La Tunisie empêtrée dans la crise avant des échéances cruciales en 2022

 Le président tunisien Kais Saied est photographié à l'aéroport international de Tunis-Carthage, alors qu'il reçoit son homologue algérien en visite dans la capitale tunisienne, le 15 décembre 2021. (AFP)
Le président tunisien Kais Saied est photographié à l'aéroport international de Tunis-Carthage, alors qu'il reçoit son homologue algérien en visite dans la capitale tunisienne, le 15 décembre 2021. (AFP)
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Publié le Vendredi 31 décembre 2021

La Tunisie empêtrée dans la crise avant des échéances cruciales en 2022

  • Dans un contexte de blocage politique, Kais Saied s'est arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet dans le pays qui fut le berceau du Printemps arabe en 2011
  • Depuis, il gouverne par décrets malgré la protestation de ses opposants et des organisations nationales dont la puissante centrale syndicale UGTT

TUNIS : Recul démocratique, polarisation, enlisement social et économique: la Tunisie s'embourbe dans la crise depuis le coup de force du président Kais Saied, qui lance samedi une "consultation populaire" en vue de faire adopter des réformes controversées pour remettre le pays sur les rails.

Dans un contexte de blocage politique, Kais Saied s'est arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet dans le pays qui fut le berceau du Printemps arabe en 2011. Le président a notamment limogé le Premier ministre et suspendu le Parlement dominé par le parti d'inspiration islamiste Ennahdha, sa bête noire.

Depuis, il gouverne par décrets malgré la protestation de ses opposants et des organisations nationales dont la puissante centrale syndicale UGTT (Union générale tunisienne du travail).

Le 13 décembre, M. Saied a dévoilé une feuille de route destinée à sortir de la crise avec un scrutin législatif prévu en décembre 2022, après révision de la loi électorale, et un référendum en juillet pour amender la Constitution, qu'il veut plus "présidentielle", aux dépens du Parlement.

Auparavant, du 1er janvier au 20 mars, une "consultation populaire" électronique sera organisée dans tout le pays pour faire émerger des idées qui doivent servir de base aux amendements constitutionnels. Un procédé singulier qui illustre, selon ses détracteurs, les méthodes "populistes" du président, élu en 2019 avec près de 73% des suffrages et qui continue de jouir d'une popularité solide.

"Le pays nage en pleine incertitude politique même après l'annonce par M. Saied de sa feuille de route qui ne semble pas rassurer les partenaires, ni à l'intérieur ni à l'extérieur", a indiqué à l'AFP le politologue Hamza Meddeb.

« Points d'ombre »

"Il y a beaucoup d'interrogations sur la fiabilité de ce processus. On n'a jamais essayé en Tunisie ce genre de référendums et on ne sait pas comment le président compte organiser ces consultations. Il y a beaucoup de points d'ombre", estime-t-il.

Ces consultations débuteront "en plein malaise socio-économique avec des questionnements concernant les libertés", a ajouté M. Meddeb, déplorant "une répression à visage couvert".

Et la situation financière n'est guère réjouissante. Dans le budget présenté mardi, la Tunisie prévoit de creuser sa dette de six milliards d'euros supplémentaires pour relancer une économie lourdement affectée par la crise politique et la pandémie de Covid-19.

"Depuis le 25 juillet, il y a une seule institution et une seule personne qui décide de l'avenir de ce pays (...) et jusque là, rien ne laisse croire qu'il va y avoir de l'espoir", a dénoncé à l'AFP la célèbre militante politique et des droits humains, Bochra Belhaj Hmida.

Mme Belhaj Hmida vient d'être condamnée à six mois de prison pour une plainte d'un ancien ministre remontant à 2012, un verdict dont le timing interpelle car il est tombé quelques jours après qu'elle a publiquement critiqué le président Saied.

Tunisie: une "situation plus confuse", selon la militante Bochra Belhaj Hmida

TUNIS : A la veille du lancement d'une "consultation populaire" sur les réformes politiques voulues par le président tunisien, la célèbre militante Bochra Belhaj Hmida estime que la situation du pays est toujours "plus confuse" depuis que Kais Saied s'est arrogé les pleins pouvoirs en juillet.

