Le président élu iranien devrait faire face à une enquête pour crimes contre l'humanité

Sur cette photo d'archive prise le 18 juin 2021, le président iranien, Ebrahim Raïssi, salue le public après avoir voté lors de l'élection présidentielle, à Téhéran. (AFP)
Sur cette photo d'archive prise le 18 juin 2021, le président iranien, Ebrahim Raïssi, salue le public après avoir voté lors de l'élection présidentielle, à Téhéran. (AFP)
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Publié le Mercredi 07 juillet 2021

Le président élu iranien devrait faire face à une enquête pour crimes contre l'humanité

Le président élu iranien devrait faire face à une enquête pour crimes contre l'humanité
  • En l'espace d'environ deux mois, près de 30 000 prisonniers politiques ont été exécutés à la hâte
  • Il incombe à l'ONU et à l'Occident d'ouvrir une enquête officielle sur les actions de Raïssi et de le traduire en justice

Le régime iranien a réussi à installer Ebrahim Raïssi comme prochain président. C'est un coup dur pour le peuple iranien: ce dernier lutte depuis quatre décennies pour établir un système de gouvernance démocratique qui garantit l'état de droit, les libertés d'expression, de presse et de rassemblement, et le respect des droits de l'homme dans le pays.

Raïssi n'est pas un politicien ordinaire. On le surnomme «le Boucher» en raison de son rôle au sein de la «commission de la mort», dans les années 1980. Beaucoup d'Iraniens le méprisent profondément au vu de son passé meurtrier.

Après sa victoire orchestrée lors de l’élection du mois dernier, la secrétaire générale d'Amnesty International, Agnès Callamard, a fait une déclaration importante sur ses antécédents. Elle affirme: «Le fait qu'Ebrahim Raïssi ait accédé à la présidence au lieu de faire l'objet d'une enquête pour crimes contre l'humanité, disparition forcée et torture est un sombre rappel que l'impunité règne en maître en Iran. En 2018, notre organisation a décrit les faits et méfaits d’Ebrahim Raïssi, membre de la “commission de la mort” qui a fait disparaître de force et exécuter extrajudiciairement, en secret, des milliers de dissidents politiques dans les prisons d'Evin et de Gohardasht, près de Téhéran, en 1988. Les circonstances qui entourent le sort des victimes et le lieu où se trouvent leurs corps sont, à ce jour, systématiquement dissimulés par les autorités iraniennes, ce qui équivaut à des crimes continus contre l'humanité.»

Les crimes contre l'humanité du président élu et son rôle dans le massacre de dizaines de milliers de prisonniers politiques ne doivent pas être ignorés ou sous-estimés. En l'espace d'environ deux mois, près de 30 000 prisonniers politiques, dont certains ont participé à la révolution de 1979, qui a conduit à l'accession au pouvoir du clergé, ont été exécutés à la hâte. 

Le rôle de Raïssi dans le massacre de dizaines de milliers de prisonniers politiques ne doit pas être ignoré ou sous-estimé.

Dr Majid Rafizadeh

Dans l'une des plus grandes purges massives de dissidents de l'histoire, certains prisonniers politiques ont été alignés devant un peloton d'exécution et d'autres ont été exécutés par pendaison. Il n'y a eu aucun procès et beaucoup ignoraient qu'ils allaient être tués quelques minutes avant leur exécution. Ceux qui sont morts ont été enterrés dans des fosses communes sans que leurs familles soient informées de leur sort.

Cet événement a choqué la nation et de nombreuses familles ne savent toujours pas où sont enterrés leurs proches. Des filles, des femmes enceintes et des enfants figuraient parmi les personnes exécutées. Des femmes auraient été violées devant leur mari ou leurs frères. Le regretté Hossein Ali Montazeri – l'un des pères fondateurs du régime, qui fut également un militant des droits de l'homme, un théologien et le successeur désigné du Guide suprême, l'ayatollah Khomeini, jusqu'aux tout derniers moments de la vie de de ce dernier – écrit dans ses mémoires: « Beaucoup de ceux qui étaient arrêtés […] étaient des filles et ils les exécutaient pour avoir fait la guerre à Dieu. J'ai dit aux fonctionnaires judiciaires et d'Evin et à d'autres […] qu'ils ne devaient pas exécuter de filles. J'ai dit aux juges de ne pas condamner à mort les filles. C'est ce que j'ai dit. Mais ils ont perverti mes propos et leur ont fait dire: “N'exécutez pas les filles. Épousez-les d'abord pour une nuit, puis exécutez-les.”»

Ce qui est également choquant, c'est que Raïssi est fier de son rôle dans les exécutions de masse. Interrogé à ce sujet, il a ainsi déclaré que, en réalité, il devrait être salué pour ses actions. «Tout ce que j'ai fait pendant mon mandat a été de défendre les droits humains. Si un expert juridique, un juge ou un procureur a défendu les droits des gens et la sécurité de la société, il doit être loué et soutenu pour avoir préservé leur sécurité contre les agressions et les menaces», a-t-il prétendu. Un autre membre de la «commission de la mort», Mostafa Pourmohammadi, a fait écho à ce message, se disant fier d’«exécuter la volonté de Dieu» et affirmant que ses actes ne lui avaient pas fait perdre le sommeil.

Raïssi est un homme extrêmement dangereux. Il est nécessaire de rappeler qu'il se trouvait à la tête de la justice iranienne lorsque 1 500 personnes environ, parmi lesquelles des adolescents et des centaines de femmes, ont été tuées et beaucoup d'autres arrêtées, emprisonnées et torturées lors des manifestations de 2019.

Il incombe à l'ONU [l’Organisation des Nations unies] et à l'Occident d'ouvrir une enquête officielle sur les actions de Raïssi et de le traduire en justice.

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard, expert reconnu sur l'Iran et la politique étrangère des États-Unis, homme d'affaires et président de l'International American Council. Il siège aux conseils d'administration de la Harvard International Review, du Harvard International Relations Council et de l’US-Middle East Chamber for Commerce and Business.

Twitter : @Dr_Rafizadeh

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com