Quelle est la véritable position du Guide suprême Khamenei vis-à-vis de l’accord sur le nucléaire iranien?

L’ayatollah Ali Khamenei a déclaré en janvier que le fait pour l’Iran de négocier un accord sur le nucléaire ne signifie en aucun cas se rendre à l’ennemi (Photo, AFP).
L’ayatollah Ali Khamenei a déclaré en janvier que le fait pour l’Iran de négocier un accord sur le nucléaire ne signifie en aucun cas se rendre à l’ennemi (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 19 septembre 2022

Quelle est la véritable position du Guide suprême Khamenei vis-à-vis de l’accord sur le nucléaire iranien?

Quelle est la véritable position du Guide suprême Khamenei vis-à-vis de l’accord sur le nucléaire iranien?
  • Du point de vue du Guide suprême, le fait de battre en retraite et de faire des concessions est synonyme de faiblesse et d’humiliation
  • Le chef de l’AIEA, Rafael Grossi, a demandé à plusieurs reprises à Téhéran d’expliquer pourquoi des traces d’uranium enrichi ont été trouvées sur plusieurs sites nucléaires non déclarés

Le Guide suprême de l’Iran, Ali Khamenei, garde le silence depuis des mois sur un éventuel nouvel accord nucléaire, mais son silence ne signifie pas qu’il a complètement délégué la question nucléaire au président, Ebrahim Raïssi, et à son équipe.

Lors d’une récente réunion, en présence de M. Raïssi et de ses ministres, le chef religieux a fait l’éloge du président sur les questions intérieures, malgré les nombreuses critiques contre sa mauvaise gestion de l’économie par les extrémistes, les modérés et l’écrasante majorité du peuple iranien. L’ayatollah n’a cependant fait aucun commentaire concernant l’accord nucléaire.

C’est néanmoins le Guide suprême qui prend la décision finale lorsqu’il est question des principales politiques de l’Iran à l’échelle régionale, nationale et mondiale. Une analyse de ses trois décennies au pouvoir montre un dirigeant autocratique qui dicte des politiques dans les coulisses. Aucun accord ou négociation ne peut être scellé sans sa bénédiction.

La principale raison derrière sa décision de ne pas rendre publique sa position sur l’accord nucléaire est de se dérober à ses responsabilités en cas d’échec à l’avenir. À titre d’exemple, en 2015, il a refusé de déclarer publiquement qu’il était en faveur du Plan d’action global conjoint (PAGC), mis en place par l’ancien président, Hassan Rohani, et les puissances mondiales P5+1 (composé des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des nations unies + l’Allemagne). À l’époque, M. Rohani et son équipe ont tenté d’envoyer un projet de loi ratifiant l’accord nucléaire au Conseil suprême de sécurité nationale iranien, mais le Guide suprême Khamenei l’a astucieusement dirigé vers le Parlement. Si le projet de loi était passé par le Conseil suprême de la sécurité nationale, il aurait alors fallu l’approbation publique du Guide suprême – ce qu’il voulait éviter. Lorsque l’accord sur le nucléaire a échoué, le chef religieux a rejeté la faute sur l’administration Rohani.

Deuxièmement, puisque du point de vue du Guide suprême, le fait de battre en retraite et de faire des concessions est synonyme de faiblesse et d’humiliation, rendre sa position publique mettrait son autorité en danger. Après tout, le régime iranien est déjà revenu sur certaines de ses exigences, qui étaient censées être des «lignes rouges». Le retrait du Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) d’Iran de la liste américaine des organisations terroristes étrangères comme condition pour la relance de l’accord sur le nucléaire était très probablement l’une des principales demandes du chef religieux, car il a considérablement renforcé et enhardi le CGRI et sa force d’élite Al-Qods au cours des trois dernières décennies.

«La principale raison derrière sa décision de ne pas rendre publique sa position sur l’accord nucléaire est de se dérober à ses responsabilités en cas d’échec à l’avenir.» - Dr Majid Rafizadeh

Mais après que l’administration Biden a clairement fait savoir à la République islamique qu’elle ne donnerait pas suite à cette demande, le régime théocratique a soudain battu en retraite, ce qui est, pour lui, un signe d’humiliation. Le président américain, Joe Biden, a pris la décision finale de maintenir le CGRI sur la liste des terroristes le mois dernier. Un haut responsable de l’administration a déclaré à CNN: «Le président est ferme dans sa décision de garder le CGRI sur la liste des terroristes.» Il a ajouté: «Dans la version actuelle de l’accord, ils laissent tomber cette demande. C’est pour cette raison que nous sommes plus proches d’un accord.» Pour sauver les apparences, le régime iranien a faussement prétendu qu’il n’avait même jamais fait la demande.

Le Guide suprême formule de nombreuses demandes dans le but d’obtenir le plus de concessions possible.

L’une des nouvelles exigences de la République islamique est de mettre fin aux enquêtes menées par l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) sur les sites nucléaires non déclarés et les activités passées de l’Iran. Si le régime n’a rien à cacher, pourquoi tient-il à ce que l’enquête de l’AIEA prenne fin?

Le chef de l’AIEA, Rafael Grossi, a demandé à plusieurs reprises à Téhéran d’expliquer pourquoi des traces d’uranium enrichi ont été trouvées sur plusieurs sites nucléaires non déclarés. Il a déclaré le mois dernier: «Nous voulons pouvoir clarifier ces choses. Jusqu’à présent, l’Iran ne nous a pas donné les explications techniquement crédibles dont nous avons besoin pour expliquer l’origine de nombreuses traces d’uranium, ainsi que la présence d’équipements par endroits. Cette idée que, politiquement, nous allons arrêter de faire notre travail est inacceptable pour nous.»

Il convient de noter que le régime iranien avait auparavant gardé le secret concernant certaines de ses activités liées au nucléaire – comme à Arak et Natanz, qui ont été révélées en 2002 – en violation du traité de non-prolifération, duquel il fait partie, et des règles de l’AIEA.

En bref, il semble que le Guide suprême Khamenei, qui n’a pas publiquement fait part de sa position, souhaite établir un nouvel accord sur le nucléaire, mais il tente d’extorquer autant de concessions que possible à l’Occident.

 

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard. Twitter: @Dr_Rafizadeh

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com