Le Hirak algérien : Après un «égarement existentiel», le réveil de la jeunesse

Les Algériens se rassemblent dans la ville nordique de Kherrata marquant certaines des premières manifestations du Hirak, le 16 février 2021, deux ans après le début du mouvement de masse qui a balayé l'ancien homme fort Abdelaziz Bouteflika du pouvoir. AFP
Les Algériens se rassemblent dans la ville nordique de Kherrata marquant certaines des premières manifestations du Hirak, le 16 février 2021, deux ans après le début du mouvement de masse qui a balayé l'ancien homme fort Abdelaziz Bouteflika du pouvoir. AFP
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Publié le Vendredi 30 avril 2021

Le Hirak algérien : Après un «égarement existentiel», le réveil de la jeunesse

  • Le Hirak est à l’évidence un mouvement social, même si l’essence des revendications est d’ordre politique
  • Pour le Pr Arous, ce soulèvement était «inévitable»

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Irak, Algérie, Liban: ces trois pays arabes ont connu ces deux dernières années des mouvements de contestation populaire ou «Hiraks». Survenus près d’une décennie après les soulèvements des Printemps arabes, ces mouvements ont la particularité d’être portés par une nouvelle génération plus jeune, plus virulente contre le pouvoir, et plus en harmonie avec son époque. Mais elle est surtout nettement mieux équipée pour exploiter et manœuvrer les modes de communication 2.0, en l’occurrence les réseaux sociaux, à des fins de mobilisation politique. Dans une série d’articles, Arab News en français se penche, à l’aide de spécialistes de chacun de ces trois pays, sur ces Hiraks qui, bien qu’ils s’inscrivent dans la même époque et se réclament d’une même mouvance, affichent chacun des particularités très spécifiques aux défis sociaux, politiques et économiques de Bagdad, d’Alger et de Beyrouth.

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ALGER : Depuis le déclenchement, le 22 février 2019, du mouvement populaire communément connu sous le nom de «Hirak», le climat politique algérien a subi d’importantes métamorphoses. Ce soulèvement pacifique, d’une ampleur inédite dans l’histoire de l’Algérie indépendante, est devenu «l’exemple» à suivre pour de nombreuses populations du monde, surtout qu’il a réussi l’impossible: faire tomber le projet de nouveau mandat d’un président au pouvoir depuis vingt ans.

Le Hirak est à l’évidence un mouvement social, même si l’essence des revendications est d’ordre politique. Ce mouvement populaire massif et continu doit justement sa longévité, voire sa survie, au fait qu’aucun parti politique, aucune association et aucun leadership ne peut revendiquer ou faire valoir sa paternité, même si les velléités de récupérations politiques et les tentatives de manipulation sont nombreuses et récurrentes.

Le mouvement n’a pas échappé à l’analyse des sociologues qui se sont penchés sur ces Algériens qui se sont réappropriés la chose politique, et qui s’impliquent, de manière significative, dans l’édification d’une «Algérie nouvelle».

Qu'est-ce qui a contribué à cet éveil politique de la jeunesse algérienne, longtemps démissionnaire? Pourquoi ce soulèvement a-t-il tardé à apparaître? Dans quel carrefour le Hirak algérien rencontre-t-il et/ou se différencie-t-il des autres mouvements dans la région? Alors, que s'est-il concrètement passé depuis deux ans dans le pays? Quels ont été les acquis du Hirak?

Pour répondre à ces questions Arab News en français a contacté le Pr Arous Zoubir, éminent sociologue et directeur du laboratoire Religion et Société, de l’Université d'Alger 2. Il nous a présenté une analyse sociopolitique de la situation.

«Un avant et un après 22 février»

Pour le Pr Arous, ce soulèvement était «inévitable». Il parle d’ailleurs d’un éveil national dont les raisons sont claires et connues. Elles sont notamment liées à la pratique d'un système qui a mené le pays au bord de la faillite. On parle là, explique le professeur, d’un système qui a détruit la société du point de vue de l'éthique, qui a détruit le sentiment d'appartenance à la patrie et qui a amené tout Algérien à ressentir de l'humiliation en voyant sa dignité piétinée.

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Le Pr Arous Zoubir, directeur du laboratoire Religion et Société, Université d'Alger 2, Faculté des Sciences sociales. Photo fournie.

