La confédération d’Emmanuel Macron pour la démocratie

Le président français, Emmanuel Macron (Photo, AFP).
Le président français, Emmanuel Macron (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 20 mai 2022

La confédération d’Emmanuel Macron pour la démocratie

La confédération d’Emmanuel Macron pour la démocratie
  • Selon M. Macron, l’enjeu est si important que «lorsque la paix sera rétablie sur le sol européen, nous devrons établir de nouveaux équilibres sécuritaires»
  • La confédération voulue par M. Macron devra s’unir dans l’action – les expansions basées sur des projets politiques utopiques s’effondrent vite

Le président français, Emmanuel Macron, a cité les mots de l’homme d’État d’après-guerre, Robert Schuman, en s’adressant au Parlement européen à Strasbourg cette semaine: «La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui nous menacent.»

Dans un aperçu détaillé de ce que signifie l’Europe et ce que son avenir pourrait être, le président français affirme que l’Union européenne (UE) est une réussite sans précédent dans l’Histoire de la démocratie. Alors que la menace de la formation d’un gouvernement Le Pen planait à l’horizon, M. Macron a tenu à souligner l’engagement de la France envers l’UE. Son annonce la plus importante, cependant, concernait une nouvelle communauté politique européenne qui permettrait à l’Ukraine, à d’autres États frontaliers et peut-être même au Royaume-Uni, d’être davantage en harmonie avec l’UE.

C’est la guerre, qui frappe à la porte de l’Europe de manière si spectaculaire ces dernières semaines, qui est à l’origine de cette évolution. De la même façon que l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) et l’UE ont émergé des cendres d’une Europe ravagée par deux Guerres mondiales, le président souhaite désormais aligner les aspirations des Moldaves sur celles des Irlandais, éviter les conflits et préserver la démocratie durement acquise et née d’un continent tourmenté.

Le discours, prononcé dans les dernières minutes de la conférence sur l’avenir de l’Europe, était étonnamment approprié. Unis dans leur critique de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les avis divergent pourtant dans la réponse. Selon M. Macron, même si «nous ne sommes pas en guerre avec la Russie», l’enjeu est si important que «lorsque la paix sera rétablie sur le sol européen, nous devrons établir de nouveaux équilibres sécuritaires».

En proposant de construire l’unité autour de la démocratie, d’un respect partagé pour l’État de droit et des investissements dans les capacités de défense, M. Macron adopte le même sentiment que celui qui a conduit à la création de l’union d’après-guerre. Bien que le concept de «Confédération européenne» ait été inventé par François Mitterrand, la proposition moderne est, en elle-même, nouvelle.

L’UE a faibli en raison d’une expansion excessive et de disparités économiques. Elle est devenue le symbole des processus administratifs laborieux et de l’inefficacité. Toutefois, en faisant appel aux principes fondamentaux qui ont permis à la France et à l’Allemagne – autrefois pays ennemis – de construire un bloc commercial de 18 500 milliards de dollars (1 dollar = 0,95 euro), M. Macron commence à proposer une solution qui tient compte à la fois des aspirations de ceux qui souhaitent s’intégrer et des réserves de ceux qui sont opposés au projet de super-État du bloc, tout en reconnaissant également la menace sécuritaire très claire à laquelle le continent est confronté. Tous les esprits sont focalisés sur la guerre en Europe.

«Les valeurs que l’Europe représente ne sont plus limitées par la géographie.» - Zaid M. Belbagi

Le bloc est toujours ébranlé par l’adhésion précipitée de dix États en 2004. Outre les défis économiques qui ont accompagné cette expansion, aggravés par la crise financière, sept parmi ces États faisaient partie de l’ancien bloc de l’Est (dont trois appartenaient à l’Union soviétique). Des défis culturels et des complications quant aux moyens d’intégrer ce que la Russie a toujours considéré comme sa zone d’influence sont apparus.

La perspective lointaine de l’adhésion de la Moldavie et de l’Ukraine à l’UE, ainsi que les aspirations improbables de la Géorgie et de la Finlande à rejoindre l’Otan dans un contexte de guerre, ont mis en évidence l’inaptitude de l’infrastructure actuelle de l’UE à être inclusive, tout en étant suffisamment cohérente pour constituer un organisme de défense. M. Macron indique que le projet de confédération de M. Mitterrand était en quelque sorte chancelant, à la suite de l’effondrement de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), car il suggérait l’inclusion de la Russie, ce qui était «inacceptable pour les États qui venaient de se libérer du joug de l’URSS». Cependant, les principes fondamentaux de M. Mitterrand, soit la manière dont l’Europe devrait s’organiser à une échelle politique plus large que l’UE, sont plus pertinents dans le contexte actuel.

Il est indéniable que la faiblesse et l’échec apparents des démocraties libérales ont encouragé les régimes autoritaires à tester la capacité de résistance et d’intervention de l’UE, mais surtout sa capacité à se défendre. Les conflits du siècle dernier sont nés des déséquilibres sécuritaires régionaux, de l’émergence et de la résurgence d’une Allemagne unilatéraliste, ainsi que de l’insécurité d'une Europe à la merci des États-Unis et de l’URSS. Ces déséquilibres ont conduit à l’architecture politique actuelle de l’Europe.

Cependant, M. Macron a raison d’en souligner les lacunes évidentes. Les valeurs que l’Europe représente ne sont plus limitées par la géographie. Les Balkans occidentaux et le Caucase considèrent comme sacrés les mêmes principes qui sont aujourd’hui défendus en Ukraine. Le président français a fait valoir que «cette nouvelle organisation européenne permettrait aux nations européennes démocratiques qui adhèrent à nos valeurs fondamentales communes de trouver un nouvel espace de coopération politique et sécuritaire».

Toutefois, son plan est fragile et ne reconnaît pas les insuffisances liées au surendettement de l’UE. En effet, il affirme également qu’une confédération interférerait dans «la coopération au sein du secteur de l’énergie, des transports, des investissements, des infrastructures, ainsi que dans la libre circulation des personnes, en particulier des jeunes».

Le départ d’Angela Merkel de la scène politique européenne et le rejet par M. Macron de la dangereuse tentative de l’extrême droite de s’emparer du pouvoir lui ont conféré un avantage politique pour jouer un rôle central en Europe. La guerre en Ukraine fournit certainement des circonstances favorables. Néanmoins, l’urgence de la situation ne devrait pas conduire à la création d’une coalition irréaliste qui peut se rassembler en temps de guerre, mais éclater en temps de paix.

Le Royaume-Uni, qui a voté pour quitter l’UE, est le plus fervent soutien et fournisseur d’armes européen de l’Ukraine. Il convient de noter que l’adhésion à une union n’est pas la seule façon d’exprimer des valeurs partagées. La confédération voulue par M. Macron devra s’unir dans l’action – les expansions basées sur des projets politiques utopiques s’effondrent vite.

 

* Zaid M. Belbagi est commentateur politique et conseiller auprès de clients privés entre Londres et le Conseil de coopération du Golfe (CCG). Twitter: @Moulay_Zaid

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com