"Une seule personne décide de l'avenir du pays", déplore dans un entretien à l'AFP, cette avocate retraitée et ex-députée, qui vient d'être condamnée à six mois de prison pour une plainte ancienne, quelques jours après avoir critiqué le président Saied. 

Ce dernier a décidé d'organiser, du 1er janvier au 20 mars, une "consultation populaire" électronique dans tout le pays pour faire émerger des idées qui doivent servir de base à des amendements constitutionnels.

Portrait de la présidente de la commission des droits de l'homme et des libertés individuelles, avocate et députée tunisienne indépendante, Bochra Belhaj Hmida, lors d'une conférence de presse le 20 juin 2018 à Tunis. (AFP)
Portrait de la présidente de la commission des droits de l'homme et des libertés individuelles, avocate et députée tunisienne indépendante, Bochra Belhaj Hmida, lors d'une conférence de presse le 20 juin 2018 à Tunis. (AFP)

Question: Comment jugez-vous la situation en Tunisie cinq mois après la concentration des pouvoirs aux mains du président?

Réponse: "La situation en Tunisie depuis le 25 juillet est encore plus confuse qu'avant (...). Auparavant, et malgré tous les problèmes économiques et politiques, il y avait au moins des institutions qui fonctionnaient plus au moins. (Aujourd'hui, NDLR) il y une seule institution et une seule personne qui décide de l'avenir de ce pays, de l'avenir des nouvelles générations, et jusque là, on n'a rien vu qui laisse croire qu'il va y avoir de l'espoir, qu'il va y avoir des changements".

 

Q: Vous venez d'être condamnée pour une plainte d'un ancien ministre remontant à 2012, et l'ancien président Moncef Marzouki à quatre ans de prison pour "atteinte à la sûreté de l'Etat à l'étranger" après avoir critiqué publiquement le pouvoir tunisien. Que vous inspirent ces condamnations?

R: "Ma condamnation montre qu'une partie des juges est toujours au service de celui qui est le plus fort au pouvoir. Celle de Marzouki est très symbolique et prouve que ce monsieur (le président Saied, NDLR) est engagé dans une voie qui n'est pas celle du respect des droits.

Dans chaque discours, le président parle de ses opposants. C'est systématique, il parle d'ennemis, de chambres obscures, de traîtres. Est-ce un choix ou une obsession?"

 

Q: Que pensez-vous des réformes politiques que M. Saied entend mettre en oeuvre en 2022?

R: "Le président se focalise sur le changement du régime politique, ce qui n'est pas la priorité. Il a décidé que les maux de la Tunisie proviennent de la Constitution et du régime parlementaire donc il a pris la décision de faire des changements au nom du peuple sous prétexte qu'il y avait un danger imminent mais nous ne savons pas encore lequel et quand il va se terminer.

Nous sommes dans une situation illégale et inconstitutionnelle. Il n'y a pas de quoi être optimiste.

Le discours du président est accusatoire, diffamatoire et divise le peuple tunisien entre patriotes et traîtres, bons et mauvais, intègres et corrompus. Si le monsieur (Kais Saied) continue à travailler seul, à ne pas dialoguer avec les principaux acteurs, ce n'est pas la peine de continuer."

« Pente glissante »

D'autres politiques et militants ont été poursuivis après des prises de positions contre M. Saied sur les réseaux sociaux.

L'ancien président Moncef Marzouki, vivant en France, a été condamné par contumace le 22 décembre à quatre ans de prison pour avoir "porté atteinte à la sûreté de l'Etat à l'étranger", après avoir critiqué publiquement le pouvoir tunisien.

"Tous ces procès expéditifs contre les voix critiques montrent que la justice est malheureusement aux ordres de celui qui gouverne", selon M. Meddeb.

Human Rights Watch a dénoncé la multiplication depuis le 25 juillet de poursuites judiciaires à l'encontre de divers opposants, qui s'appuient, selon HRW, sur des lois "répressives".

