Grogne sociale en Libye sur fond de chaos politique

Des manifestants ont incendié le bâtiment du parlement libyen après des manifestations contre l'échec du gouvernement à Tobrouk, en Libye, le 1er juillet 2022 (Photo, Reuters).
Des manifestants ont incendié le bâtiment du parlement libyen après des manifestations contre l'échec du gouvernement à Tobrouk, en Libye, le 1er juillet 2022 (Photo, Reuters).
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Publié le Dimanche 03 juillet 2022

Grogne sociale en Libye sur fond de chaos politique

  • Les manifestants, dont certains ont brandi le drapeau vert de l'ancien régime de Mouammar Kadhafi, ont crié leur colère contre l'incurie de leurs dirigeants et la détérioration des conditions de vie
  • Des milliers de personnes ont battu le pavé à travers le pays vendredi, de Benghazi (est) à la capitale Tripoli dans l'ouest, en passant par les villes orientales de Tobrouk et al-Baïda

TRIPOLI: Englués dans une impasse politique inextricable, les dirigeants rivaux en Libye se trouvent sous une pression croissante de la rue avec des manifestations à travers le pays provoquées par des coupures d'électricité chroniques en pleine canicule.

Vendredi à Tobrouk, dans l'extrême est du pays, des manifestants ont forcé l'entrée du parlement à l'aide d'un bulldozer avant d'y mettre le feu.

Les manifestants, dont certains ont brandi le drapeau vert de l'ancien régime de Mouammar Kadhafi, ont crié leur colère contre l'incurie de leurs dirigeants et la détérioration des conditions de vie dans un pays pourtant doté des réserves pétrolières les plus abondantes d'Afrique.

Le Parlement est l'un des symboles de la division de la Libye entre un camp basé en Cyrénaïque (Est), dont le chef de file est le maréchal Khalifa Haftar, et un gouvernement basé à Tripoli (ouest), dirigé depuis 2021 par Abdelhamid Dbeibah.

Le camp Haftar appuie un gouvernement rival formé en mars dernier. Ses partisans bloquent depuis mi-avril des installations pétrolières clefs comme moyen de pression pour déloger l'exécutif de Tripoli.

Samedi en soirée, l'autoproclamée Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Haftar a affirmé dans un communiqué "soutenir les revendications de citoyens", tout en appelant les manifestants à "préserver les biens publics".

"Il est clair qu'aucune entité politique ne jouit d'un contrôle légitime sur l'ensemble du pays et tout effort visant à imposer une solution unilatérale se traduira par la violence", a pour sa part estimé l'ambassadeur des Etats-Unis à Tripoli, Richard Norland.

Il a exhorté "les dirigeant libyens et leurs soutiens étrangers à restaurer la confiance des citoyens dans l'avenir du pays".

«Extrêmement pénible»

Samedi, des manifestants ont bloqué des routes dans la cité portuaire de Misrata (ouest), après avoir saccagé et incendié la veille le siège du Conseil municipal, selon un journaliste local.

La nuit tombée, des manifestants se sont rassemblés à plusieurs points de Tripoli, fermant des routes et brûlant des pneus, selon des images diffusées par la presse locale.

La veille, des milliers de personnes ont battu le pavé à travers le pays, de Benghazi (est) à Tripoli, en passant par les villes orientales de Tobrouk et al-Baïda, ainsi qu'à Sebha dans le sud désertique.

"Nous voulons avoir de la lumière", ont scandé les manifestants, en référence aux coupures d'électricité qui durent une douzaine d'heures quotidiennement, voire 18 heures les jours de forte chaleur.

"Depuis plus d'un an, l'écrasante majorité des efforts de diplomatie et de médiation concernant la Libye ont été monopolisés par la notion d'élections, lesquelles n'auront pas lieu avant au moins deux ans, vu l'échec des négociations de Genève jeudi sous les auspices de l'ONU", a expliqué à l'AFP l'analyste Jalel Harchaoui, spécialiste de la Libye.

