La main de fer du prochain président iranien

Le candidat à la présidentielle iranienne, Ebrahim Raïssi, lors du premier débat télévisé entre les candidats à la présidentielle iranienne. (Dossier/AFP)
Le candidat à la présidentielle iranienne, Ebrahim Raïssi, lors du premier débat télévisé entre les candidats à la présidentielle iranienne. (Dossier/AFP)
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Publié le Mardi 08 juin 2021

La main de fer du prochain président iranien

La main de fer du prochain président iranien
  • Raïssi a réussi à prouver sa loyauté à Khomeini en tant que procureur dans les premières années qui ont suivi la révolution. Il aurait réduit au silence de nombreux dissidents et groupes d'opposition
  • Il a été membre de la «Commission de la mort», qui a supervisé l’exécution de plus de 30 000 personnes – dont des enfants et des femmes enceintes –, lors d’une purge en 1988

L'élection présidentielle iranienne aura lieu dans moins de deux semaines, et Ebrahim Raïssi, le chef de la justice du pays, semble en être le principal candidat. Mais qui est-il exactement?

Né en 1960 dans la ville de Machhad, Ebrahim Raïs al-Sadati, aussi appelé Ebrahim Raïssi, a suivi ses études dans un séminaire chiite de sa ville natale, à l'époque de Mohammed Reza Shah. Il s’est ensuite inscrit au séminaire de Qom. Adolescent ambitieux à l’époque de la révolution islamique de 1979 en Iran, Raïssi a commencé à coopérer avec le parti politique de l'ayatollah Khomeini. Il a saisi cette opportunité, et a prouvé sa fidélité aux idéaux révolutionnaires du père fondateur de la République islamique.

En montrant qu'il n'hésiterait pas à réprimer ceux qui s'opposent à la République islamique ou qui menacent sa survie, Raïssi a été nommé juge au bureau du procureur de Karaj à l'âge de 19 ans, bien que n’ayant officiellement aucune formation universitaire. Un an plus tard, il était nommé procureur de Karaj, la quatrième plus grande ville d'Iran. En outre, il a également été nommé procureur de la province de Hamadan, dans l'ouest du pays, occupant ainsi les deux postes en même temps.

Raïssi a réussi à prouver sa loyauté à Khomeini en tant que procureur dans les premières années qui ont suivi la révolution. Il aurait réduit au silence de nombreux dissidents et groupes d'opposition. Il exercera plus tard encore plus de pouvoir, en communiquant directement avec le Guide iranien.

À l’âge de 24 ans, Raïssi a été nommé adjoint du bureau du procureur du tribunal révolutionnaire, où il aurait été connu et impliqué dans l'une des plus grandes exécutions de masse au monde, en tant que membre de la «Commission de la mort». Plus de 30 000 personnes ont en effet été exécutées – dont des enfants et des femmes enceintes –, lors de la purge de 1988. Un projet de résolution américain de 2016 établissait que «sur une période de quatre mois, en 1988, le gouvernement de la République islamique d'Iran a procédé à des exécutions de masse barbares de milliers de prisonniers politiques, et de nombreux groupes politiques indépendants… Selon un rapport du Centre de documentation sur les droits de l’homme en Iran, le massacre a été perpétré conformément à une fatwa, ou décret religieux, émis par l'ayatollah Khomeini.»

Le défunt Hossein-Ali Montazeri – l'un des pères fondateurs de la République islamique, militant des droits de l'homme, théologien islamique et successeur désigné de Khomeini jusqu'aux tous derniers instants de la vie de ce dernier – a déclaré à propos de ce massacre: «Je crois que c'est le plus grand crime commis dans la République islamique depuis la révolution (1979), et l'Histoire nous condamnera pour cela… L'Histoire vous citera comme des criminels.»

Raïssi a réussi à prouver sa loyauté à Khomeini en tant que procureur, dans les toutes premières années qui ont suivi la révolution.

Dr Majid Rafizadeh

Montazeri a supplié Raïssi et ses collègues de mettre fin aux exécutions. Dans ses mémoires, il se remémorait cette période tragique: «C'était le premier jour de Muharram (mois islamique). J'ai demandé à M. Nayyeri, M. Eshraqi, M. Raïssi et M. Pourmohammadi d’arrêter les exécutions au cours de ce mois. M. Nayyeri m'a répondu: ʺNous avons exécuté jusqu'à présent 750 personnes à Téhéran, et nous avons établi une liste de 200 autres qui persévèrent dans leur prises de position. Nous allons en finir avec eux, et quoi que vous disiez, nous le ferons quand mêmeʺ.»

Après une décennie passée à réprimer avec succès l'opposition, obéir aux ordres de Khomeini, ouvrir la voie aux exécutions, et consolider le pouvoir de la République islamique, Raïssi a encore prouvé sa loyauté envers le régime, et a gravi les échelons politiques grâce à une série de promotions et de nominations émanant du Guide suprême. Il a été nommé à des postes tels que procureur de Téhéran, président du Conseil national de surveillance de la télévision, chef du Bureau de l'inspection générale, et procureur général.

Lorsque le prétendu président modéré, Hassan Rohani, a pris ses fonctions, il était conscient des liens profonds de Raïssi avec le régime et le Guide suprême. Raïssi a ensuite été nommé à la tête de la fondation Astan Qods Razavi, qui génère des milliards de dollars de revenus, et qui est exonérée d'impôts. Sous la présidence de Rohani, d'autres membres de la «Commission de la mort» ont été promus, notamment Mostafa Pourmohammadi, l'ancien représentant du ministère des Renseignements à la tristement célèbre prison d'Evin, nommé ministre de la Justice.

Enfin, le Guide suprême, Ali Khamenei, a nommé en 2019 Raïssi à la tête du système judiciaire du régime. Après sa nomination, Raïssi a déclaré dans un discours à la 23e Assemblée nationale des commandants et responsables du Corps des gardiens de la révolution islamique: «Nous ne couperons pas les doigts de ceux qui sont corrompus; nous leur couperons toute la main.»

Le département du Trésor américain a placé Raïssi sur sa liste de sanctions en novembre 2019.

En résumé, bien que n'ayant jamais occupé de poste en tant qu’élu, Raïssi s'est frayé un chemin jusqu'au sommet en agissant d’une main de fer.

 

 

Dr. Majid Rafizadeh est un politologue iranien-américain diplômé de Harvard. Twitter : @Dr_Rafizadeh.

Clause de non-responsabilité : Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com