Israël et le Hamas sont au bord de quelque chose... mais quoi exactement?

Des membres des brigades Izz ad-Din al-Qassam, la branche armée du mouvement Hamas, défilent à Khan Younès, dans la bande de Gaza, le 27 mai 2021. (AFP)
Des membres des brigades Izz ad-Din al-Qassam, la branche armée du mouvement Hamas, défilent à Khan Younès, dans la bande de Gaza, le 27 mai 2021. (AFP)
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Publié le Vendredi 27 août 2021

Israël et le Hamas sont au bord de quelque chose... mais quoi exactement?

Israël et le Hamas sont au bord de quelque chose... mais quoi exactement?
  • Au lendemain d'une nouvelle série d'hostilités contre le Hamas à Gaza, les questions liées à la Palestine en général et à Gaza en particulier ont une fois de plus quasiment disparu du discours public israélien
  • Ce que les autorités israéliennes considèrent comme un assouplissement des restrictions est loin de favoriser le retour à une vie normale

Alors que la quatrième vague du coronavirus fait son apparition, la majorité des Israéliens se concentrent avant tout sur le déploiement de la troisième dose de rappel et sur le débat qui entoure la rentrée scolaire, prévue dans deux semaines au plus tard, en dépit d’un nombre de cas de Covid-19 de plus en plus élevé.

Au lendemain d'une nouvelle série d'hostilités contre le Hamas à Gaza – qui ont causé d’importants dégâts et coûté la vie à des centaines de personnes, essentiellement des Palestiniens –, les questions liées à la Palestine en général et à Gaza en particulier ont une fois de plus quasiment disparu du discours public. Mais c’est à ses risques et périls qu’Israël a décidé de passer outre ces sujets. Les violents affrontements qui ont opposé ces derniers jours des manifestants palestiniens et des soldats israéliens à la frontière entre Israël et Gaza sont venus rappeler la précarité de la situation.

La dernière série d'hostilités qui ont fait rage au mois de mai de cette année a accouché d'un nouveau gouvernement israélien. Certes, la manière dont la question palestinienne est abordée n'a pas radicalement changé depuis que Naftali Bennett a accédé au pouvoir, mais le nouveau gouvernement a fait preuve jusque-là d'un pragmatisme très apprécié, notamment en se consacrant à la gouvernance plutôt qu'à la promotion d'un programme idéologique.

Cette nouvelle approche – conjuguée à la nouvelle administration établie à Washington, à un réalisme plus prononcé, à la prise de conscience par Israël et le Hamas du fait qu'une nouvelle guerre ne profitera ni à l'un ni à l'autre sur le plan politique, ainsi qu’à une implication active des puissances régionales dans les efforts diplomatiques pour garantir un cessez-le-feu à long terme – devrait contribuer à alléger le blocus israélien de Gaza. Ce dernier continue à infliger des souffrances incommensurables à cette étroite bande de terre et à ses deux millions d’habitants.

Ces dernières semaines, certains progrès diplomatiques modestes ont été constatés, qui devraient apporter des changements le long de la frontière entre Israël et Gaza.

Jeudi prochain, M. Bennett s'entretiendra avec le président américain, Joe Biden, à la Maison Blanche. Peu de temps après, il rendra visite au président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, dont le pays est appelé à jouer un rôle crucial dans la conclusion d'un accord entre Israël et le Hamas, comme il l'a déjà fait dans un passé proche. En effet, l'Égypte a tout intérêt à parvenir à un apaisement durable de la situation. Non seulement elle partage ses frontières avec Gaza et Israël, mais elle lutte contre le terrorisme sur son territoire, ce qui l'empêche de rouvrir la péninsule du Sinaï au tourisme international.

Ce petit bout de terre sinistré et ses habitants pourraient donc enfin apprendre quelques bonnes nouvelles grâce à ces réunions de haut niveau et à l'accord conclu avec le Qatar la semaine dernière sur le transfert des fonds destinés à aider les familles les plus pauvres de Gaza. Les Gazaouis vivent depuis bien trop longtemps sous le joug du blocus inhumain imposé par Israël, qui les prive de leurs droits et de leurs besoins les plus élémentaires. Ils subissent également l'oppression du gouvernement du Hamas, qui ne respecte pas les droits de l'homme.

