atteinte, concernant sa sécurité", a-t-il ajouté.

Israël a frappé le Liban à plusieurs reprises malgré la trêve, affirmant régulièrement cibler les membres et les infrastructures du Hezbollah pour empêcher le groupe de se réarmer, ce qu'il nie être en train de faire.

En vertu de l'accord de cessez-le-feu, l'armée libanaise doit démanteler la présence militaire du Hezbollah sur une bande d'une trentaine de kilomètres entre la frontière avec Israël et le fleuve Litani, plus au nord.

L'armée a soumis un plan au gouvernement, dans lequel elle s'engage à accomplir cette tâche titanesque, avant de procéder par étapes sur le reste du territoire libanais. Mais les Etats-Unis et Israël accusent les autorités libanaises de tarder, face à la ferme opposition du Hezbollah.

Ce dernier invoque notamment le maintien par Israël de cinq postes dans le sud du Liban, dont l'accord de cessez-le-feu stipule pourtant que l'armée israélienne doit se retirer.