Le sociologue évoque un élan populaire de masse dominé par la présence de la jeunesse algérienne qui été longtemps absente de la sphère politique et sociétale. «Des jeunes sont sortis à travers tous les villages et toutes les villes du pays avec un slogan et une discipline remarquable. Je pense réellement qu'il y a dans l'histoire du pays un avant et un après 22 février», a assuré Arous.

Tout a commencé le 16 février dans la ville de Kherrata (une commune de la wilaya de Béjaïa, située à plus de 300 km à l’est d'Alger). L’Algérie a vu naître son mouvement populaire, provoqué par la candidature de l'ancien président Abdelaziz Bouteflika pour un cinquième mandat, en dépit de son état de santé et de son incapacité à assumer les responsabilités qu'impose le statut présidentiel.

Cette révolte s'est métamorphosée en un sursaut populaire à partir 22 février 2019. «Si nous mobilisons l'outil conceptuel de l'analyse historique, on peut affirmer que le Hirak fait partie des mouvements de contestations que le pays a connu depuis les années 1980», affirme le spécialiste.

«Pacifisme» et «civisme», marques du Hirak

Sociologiquement, en comparaison avec les mouvements sociaux précédents, le Hirak a rapidement pris de l'ampleur et s'est étalé sur tout le territoire national avec une participation hétérogène de la population de différentes affiliations culturelles. «S’ajoute à cela la pluralité de la participation qui va des militants des partis et des dichotomies politiques, et des polarisations idéologiques. Sans oublier le facteur “genre” dans la définition des publics manifestants à l'instar des individus, familles, associations féminines et féministes», explique Arous.

L’autre aspect mis en exergue par le chercheur est le pacifisme (Silmiya) du mouvement qui a caractérisé depuis le début les manifestations dans tout le pays, avec la conscience en la continuité de la lutte. Pour Zoubir Arous, le choix du pacifisme comme paradigme différencie clairement le Hirak algérien des autres révoltes populaires que plusieurs pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena) ont connues depuis 2011, sous le nom de «Printemps arabe», à l'image de la Tunisie, l'Égypte, la Syrie, le Yémen, la Libye, l'Irak, et enfin le Soudan. 

Printemps arabes - Hirak : symétries et différences

En dépit des spécificités des contextes nationaux des mouvements de protestations de ces différents pays, il est certain, selon Arous, que les circonstances objectives sont similaires, en considération de la structure dominante et tyrannique multidimensionnelles de ces régimes, qu'ils soient du Maghreb ou du Machrek. «Ce n’est donc pas une exception historique, mais la conséquence inévitable et objective d’une combinaison de facteurs, allant de la dégradation du niveau de vie, social et culturel, et du recul de la pratique politique caractérisée par une corruption généralisée», précise-t-il.

Poursuivant ses propos, le sociologue explique que cet ensemble de facteurs a cristallisé la gronde populaire et a agrégé les mécontentements d’ordre politique, pour activer ensuite la mèche des révoltes composées de forces sociales aux profils sociologiques hybrides, et pas forcément en accord avec ce qu'imposent les structures partisanes des partis politiques, ou des organisations civiles.

Nouveaux acteurs individuels et «cadrage symbolique»

Il note, par ailleurs, que la diversité des publics et masses participant aux manifestations, le refus de toute forme de représentation ont fait émerger des acteurs individuels, qui se sont hissés par la suite comme leaders assumant la fonction de «cadrage symbolique»  au sein des manifestations des étudiants (les mardis) et celles des vendredis. Et ce, en dépit du verrouillage hermétique, du rétrécissement des espaces d'expression, et de l'arrestation de plusieurs militants à travers le territoire national.

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Des manifestants anti-gouvernementaux algériens descendent dans les rues de la capitale Alger alors que le mouvement pro-démocratie "Hirak" reprend son élan après une interruption d'un an en raison de la pandémie de coronavirus, le 26 février 2021. AFP

Cette nouvelle catégorie de militants a permis au mouvement populaire de se libérer du joug d'un cadrage politique et d'une domination idéologique exercée par les partis et les élites autant démocratiques qu’islamistes, et personnels politiques des mêmes sphères d'une opposition calcifiée.

