On ne peut pas faire confiance à l'Iran pour respecter un accord nucléaire

Hassan Rohani et le chef de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (AEOI) Ali Akbar Salehi devant la centrale nucléaire de Boushehr, le 13 janvier 2015 (Wikimedia Commons)
Hassan Rohani et le chef de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (AEOI) Ali Akbar Salehi devant la centrale nucléaire de Boushehr, le 13 janvier 2015 (Wikimedia Commons)
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Publié le Vendredi 14 mai 2021

On ne peut pas faire confiance à l'Iran pour respecter un accord nucléaire

On ne peut pas faire confiance à l'Iran pour respecter un accord nucléaire
  • Si un accord sur le nucléaire iranien est conclu, Téhéran continuera à poursuivre ses activités clandestines tout en bénéficiant simultanément de ses avantages
  • Un an après la signature initiale de l'accord sur le nucléaire, deux rapports de renseignement crédibles avaient révélé que l'Iran n'avait pas l'intention d'honorer ses engagements

Les développements récents suggèrent qu'un compromis sur l'accord nucléaire iranien entre Téhéran et les puissances mondiales «5+1» (États-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni et France, plus l'Allemagne) est à portée de main.

Avec la relance attendue de l'accord sur le nucléaire de 2015, toutes les sanctions majeures contre le régime iranien seront probablement levées. Alors que l'administration Biden refuse de divulguer les sanctions qu'elle entend supprimer, le président iranien, Hassan Rohani, a surpris en révélant samedi avoir «atteint un point où les Américains et les Européens disent ouvertement qu'ils n'ont pas d'autre choix que de lever les sanctions – en tout cas les principales – et de revenir à l’accord de 2015. Les pourparlers se poursuivent maintenant sur certains détails».

Bien que Joe Biden ait auparavant déclaré qu'il souhaitait un accord plus fort avec l'Iran que celui conclu en 2015, la prochaine reconduction sera probablement identique au «plan d'action global conjoint» (JCPOA) original.

Les autorités iraniennes ont clairement indiqué qu'elles n'accepteraient pas un accord différent, qui pourrait inclure des restrictions sur son programme de missiles balistiques, ou conduire Téhéran à revoir sa politique étrangère au Moyen-Orient. En outre, le fait de parvenir à un accord dans un laps de temps aussi court suggère qu'aucune nouvelle question n'a été intégrée dans les négociations.

Il s'ensuit donc que l'accord potentiel entre l'Iran et les six puissances mondiales comprendra les clauses précédentes, qui fixent une date d'expiration ferme pour les restrictions sur le programme nucléaire iranien. Après cette date, les dirigeants du pays seront libres de faire tourner des centrifugeuses et d'enrichir de l'uranium au niveau qu'ils souhaitent. L’accord potentiel exemptera très probablement de nouveau les sites militaires iraniens de l’inspection de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

La résurrection de l'accord sur le nucléaire permettra également au régime iranien de rejoindre le système financier mondial, lui conférant une plus grande légitimité, et lui permettant d’engranger des milliards de dollars supplémentaires dans sa trésorerie.

Si un accord est conclu rapidement, que fera le régime iranien de son programme nucléaire? Honorera-t-il les termes de l'accord? Le régime continuera très probablement ses activités nucléaires clandestines malgré tout, car c'est ce que l'histoire récente de l'Iran a montré à la communauté internationale. Pour mémoire, un an après la signature initiale de l'accord sur le nucléaire, deux rapports de renseignement crédibles et opportuns ont révélé que l'Iran n'avait pas l'intention d'honorer ses engagements.

En effet, l'agence de renseignement intérieure allemande, l'Office fédéral pour la protection de la Constitution, a révélé dans son rapport annuel de 2016 que le gouvernement iranien avait suivi une voie «clandestine» pour obtenir de la technologie et des équipements nucléaires illicites d'entreprises allemandes, «à un niveau quantitativement élevé, si l’on s’en tient aux normes internationales». Le rapport ajoutait qu'«on peut s'attendre à ce que l'Iran poursuive ses activités d'achat de manière intensive en Allemagne, en utilisant des méthodes clandestines pour atteindre ses objectifs». Même la chancelière allemande, Angela Merkel, avait critiqué l'Iran à l'époque, insistant sur l'importance de ces constats.

Par ailleurs, un autre rapport détaillé de l’Institut pour la science et la sécurité internationale semble éclairer davantage les activités nucléaires secrètes de l’Iran. Il souligne avoir appris «que l’Organisation iranienne de l’énergie atomique (OIEA) a récemment tenté d’acheter des tonnes de fibre de carbone à un pays étranger. Cette tentative a eu lieu après la journée de mise en œuvre du JCPOA, et soulève donc des inquiétudes quant aux vrais engagements de l'Iran. Le rapport note également que «la tentative d'achat de fibre de carbone est un autre exemple des efforts déployés par le groupe “5 + 1ʺ pour garder secrètes les actions iraniennes problématiques».

«Un an après la signature de l’accord sur le nucléaire iranien, deux rapports du renseignement ont révélé que l'Iran n'avait aucune intention d'honorer ses engagements» Dr Majid Rafizadeh

En outre, la détection de particules radioactives à Turquzabad, où Israël a accusé l'Iran d'exploiter une installation nucléaire secrète, et la réticence persistante de l'Iran à répondre à des questions simples sur cette question, prouvent que Téhéran a très probablement violé l’accord sur le nucléaire depuis son entrée en vigueur. Après tout, l'Iran a l'habitude de tromper l'AIEA en menant des activités nucléaires clandestines, comme il l'a fait par le passé à Arak, Natanz et Fordow.

Enfin, pendant que l'accord sur le nucléaire était en vigueur, le régime iranien a dépassé la quantité d'eau lourde  ̶  qui peut être utilisée pour l'énergie nucléaire ou produire des armes nucléaires  ̶   qu'il était autorisé à posséder. Téhéran a accepté de maintenir son stock d'eau lourde à moins de 130 tonnes métriques, mais l'AIEA a signalé en 2016 que l'Iran avait dépassé ce seuil à plusieurs reprises. Le directeur général de l'organisation, Yukiya Amano, avait déclaré à l'époque : «Pour la deuxième fois depuis le début de la mise en œuvre du JCPOA, l’inventaire d’eau lourde de l’Iran a dépassé 130 tonnes métriques.»

Au final, si un accord est conclu, le régime iranien continuera très probablement à poursuivre ses activités nucléaires clandestines tout en bénéficiant simultanément de ses avantages.

 

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard. Twitter: @Dr_Rafizadeh

 

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