Le Syndicat national des journalistes en Tunisie a lui mis en garde contre "un danger imminent menaçant la liberté de la presse, des médias et d'expression". 

Des opposants au coup de force de M. Saied, membres du collectif "Citoyens contre le coup d'Etat", ont entamé le 23 décembre une grève de la faim pour protester contre une "oppression flagrante et une abolition complète des libertés".  

Le groupe a appelé au boycott de la consultation populaire voulue par M. Saied à partir du 1er janvier, se disant déterminé à "enterrer son coup".

"La Tunisie est sur une pente glissante et on peut s'attendre à de vives tensions", a mis en garde M. Meddeb.

Arrestation de l'un des hommes forts d'Ennahdha

Le président adjoint d'Ennahdha Noureddine Bhiri, proche de Rached Ghannouchi, chef du parti d'inspiration islamiste et bête noire du chef de l'Etat, a été arrêté vendredi, a-t-on appris de sources concordantes.

"Des agents en civil qui étaient à bord de deux voitures ont arrêté Noureddine Bhiri alors qu'il sortait avec sa femme de son domicile, à El Manar", quartier de Tunis, a indiqué à l'AFP l'avocat Samir Dilou, député démissionnaire d'Ennahdha.

Selon la même source, M. Bhiri, figure puissante au sein de ce mouvement, a été "arrêté brutalement et emmené vers une destination inconnue". Les agents en civil se sont aussi emparés du portable de son épouse Saïda Akremi, avocate de profession.

Aucune source officielle n'était disponible pour donner des détails sur les motifs de cette arrestation.

Dans un communiqué, Ennahdha a confirmé l'interpellation de M. Bhiri, également ancien ministre de la Justice, dénonçant "un kidnapping et un dangereux précédent qui marque l'entrée du pays dans le tunnel de la dictature".

Ennahdha est au coeur d'un bras de fer avec le président Kais Saied depuis son coup de force le 25 juillet et sa décision de suspendre le Parlement que ce parti contrôlait depuis une dizaine d'années.

Dans son communiqué, Ennahdha a dénoncé "la liquidation des opposants en dehors du cadre de la loi".

Depuis fin juillet, plusieurs personnalités politiques et opposants ont dénoncé un "coup d'Etat", mettant en garde contre une volonté du président Saied de régler ses comptes avec ceux qu'ils désignent dans ses discours par le terme d'"ennemis", sans jamais les citer nommément. 

Le 22 décembre, l'ancien président Moncef Marzouki, critique farouche de M. Saied, qui vit en France, a été condamné par contumace à quatre ans de prison pour avoir "porté atteinte à la sûreté de l'Etat à l'étranger" après avoir critiqué publiquement le pouvoir tunisien depuis Paris.


Israël rejette une enquête de l'ONU l'accusant de «génocide» à Gaza

Les représailles israéliennes ont fait au moins 64.905 morts dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du territoire palestinien. (AFP)
Les représailles israéliennes ont fait au moins 64.905 morts dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du territoire palestinien. (AFP)
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  • "Israël rejette catégoriquement ce rapport biaisé et mensonger et appelle à la dissolution immédiate de cette commission d'enquête", a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué
  • Une commission d'enquête internationale indépendante de l'ONU a accusé mardi Israël de commettre un "génocide" à Gaza depuis octobre 2023 avec l'intention de "détruire" les Palestiniens

JERUSALEM: Israël a "rejeté catégoriquement" mardi le rapport d'une commission d'enquête internationale indépendante des Nations unies qui l'accuse de commettre un "génocide" dans la bande de Gaza depuis octobre 2023.

"Israël rejette catégoriquement ce rapport biaisé et mensonger et appelle à la dissolution immédiate de cette commission d'enquête", a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.

Une commission d'enquête internationale indépendante de l'ONU a accusé mardi Israël de commettre un "génocide" à Gaza depuis octobre 2023 avec l'intention de "détruire" les Palestiniens, mettant en cause le Premier ministre Benjamin Netanyahu et d'autres responsables israéliens.