Notre interlocuteur a mis en relief la puissance d'une jeunesse active ressuscitée après une période d'hibernation, ce qu’il a qualifié d'«égarement existentiel», et cela, à la suite du choc de la violence dévastatrice de la décennie noire (les années 1990)  

«Nous sommes là face à une jeunesse consciente qui, grâce à sa formation, et en raison de la nouvelle réalité de l'environnement techno-médiatique, fait dorénavant partie des segments les plus en phase avec les métamorphoses que connaît le pays, et des différents enjeux du moment, que ce soit sur les plans politique, économique, culturel ou social», a-t-il indiqué.

Faire face aux anciennes formations politiques

Cette nouvelle puissance politique est diamétralement opposée aux forces politiques classiques qui se décomposent en trois catégories principalement.

Il s’agit, selon Zoubir Arous, des formations politiques dites «démocratiques» regroupées au sein du Pacte pour l'alternative démocratique (PAD) et rejetant toute proposition émanant du régime dans sa tentative pour sortir de la crise multidimensionnelle en adoptant le stratagème de la continuité.

Il est question également, des formations politiques dites «nationalistes» ayant marqué leur retour en force sur la scène politique algérienne. Et enfin, les formations politiques de tendances islamistes du courant des frères musulmans qui ont opéré un tournant allant des discours refusant la démarche du régime à  une collaboration active avec lui, par l'appel à la participation aux élections législatives prévues pour le  12 juin prochain, sans aucune vision claire pour sortir de l'impasse actuelle, conformément aux revendications légitimes de la jeunesse du Hirak, dont l'essence était et reste: Yetnahaw Gaâ («qu'ils partent tous»), sans atteinte aux fondements de l’État, qui de ce fait nécessite une réforme structurelle.


Syrie: raids israéliens sur les environs de Damas, cinq blessés

Cette capture d'écran d'une vidéo fournie par l'agence de presse officielle syrienne SANA montre des missiles volant dans le ciel près de Damas, en Syrie, le mardi 25 décembre 2018 (AP).
Cette capture d'écran d'une vidéo fournie par l'agence de presse officielle syrienne SANA montre des missiles volant dans le ciel près de Damas, en Syrie, le mardi 25 décembre 2018 (AP).
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  • Selon l'Observatoire, les raids israéliens ont visé à deux reprises des positions de la défense antiaérienne syrienne dans lesquelles sont également postés des combattants du Hezbollah
  • Ces positions se trouvent au nord de Damas, à une dizaine de kilomètres de la frontière avec le Liban

BEYROUTH: Des frappes israéliennes ont visé dans la nuit de dimanche à lundi des positions des forces antiaériennes de l'armée syrienne où des combattants du Hezbollah libanais sont également déployés, faisant cinq blessés, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Le ministère syrien de la Défense a indiqué dans la nuit qu'une "agression israélienne" avait visé "des positions dans les environs de Damas", faisant état de fortes explosions entendues dans la capitale.

La défense antiaérienne est entrée en action et a pu "abattre plusieurs missiles", avait ajouté le ministère, sans faire état de victime.

Selon l'Observatoire, les raids israéliens ont visé à deux reprises des positions de la défense antiaérienne syrienne dans lesquelles sont également postés des combattants du Hezbollah.

Ces positions se trouvent au nord de Damas, à une dizaine de kilomètres de la frontière avec le Liban, a précisé l'OSDH qui dispose d'un vaste réseau de sources sur le terrain en Syrie.

Des batteries antiaériennes situées entre l'aéroport international de Damas et Sayyida Zeinab, important lieu de pèlerinage chiite au sud-est de la capitale où les combattants pro-iraniens sont fortement déployés, ont également été visées, selon la même source.

Il s'agit des premières frappes israéliennes sur la Syrie depuis début mai, lorsque des raids sur le nord du pays avaient mis hors service l'aéroport d'Alep et fait neuf morts selon un nouveau bilan de l'OSDH.

Depuis le début de la guerre en Syrie en 2011, Israël a mené des centaines de frappes aériennes contre des positions du régime ainsi que des forces iraniennes et du Hezbollah, alliés de Damas et ennemis jurés d'Israël.

Israël commente rarement ces frappes au cas par cas, mais affirme vouloir empêcher l'Iran de s'implanter à ses portes.


