Ultimatum lancé à l’Iran: les pourparlers autour du nucléaire ne peuvent se poursuivre indéfiniment

Des représentants de l’Allemagne, de la France, du Royaume-Uni, de la Chine et de la Russie rencontrent des dirigeants iraniens à Vienne en Autriche pour discuter du programme nucléaire du pays. (AFP)
Des représentants de l’Allemagne, de la France, du Royaume-Uni, de la Chine et de la Russie rencontrent des dirigeants iraniens à Vienne en Autriche pour discuter du programme nucléaire du pays. (AFP)
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Publié le Dimanche 29 août 2021

Ultimatum lancé à l’Iran: les pourparlers autour du nucléaire ne peuvent se poursuivre indéfiniment

Ultimatum lancé à l’Iran: les pourparlers autour du nucléaire ne peuvent se poursuivre indéfiniment
  • Le fait que le régime iranien puisse développer une arme nucléaire d’ici à quelques mois est particulièrement alarmant
  • Permettre aux négociations de se poursuivre indéfiniment tandis que le régime iranien est en passe de devenir un État nucléaire va à l’encontre des intérêts nationaux des États-Unis et de leurs alliés

Le régime iranien et les puissances du groupe dit «P5+1» –États-Unis, Royaume-Uni, Russie, Chine et France, auxquels s’ajoute l’Allemagne –  ont déjà engagé six cycles de pourparlers au sujet du nucléaire sans pour autant parvenir à des résultats concrets. En vue de préserver la paix et la sécurité mondiales, il est indispensable que l’Union européenne et l’administration Biden expliquent très clairement à Téhéran que les discussions ne peuvent se poursuivre indéfiniment. Un ultimatum doit être posé à l’Iran pour le pousser à adhérer à l’accord.  

Les pourparlers autour du nucléaire ne peuvent demeurer en suspens pendant que le régime iranien continue d’enfreindre les clauses du Plan d’action global conjoint, plus connu sous le nom d’accord sur le nucléaire iranien. Téhéran a en effet fait progresser de façon importante son programme nucléaire au cours des sept mois qui ont suivi la prise de fonction de Biden.

Le fait que le régime des mollahs puisse développer une arme nucléaire d’ici à quelques mois est particulièrement alarmant. Lors d’un briefing au ministère des Affaires étrangères à Jérusalem le 4 août dernier, le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, s’est adressé aux ambassadeurs des pays membres du Conseil de sécurité de l’ONU en ces mots: «L’Iran a violé toutes les directives énoncées dans le Plan d’action global conjoint et n’est qu’à dix semaines d’acquérir les matériaux nécessaires à la mise au point de l’arme nucléaire. Il est grand temps d’agir parce que les mots ne sont plus suffisants. C’est le moment de passer aux actions diplomatiques, économiques et même militaires sinon les attaques se poursuivront.»

De plus, l’administration Biden et l’Union européenne ne devraient pas mettre tous leurs œufs dans le même panier (le nucléaire) et attendre que le régime iranien adhère à l’accord. Téhéran pourrait tirer profit de la situation et gagner du temps dans sa tentative de devenir un État nucléaire. L’Iran a augmenté ses activités de production d’uranium enrichi à 20% en janvier. Le 9 janvier, le Parlement iranien a adopté une loi contraignant le gouvernement à expulser les inspecteurs nucléaires de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), l’organisme de surveillance de l’ONU. En avril, le régime a accéléré la production d’uranium enrichi à 60%, se rapprochant ainsi des niveaux permettant la fabrication d’armes.

D’ailleurs, on constate que les dirigeants iraniens n’hésitent pas à rendre publics leurs progrès sur le plan nucléaire. Tandis que l’ancienne administration – le gouvernement de Rouhani – tenait des discussions nucléaires indirectes avec l’administration Biden, Mohammed Bagher Qalibaf, le nouveau président du Parlement iranien, lui, se vante: «Les jeunes scientifiques iraniens pieux ont réussi à produire de l’uranium enrichi à 60%. Je tiens à féliciter notre courageuse nation pour cet exploit.»

«Pour défendre les intérêts nationaux des États-Unis et de ses alliés, Washington devra lancer un ultimatum à Téhéran afin de le pousser à revenir à l’accord nucléaire»- Dr Majid Rafizadeh

Le régime, qui produit de l’uranium enrichi, se trouve désormais à un stade dangereux de son programme nucléaire. L’AIEA avertit: «Aujourd’hui, l’Iran a informé l’Agence que l’oxyde d’uranium (UO2) enrichi à 20% (U-235) serait expédié au laboratoire recherche & développement de l’usine de fabrication de combustible d’Ispahan, où il serait converti en tétrafluorure d’uranium (UF4) puis en uranium métallique enrichi à 20% (U-235) avant d’être utilisé dans la fabrication de combustible.»

La production d’uranium métallique ne peut être utilisée à des fins civiles. Dans une déclaration conjointe, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne affirment que le régime iranien «n’a aucun besoin civil crédible de produire de l’uranium métallique qui est une étape clé du développement de l’arme nucléaire.»

De plus, les pourparlers ne peuvent se poursuivre tant que Téhéran refuse de répondre aux questions de l’AIEA sur trois sites nucléaires clandestins en Iran. Le directeur général de l’organisme onusien, Rafael Mariano Grossi, a récemment mis en garde: «Le refus de l’Iran de fournir à l’Agence des réponses claires concernant l’exactitude et l’exhaustivité de ses déclarations de garantie affecte sérieusement la capacité de l’Agence à attester de la nature pacifique du programme nucléaire de l’Iran. Par souci d’objectivité, je dois dire que le gouvernement iranien a réitéré sa volonté de s’engager, de coopérer et de fournir des réponses sans pour autant le faire. J’espère que cela changera mais, jusque-là, il n’y a aucun progrès concret.»

Le régime s’était montré prêt à poursuivre les pourparlers au tour du nucléaire une fois qu’Ebrahim Raïssi aurait pris ses fonctions. Mais la nouvelle administration ne semble nullement pressée de reprendre les discussions. Cela a poussé le porte-parole du département d’État américain, Ned Price, à exhorter Téhéran «à retourner vite à la table des négociations pour que nous puissions mener à bien notre travail. Le message que nous voulons adresser au président Raïssi est le même que celui que nous avons adressé à son prédécesseur: les États-Unis défendront leurs intérêts nationaux et ceux de leurs partenaires en matière de sécurité».

Pour défendre les intérêts nationaux des États-Unis et de ses alliés, Washington devra lancer un ultimatum à Téhéran afin de le pousser à revenir à l’accord nucléaire.

Permettre aux négociations de se poursuivre indéfiniment tandis que le régime iranien est en passe de devenir un État nucléaire va à l’encontre des intérêts nationaux des États-Unis et de leurs alliés.

 

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard. Twitter: @Dr_Rafizadeh


NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com