Une meilleure qualité de vie pour les Gazaouis requiert un cessez-le-feu plus durable, qui doit être négocié dans les plus brefs délais. Un accord susceptible de révolutionner en profondeur les relations entre Israël et le Hamas demeure impossible à atteindre dans la mesure où il se trouve conditionné à un ensemble de facteurs liés à la politique intérieure d'Israël et de la Palestine, mais aussi à la volonté de la communauté internationale de le promouvoir et de le soutenir.

Pour l'instant, Israël a assoupli une partie des restrictions qu'il impose à la bande de Gaza: il autorise une circulation plus fluide des personnes et des biens à travers la frontière, l'extension de la zone de pêche et la mise en œuvre de projets subventionnés par la communauté internationale dans les secteurs de l'alimentation, de l'eau, de la médecine et de la pêche.

Toutefois, ces sanctions ne représentent que la partie visible de l'iceberg. Le Cogat (Coordination des activités gouvernementales dans les territoires), l'organisme civil et militaire qui gère l'occupation et le blocus israéliens, a émis un avertissement: ces mesures restreintes destinées à améliorer les conditions de vie à Gaza ne sont envisageables que si la région connaît une sécurité durable et stable. Autrement dit, le bien-être des Gazaouis, y compris leurs moyens de subsistance, l'accès aux soins médicaux au-delà de la bande de Gaza, leur liberté de circulation et la possibilité pour eux de bénéficier d’une alimentation adéquate, d’une eau potable, de services d'assainissement et de l'électricité, restera tributaire des relations entre les dirigeants des deux parties.

En Israël, les autorités chargées de la sécurité sont conscientes des risques que représentent à l'avenir les privations qui découlent de leur attitude à courte vue à l'égard des Palestiniens, mais, depuis de longues années, elles sont prisonnières du discours politique destructeur des deux antagonistes.

De surcroît, ce que les autorités israéliennes considèrent comme un assouplissement des restrictions est loin de favoriser le retour à une vie normale, que ce soit en termes d'activité économique ou de systèmes de santé et d'éducation.

Le bouclage, la destruction des infrastructures et la punition collective, pour le moins illégale, qui résultent du blocus sont des mesures immorales qui n'ont pas empêché le Hamas et le Djihad islamique de perfectionner leurs compétences militaires et d'élargir la portée de leurs offensives à l'intérieur d'Israël. Ces mesures ne sont pas parvenues à exaucer le souhait d'Israël de voir les Gazaouis se soulever contre le Hamas et le renverser.

Un accord susceptible de révolutionner en profondeur les relations entre Israël et le Hamas demeure impossible à atteindre dans la mesure où il se trouve conditionné à un ensemble de facteurs liés à la politique intérieure d'Israël et de la Palestine, mais aussi à la volonté de la communauté internationale de le promouvoir et de le soutenir.

Yossi Mekelberg

Cependant, une bonne nouvelle vient d'être annoncée: dans le cadre d'une initiative pilotée par le Programme alimentaire mondial des Nations unies, 100 000 familles palestiniennes recevront 100 dollars (1 dollar = 0,85 euro, NDLR) par mois et ces subventions se substitueront aux valises bourrées d'argent liquide qui atterrissaient le plus souvent dans les mains de ceux qui en avaient le moins besoin. Ce dispositif permettra de soulager certaines difficultés endurées par les Gazaouis les plus démunis. En outre, il sera géré de manière transparente et rassurante pour Israël, qui craint que l'argent ne soit détourné vers des groupes armés.

En collaboration avec les États-Unis et l'Égypte, ce mécanisme devra inspirer confiance, s'étendre à d'autres domaines de coopération et atténuer les frictions entre les deux parties.

Ces évolutions encourageantes doivent donc être accueillies avec un optimisme prudent. Elles ne sauraient toutefois occulter le caractère préoccupant de la situation qui prévaut dans la bande de Gaza ni le désespoir qui y règne, qui a entraîné une flambée de violence le long de la barrière frontalière. Deux tirs de roquettes sur Israël ont été lancés de Gaza – une première depuis le conflit qui a éclaté au mois de mai – sous prétexte de venger quatre Palestiniens tués par les forces israéliennes en civil dans le cadre d'une opération réalisée quelques jours auparavant en Cisjordanie. Ces deux événements rappellent qu'une initiative diplomatique doit impérativement être engagée. Elle devra produire des résultats concrets sur le terrain et vaincre les parties qui continuent à privilégier les conflits armés au détriment des solutions pacifiques.

 

Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé du programme Mena à Chatham House. Il contribue régulièrement à la presse écrite et électronique internationale. Twitter : @YMekelberg

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com