Inauguration de la 18e édition du Forum des médias arabes au Koweït

La 18e édition du Forum des médias arabes au Koweït. (Kuna)
La 18e édition du Forum des médias arabes au Koweït. (Kuna)
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  • Lors d’une table ronde, Jamil al-Thiyabi, rédacteur en chef du journal saoudien Okaz, soutient que l’essor de l’intelligence artificielle aurait des répercussions sur les médias du monde entier
  • Walid al-Jasim, rédacteur en chef du journal koweïtien Al-Rai, affirme que les réseaux sociaux permettent une plus grande liberté d’expression par rapport aux médias traditionnels

KOWEÏT: La 18e édition du Forum des médias arabes a débuté dimanche au Koweït sous l’égide du Premier ministre, cheikh Ahmad Nawaf al-Sabah.
L’événement a mis l’accent sur une série de questions relatives à l’avenir des médias dans la région, rapporte l’agence de presse koweïtienne.
Lors d’une table ronde, Jamil al-Thiyabi, rédacteur en chef du journal saoudien Okaz, soutient que l’essor de l’intelligence artificielle (IA) aurait des répercussions sur les médias du monde entier, soulignant l’importance de suivre l’évolution de l’IA dans les médias, plutôt que de rester à la traîne.
Le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe chargé des médias, Ahmed Khattabi, insiste sur l’importance de relever les défis posés par les médias numériques, ajoutant que l’amélioration des capacités des médias ne devrait pas éclipser des sujets extrêmement importants pour le monde arabe, en particulier la cause palestinienne.
Dans le même temps, Walid al-Jasim, rédacteur en chef du journal koweïtien Al-Rai, déclare que les médias arabes font face à des défis en lien avec la liberté des médias, ajoutant que les réseaux sociaux permettent une plus grande liberté d’expression par rapport aux médias traditionnels.
Hatim al-Taie, rédacteur en chef du journal omanais Al-Roya, avertit que les jeunes travaillant dans le secteur devaient se préparer à la transformation imminente des médias numériques. Il a appelé la Ligue arabe à taxer les groupes médiatiques internationaux afin de financer les entités médiatiques dans le monde arabe.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


La Ligue arabe exhorte la communauté internationale à mettre fin aux crimes d'Israël contre les enfants palestiniens

Réaction de deux enfants palestiniens face à une nouvelle vague de violence qui plonge les enfants de Gaza dans une situation critique sur le plan de la santé mentale. (Archive/Reuters)
Réaction de deux enfants palestiniens face à une nouvelle vague de violence qui plonge les enfants de Gaza dans une situation critique sur le plan de la santé mentale. (Archive/Reuters)
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  • Cet appel a été lancé par la secrétaire générale adjointe de la Ligue arabe, Haïfa Abou Ghazaleh, lors de son discours à la conférence régionale sur la prévention des crimes commis à l’encontre des enfants dans les conflits armés
  • Haïfa Abou Ghazaleh souligne l’importance du respect des lois nationales et des conventions internationales afin de protéger les enfants de la violence

DOHA: La Ligue arabe a exhorté la communauté internationale à intervenir auprès d’Israël pour qu’il renonce aux violations qu’il commet à l’encontre des enfants palestiniens et pour le pousser à protéger leurs droits et leur sécurité. Cet appel a été lancé par la secrétaire générale adjointe de la Ligue arabe, Haïfa Abou Ghazaleh, lors de son discours à la conférence régionale sur la prévention des crimes commis à l’encontre des enfants dans les conflits armés. Cette conférence a été organisée en ligne sous l’égide du Qatar. Elle a insisté sur l’importance du thème de la conférence et elle a passé en revue tous les conflits et crises humanitaires qui secouent le monde arabe et qui touchent particulièrement les enfants. Elle a évoqué par ailleurs les mesures prises par les pays arabes pour résoudre ce problème, notamment la 18e réunion du Comité de la Ligue arabe sur la violence à l’encontre des enfants. La communauté internationale doit tenir les auteurs de ces crimes responsables de leurs actes et veiller à ce qu’ils soient poursuivis en justice. Selon la secrétaire générale, c’est le seul moyen de prévenir de nouvelles violations à l’encontre des enfants palestiniens et de promouvoir la justice.
Mme Abou Ghazaleh a souligné l’importance du respect des lois nationales et des conventions internationales afin de protéger les enfants de la violence.
 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.