Racil Chalhoub: «Beyrouth me donne davantage envie de m’habiller que Londres»

Que Racil Chalhoub aime la mode, c’est une évidence depuis ce fameux jour où sa mère l’emmène assister à un défilé de mode Marinelli à l’hôtel Georges V, à Paris. Photo fournie
Que Racil Chalhoub aime la mode, c’est une évidence depuis ce fameux jour où sa mère l’emmène assister à un défilé de mode Marinelli à l’hôtel Georges V, à Paris. Photo fournie
Short Url
Publié le Mardi 06 juillet 2021

Racil Chalhoub: «Beyrouth me donne davantage envie de m’habiller que Londres»

  • À Londres, la jeune Libanaise lance Racil, sa marque de smokings pour femmes, en hommage à sa mère
  • «Tout d’un coup, c’est comme si on avait tout débranché. On se demande alors comment tout rebrancher», confie la créatrice

Que Racil Chalhoub aime la mode, c’est une évidence depuis ce fameux jour où sa mère l’emmène assister à un défilé de mode Marinelli à l’hôtel Georges V, à Paris. La petite fille de 10 ans en sort époustouflée: «C’est exactement ce que je veux faire!», affirme-t-elle alors à sa mère.

En 2015, le rêve se réalise. À Londres, la jeune Libanaise lance Racil, sa marque de smokings pour femmes, en hommage à sa mère – car elle n’a pas seulement hérité de son prénom, mais aussi de son sens aigu, et un peu décalé, de la mode. Puis elle enrichit la gamme avec des robes, des petits hauts, tout en veillant à conserver l’ADN de la marque.

Avec la Covid, tout s’arrête, ou presque. Cette période est l’occasion pour Racil, née au Liban, ayant grandi à Paris et désormais installée à Londres, de se poser, de réfléchir, de se recentrer sur l’essentiel. Et peut-être, aussi, se soustraire au diktat de l’horloge. Une nouvelle collection voit le jour: une explosion de couleurs, histoire de contrebalancer les leggings noirs et sweats gris portés pendant le confinement. Pour la collection hiver à venir, le noir a été remplacé par le marron et des couleurs plus fraîches ont fait leur apparition, comme le corail, le fuchsia, le jaune...

Depuis son appartement londonien, par une matinée au temps maussade, Racil Chalhoub revient pour Arab News en français sur cette année particulière, mais aussi sur ses inspirations et ses envies pour la prochaine collection.

Nous sortons à peine du confinement et la pandémie de Covid-19 n’est pas encore derrière nous. Comment cette période de confinement a-t-elle changé votre manière de créer, votre travail quotidien?

Dans mon travail, il y a deux facettes complémentaires: la création (je suis la styliste, donc je dessine tout) et la gestion – qu’il s’agisse de la compagnie, du business, des employés... La Covid a vraiment affecté ces deux aspects.

racil
Pour Racil Chalhoub, c’est difficile de rester inspirée quand on est enfermée à la maison, seule, pendant plusieurs mois. Photo fournie.

Pour le côté créatif, c’est difficile de rester inspirée quand on est enfermée à la maison, seule, pendant plusieurs mois, surtout quand on éprouve une forme d’inquiétude, qu’on se demande comment gérer le business, les employés, la famille au Liban. C’était difficile de se projeter et de se dire: je suis là, coincée, mais dans trois mois, ça ira, je serai sur la plage et je penserai à ma nouvelle collection.

Je dois avouer que le côté créatif était quasi inexistant, parce que j’étais un peu bloquée. Ce n’est que lorsque j’ai réussi à m’évader de Londres pendant l’été pour retrouver des amis en vacances, entourée, au soleil, dans la rue, lorsque j’ai pu revoir un peu de vie, que j’ai retrouvé l’inspiration. Je me mettais alors un peu dans mon coin et je dessinais.

racil
Racil, collection été 2021. Photo fournie.

Pour ce qui concerne la gestion de la compagnie, ça a été aussi difficile parce que je suis rentrée à la maison un jour et je ne suis plus jamais retournée au bureau. J’avais une équipe de douze personnes à gérer, des filles que j’adore et qui, pour moi, font partie de ma famille. Si moi, je ne vais pas bien, elles risquent de ne pas aller bien non plus.

