L’Occident ne devrait pas se laisser duper par la propagande du régime iranien

Hamid Noury est poursuivi pour «meurtres et crimes de guerre» pendant la guerre qui a opposé l’Iran et l’Irak entre 1980 et 1988. (Photo Twitter)
Hamid Noury est poursuivi pour «meurtres et crimes de guerre» pendant la guerre qui a opposé l’Iran et l’Irak entre 1980 et 1988. (Photo Twitter)
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Publié le Samedi 07 août 2021

L’Occident ne devrait pas se laisser duper par la propagande du régime iranien

L’Occident ne devrait pas se laisser duper par la propagande du régime iranien
  • Sur le plan international, de plus en plus de voix qui exigent que l’on tienne les dirigeants du régime pour responsables du massacre de 1988 se font entendre
  • Les gouvernements occidentaux devraient faire preuve de lucidité et surmonter la propagande menée par les agents secrets du régime

Ebrahim Raïssi, le nouveau président iranien, a été largement condamné pour son passé de meurtrier de masse. Il a notamment joué un rôle clé dans le massacre de 30 000 prisonniers politiques en 1988. La plupart d’entre eux étaient des membres de l’Organisation des moudjahidines du peuple d’Iran (Ompi), le principal mouvement de résistance. Les développements décisifs qui ont eu lieu amèneront probablement d’importants défis pour M. Raïssi et son régime, tant au niveau politique que juridique.

Sur le plan international, de plus en plus de voix qui exigent que l’on tienne les dirigeants du régime pour responsables du massacre de 1988 se font entendre. Javaid Rehman, le rapporteur spécial de l’Organisation des nations unies (ONU) sur la situation des droits de l’homme en Iran, a appelé à la formation d’une enquête indépendante. «Je pense qu’il est temps, maintenant que M. Raïssi est président, que nous commencions à enquêter sur ce qui s’est passé en 1988. C’est très important», confie-t-il à Reuters.

«Le fait qu’Ebrahim Raïssi ait accédé à la présidence au lieu de faire l’objet d’une enquête pour les crimes contre l’humanité que constituent les meurtres, les disparitions forcées et la torture est un sinistre rappel de l’impunité qui règne en maître absolu en Iran», affirme pour sa part Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International.

Cette culture de l’impunité commence enfin à être remise en question. Trente-trois ans plus tard, la justice suédoise devrait organiser au cours du mois en cours le procès de Hamid Noury, premier responsable jugé pour les exécutions de 1988. Il a été arrêté par les autorités suédoises en novembre 2019. Selon un acte d’accusation présenté par les procureurs, le précédent Guide suprême, l’ayatollah Khomeini, avait publié au cours de l’été 1988 un décret qui stipule que tous les prisonniers affiliés à l’Ompi – ou qui soutiennent le mouvement – devraient être exécutés. Peu de temps après, les massacres de masse des partisans et des sympathisants de l’Ompi qui se trouvaient dans les prisons iraniennes ont commencé.

Les procureurs suédois sont en possession de nombreux documents, dont une liste de 444 prisonniers de l’Ompi qui ont été pendus dans une même prison. Le dossier fait également référence à un livre qui comprend les noms de plus de 5 000 partisans du mouvement. On compte parmi les victimes du massacre de 1988 de jeunes adolescentes et une femme enceinte, selon Hossein-Ali Montazeri. À l’époque, ce haut responsable du régime devait devenir Guide suprême, mais il a fini par être assigné à résidence pour avoir critiqué les exécutions de masse.

Entre-temps, le régime a tenté de brouiller les pistes à l’aide de campagnes de désinformation sur le massacre de 1988, en Iran et ailleurs, par l’intermédiaire d’un réseau d’agents de renseignement et de fonctionnaires. Téhéran exploite la liberté d’expression dans les pays occidentaux afin de promouvoir ses politiques malveillantes en recourant à des lobbyistes. Plus tôt cette année, les autorités américaines ont annoncé l’arrestation d’un ressortissant iranien accusé d’être «un agent secret du gouvernement iranien». Pendant des années, il avait occupé le poste de chercheur, publiant des livres et des articles afin de promouvoir l’agenda politique du régime iranien, tout en étant secrètement employé par la mission de Téhéran auprès de l’ONU.

«Téhéran exploite la liberté d’expression dans les pays occidentaux pour promouvoir ses politiques malveillantes en recourant à des lobbyistes.»

Dr Majid Rafizadeh

Le régime utilise des tactiques similaires lorsqu’il s’agit du massacre de 1988. En menant son enquête, la police suédoise a retrouvé des e-mails que M. Noury avait envoyés à Iraj Mesdaghi, un Irano-Suédois qui affirme faire partie des survivants du massacre de 1988 et se constitue partie civile dans les actions en justice. Sa correspondance avec M. Noury, dix mois avant l’arrestation de ce dernier en Suède, est extrêmement curieuse. Les enregistrements audio des entretiens de M. Noury avec la police ont été publiés par les procureurs suédois. Interrogé sur les e-mails en question, M. Noury affirme qu’il ne sait pas utiliser son compte de messagerie. M. Mesdaghi, quant à lui, soutient qu’il n’a jamais reçu d’e-mails de M. Noury et nie avoir eu la moindre communication avec lui.

Le régime a toujours été partisan de telles actions d’influence. En 2017, l’ancien ministre du Renseignement Ali Fallahian expliquait dans un entretien à la télévision publique: «Bien sûr qu’aucun agent envoyé en Allemagne ou aux États-Unis ne dira qu’il est agent du ministère du Renseignement. Il travaillera évidemment sous l’étiquette de commercial ou celle d’une autre profession, comme journaliste.» Le service de renseignement du régime a également employé des personnes sous prétexte qu’elles sont des figures de l’opposition afin de mieux promouvoir son programme.

Non seulement le régime iranien est impitoyable, mais il est malhonnête; ses interlocuteurs occidentaux ont eu l’occasion de le constater à plusieurs reprises. Il utilise diverses tactiques pour semer la confusion et influencer l’opinion publique occidentale, notamment lorsqu’il s’agit de crimes historiques extrêmement graves comme le massacre de 1988.

Les gouvernements occidentaux devraient faire preuve de lucidité et surmonter la propagande menée par les agents secrets du régime. Il est également grand temps de répondre aux appels lancés par les experts de l’ONU et les principales organisations de défense des droits de l’homme. Il est nécessaire d’ouvrir une enquête indépendante sur le massacre de 1988, en mettant l’accent sur le rôle qu’a joué M. Raïssi.

 

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard. 

Twitter : @Dr_Rafizadeh


NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.


Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com