Or, l'économie "aurait sans doute dû être la véritable priorité absolue de tous", a-t-il estimé. "Sur ce front, l'année 2022 a été extrêmement pénible pour les Libyens, pour plusieurs raisons: la Libye importe presque toute sa nourriture et la guerre en Ukraine a affecté les prix à la consommation, comme dans beaucoup de pays de la région."

Le secteur névralgique de l'énergie, qui du temps de Kadhafi, tué durant la révolte populaire de 2011, permettait de financer un Etat providence, est depuis mi-avril une victime collatérale des divisions politiques, avec une vague de fermetures forcées de sites pétroliers, conséquence d'un bras de fer entre les deux gouvernements rivaux.

«Inacceptable»

La Compagnie nationale de pétrole (NOC) a affirmé jeudi que les blocus pétroliers entraînaient aussi une baisse de la production de gaz nécessaire à l'approvisionnement du réseau électrique.

Depuis la chute de Kadhafi, la Libye a connu une dizaine de gouvernements, plusieurs guerres entre forces rivales et n'est jamais parvenue à organiser une élection présidentielle.

Outre les coupures de courant, les Libyens vivent au rythme des pénuries de liquidités et d'essence. Les infrastructures sont à plat, les services défaillants.

A l'Est comme à l'Ouest, des milices mènent "d'immenses trafics qui provoquent des pénuries graves d'essence pour la population ordinaire. Enfin, il y a la kleptocratie, la corruption systématique à l'Est comme à l'Ouest que les belles voitures et villas des élites rappellent constamment au grand public", a souligné M. Harchaoui.

Pour l'ambassadeur de l'Union européenne en Libye, José Sabadell, les manifestations "confirment que les gens veulent du changement à travers des élections et leur voix doit être entendue".


Le pape appelle à «de nouvelles approches» au Moyen-Orient pour rejeter la violence

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  • Le chef de l'Eglise catholique, qui achève une visite de trois jours au Liban, a également appelé les chrétiens d'Orient, dont la présence diminue du fait des guerres et de l'émigration, à faire preuve de "courage"
  • "Le Moyen-Orient a besoin de nouvelles approches afin de rejeter la mentalité de vengeance et de violence, de surmonter les divisions politiques, sociales et religieuses, et d'ouvrir de nouveaux chapitres au nom de la réconciliation et de la paix"

BEYROUTH: Le pape Léon XIV a appelé mardi, devant 150.000 personnes réunies pour une messe en plein air à Beyrouth, à "de nouvelles approches au Moyen-Orient" meurtri par les conflits, pour y faire prévaloir la paix.

Le chef de l'Eglise catholique, qui achève une visite de trois jours au Liban, a également appelé les chrétiens d'Orient, dont la présence diminue du fait des guerres et de l'émigration, à faire preuve de "courage".

"Le Moyen-Orient a besoin de nouvelles approches afin de rejeter la mentalité de vengeance et de violence, de surmonter les divisions politiques, sociales et religieuses, et d'ouvrir de nouveaux chapitres au nom de la réconciliation et de la paix", a déclaré le souverain pontife.

Affirmant "prier spécialement pour le Liban bien-aimé", il a demandé "à la communauté internationale de ne ménager aucun effort pour promouvoir des processus de dialogue et de réconciliation" dans cette région meurtrie par les conflits.

La visite du chef de l'église catholique a donné un souffle d'espoir au Liban, qui a connu une guerre meurtrière avec Israël il y a un an et craint une nouvelle escalade malgré le cessez-le-feu.

Léon XIV a également appelé les dirigeants "dans tous les pays marqués par la guerre et la violence" à "écouter le cri" des "peuples qui appellent à la paix".

S'adressant aux "chrétiens du Levant, citoyens à part entière de ces terres", le pape leur a dit: "ayez du courage. Toute l'Église vous regarde avec affection et admiration".