Cette période m’a permis de beaucoup réfléchir sur la structure de la compagnie et de la marque. Je me suis demandé quelle était mon identité et où j’allais. Est-ce que, en sortant de tout ça, je voudrais la même chose qu’avant? Comment est-ce que je dois m’adapter à ce nouveau train de vie et à ses conséquences sans pour autant perdre mon image?

Après la Covid, on se rend compte que la première chose dont on peut se passer, c’est précisément un costume ou un smoking. Un smoking sert soit à se rendre à un gala, soit à aller dîner, ce qu’on ne fait plus; on porte un costume pour aller au bureau, où l’on ne va plus. Mais, en même temps, c’est ce que j’aime, c’est l’ADN de ma marque, et je ne veux pas le perdre non plus; mais traduire cela de façon un peu plus relax? J’aimerais que la coupe soit plus légère, que les couleurs soient plus fraîches…

Je sentais que je ne pouvais pas redémarrer là où je m’étais arrêtée: j’avais besoin de changements, de quelque chose de différent.

J’ai donc travaillé sur un rebranding (stratégie de marketing qui consiste à créer un nouveau nom, symbole ou concept, NDLR) au mois de septembre. J’ai conçu un nouveau logo, lancé de nouveaux articles, de nouvelles catégories, entrepris des collaborations.

Vous étiez déjà en train de désacraliser le smoking en le rendant plus accessible – en le portant en journée avec une paire de basket par exemple. Êtes-vous allée encore plus loin dans cette démarche?

Tout à fait: je me suis demandé comment rendre cette tenue très nonchalante tout en conservant son chic et son élégance. Je dis toujours qu’un rouge à lèvres, c’est tout ce dont on a besoin le soir pour changer son look du jour. On a donc lancé le rouge Racil, en collaboration avec La Bouche rouge.

racil
Racil, collection été 2021. Photo fournie.

Avant la Covid, je me sentais très restreinte. J’avais lancé cette marque avec cet ADN et je sentais vraiment que c’était la seule chose que je pouvais faire. La Covid a représenté à la fois une opportunité et une belle excuse pour se dire: «Je vais tenter ça car c’est ma marque, je vais me permettre de le faire, et je vais voir comment mes clients vont réagir.» Et, pour l’instant, la réaction est assez positive.

La Covid-19 a-t-elle a changé quelque chose dans le rythme des collections et leur nature? Vous avez fait une collection plus resserrée sur l’essentiel, plus précise...

Pour moi, une veste, c’est un essentiel. Je suis restée sur cette ligne en offrant des essentiels différents, qui s’adaptent un peu plus aux modes de vie d’aujourd’hui. J’ai réduit la taille de la collection.

J’ai aussi travaillé beaucoup plus lentement, ce qui était assez stressant, mais beaucoup plus agréable également. Avant la Covid, ma journée était toujours si stressante. Je devais me réveiller à 6 heures du matin – sinon, je n’avais pas le temps de tout faire avant d’arriver au bureau. Déjà essoufflée le matin, il fallait travailler, se presser afin de tout présenter dans les temps parce qu’il y a une deadline, parce qu’on doit aller à Paris, parce que c’est la Fashion Week. C’était toujours la course.

 

Tout d’un coup, c’est comme si on avait tout débranché. On se demande alors comment tout rebrancher. Mais une chose est sûre: je ne peux pas me permettre de courir aussi vite. Alors tant pis, on ne va pas à Paris; si je présente la collection une semaine plus tard, ce n’est pas si grave.

racil
Racil, collection été 2021. Photo fournie.

On est dans un contexte où il faut accepter qu’il y ait des retards, qui sont indépendants de notre volonté. Je n’ai aucun contrôle sur ces événements, alors que, avant, si une usine était en retard, je devenais folle. Maintenant, je fais ce que je peux. Surtout qu’il y a la Covid, mais aussi le Brexit, étant donné que j’habite Londres.

Où en êtes-vous en aujourd’hui dans votre collection?

J’ai travaillé sur une petite capsule qu’on a présentée sur Zoom, elle est maintenant livrée. Pour l’automne, on la présentera quand mes cartons arriveront! Il faut un peu gérer les choses au jour le jour.

racil
Racil, collection été 2021. Photo fournie.