En riposte à une attaque sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, Israël a lancé une offensive dans la bande de Gaza qui a fait des dizaines de milliers de morts et détruit une grande partie du territoire palestinien, où le mouvement islamiste palestinien a pris le pouvoir en 2007.

La commission, qui ne s'exprime pas au nom de l'ONU et est vivement critiquée par Israël, est arrivée "à la conclusion qu'un génocide se produit à Gaza et continue de (s'y) produire", a déclaré à l'AFP sa présidente, Navi Pillay.

Elle a conclu que les autorités et les forces de sécurité israéliennes avaient commis "quatre des cinq actes génocidaires" définis par la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime du génocide.

A savoir: "meurtre de membres du groupe; atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe; soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle; et mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe".

Cette commission a conclu que le président israélien, Isaac Herzog, Benjamin Netanyahu et l'ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, avaient "incité à commettre un génocide et que les autorités israéliennes (n'avaient) pas pris de mesures" pour les en empêcher.

Le ministère des Affaires étrangères israélien a accusé les auteurs du rapport de "servir de relais au Hamas", affirmant qu'ils étaient "connus pour leurs positions ouvertement antisémites — et dont les déclarations horribles à l'égard des Juifs ont été condamnées dans le monde entier."

L'attaque du 7-Octobre a entraîné la mort de 1.219 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.

Les représailles israéliennes ont fait au moins 64.905 morts dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du territoire palestinien.

L'ONU y a déclaré la famine, ce qu'Israël dément.


«Gaza brûle», déclare le ministre israélien de la Défense après des frappes intenses

Le ministre israélien de la Défense Israël Katz a affirmé la détermination d'Israël à poursuivre son offensive dans la bande de Gaza après des frappes nocturnes intenses de l'armée israélienne aux abords et dans la ville de Gaza. (AFP)
Le ministre israélien de la Défense Israël Katz a affirmé la détermination d'Israël à poursuivre son offensive dans la bande de Gaza après des frappes nocturnes intenses de l'armée israélienne aux abords et dans la ville de Gaza. (AFP)
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  • "Gaza brûle. Tsahal frappe d'une main de fer les infrastructures terroristes, et les soldats de Tsahal se battent vaillamment pour créer les conditions nécessaires à la libération des otages et à la défaite du Hamas"
  • "Nous ne céderons pas et ne reculerons pas jusqu'à ce que la mission soit achevée"

JERUSALEM: Le ministre israélien de la Défense Israël Katz a affirmé la détermination d'Israël à poursuivre son offensive dans la bande de Gaza après des frappes nocturnes intenses de l'armée israélienne aux abords et dans la ville de Gaza.

"Gaza brûle. Tsahal frappe d'une main de fer les infrastructures terroristes, et les soldats de Tsahal se battent vaillamment pour créer les conditions nécessaires à la libération des otages et à la défaite du Hamas", a déclaré M. Katz sur X.

"Nous ne céderons pas et ne reculerons pas jusqu'à ce que la mission soit achevée", a-t-il ajouté.

 


Le Qatar est le seul pays capable d'être un médiateur concernant Gaza, souligne Rubio

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  • Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a estimé mardi que le Qatar était le seul pays capable de jouer le rôle de médiateur pour Gaza
  • "Evidemment, ils doivent décider s'ils veulent le faire après la semaine dernière ou non, mais nous voulons qu'ils sachent que, s'il existe un pays dans le monde qui pourrait aider à mettre fin à cela par une négociation, c'est le Qatar"

TEL-AVIV: Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a estimé mardi que le Qatar était le seul pays capable de jouer le rôle de médiateur pour Gaza, malgré une frappe israélienne ciblant des dirigeants du Hamas dans l'émirat.

"Evidemment, ils doivent décider s'ils veulent le faire après la semaine dernière ou non, mais nous voulons qu'ils sachent que, s'il existe un pays dans le monde qui pourrait aider à mettre fin à cela par une négociation, c'est le Qatar," a déclaré M. Rubio aux journalistes alors qu'il se rendait à Doha depuis Israël.