Une plainte en France pour «entrave» au travail des reporters à Gaza

Le Syndicat national des journalistes (SNJ) et la Fédération internationale des journalistes (FIJ) ont annoncé mardi porter plainte à Paris pour "entrave à la liberté d'exercer le journalisme", visant les autorités israéliennes pour avoir empêché les reporters français de couvrir la guerre à Gaza. (AFP)
Le Syndicat national des journalistes (SNJ) et la Fédération internationale des journalistes (FIJ) ont annoncé mardi porter plainte à Paris pour "entrave à la liberté d'exercer le journalisme", visant les autorités israéliennes pour avoir empêché les reporters français de couvrir la guerre à Gaza. (AFP)
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  • "Cette plainte est la première déposée à ce jour sur le fondement du délit d'entrave à la liberté d'exercer le journalisme, et la première à inviter le ministère public à se prononcer sur l'application de cette incrimination"
  • "Cette plainte (...) dénonce une entrave concertée, parfois violente, empêchant les journalistes français de travailler dans les Territoires palestiniens et portant atteinte à la liberté de la presse"

PARIS: Le Syndicat national des journalistes (SNJ) et la Fédération internationale des journalistes (FIJ) ont annoncé mardi porter plainte à Paris pour "entrave à la liberté d'exercer le journalisme", visant les autorités israéliennes pour avoir empêché les reporters français de couvrir la guerre à Gaza.

Ces faits pourraient selon ces organisations constituer des "crimes de guerre", pour lesquels le parquet national antiterroriste à Paris peut enquêter, dès lors qu'ils sont commis contre des Français.

"Cette plainte est la première déposée à ce jour sur le fondement du délit d'entrave à la liberté d'exercer le journalisme, et la première à inviter le ministère public à se prononcer sur l'application de cette incrimination dans un contexte international où les atteintes à la liberté de la presse sont devenues structurelles", soulignent les plaignants dans la centaine de pages de leur requête, rendue publique par franceinfo.

"Cette plainte (...) dénonce une entrave concertée, parfois violente, empêchant les journalistes français de travailler dans les Territoires palestiniens et portant atteinte à la liberté de la presse", a commenté Me Louise El Yafi, l'une des avocates à l'origine de la plainte.

Elle "souligne aussi l'insécurité croissante visant les journalistes français en Cisjordanie (...). Ces atteintes, en violation du droit international humanitaire, relèvent également de crimes de guerre", ajoute sa consoeur Me Inès Davau.

Un journaliste français travaillant pour plusieurs rédactions francophones, qui a tenu à garder l'anonymat, porte lui aussi plainte: il dénonce son "agression" par des colons lors d'un reportage dans les territoires occupés.

Reporters sans frontières (RSF) a décompté plus de 210 journalistes tués depuis le début des opérations militaires israéliennes à Gaza, en représailles à l'attaque du 7 octobre 2023 par le mouvement islamiste palestinien Hamas.

Depuis le début de la guerre, les autorités israéliennes ont empêché les journalistes de médias étrangers d'entrer de manière indépendante à Gaza, autorisant seulement au cas par cas une poignée de reporters à accompagner leurs troupes.

En France, plusieurs plaintes ont été déposées en lien avec le conflit. Elles visent notamment des soldats franco-israéliens d'une unité d'élite de l'armée israélienne, l'entreprise française d'armement Eurolinks ou encore des Franco-Israéliens qui se rendraient complices du crime de colonisation.

Suite à une plainte, le parquet national antiterroriste a aussi demandé à un juge d'instruction parisien d'enquêter pour "crimes de guerre" dans le dossier de la mort de deux enfants français dans un bombardement israélien à Gaza en octobre 2023.


Trump avertit Israël de ne pas «interférer» avec la Syrie

Une incursion vendredi des forces israéliennes dans un village du sud de la Syrie avait fait 13 morts, selon Damas, tandis que l'armée israélienne a affirmé avoir visé un groupe islamiste. (AFP)
Une incursion vendredi des forces israéliennes dans un village du sud de la Syrie avait fait 13 morts, selon Damas, tandis que l'armée israélienne a affirmé avoir visé un groupe islamiste. (AFP)
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  • Le président américain a échangé au téléphone avec Benjamin Netanyahu et l'a de nouveau invité à la Maison Blanche, ont affirmé les services du Premier ministre israélien peu après l'avertissement lancé par Donald Trump
  • "Il est très important qu'Israël maintienne un dialogue fort et véritable avec la Syrie, que rien ne vienne interférer avec l'évolution de la Syrie en un Etat prospère"

WASHINGTON: Donald Trump a mis en garde Israël lundi contre toute ingérence en Syrie qui risquerait de compromettre la transition du pays arabe en "Etat prospère", après une incursion vendredi de forces israéliennes dans le sud de la Syrie.