Faire au jour le jour avec ce qu’on a, parce qu’on ne sait jamais de quoi demain sera fait, est-ce que cela ne correspond pas un peu à l’attitude libanaise?

C’est l’attitude libanaise, en effet. On vit toujours au jour le jour. Mais en l’occurrence, en ce qui concerne le travail, ce n’est pas moi qui le veux. J’aimais la structure qu’on avait. Là, il y a tellement de choses que je ne peux pas contrôler... Je peux faire mon programme, essayer de le respecter le plus possible, faire tous les efforts possibles pour que tout fonctionne comme il faut, mais il faut accepter les ralentissements et les contretemps. Dans le domaine de la mode, qui va en général à mille à l’heure, c’est rafraîchissant.

racil
Racil, collection été 2021. Photo fournie.

D’ailleurs, comment vous habilliez-vous pendant le confinement?

J’étais confinée à la maison, je n’ai donc pas fait énormément d’efforts. Au moins, à Londres, on avait le droit d’aller marcher. J’allais faire des marches dans le parc pendant l’après-midi, histoire de respirer un petit peu. Pendant le confinement, j’étais souvent en tenue de sport, tee-shirt et baskets. Puis on a commencé à avoir le droit d’aller voir des amis à la maison, mais cela se passait également dans une bulle. Avec des amis, on avait décidé de dîner ensemble tous les vendredis soir. Je portais pour cette occasion un sweat un peu plus sympa, mais je ne faisais pas tellement plus d’efforts. Ce n’est qu’après que j’ai repris ma tenue quotidienne, celle que je préfère, pour sortir: un jean, un tee-shirt blanc et une veste Racil avec des baskets.

 

L’accueil des clientes a été positif. Vous n’avez pas perçu de changements dans leurs attentes à elles?

Non. Je le leur avais expliqué quand j’avais fait mes rendez-vous Zoom. En réalité, les clientes, qui sont des partenaires commerciaux avec qui on travaille, ont apprécié le fait que je ne leur ai pas proposé la même chose qu’avant, qui, en ce moment, ne fonctionnerait pas aussi bien. Elles ont apprécié le fait que la marque ait évolué et qu’elle se soit adaptée à l’air du temps sans perdre son identité pour autant.

racil
Racil, collection été 2021. Photo fournie.

Et quelle est donc cette nouvelle femme Racil?

Ce n’est pas une nouvelle femme. J’avais publié ces mots sur Instagram: «Same woman, new rule» («La même femme, une nouvelle règle»). C’est toujours la même femme, mais elle a évolué en elle-même. Elle a toujours besoin de ses essentiels, mais elle veut qu’ils la rendent heureuse, qu’ils rafraîchissent son look. Elle veut se sentir bien, être à l’aise. C’est vraiment la même femme, mais elle a simplement besoin de respirer un peu plus, de se laisser aller davantage.

racil
Racil, collection été 2021. Photo fournie.

Vous avez retrouvé l’inspiration pendant vos vacances. Qu’est-ce qui vous inspire?

J’ai retrouvé mon inspiration pendant les vacances car j’étais très loin de ce qui m’inspire habituellement. À l’origine, il y a trois éléments qui sont toujours sur mon mood board (combinaison d’images qui, ensemble, définissent le style visuel d’un projet, NDLR).

D’abord ma mère, qui est ma muse et m’inspire énormément, mais que je n’ai pas vue pendant dix mois. Puis les gens du studio 64, Bianca Jagger, les années disco, les soirées –  et tout d’un coup on ne sort même plus, et on ne sait pas quand les boîtes vont rouvrir. Comment créer une tenue pour aller danser alors qu’on ne sait même pas quand on va pouvoir y aller? La troisième source d’inspiration, c’est la rue. Je marche énormément. Je passe beaucoup de temps seule. Je peux trouver l’inspiration dans un parc, sur la terrasse d’un café, regarder les gens passer en me disant: «J’aime bien la manière dont cette femme a mélangé divers vêtements...»

racil
Racil, collection été 2021. Photo fournie.

Pendant la crise de la Covid, aucun de ces trois éléments n’étaient présents. Et se trouver à la maison était encore plus compliqué.

