La brutalité d’Israël à la mosquée Al-Aqsa prouve la défaillance de sa politique

Des Palestiniens brandissent des drapeaux nationaux et islamiques à l'intérieur du complexe de la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem, le 22 avril 2022 (Photo, AFP).
Des Palestiniens brandissent des drapeaux nationaux et islamiques à l'intérieur du complexe de la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem, le 22 avril 2022 (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 28 avril 2022

La brutalité d’Israël à la mosquée Al-Aqsa prouve la défaillance de sa politique

La brutalité d’Israël à la mosquée Al-Aqsa prouve la défaillance de sa politique
  • Les forces israéliennes ont utilisé une force sans précédent pour réprimer des foules immenses, en particulier pendant le ramadan
  • Israël voulait disperser les foules de crainte qu’elles ne perturbent les juifs célébrant le dernier jour de Pessah devant le mur des Lamentations

Vendredi dernier, les forces de sécurité israéliennes ont utilisé des drones pour larguer des grenades lacrymogènes sur des dizaines de milliers de fidèles musulmans à Al-Haram al-Charif (troisième sanctuaire sacré de l'islam, après La Mecque et Médine, situé dans la vieille ville de Jérusalem). C’est un signe supplémentaire de la politique défaillante du gouvernement israélien. L’utilisation de drones pour gérer l’immense foule du troisième vendredi du ramadan a même été critiquée par les médias israéliens. Haaretz a relevé, à juste titre, que des femmes et des enfants avaient été visés dans la cour extérieure de la mosquée Al-Aqsa, le troisième Lieu saint de l’islam. En prenant pour cible ce qu’Israël qualifie de «provocateurs», les forces de sécurité israéliennes ont témoigné d’une politique raciste qui s’oppose à tout ce qui est palestinien et musulman, soutient le journal.

Ironiquement, ces mêmes forces de sécurité étaient également présentes lors de la marche des drapeaux non autorisée, organisée la semaine dernière par des extrémistes israéliens. Elles ont appliqué un traitement de faveur, bloquant la progression de la marche à la seule force de leurs corps, en s’abstenant d’utiliser tout autre moyen pour contrôler les foules.

L’utilisation de drones révèle toutefois un problème bien plus important. Lorsqu’il s’agit de grandes foules de manifestants, une approche en deux temps est normalement adoptée. Il faut se tenir à l’écart de toute friction qui pourrait aggraver la situation, tout en essayant de trouver des moyens de communiquer ou de résoudre les problèmes que les manifestants tentent de soulever par leurs actions.

Cette approche ne semble pas faire partie de la stratégie israélienne en ce qui concerne Al-Haram al-Charif. Le site, qui s’étend sur près de quinze hectares dans la vieille ville de Jérusalem, est un sanctuaire musulman depuis plus de mille deux cents ans (à l’exception d’une période de quatre-vingt-huit ans lors du règne des Croisés). Chaque autorité qui a gouverné Jérusalem a respecté le Lieu saint islamique et a permis aux musulmans de faire leurs prières. Cette situation n’a jamais fait l’objet d’une remise en question.

Au cours de la période ottomane, qui a duré quatre cents ans, le sultan Osman III a réglementé les relations concernant neuf Lieux saints partagés à Jérusalem et à Bethléem, en établissant le pacte du statu quo. Cet accord, né d’un conflit au sujet de l’église du Saint-Sépulcre entre orthodoxes et franciscains, est le point de référence pour les Lieux saints depuis son adoption en 1757. Après l’effondrement de l’Empire ottoman, l’accord a été suivi à la lettre sous le mandat britannique par les Jordaniens et même au cours des premières années de l’occupation israélienne.

Cependant, le glissement vers la droite de la politique israélienne, ainsi que l’échec des accords d’Oslo à fournir une représentation claire aux trois cent cinquante mille Palestiniens de Jérusalem, ont laissé un vide dont Israël a tiré profit. Au lieu de permettre aux dirigeants locaux d’aller de l’avant et de leur donner la possibilité d’engager des discussions lorsque la situation se complique, les Israéliens ont mené une politique de la terre brûlée envers le nationalisme palestinien. Tout événement ou action ayant un lien quelconque avec les dirigeants palestiniens à Ramallah a été interdit. Même un festival de marionnettes pour enfants, financé par des Scandinaves via le ministère palestinien de la Culture, a été interdit.

«Au lieu de permettre aux dirigeants locaux d’aller de l’avant, les Israéliens ont mené une politique de la terre brûlée envers le nationalisme palestinien.» - Daoud Kuttab

Par ailleurs, Israël a mis fin au travail de quelque trente-cinq organisations. Non seulement la Maison d’Orient a été fermée en vertu de règlements d’urgence datant de l’époque du mandat britannique, mais des organisations comme la Chambre de commerce de Jérusalem et le Conseil du tourisme, entre autres, ont également dû mettre fin à leurs activités pour des périodes de six mois, renouvelées régulièrement depuis 2001. Toute activité susceptible de donner une voix politique aux Palestiniens a été interdite. Même le vote par correspondance, approuvé dans le cadre des accords d’Oslo, a été interdit par le gouvernement israélien actuel.

En fermant tous les canaux de communication et en empêchant la représentation politique, les autorités israéliennes ont utilisé une force sans précédent pour réprimer des foules immenses, en particulier pendant le ramadan. Elles ont recouru aux drones au cours de la manifestation de la mosquée Al-Aqsa le 15 avril, occasionné des dégâts aux fenêtres historiques de la mosquée, souillé un Lieu saint avec les bottes des soldats et blessé cent soixante-dix Palestiniens. Elles en ont par ailleurs arrêté quatre cent cinquante, simplement pour permettre aux juifs de visiter les lieux.

De telles visites ont été en principe approuvées dans le cadre d’un accord de 2014 entre la Jordanie et Israël, sous l’égide des États-Unis. Selon cet accord, le site est un lieu de prière pour les musulmans et de visite pour les autres. Les gouvernements israéliens précédents évitaient les visites pendant le ramadan, lorsqu’un nombre croissant de musulmans s’y rendent pour prier et y passent souvent de longues heures. Vendredi dernier, le nombre de fidèles a dépassé les cent cinquante mille. Nombre d’entre eux sont restés jusqu’à la prière du soir, mais Israël a voulu disperser les foules de crainte qu’elles ne perturbent les juifs célébrant le dernier jour de Pessah devant le mur des Lamentations.

S’il y avait eu confiance, respect et leadership local, certains de ces problèmes auraient pu être résolus par la communication. Cependant, compte tenu d’une forte défiance et de l’absence de tout horizon politique pour résoudre le problème plus large de l’occupation (qui inclut Jérusalem-Est), le gouvernement israélien a appliqué une approche uniquement sécuritaire avec des résultats désastreux. Cette attitude continuera à semer les graines de la haine.

Daoud Kuttab est un journaliste palestinien plusieurs fois primé. Il est originaire de Jérusalem.
Twitter: @daoudkuttab
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com