Le président américain a échangé au téléphone avec Benjamin Netanyahu et l'a de nouveau invité à la Maison Blanche, ont affirmé les services du Premier ministre israélien peu après l'avertissement lancé par Donald Trump.

"Il est très important qu'Israël maintienne un dialogue fort et véritable avec la Syrie, que rien ne vienne interférer avec l'évolution de la Syrie en un Etat prospère", a déclaré le président américain sur sa plateforme Truth Social, affirmant que les Etats-Unis étaient "très satisfaits des résultats affichés" par Damas.

Une incursion vendredi des forces israéliennes dans un village du sud de la Syrie avait fait 13 morts, selon Damas, tandis que l'armée israélienne a affirmé avoir visé un groupe islamiste.

Depuis la chute il y a près d'un an du président Bachar al-Assad, renversé par une coalition islamiste, Israël a mené des centaines de frappes et conduit des incursions en Syrie. L'opération de vendredi est la plus meurtrière de celles-ci et le ministère syrien des Affaires étrangères a dénoncé un "crime de guerre".

Donald Trump avait reçu début novembre à la Maison Blanche le nouveau chef d'Etat syrien, Ahmad al-Chareh, pour une visite cordiale, au cours de laquelle l'ancien jihadiste avait annoncé que son pays rejoindrait la coalition internationale contre le groupe Etat islamique (EI). Le président américain, qui a levé les sanctions contre Damas, pousse également pour qu'un accord de sécurité soit conclu entre Israël et la Syrie.

"Le nouveau président de la Syrie, Ahmad al-Chareh, travaille de manière assidue pour s'assurer que des bonnes choses arrivent et que la Syrie et Israël aient à l'avenir une relation longue et prospère ensemble", a déclaré lundi Donald Trump dans son post sur Truth Social.

"C'est une opportunité historique, et elle s'ajoute au SUCCÈS, déjà atteint, pour la PAIX AU MOYEN-ORIENT", a-t-il affirmé.

Invitation 

Lors de leur échange par téléphone lundi, Benjamin Netanyahu et Donald Trump ont évoqué un "élargissement" des accords de paix régionaux, selon un communiqué des services du Premier ministre israélien publié dans la foulée du post de Donald Trump.

"Trump a invité le Premier ministre Netanyahu à une rencontre à la Maison Blanche dans un avenir proche", ont-ils ajouté.

Benjamin Netanyahu a déjà effectué davantage de visites auprès de Donald Trump que n'importe quel autre dirigeant étranger depuis le retour du républicain au pouvoir.

"Les deux dirigeants ont souligné l'importance et le devoir de désarmer le Hamas et de démilitariser la bande de Gaza", précise le communiqué.

Depuis la chute de Bachar al-Assad, Israël a déployé des troupes dans la zone démilitarisée sur le plateau du Golan, au-delà de la ligne de démarcation entre la partie de ce territoire syrien annexée unilatéralement par Israël en 1981 et le reste de la Syrie.

Israël attache une "importance immense" à sa présence militaire dans la zone tampon en Syrie, avait déclaré le 19 novembre son Premier ministre, Benjamin Netanyahu, lors d'une visite à des soldats israéliens déployés dans cette zone censée être sous le contrôle de l'ONU.

Cette visite avait été dénoncée par Damas et par l'ONU.

Pendant l'été, des contacts de haut niveau entre responsables israéliens et syriens ont eu lieu, avec l'aide de Paris et Washington, les deux parties indiquant vouloir parvenir à un accord de sécurité.

Mais Benjamin Netanyahu exige pour cela une démilitarisation de toute la partie du territoire syrien courant du sud de Damas jusqu'à la ligne de démarcation de 1974, instituée après la guerre israélo-arabe de 1973.