J’ai ensuite passé l’été dans le sud de la France, là où j’allais quand j’étais petite. J’ai respiré ce parfum de nostalgie et j’ai fait cette collection, très high summer («plein été»), parfaite pour la plage, pour l’été...

Le sud de la France vous a donc inspirée. Qu’est-ce que vous avez pris du Liban dans vos créations ?

J’ai grandi à Paris. Je n’ai pas vécu au Liban très longtemps mais je pense que ce pays m’influence. J’aime l’attitude des femmes libanaises, qui aiment sortir, se faire belles, bien s’habiller, qui ont un côté glamour.

Vous avez toujours un lien fort avec ce pays ?

 

Ma famille est là-bas. J’y ai beaucoup d’amis. Je suis née à Beyrouth. C’est un pays que j’adore et qui parle infiniment à mon cœur. Avant la Covid et les différentes crises que le pays a traversées, quand j’allais à Beyrouth, c’était dans cette ville que je prenais mes robes, mes smokings, mes talons. Je savais qu’il y aurait des fêtes agréables, qu’on allait sortir, voir du monde, qu’une grande convivialité régnait. Souvent, Beyrouth me donne davantage envie de m’habiller que Londres.

On trouve donc dans votre dernière collection des influences de la France, du Liban et de Londres?

Je pense que chaque pays m’a donné quelque chose de différent. Je possède également un côté très parisien dans mon look quotidien, qui est à la fois un peu nonchalant et assez chic. À Londres, la mode est très funk, haute en couleur. On peut s’exprimer vraiment à travers ce qu’on a envie de porter. Il existe un grand contraste entre les looks français et anglais. Tout ça mélangé donne quelque chose d’assez unique, que j’essaie de représenter avec la marque Racil.

 

 

 


A Paris, le Centre Pompidou s'offre une dernière fête avant cinq ans de fermeture

un feu d'artifice intitulé "Le Dernier Carnaval" au Centre Pompidou (Beaubourg) à l'occasion de sa fermeture pour un projet de rénovation de cinq ans, à Paris, le 22 octobre 2025. (AFP)
un feu d'artifice intitulé "Le Dernier Carnaval" au Centre Pompidou (Beaubourg) à l'occasion de sa fermeture pour un projet de rénovation de cinq ans, à Paris, le 22 octobre 2025. (AFP)
Short Url
  • Le Centre Pompidou organise un dernier week-end festif baptisé « Because Beaubourg » avant cinq ans de travaux, transformant ses huit étages en un immense terrain de jeu mêlant concerts, performances et expériences immersives
  • L’événement, réunissant 80 artistes et plusieurs grandes marques partenaires, célèbre la culture et l’esprit d’ouverture du lieu avant sa fermeture pour rénovation complète

PARIS: Dans un tourbillon de musique, d'images et de patins à roulettes, le Centre Pompidou à Paris s'offre un dernier week-end festif avant cinq ans de travaux, avec "Because Beaubourg", événement qui transforme l'intégralité du bâtiment en un immense terrain de jeu.

"Je suis venu parce que j'ai entendu dire que c'était la fermeture. Et j'avais envie de participer à ça une dernière fois, pour en profiter un petit peu", explique à l'AFP Eliot Ibert, 23 ans, en coloriant une fresque participative.

Fermé au public depuis le 22 septembre, le bâtiment aux emblématiques tuyaux colorés rouvre ses portes ce week-end avec un parcours inédit. De vendredi à dimanche, quelque 80 artistes se produisent à travers concerts, DJ sets, performances, masterclasses, projections et expériences immersives sur les huit étages.

"C'est le plus grand événement que le Centre Pompidou ait fait depuis son ouverture", assure Paul Mourey, codirecteur artistique de l'événement, imaginé avec le label Because Music.

- "Spleen" -

Chaque étage propose une expérience différente. Au niveau -1, des pianistes amateurs se succèdent devant une fresque des étudiants des Beaux-Arts, tandis que le Forum, au rez-de-chaussée, devient le théâtre de performances en journée et un club illuminé la nuit.

Le Village des enfants prend place au 3e étage, tandis que plusieurs artistes et sociétés ont investi le 4e niveau. Shygirl, Shay ou Pedro Winter, fondateur du label Ed Banger, ainsi que les entreprises Spotify, Samsung et Snapchat, qui proposent de tester ses lunettes de réalité augmentée, participent à des installations et expériences interactives.

