L'espoir et la peur règnent en Turquie à la suite du séisme dévastateur

Des bénévoles déblayent les décombres à Izmir. (AFP)
Des bénévoles déblayent les décombres à Izmir. (AFP)
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Publié le Samedi 07 novembre 2020

L'espoir et la peur règnent en Turquie à la suite du séisme dévastateur

L'espoir et la peur règnent en Turquie à la suite du séisme dévastateur
  • Le séisme de magnitude 7,0, qui a été ressenti jusqu'à Athènes et Istanbul, a été suivi d'un tsunami qui a partiellement balayé plusieurs villes de la côte de la mer Égée
  • La catastrophe d'Izmir a ravivé les craintes d'un grand tremblement de terre à Istanbul ou ailleurs

Le séisme meurtrier qui a frappé vendredi dernier Izmir, la troisième ville de Turquie, a imprimé des images inoubliables dans l'esprit de nombreuses personnes. Cette catastrophe a fait plus de 100 morts et plus de 1 000 blessés. Le séisme de magnitude 7,0, qui a été ressenti jusqu'à Athènes et Istanbul, a été suivi d'un tsunami qui a partiellement balayé plusieurs villes de la côte de la mer Égée. Dix-sept bâtiments au moins se sont effondrés.

Pourtant, au bout de deux jours, alors que s'évanouissait tout espoir de retrouver d'autres survivants dans les décombres, deux petites mains ont été aperçues. Elles faisaient des signes à partir des débris, ce qui nous fait peut-être croire aux miracles. Ainsi, soixante-cinq heures après le tremblement de terre, Elif, une fillette de trois ans, est devenue la 106e  personne à être sauvée. La photo inouïe de ses petits doigts serrés contre la main d'un secouriste a ému bien des gens - moi y comprise - qui ne l'oublieront jamais.

Ce sauveteur, qui berçait Elif et embrassait ses joues maculées de larmes, a dit : « C'était un grand cadeau pour nous tous ». Dans un message posté sur Twitter, le ministre turc de la Santé, Fahrettin Koca, a salué les équipes de sauvetage, en déclarant que « le sauvetage d'Elif nous a donné de l'espoir et du courage dans notre lutte pour préserver les vies des gens. Une fois de plus, la vie gagne ».

En effet, Elif a donné à toute la Turquie une lueur d'espoir impliquant qu'au bout de trois jours, d'autres personnes pourraient encore être en vie. En effet, il y en avait. Une fillette de quatre ans a été retirée des décombres, vivante, 91 heures après le séisme. Ayda, aux beaux yeux verts, a perdu sa mère dans le tremblement de terre. Son père, lui, a été sauvé la veille. « Un miracle qui s'appelle Ayda », a dit le président turc Recep Tayyip Erdogan dans un message posté sur son compte Twitter. « Dieu merci, tes yeux souriants nous offrent un nouvel espoir après 91 heures».

L'homme qui a sauvé Ayda raconte avoir lui-même un enfant, du même âge. Comme bien d'autres secouristes héroïques, il est venu de la ville d'Anatolie orientale à Izmir pour se joindre aux opérations de secours aux habitants de la ville et les aider à surmonter leur douleur. Les photos de ces deux survivantes, Ayda et Elif, petites mais puissantes, ont fait la une des journaux. Sur les médias sociaux, les gens ont partagé ces images avec le hashtag #HalaUmutVar, qui signifie « Il reste de l'espoir ».Les tremblements de terre se produisent fréquemment en Turquie, qui se situe sur des lignes de faille actives et qui est l'une des zones les plus actives sur le plan sismique au monde. Malheureusement, les tremblements de terre font partie de la vie dans ce pays qui a subi des secousses dévastatrices dans le passé. Des études ont montré que plus de 95 % du pays est menace par des tremblements de terre. Ils peuvent se produire à tout moment, souvent dans des zones très peuplées. La catastrophe d'Izmir a ravivé les craintes d'un grand tremblement de terre à Istanbul ou ailleurs.

Je me souviens bien du tremblement de terre qui a frappé la région de Marmara en 1999, au cours duquel environ 17 000 personnes ont péri. C'était un drame qui restera toujours ancré dans ma mémoire, comme pour beaucoup de personnes en Turquie. Je visitais le pays avec ma famille pendant les vacances d'été et j'étais à Bursa, une ville proche d'Istanbul, lorsque le tremblement de terre a frappé. Nous avions dû dormir dans les rues pendant des jours. Certains dormaient dans des tentes.

En ce temps-là, il n'y avait pas de médias sociaux pour informer les gens de ce qui se passait. C'était peut-être une bonne chose. En effet, ne soyez pas surpris d'apprendre qu'au lendemain de la tragédie d'Izmir, les médias sociaux en Turquie sont à nouveau polarisés par des débats féroces entre conservateurs et laïcs. Certains extrémistes disent qu'Izmir est une ville de non-croyants et que ses habitants sont ainsi « punis » par le tremblement de terre. Ceux qui partageaient ces opinions ont été arrêtés, selon le ministère de l'Intérieur.

D'autres personnes ont critiqué les autorités et ont exigé de savoir où était passé tout l'argent collecté par les impôts nationaux pour les tremblements de terre, qui ont été introduits à la suite du séisme de 1999 et qui sont censés financer les mesures de protection contre les tremblements de terre.

Il faut tirer les leçons de ces tragédies si l'on veut éviter que des tragédies encore plus sinistres ne se reproduisent à l'avenir

Sinem Cengiz

Entre-temps, neuf personnes en rapport avec l'effondrement de bâtiments ont été détenues, selon le bureau du procureur général d'Izmir. Cette décision est justifiée et appréciée et devrait servir d'exemple aux autres. En outre, le Parlement turc a adopté mardi une motion visant à former une commission d'enquête, après avoir accepté la proposition faite par cinq partis politiques de mettre en œuvre des mesures destinées à prévenir les dommages causés par les séismes. Au cours d'une réunion du Conseil consultatif du Parlement, les vice-présidents des partis politiques ont convenu que les motions seront réunies et discutées. Cette décision intervient après que les partis d'opposition ont dénoncé le rejet par le parti au pouvoir, au cours des années précédentes, de plusieurs propositions de motions visant à discuter des mesures de protection contre les tremblements de terre. Il faut tirer les leçons de ces tragédies si l'on veut éviter que des tragédies encore plus sinistres ne se reproduisent à l'avenir. Nous avons le pouvoir d'empêcher que cela ne se reproduise.

Sinem Cengiz est une analyste politique turque spécialisée dans les relations de la Turquie avec le Moyen-Orient. Twitter : @SinemCngz

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un texte paru sur Arabnews.com.