Autant de partenaires qui contribuent à financer l'événement.

Le premier et le sixième étage accueillent, de jour comme de nuit, des artistes tels que Catherine Ringer, Christine and the Queens, Selah Sue, Keziah Jones ou Sébastien Tellier.

Le musicien français, qui profite de l'événement pour promouvoir son nouvel album prévu en janvier, souligne l'importance de participer à cette célébration : "La culture, aujourd'hui, elle est rare. Quand il y a des petits îlots de culture, c'est important d'y être. Je n'avais pas envie de manquer ça."

Brigitte Baleo, 78 ans, retraitée ayant travaillé dix ans à la bibliothèque du Centre Pompidou, confie que la fermeture lui laisse "un peu de spleen".

"Ça tend l'estomac, il y a trop de souvenirs", ajoute-t-elle, émue. "Mais il faut que la fermeture ait lieu, pour réhabiliter ce monument".

Conçu en 1977 comme un lieu "ouvert à tous" par les architectes Renzo Piano et Richard Rogers, le bâtiment souffre aujourd'hui de vétusté.

Désamiantage, accessibilité du lieu, sécurité et complet réaménagement intérieur sont au menu de ses importants travaux de rénovation.

- Rollers et vue panoramique -

Cette fermeture, "c'est quelque chose qui me touche", abonde Florence, qui n'a pas souhaité donner son nom.

Férue d'électro, la Bordelaise de 57 ans vient d'assister au deuxième étage à "Space Opera", un film musical du duo français Justice projeté comme une expérience de clubbing, à quelques pas de l'installation inédite Camera/Man de Thomas Bangalter, un des deux membres de Daft Punk.

Pour encore plus de mouvements, elle compte bien expérimenter le Roller Disco qui fait vibrer l'ancienne galerie 1, au dernier étage.

Entre DJ sets, patins à roulettes et vues panoramiques sur Paris, l'ambiance mêle nostalgie et effervescence festive.

Gulliver Hubard, un étudiant britannique de 20 ans, savoure lui sa première visite. "C'est une chance de le voir avant sa fermeture", assure-t-il.

En journée, le programme est entièrement gratuit, et les organisateurs espèrent accueillir entre 10.000 et 15.000 visiteurs par jour.

Le programme nocturne, payant, a lui été pris d'assaut : les 12.000 billets se sont arrachés en à peine une journée.


AlUla ou comment le désert devient atelier d’art

Short Url
  • AlUla se transforme en laboratoire artistique où design, architecture et patrimoine dialoguent avec le désert
  • Entre traditions locales et innovation contemporaine, le désert devient un espace d’expérimentation, d’apprentissage et de création, où culture et paysage s’influencent mutuellement

PARIS: De la résidence de design à la construction du futur musée d’art contemporain confié à Lina Ghotmeh, AlUla se façonne dans le respect de sa mémoire et de son paysage.

À Paris, une table ronde organisée par la RCU et AFALULA a révélé les coulisses de cette transformation, celle d’un territoire millénaire devenu laboratoire d’expérimentation et vitrine du dialogue culturel franco-saoudien.

Dans le parc de l’hôtel des maisons (un hôtel particulier parisien construit au XVIII), la conversation s’est ouverte sur une question presque philosophique : comment bâtir dans le désert sans le dominer ? Comment concevoir à AlUla, ce paysage d’infini, une architecture qui parle à l’échelle humaine ?

La table ronde, intitulée “From the Land Up: Designing AlUla from Desert to Human Scale”, a réuni les acteurs clés du projet et plusieurs anciens résidents du programme AlUla Design Residency, créé il y a deux ans.

Ils ont tous en commun d’avoir approché cette terre d’exception, non comme un territoire vierge, mais comme un organisme vivant, porteur d’histoires et de voix anciennes.

L’événement, organisé par la Commission royale pour AlUla (RCU) et l’agence Française pour le développement d’Alula (AFALULA), a célébré l’ADN rare de cette région, qui est un mélange entre fouilles historiques, architecture, design et diplomatie culturelle notamment avec la villa Hegra. 

AlUla, déjà célèbre pour son patrimoine nabatéen et ses falaises sculptées par le vent, devient aujourd’hui un territoire d’expérimentation artistique mondiale, où le passé inspire le futur, et lui donne forme.

Au centre du projet, la vision de Lina Ghotmeh, architecte franco-libanaise à la tête du futur musée d’art contemporain d’AlUla, « Le musée ne doit pas être une icône posée dans le désert » explique-t-elle, « mais un générateur de liens, un espace de rencontre et d’hospitalité ».

Implanté près d’une ancienne oasis agricole, le musée s’enracinera dans le paysage tout en redonnant vie à des savoir-faire ancestraux, « nous travaillons avec la terre locale, avec des techniques de construction traditionnelles : torchis, terre comprimée, architecture bioclimatique, l’objectif est de renouer avec les ressources naturelles et la mémoire des lieux », souligne l’architecte.

Ghotmeh évoque aussi le dialogue qu’elle a tissé avec la communauté locale, « j’ai passé du temps à rencontrer les habitants, à partager un thé sous un oranger, à écouter les femmes qui ravivent l’artisanat, à visiter les écoles ».

Un jour, une fillette m’a dit, « le musée, c’est le lieu de l’extraordinaire, cette phrase m’accompagne toujours, car au fond, c’est bien de cela qu’il s’agit, créer un lieu qui relie la connaissance, l’émotion et la beauté ».

Dans son approche sensible, le musée devient un prolongement du paysage, un lieu où les visiteurs respireront la même lumière que les habitants, où la culture se fera conversation et échange.

« Il ne s’agit pas d’importer la culture, mais de la créer à partir du territoire », souligne Arnaud Morand, responsable des arts et industries créatives à AFALULA, c’est cette conviction qui guide toute la programmation culturelle d’AlUla.

L’une des premières grandes expositions préfigurant le musée verra le jour en janvier prochain, consiste en une collaboration entre AlUla et le Centre Pompidou, présentée d’abord dans une architecture temporaire conçue sur place avant de voyager dans le monde.

« C’est une coopération basée sur l’échange de savoirs et la lenteur, dit-il. À AlUla, on apprend à prendre le temps, l'art naît du sol, pas de la vitesse ».

Cette philosophie irrigue aussi les résidences de design et d’artistes qu’AFALULA co-dirige sur place, des programmes où jeunes talents et créateurs confirmés expérimentent à ciel ouvert, dans une relation directe avec le territoire, « Là-bas, chaque projet s’élabore dans l’écoute et l’humilité » affirme Morand.

« Lorsque nous arrivons à AlUla, nous devons laisser nos certitudes à la porte du désert » observe Ali Al Gazzaoui responsable du programme de résidences d’artistes, « il faut apprendre à écouter les habitants, à comprendre leur rapport au paysage, à la lumière, à la convivialité ».

C’est cette humilité partagée qui transforme le désert en école, les fondateurs du Studio Raw Material, Dushyant Bansal et Priyanka Sharma, anciens résidents du programme, racontent leur découverte émerveillée d’un lieu où « le matériau est partout de la roche, au sable, à la chaleur, et la lumière, tout devient matière à création ».

Leur expérience les a conduits à réfléchir à une forme de design « hors des centres urbains » à la faveur d’une pratique ancrée dans la vie quotidienne et les gestes ordinaires, « à AlUla, on apprend à se salir les mains, à construire, à inventer avec ce que la nature nous offre ».

Cette approche artisanale et poétique rejoint la vision d’Ali Alghazzawi, pour lui, « notre mission est de créer un écosystème où les créatifs peuvent dialoguer librement avec le paysage et expérimenter, car la durabilité ne se décrète pas, elle se vit ».

Tout ceci confère à AlUla qui est un site touristique d’exception, une autre dimension qui est celle de pépinière d’idées, de territoire d’apprentissage et de création contemporaine.


Le Gray fait son grand retour à Beyrouth : symbole d’espoir et de renouveau

Le chef étoilé Alan Geaam au Le Gray à Beyrouth, le 14 octobre 2025. De retour dans son pays natal après son succès à Paris, il dirige les cuisines de l’hôtel. (AFP)
Le chef étoilé Alan Geaam au Le Gray à Beyrouth, le 14 octobre 2025. De retour dans son pays natal après son succès à Paris, il dirige les cuisines de l’hôtel. (AFP)
Short Url
  • Cinq ans après l’explosion du port, Le Gray rouvre ses portes en novembre 2025, devenant un symbole fort de relance pour le centre-ville de Beyrouth et l’hospitalité libanaise
  • Sous la direction de Charles Akl et du chef étoilé Alan Geaam, l’hôtel incarne l’alliance du luxe, de la mémoire et du renouveau culturel, gastronomique et économique de la capitale

BEYROUTH: Cinq ans après l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth et la fermeture qui s’en est suivie, l’hôtel Le Gray s’apprête à rouvrir ses portes en novembre 2025, marquant un tournant symbolique pour la capitale libanaise. Situé sur la place des Martyrs, au cœur du centre-ville, cet établissement iconique, membre du réseau Leading Hotels of the World (LHW) retrouve son éclat d’antan et incarne l’espoir d’un renouveau pour l’hospitalité et la culture libanaises.

Un nouveau souffle pour Beyrouth

La réouverture de Le Gray intervient dans un contexte d’effort de relance économique. Depuis l’arrivée d’un nouveau gouvernement en janvier 2025, le Liban semble s’engager dans une phase de stabilisation et de redressement. L’ouverture des Beirut Souks plus tôt en octobre a déjà insufflé un vent d’optimisme dans une ville meurtrie, encore marquée par les séquelles de la guerre de 2024.

« C’est un retour à la vie et une réaffirmation de notre engagement envers Beyrouth, » déclare Charles Akl, directeur général de Le Gray.

« Le Gray a toujours été plus qu’un hôtel : c’est un symbole, un lieu de rencontre, une part de l’âme de la ville. Aujourd’hui, il revient pour redonner espoir et dynamisme au centre-ville. »

La gastronomie au cœur du renouveau

Symbole fort de ce retour : la cuisine. Le chef franco-libanais Alan Geaam, seul chef libanais étoilé au Guide Michelin, prend les commandes des restaurants de l'hôtel. Après vingt-sept ans en France, il signe ici un retour aux sources empreint d’émotion et d’ambition.

« Mon objectif est de porter encore plus haut le nom du Liban sur la scène gastronomique internationale, » confie le chef. « C’est un honneur de revenir à Beyrouth, de former de jeunes talents et de faire rayonner notre cuisine. »

Alan Geaam introduit à cette occasion Qasti Beyrouth, déclinaison locale de son restaurant emblématique présent à Paris et dans d’autres grandes villes, ainsi que Padam, une adresse signature au sein de l’hôtel.

--
Qasti Beyrouth : la cuisine d’Alan Geaam au cœur de Le Gray. (Photo: ANFR)

Une redécouverte d’un joyau urbain

À l’occasion du pre-opening de l’hôtel, un groupe de journalistes a été invité à redécouvrir les lieux. L’expérience a été décrite comme un moment d’émotion et de redécouverte, dans un cadre où se mêlent raffinement, art et mémoire.

Avec plus de 100 chambres et suites repensées sous la direction artistique de l’architecte Galal Mahmoud, l’hôtel allie élégance contemporaine et références subtiles à l’histoire et à la culture libanaises. Plus de 600 œuvres d’art ornent les espaces communs et les chambres, transformant l’hôtel en véritable galerie.

Le Gray propose également des espaces événementiels et de conférence modulables, capables d’accueillir aussi bien des événements professionnels que des célébrations privées.

Un lieu au carrefour du passé et de l’avenir

À quelques pas des Beirut Souks, du front de mer et de Zaitouna Bay, Le Gray se trouve à la croisée de l’histoire, de la culture et du renouveau économique. Il se veut désormais moteur du redéploiement touristique du centre-ville.

Pour Charles Akl, cette réouverture dépasse le simple acte économique : « C’est une responsabilité collective : celle de redonner de l’élan à la ville, de raviver les talents, et de réaffirmer la place de Beyrouth sur la carte mondiale de l’hospitalité et de la culture. »

Avec cette réouverture très attendue, Le Gray ne se contente pas de retrouver sa place dans le paysage hôtelier. Il incarne la résilience d’un peuple et la volonté d’un pays de se reconstruire, avec élégance et conviction.